21 novembre 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/11047

Pôle 6 - Chambre 3

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 21 Novembre 2017

(n° ,5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/11047



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Juillet 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° F13/01373





APPELANTE

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 702 01 2 9 56

représentée par Me Cécile CAPSAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R109







INTIME

Monsieur [T] [Q]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Edwige TEIRA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0328





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 octobre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre, chargé du rapport.



Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré



Greffier : Madame Christelle RIBEIRO, lors des débats



ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Christelle RIBEIRO, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire




















Exposé du litige



Monsieur [T] [Q] a été embauché par la société MAP, filiale du Groupe ALTRAN, à compter du 5 janvier 2006. Le 1er janvier 2009, le contrat de travail a été transféré au sein de la société ALTRAN CIS. Le salarié occupait en dernier lieu un poste de Consultant (statut Cadre, Position 2.2., Coefficient 130) au salaire moyen mensuel brut de 3.201,44 euros. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 8 novembre 2012.énonçant le motif suivant : '...L'après-midi du jeudi 25 octobre 2012, nous avons constaté que vous aviez appelé pendant plusieurs heures des membres de votre famille au Maroc à partir d'un téléphone situé dans la salle commune des inter-contrats...'.



Les deux parties ont signé un accord transactionnel le 12 décembre 2012 aux termes duquel le salarié renonçait à contester son licenciement en contrepartie du versement d'une somme forfaitaire brute de 43.478 euros.



Par jugement du 7 juillet 2016 , le Conseil de prud'hommes de PARIS a annulé la transaction du 12 décembre 2012, a rejeté l'exception d'irrecevabilité des demandes et a dit que le licenciement de Monsieur [Q] est nul.

En outre, le jugement a condamné la société Altran Technologies à payer à Monsieur [Q] les sommes suivantes :

- 115.251,72 euros pour le rappel de salaire sur la période de protection

- 6.225,00 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 9.604,32 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 960,43 euros au titre d'indemnité de congés payés sur préavis

- 19.208,00 euros au titre d'indemnité pour licenciement illicite

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile



Par ailleurs, le jugement ordonne le remboursement par Monsieur [Q] des sommes versées par la société Altran Technologies dans la transaction soit la somme de 43.478 euros,

Enfin, elle ordonne l'exécution provisoire sur l'ensemble des demandes.



La société Altran Technologies en a relevé appel.




Par conclusions récapitulatives du 11 octobre 2016 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Altran Technologies demande à la cour d'infirmer le jugement et d'ordonner le remboursement des sommes versées en exécution du jugement attaqué.

En tout état de cause, il est demandé de condamner Monsieur [Q] à verser à ALTRAN TECHNOLOGIES la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par conclusions récapitulatives du 6 décembre 2016, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [Q] demande de confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celle concernant la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il est demandé de porter cette condamnation à la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.














MOTIFS



Sur le désistement d'instance et d'action et le principe d'unicité d'instance invoqués par la société ALTRAN



Il résulte des pièces versées au débat que, le 12 décembre 2012, une transaction a été signée entre Monsieur [Q] et son employeur, la société ALTRAN CONSULTING et INFORMATION SERVICES. Cette transaction évoque une procédure de licenciement et expose les faits reprochés au salarié, à savoir des appels téléphoniques pendant plusieurs heures à des membres de sa famille au Maroc à partir d'un téléphone situé dans la salle commune des inter-contrats.

Aux termes de la transaction, la société accorde la somme de 43 478 € au salarié et, de son côté, Monsieur [Q] 'accepte de na pas donner suite à ses contestations, tant sur les motifs que sur la procédure ayant conduit à la rupture du contrat de travail'.

En point 2.3 de la transaction, le salarié déclare renoncer à toute instance et action de quelque nature que ce soit à l'encontre de la société ou de toute autre société du Groupe et se désiste en tant que de besoin de toute instance et action née ou à naître, tant de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail et notamment de l'affaire actuellement enregistrée devant le Conseil de prud'hommes de PARIS sous le RG F10/16783.



Par ailleurs, la société verse au débat la copie courrier daté du 13 décembre 2012 que Monsieur [Q] a adressé au Conseil de prud'hommes de PARIS aux termes duquel l'intéressé indique qu'une transaction est intervenue avec son employeur, la société ALTRAN CIS, et demande au conseil de prud'hommes de bien vouloir enregistrer son désistement d'instance et d'action (en mentionnant la référence RG 10/16783). Le conseil de prud'hommes de PARIS a alors rendu une décision de désistement le 7 mars 2013.



Monsieur [Q] avait cependant initié une autre procédure en saisissant le conseil de prud'hommes de PARIS le 6 février 2013 aux fins d'obtenir cette fois la nullité de son licenciement, la saisine antérieure ayant un autre objet.



La société ALTRAN fait valoir la transaction intervenue et le désistement d'action tout en invoquant le principe de l'unicité d'instance tel qu'il reste applicable dans le cadre de la présente affaire, en rappelant que Monsieur [Q] avait déjà saisi le Conseil de prud'hommes de PARIS sous le n° RG F10/16783 et en soutenant que les demandes de Monsieur [Q] sont irrecevables.



Aux termes de l'article R1452-6, qui a été abrogé au 1er août 2016, mais qui reste applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes avant le 1er août 2016, ce qui est le cas en l'espèce, ' Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance.

Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes'.



En l'espèce, Monsieur [Q] avait effectivement saisi le Conseil de Prud'hommes en 2010 de demandes de rappel de salaire et de congés payés. Cette affaire restait pendante devant le bureau de jugement au moment de son licenciement.



Cependant, le fondement des prétentions de Monsieur [Q] dans la présente instance est lié à son licenciement et à son statut de salarié protégé. Or à la date de la 1ère saisine, le salarié n'était ni protégé, ni encore licencié. Monsieur [Q] ne bénéficiait, d'une protection que depuis le 22 août 2012, liée à sa désignation comme représentant de la section syndicale CFTC pour l'établissement ALTRAN CIS, et son licenciement lui a été notifié le 8 novembre 2012. De plus, la première instance n'a pas fait l'objet d'une décision sur le fond du litige, mais d'une décision de désistement. Enfin, le salarié est recevable à demander l'annulation d'une transaction qui avait mis fin à une précédente instance.



Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu en l'espèce d'opposer à Monsieur [Q] la règle de l'unicité d'instance, et c'est à juste titre que la formation de départage de la juridiction prud'homale s'est prononcée sur la nullité du licenciement et les conséquences qui en découlent.



Sur la nullité du licenciement et de la transaction signée entre les parties



En l'espèce, par décision du 22 août 2012 du Président du Syndicat National CFTC de l'Ingéniérie, du Conseil, des services et technologies de l'information, (SICSTI-CFTC), Monsieur [Q] a été régulièrement désigné représentant de section syndicale pour l'établissement ALTRAN CIS conformément aux dispositions de l'article L2142-1-1 du code du travail. L'employeur a été informé de cette désignation par courrier électronique et par lettre recommandée avec accusé de réception le 22 août 2012. Il n'a formulé aucune contestation. Le mandat du représentant de la section syndicale restait valable jusqu'aux premières élections professionnelles qui suivent sa désignation, soit jusqu'en novembre 2015.



En sa qualité de délégué de représentant de la section syndicale, Monsieur [Q] bénéficiait d'une protection identique à celle des délégués syndicaux sont applicables au représentant de la section syndicale.

Dès lors, par application de l'article L2411-3 du contrat de travail, le licenciement de l'intéressé ne pouvait intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.

Cette autorisation est en effet requise et subsiste durant les douze mois suivant la date de cessation des fonctions, si le représentant les a exercé pendant au moins un an.



En l'espèce, en violation des dispositions impératives du code du travail à cet égard, la société ALTRAN CIS n'a pas sollicité l'autorisation de l'inspecteur du travail pour procéder au licenciement de Monsieur [Q] et n'a pas dénoncé la mise à pied notifiée au salarié à l'inspection du travail.



Il s'ensuit que le licenciement de Monsieur [Q], intervenu sans respect de la procédure spécifique liée à son statut, est sanctionné par la nullité. La transaction qui fait suite à ce licenciement nul encourt par voie de conséquence la nullité.



Au titre de la méconnaissance de son statut protecteur, Monsieur [Q] doit percevoir une indemnité équivalente au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir entre la date de son éviction et la fin de sa période de protection.



Conformément aux dispositions de l'article L 2142-1-1 alinéa 3 du code du travail, le mandat du représentant de la section syndicale reste valable jusqu'aux premières élections professionnelles qui suivent sa désignation.



En l'espèce, ces élections sont intervenues en novembre 2015.



En conséquence, Monsieur [Q], qui ne demandait pas sa réintégration au sein de l'entreprise est en droit de percevoir la somme de 115 251,72 euros correspondant à son salaire du mois de novembre 2012 jusqu'au mois de novembre 2015, fin de son mandat.



En conséquence, le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc confirmé, infirmé sur ce point.



Par ailleurs, Monsieur [Q] a droit à des dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison du licenciement illicite ainsi qu'à une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis, le salarié n'ayant pu effectuer son préavis et ayant été mis à pied.



Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [Q], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, le conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, a fait une juste appréciation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail.



Il convient aussi de confirmer la condamnation de la société ALTRAN à verser à Monsieur [Q] les sommes suivantes dont le montant n'est pas contesté par la société ALTRAN et qui sont justifiées au vu des pièces versées aux débats :

- 6.225,00 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 9.604,32 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 960,43 euros au titre d'indemnité de congés payés sur préavis



Sur la demande de remboursement de la somme versée au titre de la transaction frappée de nullité



Au vu des éléments versés au débat et, consécutivement à l'annulation de la transaction, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il ordonne le remboursement par Monsieur [Q] des sommes versées par la société Altran Technologies dans la transaction, soit la somme de 43.478 euros.







PAR CES MOTIFS



CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Vu l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer à Monsieur [Q] en cause d'appel la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;



LAISSE les dépens à la charge de la société ALTRAN TECHNOLOGIES.





Le GreffierLe Président

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