12 décembre 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/03473

Pôle 5 - Chambre 1

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2017



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03473



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/16210





APPELANTE



SAS COMPAGNIE GENERALE DE DIETETIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 733 820 351 (CAEN)



représentée par Me Samuel CHEVRET de la SELARL MEZERAC - CHEVRET & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729

assistée Julie GRINGORE, avocat au barreau de CAEN, substituant Me Samuel CHEVRET de la SELARL MEZERAC - CHEVRET & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0729





INTIMEE



SOCIÉTÉ CLAVIS SRL de droit italien

prise en la personne de ses représentants légaux



[Adresse 2]

[Adresse 2])



représentée par Me Sadreddine RACHID de l'ASSOCIATION L & P ASSOCIATION D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R241

assistée Me Marie- Hélène FABIANI, avocat au barreau de PARIS, toque : R241









COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. David PEYRON, Président de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère

M. François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré



Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.



Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON.





ARRÊT :



- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par M. David PEYRON, président et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier présent lors du prononcé.






***





EXPOSE DES FAITS







La société COMPAGNIE GENERALE DE DIETETIQUE (ci-dessous, la société CGD) indique être une PME spécialisée depuis 1973 dans le domaine des compléments alimentaires et des produits diététiques qu'elle fabrique et commercialise en France et à l'étranger.



Elle revendique avoir élaboré un complément alimentaire aux effets bénéfiques pour la mémoire, la concentration et l'équilibre psycho-émotionnel qu'elle a dénommé GARUM ARMORICUM, qu'elle commercialise depuis 1983 dans plus de 20 pays sous la marque ombrelle STABILIUM 200 qui constitue son produit phare, à laquelle est associée la marque GARUM ARMORICUM et/ou la marque GARUM.



Elle a déposé :

- la marque française GARUM ARMORICUM, le 11 décembre 1986 sous le numéro 1384517 en classes 3, 5 et 29,

- la marque française GARUM le 30 octobre 1991, sous le numéro 1703642 en classes 5 et 29,

- le 31 octobre 2003, les deux marques communautaires GARUM ARMORICUM sous le numéro 3497484 en classes 3, 5 et 29, et GARUM sous le numéro 3501939 en classes 5 et 29.



Elle déclare avoir constaté en 2009 l'utilisation de ses marques Garum et Garum Armoricum sur les sites internet www.clavisharmoniae.fr et www.clavisharmoniae.com exploités par la société CLAVIS.

La société CGD a fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier le 2 juillet 2009 et a adressé le 20 avril 2010 une lettre de mise en demeure à la société CLAVIS.

Après avoir adressé des courriers les 17 février et 14 mars 2011 au conseil de la société CLAVIS, la société CGD a fait dresser un nouveau procès-verbal de constat sur internet le 7 avril 2011, puis deux procès-verbaux de constat d'achat les 11 et 19 avril 2011.



La société italienne CLAVIS a pour principale activité la fabrication et la commercialisation de produits naturels et compléments alimentaires.

Elle expose proposer ses produits sous la marque Clavis et avoir commercialisé et créé, en 2009, un complément alimentaire dénommé CLAVIS HARMONIAE, destiné à atténuer les effets du stress et du surmenage, et à lutter contre la fatigue intellectuelle. Elle déclare que ce produit contient du magnésium, et en l'espèce du 'garum armoricum' ou 'garum sociorum exquisitus', soit le nom latin d'un extrait de viscères de poisson hydrolisé par autolyse (autolysat), puis séché.



Par acte du 26 octobre 2011, la société CGD a assigné la société CLAVIS aux fins d'obtenir la cessation des faits allégués de contrefaçon de ses marques et la réparation de son préjudice.

En défense, la société Clavis a demandé la nullité des marques françaises et communautaires 'Garum Armoricum' et 'Garum' pour absence de caractère distinctif.



Par jugement du 6 mars 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

- ordonné la nullité de la marque française GARUM ARMORICUM numéro 1384517 déposée le 11 décembre 1986 et de la marque communautaire GARUM ARMORICUM numéro 003497484 déposée le 31 octobre 2003 pour les classes 3, 5 et 29,

- ordonné la nullité de la marque française GARUM numéro 1703642 déposée le 30 octobre 1991 et de la marque communautaire GARUM numéro 00351939 déposée le 31 octobre 2003 pour les classes 5 et 29,

- ordonné l'inscription du jugement au registre de l'INPI et au registre de l'OHMI,

- dit la société CLAVIS responsable d'actes de parasitisme à l'égard de la société CGD,

- condamné la société CLAVIS à payer à la société CGD la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice causé par le parasitisme,

- débouté la société CLAVIS [en fait la société CGD] de ses demandes fondées sur les pratiques commerciales trompeuses de la CGD [en fait la société CLAVIS, le tribunal ayant fait une erreur matérielle],

- rejeté la demande de publication du jugement,

- condamné la société CLAVIS à payer à la société CGD la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société CLAVIS aux entiers dépens.



La société CGD a fait appel de cette décision.




Par conclusions du 19 juin 2017, elle demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la société CGD en date du 8 février 2016 à l'encontre du jugement rendu 06 mars 2014 par la 3ème chambre du tribunal de grande instance de Paris ;

- déclarer irrecevables et infondées les demandes reconventionnelles de la société CLAVIS;

En conséquence :

- infirmer le jugement du 6 mars 2014 rendu par la 3ème chambre du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :

. ordonné la nullité de la marque française GARUM ARMORICUM numéro 1384517 déposée le 11 décembre 1986 et de la marque communautaire GARUM ARMORICUM numéro 003497484 déposée le 31 octobre 2003 pour les produits des classes 3, 5 et 29 ;

. ordonné la nullité de la marque française GARUM numéro 1703642 déposée le 30 octobre 1991 et de la marque communautaire GARUM numéro 00351939 déposée le 31 octobre 2003 pour les produits des classes 5 et 29 ;

. débouté la société CLAVIS de ses demandes fondées sur les pratiques commerciales trompeuses de la CGD ;

. rejeté la demande de publication du jugement ;

Et statuant à nouveau :

- juger que les marques françaises et communautaires GARUM ARMORICUM numéros 1384517 et 003497484 et GARUM numéros 1703642 et 00351939 de la société CGD sont distinctives et donc valables ;

- juger que les marques GARUM ARMORICUM numéros 1384517 et 003497484 et GARUM numéros 1703642 et 00351939 sont exploitées par la société CGD et qu'en conséquence elles n'encourent pas la déchéance ;

- juger que la société CLAVIS a commis des actes de contrefaçon des marques GARUM et GARUM ARMORICUM au préjudice de la société CGD ;

- juger que la société CLAVIS a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires, et a eu des pratiques commerciales trompeuses ;

En conséquence :

- interdire à la société CLAVIS toute utilisation des signes GARUM ARMORICUM et GARUM et/ou signe identique ou similaire à ces marques sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne, et ce sous astreinte de 10.000 euros par infraction et par jour de retard à compter de l'arrêt à venir ;

- ordonner la destruction de tous emballages et documents contrefaisants aux frais exclusifs de la société CLAVIS ;

- condamner la société CLAVIS à verser à la société CGD la somme de 200.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;

- interdire à la société CLAVIS toute utilisation des données, études, articles, présentations relatifs aux produits de la société CGD ou qui sont similaires à ceux-ci sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne, et sous astreinte de 10.000 euros par infraction et par jour de retard à compter de l'arrêt à venir ;

- condamner la société CLAVIS à verser à la société CGD une somme de 200.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, parasitisme et des pratiques commerciales trompeuses ;

- ordonner la publication de la décision à venir dans son intégralité sur la première page des sites internet www.clavisharmoniae.fr et www.clavisharmoniae.com pendant une durée de six mois, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction et par jour de retard, à compter de la signification de la décision ;

- ordonner la publication de la décision à intervenir, dans 5 publications au choix de la demanderesse y compris des publications étrangères et aux frais avancés et exclusifs de la société CLAVIS, le coût de chaque publication ne pouvant excéder la somme de 5.000 euros H.T;

- juger que la cour d'appel de céans sera compétente pour ordonner la liquidation des astreintes qu'elle aura prononcées ;

- confirmer le jugement du 6 mars 2014 en ce qu'il a :

. dit que la société CLAVIS est responsable d'actes de parasitisme à l'égard de la société CGD ;

. condamné la société CLAVIS à payer à la société CGD la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

. condamné la société CLAVIS aux entiers dépens ;

En tout état de cause :

- débouter la société CLAVIS de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, tant irrecevables qu'infondées ;

- condamner la société CLAVIS à verser à la société CGD la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société CLAVIS aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Par conclusions du 19 juin 2017, la société Clavis demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de PARIS du 6 mars 2014 en ce qu'il a:

. ordonné la nullité de la marque française "Garum Armoricum" numéro 1384517 déposée le 11 décembre 1986 et de la marque communautaire "Garum Armoricum" numéro 003497484 déposée le 31-10-2003 pour les classes 3, 5 et 29

. ordonné la nullité de la Marque française "Garum" numéro 1703642 déposée le 30 octobre 1991 et de la Marque communautaire "Garum" numéro 00351939 déposée le 31-10-2003 pour les classes 5 et 29 »,

- l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau :

- juger que la société CLAVIS n'a commis aucun acte de parasitisme à l'égard de la société CGD;

- débouter en conséquence la société CGD de la totalité de ses demandes indemnitaires en ce qu'elles sont totalement mal fondées,

Subsidiairement, à titre reconventionnel.

- juger que les marques françaises n°1384517 et n°1703642, ainsi que les marques communautaires n. 3497484 et n. 3501939 de la société CGD seront annulées pour les produits respectifs cités, en application des dispositions de l'article 52, paragraphe 1, point a), l'article 52, paragraphe 3 et l'article 7, paragraphe 1, points b) e c) RMC et des articles L. 711-2 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle,

Plus subsidiairement,

- déclarer la déchéance des marques françaises n°1384517 et n°1703642, de la société CGD pour défaut d'exploitation pour les produits respectifs cités, en application des dispositions de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle,

- juger que la décision d'annulation ou de déchéance de ces marques sera portée au Registre National des Marques ainsi qu'au Registre des marques communautaires,

En tout état de cause,

- débouter la société CGD de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société CGD à verser à la société Clavis la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société CGD aux entiers dépens.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 juillet 2017.






MOTIFS DE L'ARRÊT



Sur le caractère ultra petita du jugement



La société CGD soutient que le tribunal de grande instance a prononcé la nullité de ses marques pour toutes les classes qu'elle visait, alors que la société CLAVIS ne sollicitait que soit prononcée leur nullité que pour certaines classes seulement, de sorte qu'il a statué ultra petita.



La société CLAVIS avance qu'ayant soulevé la nullité des marques GARUM et GARUM ARMORICUM, le tribunal a pu prononcer leur nullité totale en estimant que ces termes étaient descriptifs, usuels et nécessaires pour désigner les produits listés dans les dépôts.



Sur ce



Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile,



Dans ses dernières conclusions du 17 mai 2013 devant le tribunal de grande instance, la société CLAVIS demandait à cette juridiction de constater l'absence de caractère distinctif propre des marques suivantes :

- marque française GARUM ARMORICUM n°1384517, pour les produits : produits alimentaires pour malades, produits pharmaceutiques en classe 5 et produits alimentaires à base de poissons, ou d'organes de ces poissons en classe 29 ;

- marque française GARUM n°1703642, pour les produits : produits pharmaceutiques, produits diététiques pour enfants et malades en classe 5 et poissons, conserves en classe 29 ;

- marque communautaire GARUM ARMORICUM n°3497484 pour les produits : produits alimentaires pour malades, produits pharmaceutiques en classe 5 et produits alimentaires à base de poissons, ou d'organes de ces poissons en classe 29 ;

- marque communautaire GARUM n°3501939 pour les produits : produits pharmaceutiques, produits diététiques pour enfants et malades en classe 5 et poisson, conserves de poisson en classe 29,

et de prononcer la nullité de l'enregistrement de ces marques.



Ainsi, la nullité de l'enregistrement n'était sollicitée que pour certains produits en classes 5 et 29.



Aussi, le jugement ayant ordonné la nullité

des marques française et communautaire GARUM ARMORICUM n°1384517 et n°003497484 pour les classes 3, 5 et 29,

et des marques française et communautaire GARUM n°1703642 et n°00351939 pour les classes 5 et 29,

sans limiter cette annulation aux seuls produits pour lesquels la demande de nullité était demandée, a excédé la demande qui lui était présentée, et a statué ultra petita.



Le jugement sera infirmé sur ce point.



Sur l'annulation des marques 'garum' et 'garum armoricum'



La société CGD conteste la décision de 1ère instance qui a retenu que le terme garum sert à décrire la qualité essentielle des produits et a retenu la nullité de ses marques pour défaut de distinctivité.

Elle relève que le tribunal de 1ère instance des communautés européennes a reconnu le caractère distinctif du terme garum, et soutient que ses marques ne sont pas descriptives des produits pour lesquels elles ont été enregistrées.

Elle analyse le public pertinent au regard des produits visés, et soutient que le consommateur ne comprend pas le latin, ce d'autant que le terme en cause n'est pas usuel. Elle critique la fiabilité des pièces versées par la société CLAVIS qui justifieraient de l'usage des termes correspondant à ses marques, termes qui sont distinctifs des produits visés aux dépôts. Elle produit un sondage selon lequel ces termes ne seraient connus ni du grand public ni des pharmaciens.



La société CLAVIS soutient que la société CGD cherche à s'arroger un monopole sur les vocables garum et garum armoricum, alors qu'ils sont utilisés depuis l'Antiquité. Elle affirme que le terme garum est nécessaire pour désigner de l'autolysat de poisson et armoricum pour désigner sa provenance, que la réunion de deux termes descriptifs ne peut écarter l'absence de distinctivité, ainsi qu'il ressort des pièces produites et notamment de celles de l'appelante. Elle en déduit que le public comprendra qu'il s'agit du composant alimentaire constitué d'extraits de poissons de provenance bretonne. Elle rappelle les difficultés rencontrées par la société CGD pour obtenir l'enregistrement de ses marques. Elle indique que le terme garum, même s'il n'est pas notoire, est connu d'une certaine partie du public pertinent dont les professionnels des préparations de compléments alimentaires et les consommateurs finaux, qui feront montre d'un niveau d'attention élevé.



Sur ce



La marque française GARUM a été déposée le 30 octobre 1991 sous le numéro 1703642 en classes 5 et 29 pour les 'produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques pour enfants et malades ; emplâtres, matériel pour pansement ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; préparations pour détruire les mauvaises herbes et les animaux nuisibles. Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ;gelées, confitures ;'ufs, lait et autres produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; conserves, pickles'.

La marque communautaire GARUM a été déposée le 31 octobre 2003 sous le numéro 3501939 en classes 5 et 29 pour les mêmes produits, à l'exception de 'conserves, pickles' remplacé par 'conserves de poissons, pickles'.



La nullité d'une marque française, sollicitée à titre reconventionnel, peut être prononcée sur le fondement des articles L711-2 et L714-3 du code de la propriété intellectuelle.



L'article L714-3 du code prévoit en son alinéa 1er

Est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4...

et en son alinéa dernier ... la décision d'annulation a un effet absolu.



L'article L711-2 du même code indique

Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage.



La nullité d'une marque communautaire peut être prononcée sur le fondement de l'article 7 du règlement CE 40/94 du 20 décembre 1993 selon lequel sont refusées à l'enregistrement les marques dépourvues de caractère distinctif, l'article 51 dudit règlement prévoyant que 'la nullité de la marque communautaire est déclarée... sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon : a) lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'article 5 ou de l'article 7...'.



La société CLAVIS sollicite que soit confirmé le jugement ayant ordonné la nullité de ces marques pour les classes 5 et 29, ce qui revient à solliciter la nullité pour l'ensemble des produits visés par ces marques.

Une demande en nullité présentée par le défendeur en contrefaçon constitue une défense au fond qui, bien que nouvelle, est recevable en appel en vertu de l'article 564 du code de procédure civile.

Aussi la demande de la société CLAVIS tendant à solliciter de la cour d'appel l'annulation des marques pour l'ensemble des produits visés, quand bien même elle n'en avait visé que certains devant le tribunal de grande instance, n'est pas une demande nouvelle au sens de l'article 564.



L'enregistrement de la marque communautaire GARUM avait été refusé par l'OHMI par décision du 27 septembre 2005, et le recours contre cette décision rejeté par la Première Chambre de Recours du 7 septembre 2006, avant que le tribunal de 1ère instance des communautés européennes n'annule cette dernière décision le 12 mars 2008.

Pour autant, la société CLAVIS est recevable à solliciter reconventionnellement la nullité de la marque communautaire en cause, et les juridictions nationales ainsi saisies ne sauraient être tenues par cette décision du 12 mars 2008 portant sur l'enregistrement de cette marque.



Il ressort des documents versés (notamment les pièces 5 à 8, 33 de l'intimée) et des explications des parties que le garum est un terme latin désignant un extrait de viscères de poisson hydrolysé par autolyse puis séché et ayant fermenté dans une grande quantité de sel; cet assaisonnement était utilisé à Rome dans de nombreux plats, et avait un fort goût salé.

Il est notamment évoqué par Pline l'Ancien dans ses écrits, et des définitions peuvent en être trouvées dans des dictionnaires en ligne ainsi que dans le dictionnaire Littré.

Le garum était aussi considéré comme bon pour la santé et présentant des vertus médicales, notamment pour traiter différents maux comme les migraines, les morsures...



L'appelante ne peut se limiter à contester la crédibilité des extraits de sites internet versés par la société CLAVIS en soutenant qu'ils sont postérieurs au dépôt de sa marque, alors que ces pièces sont concordantes entre elles et renseignent sur l'usage répandu du garum à l'époque romaine.



Il est établi que les romains désignaient par garum une espèce de saumure à base de poissons et de viscères de poissons qui constituait une sorte d'assaisonnement ou condiment et était parfois utilisée comme remède.

Le fait que les différents ouvrages l'évoquant ne donnent pas au terme garum exactement la même définition ne saurait être utilement invoqué, alors qu'ils décrivent tous une sauce ou un assaisonnement à base de poissons, ce qui révèle la diversité des usages qui en étaient faits.



Un signe ne peut constituer une marque s'il désigne une caractéristique des produits ou services concernés. Il n'est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque soient effectivement utilisés, au moment de la demande d'enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins (CJUE C191-01).



En l'occurrence, le terme garum était utilisé dans l'Antiquité pour désigner une préparation résultant de la macération de morceaux de poisson et de viscères de poisson constituant une sauce appréciée et à laquelle était reconnue des vertus médicinales naturelles.

Il n'est pas contesté qu'il ne s'agit pas d'un terme courant, et que le grand public ne comprend pas le latin.

Ainsi, l'étude de notoriété réalisée par l'institut BVA en janvier 2015 à la demande de la société CGD montre que 3% des pharmaciens interrogés connaîtraient la définition du garum, qui ne figure pas dans les dictionnaires médicaux et pharmaceutiques versés par la société CGD ; parmi ces professionnels 49% auraient des notions de latin, 19% en auraient une connaissance moyenne et 6% une bonne connaissance, et 25% n'en auraient pas de notion. Enfin, 2% du public connaîtraient le terme garum.



Pour autant, ce terme peut être utilisé pour désigner la caractéristique même de produits pharmaceutiques, produits diététiques pour enfants et malades, d'emplâtres et matériels pour pansements, soit des produits qui s'adressent notamment à un public composé de pharmaciens qui, malgré une connaissance non assurée du latin, aura une certaine attention pour ces produits, du fait de la nécessité de conseiller les consommateurs finaux, même s'agissant de préparations qui ne sont pas considérées comme des médicaments.



Les produits notamment comestibles visés par l'enregistrement des deux marques française et communautaire garum s'adressent aussi à des professionnels de préparations de compléments alimentaires, soit un public ayant lui aussi une certaine connaissance des termes latins utilisés dans leur domaine d'intervention.

En matière de produits pharmaceutiques, diététiques et alimentaires, une partie du grand public est enfin composée de consommateurs développant un intérêt particulier pour ce domaine et montrant une attention particulière s'agissant de produits liés à la santé et à l'alimentation.



Dès lors, quand bien même le terme garum n'est pas connu d'une partie importante de la population, il correspond néanmoins à une qualité essentielle des produits suivants, pour lesquels il apparaît descriptif, tant au sens de l'article 711-2 du code de la propriété intellectuelle pour la marque française que de l'article 7 du règlement CE 40/94 du 20 décembre 1993 pour la marque communautaire :

produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques pour enfants et malades ; emplâtres, matériel pour pansement ; désinfectants ;Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ;gelées, confitures ;huiles et graisses comestibles ; conserves, pickles, et, pour la marque communautaire, conserve de poissons, pickles.

en ce qu'il décrit le produit ou une de ses caractéristiques, notamment son mode de fabrication.



Il n'apparaîtra pas descriptif pour les produits suivants :

préparations pour détruire les mauvaises herbes et les animaux nuisibles ;matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; 'ufs, lait et autres produits laitiers.



Par conséquent, il convient d'ordonner la nullité de ces marques, mais seulement s'agissant des produits ci-dessus détaillés pour lesquels leur distinctivité a été reconnue.



S'agissant des marques Garum armoricum, la marque française a été déposée le 11 décembre 1986 sous le numéro 1384517 en classes 3, 5 et 29 pour 'produits cosmétiques et de beauté ; parfumerie, huiles essentielles, lotions, savons. Produits diététiques et de régime, produits alimentaires pour malades, produits pharmaceutiques. Produits alimentaires à base de poissons, de crustacés ou de mollusques et d'organes de ces poissons, crustacés ou mollusques'.

La marque communautaire GARUM ARMORICUM l'a été sous le numéro 3497484 en classes 3, 5 et 29 pour les mêmes produits, si ce n'est que le dernier produit est visé comme 'Produits alimentaires à base de poissons, de crustacés ou de mollusques ou d'organes de ces poissons, crustacés ou mollusques'.



La marque française GARUM ARMORICUM ayant été déposée en 1986, il convient de lui appliquer l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 applicable alors, selon lequel 'ne peuvent, en outre, être considérées comme marque :

celles qui sont constituées exclusivement de la désignation nécessaire et générique du produit ou du service ou qui comportent des indications propres à tromper le public ;

celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit', l'article 12 prévoyant que la nullité du dépôt d'une marque était prononcée par les tribunaux de grande instance.



La marque communautaire GARUM ARMORICUM doit quant à elle être considérée au regard de l'article 7 du règlement CE 40/94 du 20 décembre 1993, comme indiqué précédemment.



Le terme garum armoricum est la combinaison du terme garum déjà analysé, et du terme armoricum qui évoque la région [Localité 1], soit le lieu de provenance géographique des poissons utilisés pour cette préparation, ou le lieu de réalisation de cette préparation.

Même si l'apprentissage de la langue latine n'est plus obligatoire et que sa connaissance est peu répandue, la traduction de ce dernier terme paraît aisée même pour un public ne connaissant pas le latin, de sorte que le terme armoricum est perçu comme évocateur d'une région géographique.

Il ressort du reste des pièces produites que sous l'époque romaine la [Localité 1] était une région de production de garum, comme le montre la découverte d'une unité de fabrication d'époque dans les environs de [Localité 2].



Aussi l'association de ces deux termes descriptifs, d'un composant de produit alimentaire pour le premier et de la région d'origine pour le deuxième, ne saurait écarter l'absence de distinctivité des marques en question, et sera comprise comme désignant du garum provenant de [Localité 1].



Dès lors, un tel signe utilisé à titre de marque ne permet pas d'établir la distinction entre les produits protégés par cette marque et les produits concurrents.

Le caractère descriptif de garum armoricum ressort du reste du produit 'Stabilium 200' commercialisé par la société CGD, sur la boîte (pièce 36 appelante) duquel est indiqué au titre des ingrédients 'GARUM ARMORICUM (hydrolysat de poisson)'.

Le document de présentation du Stabilium 200 indique également (pièce 12 intimée) en en-tête qu'il est réalisé à base de garum armoricum et précise qu'il 'est un produit diététique à base de 'Garum Armoricum' obtenu par autolyse enzymatique contrôle à partir de viscères de poissons spécifiques des grands fonds océaniques' (pièce 25 appelante).



Il en ressort que le signe garum armoricum est descriptif de l'ingrédient du produit et de sa provenance géographique, soit un public de pharmaciens devant renseigner leur clientèle et de professionnels de la nutrition et de la préparation de compléments alimentaires pour les produits diététiques et de régime, produits alimentaires pour malades, produits pharmaceutiques.

Le public de particuliers s'intéressant aussi à ces produits, de même qu'aux produits de soins et de santé, fera montre d'une attention particulière afin d'éclairer son choix avant l'acte d'achat de produits cosmétiques et de beauté, parfumerie, huiles essentielles, lotions, savons.

Il en est de même pour les produits d'alimentation que sont les produits alimentaires à base de poissons, de crustacés ou de mollusques et d'organes de ces poissons, crustacés ou mollusques.



Au vu de ce qui précède, il est établi le signe garum armoricum désigne la qualité essentielle et la provenance ou un mode de fabrication des services désignés en classe 5 et 29 par les marques française et communautaire, ce qui est de nature à tromper le public.



Il convient donc d'annuler ces marques 'garum armoricum' pour défaut de distinctivité, pour l'ensemble des produits visés.



Sur la déchéance des marques



Au vu des annulations qui précèdent, seule sera examinée la déchéance concernant la marque française GARUM déposée le 30 octobre 1991 sous le numéro 1703642.



Une telle demande ne peut être présentée utilement que pour les produits suivants :

préparations pour détruire les mauvaises herbes et les animaux nuisibles ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; 'ufs, lait et autres produits laitiers.



La société CGD souligne dans ses conclusions que la demande de la société CLAVIS s'analyse en une demande de déchéance partielle, argument que ne conteste pas la société CLAVIS.



Dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société CLAVIS sollicite la déchéance pour 'les produits respectifs cités' ; dans le corps de ces conclusions, elle précise que sa demande concernant la déchéance de la marque française 'garum' n°1703642 vise les 'produits pharmaceutiques, produits diététiques pour enfants et malades' en classe 5 et 'poisson, conserves' en classe 29.



La cour relève au surplus que dans le dispositif des dernières conclusions de la société CLAVIS devant le tribunal de grande instance, elle demandait que soit constatée l'absence de caractère propre de cette marque pour les produits 'produits pharmaceutiques, produits diététiques pour enfants et malades' en classe 5 et 'poisson, conserves' en classe 29, et sollicitait à titre subsidiaire que soit déclarée la déchéance de cette marque 'pour les produits respectifs cités'.



Ainsi, la demande de déchéance de la société CLAVIS s'analyse en une demande de déchéance partielle, sur ces seuls produits, demande qu'elle a reprise en appel.



Dès lors, la nullité de la marque étant intervenue sur ces produits, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.



Sur la contrefaçon



La société CGD conteste la faiblesse de ses marques telle qu'alléguée par l'intimée, et soutient faire un usage de ses marques dans la vie des affaires.

Elle soutient, s'agissant du terme 'garum', que l'intimée en fait un usage pour des produits identiques à ceux visés par ses marques, usage démontré par les procès-verbaux dressés qu'elle a fait établir. Elle ajoute que le terme est repris tant sur les boites de capsules que sur la notice et les prospectus des produits de l'intimée, qui fait également usage des termes 'garum exquisitus' et 'garum sociorum exquisitus' également contrefaisants en ce que le terme 'garum' y est dominant.



La société CLAVIS avance ne pas faire des termes garum et garum armoricum un usage à titre de marque, mais seulement pour indiquer la composition du produit et informer le consommateur que le produit contient du garum.

Elle déclare n'utiliser le terme garum qu'à des fins purement descriptives afin de désigner le produit lui-même, et être obligée de par la nature des produits -des compléments alimentaires- à indiquer leur composition. Elle ajoute que la société CGD n'est pas en mesure de démontrer l'existence d'un risque de confusion avec ses produits.



Sur ce



Au vu des annulations prononcées, les griefs de contrefaçon de la société CGD à l'encontre de la société CLAVIS ne peuvent porter que sur la contrefaçon des marques française et communautaire 'garum', pour les produits suivants :

préparations pour détruire les mauvaises herbes et les animaux nuisibles ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; 'ufs, lait et autres produits laitiers.



L'article L713-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que

' Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ;...'

Et l'article L713-3 indique que

' Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :

a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement;

b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.'



L'article 9 du règlement n°40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire précise que le titulaire d'une marque communautaire 'est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

a) d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée;

b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ;...'



En l'occurrence, les procès-verbaux que la société CGD a fait dresser montrent que le terme garum est utilisé par la société CLAVIS pour la promotion de produits présentés comme 'intégrateur' tels que des comprimés afin de lutter 'contre le stress, l'anxiété, la fatigue physique et mentale' (pièce 67 intimée), que la société CGD désigne comme des compléments alimentaires.



Ces compléments alimentaires ne présentent aucune proximité avec les 'préparations pour détruire les mauvaises herbes et les animaux nuisibles ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires' et une proximité relative avec les ''ufs, lait et autres produits laitiers', protégés par les marques française et communautaire 'garum'.



Le terme garum y est utilisé, tant dans la communication de l'intimée sur internet que sur les boites de ses produits, en étant associé à d'autres termes (pièces 9, 33, 68 intimée) comme 'Armoricum' ou à 'Sociorum Exquisitus'.

Il n'est pas alors utilisé en tant que marque mais afin de désigner un des composants du produit vendu.

Ainsi , il est indiqué sur le site www.clavishamoniae.fr que le produit Clavis Harmoniae, de la société CLAVIS, 'est un intégrateur à base de Garum Armoricum et de Magnésium Marin. Découvrez le Garum Armoricum et la raison pour laquelle nous l'avons associé au Magnésium'.

Le garum armoricum est alors présenté comme un autolysat de poisson, ses propriétés sont détaillées au même titre que celle du Magnesium (pièce 5 intimée).

Le 'garum armoricum pur' figure, avec son dosage, dans la composition du produit Clavis Harmoniae, au même titre que le Magnésium marin et le Stéarate de Magnésium.



S'agissant de compléments alimentaires, il est nécessaire pour la société CLAVIS de lister avec précision les ingrédients entrant dans la composition finale du produit.

Même si la société CGD relève que l'intimée aurait pu utiliser d'autres signes comme 'saumure' ou 'autolysat de poisson', l'utilisation par la société CLAVIS sur ses produits comme sur leurs données explicatives d'une majuscule pour le terme Garum, ou le fait de l'écrire intégralement en majuscule (GARUM ARMORICUM) afin de le distinguer du reste des explications en minuscules (pièces 34 et 83) confirme encore qu'elle fait alors usage de ce terme afin de désigner un élément entrant dans la composition du produit, et non comme une marque.

La société CLAVIS utilise systématiquement le terme garum en association avec 'armoricum' ou avec 'sociorum exquisitus' ce qui révèle encore qu'il est alors utilisé comme nom ancien de son composant, et participe à le distinguer visuellement et phonétiquement de la marque de la société CGD.



Dans ces conditions, la présence du terme 'garum' dans la composition du produit Clavis Harmoniae et sur les boites de ce produit n'est pas de nature à tromper le consommateur sur l'origine du produit, et ne constitue pas une contrefaçon de la marques française et communautaire 'garum'.



La société CGD sera déboutée de sa demande à ce titre.



Sur la concurrence déloyale et le parasitisme



La société CGD reproche à l'intimée d'avoir utilisé un article sur les effets du produit Stabilium 200 de l'appelante, en le reproduisant sur son site internet, ce qui constituerait un détournement de ses investissements. Elle ajoute que la société CGD a remplacé garum armoricum par 'garum exquisitus' dans le titre comme dans le corps des articles, a repris la description du produit de l'appelante pour présenter son produit, alors qu'elle utilise une autre espèce de poisson.



La société CLAVIS conteste toute concurrence déloyale, en faisant état de l'absence de faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon. Elle affirme qu'elle devait citer la bibliographie relative au garum sur son site, s'agissant d'un article de doctrine, et dénie toute reprise des études commanditées par la société CGD. Elle ajoute n'avoir pas détourné un investissement de la société CGD.



Sur ce



La société CGD a fait réaliser un procès-verbal de constat le 2 juillet 2009 sur le site www.clavisharmoniae.fr sur lequel figure un article 'Garum Armoricum : 'an extraordinary useful tool...' présentant les travaux du docteur [G].



Cependant, l'article du docteur [G] cite le produit garum ou garum armoricum dont il analyse les effets, mais ne fait pas référence au stabilium 200, soit le produit commercialisé par la société CGD contenant du garum.



Si la société CGD justifie avoir financé des études d'experts afin d'établir scientifiquement les bienfaits du produit qu'elle distribue contenant du garum, elle ne démontre pas avoir financé les travaux du docteur [G], l'attestation de la directrice générale de la société CGD ne pouvant à elle seule le prouver.

Il ne peut être déduit du fait que l'article du docteur [G] vise des références bibliographiques ou des publications qui porteraient sur le stabilium 200 que cet article porte sur ce produit, alors qu'il ne mentionne que le garum.



Aussi, l'utilisation de cet article par la société CLAVIS sur son site internet ne saurait constituer une faute constitutive de concurrence déloyale ou parasitaire à l'encontre de la société CGD.



De la même façon, la modification par la société CLAVIS du titre de l'article du docteur [G] devenu 'Garum Exquisitius : An Extraordinary Useful tool...' ainsi que du corps même de l'article en remplaçant 'garum armoricum' par 'garum exquisitius' ne saurait caractériser un comportement constitutif de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société CGD.



Il n'est pas démontré que les autres références ou publications qui auraient été financées par la société CGD ont été utilisées par la société CLAVIS.

La société CGD dénonce également le fait que la société CLAVIS aurait repris à son profit la présentation qu'elle a consacrée à son produit Stabilium 200.

Il convient toutefois de relever que le passage en cause ne porte que sur trois phrases.

Si ces phrases présentent une grande proximité, elles portent sur la composition du produit, dans une partie avancée de la présentation des produits respectifs, de sorte qu'elles ne sauraient être de nature à provoquer la confusion chez le consommateur entre le Stabilium 200 de la société CGD et le Clavis Harmoniae de la société CLAVIS.

Par ailleurs, outre que ces trois phrases ne sont pas rigoureusement identiques, elles sont consacrées à la composition essentielle de produits présentant les mêmes caractéristiques et dosage, la formulation très proche ne saurait révéler un parasitisme, alors que le garum est un produit très anciennement connu.



En conséquence, les faits de concurrence déloyale ou de parasitisme dénoncés de ce chef ne sont pas suffisamment caractérisés.



Enfin, la société CGD dénonce le fait que la société CLAVIS déclare utiliser de la chair de maquereau pour ses produits et revendique les mêmes compositions et caractéristiques que le Stabilium 200 qui est composé d'un autre poisson, de sorte que l'intimée utiliserait faussement les résultats des études effectuées pour le Stabilium 200 à son profit.

Pour autant, les articles référencés sur le site de la société CLAVIS font référence au garum, à ses effets et composition, et non au Stabilium 200 de la société CGD, de sorte que le grief de concurrence déloyale et parasitaire n'est pas là non plus constitué.



La société CGD sera déboutée de sa demande en ce sens.



Sur les pratiques commerciales trompeuses



La société CGD dénonce l'utilisation d'études réalisées sur ses produits, par la société CLAVIS pour la promotion des siens, lesquels n'ont fait l'objet d'aucune étude de sorte que leurs effets sont inconnus. Elle en déduit la commission de pratiques commerciales trompeuses par la société CLAVIS.

La société CLAVIS soutient être contrainte d'utiliser les termes de garum armoricum ou de garum sociotus exquisitus pour signaler leur présence dans les produits qu'elle commercialise.



Sur ce



L'article L121-2 du code de la consommation prévoit notamment que

'Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : ...

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;...'



Si la société CGD souligne l'absence de toute étude pour établir les résultats des 'garum exquisitus' et 'garum sociorum exquisitus', elle ne peut déduire de l'affirmation selon laquelle le produit de la société CLAVIS serait réalisé à partir d'un autre poisson que celui qu'elle utilise, que la composition des produits finaux est différente, sans en justifier.



Aussi, et alors que la société CGD ne peut saurait reprocher à la société CLAVIS d'utiliser le nom garum ou garum armoricum pour désigner de l'autolysat de poisson, il n'est pas démontré que le consommateur serait induit en erreur du fait des pratiques de la société CLAVIS.



La société CGD sera déboutée de cette demande.



Sur les autres demandes



La société CGD succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens.



Il convient également de la condamner au paiement de la somme de 10.000 euros à la société CLAVIS, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Infirme le jugement sur la nullité des marques, seulement en ce qu'il convient de limiter la nullité de la marque française "Garum" numéro 1703642 déposée le 30 octobre 1991 et de la marque communautaire "Garum" numéro 00351939 déposée le 31-10-2003 pour les classes 5 et 29, aux produits et services suivants : produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques pour enfants et malades ; emplâtres, matériel pour pansement ; désinfectants ;viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ;gelées, confitures ;huiles et graisses comestibles ; conserves, pickles, et, pour la marque communautaire, conserve de poissons, pickles ;



Ordonne l'inscription de l'arrêt au registre de l'INPI et à celui de l'EUIPO ;



Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré la société CLAVIS responsable d'actes de parasitisme à l'égard de la société CGD ;



Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société CGD de ses demandes fondées sur les pratiques commerciales, rejeté la demande de publication du jugement, condamné la société CGD sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des dépens ;



Y ajoutant,



Déboute la société Compagnie Générale de Diététique de ses autres demandes ;



Condamne la société Compagnie Générale de Diététique à verser à la société Clavis la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société Compagnie Générale de Diététique aux entiers dépens.





Le greffier Le président

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