18 décembre 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/01253

Pôle 5 - Chambre 10

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2017



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/01253



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/08215





APPELANTE



MONSIEUR LE CHEF DE SERVICE COMPTABLE DU SERVICE DES IMPÔTS DES ENTREPRISES DE [Établissement 1]

Comptable chargé du recouvrement

ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Alexandre DE JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0744





INTIME



Monsieur [J] [X]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]



Représenté par Me Kamel YAHMI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0663





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN











ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






FAITS ET PROCÉDURE



La société Etablissement Abrial dont le siège social était fixé au [Adresse 3], avait pour activité : installations électriques vente d'appareillages électriques activités de serrurerie-métallerie, fer et aluminium et pvc.



Monsieur [J] [X] a exercé la gérance de la société Etablissement Abrial du 22 novembre 2006 jusqu'au 11 septembre 2013, date d'ouverture du jugement de la liquidation judiciaire de la société.



La société soumise au régime de la tva a méconnu les obligations qui lui incombaient en omettant de de payer courant 2012 et 2013, 12 déclarations de tva au titre des mois d'avril, mai, juin, juillet, août, novembre, décembre 2012, janvier, février, mars, avril, mai 2013.



La taxe sur les véhicules de société d'un montant de 4 954 euros au titre de la période du 10-2011 au 09-2012 n'a pas été acquittée par l'entreprise ; la déclaration de CFE 2012 n'a pas été déposée.



Durant la période de gérance de [J] [X], la société s'est trouvée redevable d'une dette fiscale de 190 384,80 euros.



Par acte d'huissier du 2 juin 2015, monsieur le chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 8 ème la Madeleine a assigné monsieur [J] [X] au visa de l'article L.267 du livre des procédures fiscales aux fins qu'il soit condamné solidairement avec la société Etablissement Abrial dont il était le dirigeant, à payer la somme de 190 384,80 euros correspondant aux impositions éludées par cette société.



Par jugement en date du 10 décembre 2015 la demande du comptable a été rejetée et le tribunal l'a condamné au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du du code de procédure civile.



Le chef de service comptable du service des impôts des entreprises de [Établissement 1] a interjeté appel le 29 décembre 2015




Par conclusions signifiées le 24 février 2016, monsieur le chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 8 ème la Madeleine demande de :

- recevoir son appel ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 décembre 2015 par 9 ème Chambre civile 3 ème section du tribunal de grande instance de Paris,





En conséquence,

- condamner [J] [X] à payer solidairement avec la société etablissement Abrial en application de l'article L.267 du livre des procédures fiscales, la somme de 190 384,80 euros correspondant aux impositions éludées par cette société ;

- débouter monsieur [J] [X] de toutes ses demandes ;

- condamner [J] [X] au paiement de la somme 2 588 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de maître alexandre de jorna, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Il fait valoir que le premier juge a considéré à tort que le courrier en date du 27 février 2012 adressé à monsieur [X] se substituait au plan de règlement du 23 janvier 2012 et constituait un plan de règlement autonome devant à ce titre mentionner que son non-respect pouvait entraîner la mise en 'uvre de l'article l 267 du du livre des procédures fiscales



Par conclusions signifiées le 1er avril 2016, monsieur [X] demande de :

Confirmer le jugement déféré

Débouter le chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 8ème

de ses demandes

Condamner le chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 8ème au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




SUR CE,



A titre préliminaire, M. [X] conteste le montant de la créance fiscale qui lui est réclamée. Il estime à la somme de 177 629,10 euros, mais aucune pièce justificative ne vient confirmer le remboursement partiel de la créance, en raison de la liquidation judiciaire de la société Etablissement Abrial.



Sur la demande de l'administration,



Monsieur [X] soulève l'irrégularité des deux plans de règlement que l'administation lui a octroyés, en l'absence de la mention de l'article L267 du livre des procédures fiscales en violation de l' instruction du 6 septembre 1988 ; il fait valoir que le premier juge a justement relevé que le premier plan, signé par monsieur [X], lui faisant part de l'octroi de délais de règlement était régulier qu'en revanche le second plan ne respectait pas les conditions de forme, ce qui faisait obstacle à la mise en oeuvre des poursuites sur le fondement de l'article L267 du du livre des procédures fiscales.



S'agissant de la TVA et de la CFE monsieur [X] conteste en substance le détournement en faisant valoir que ces taxes sont réglées par l'entreprise, que sa mauvaise foi n'est pas démontrée, il fait grief à l'administration de ne pas avoir agi alors que la société était encore in bonis.



L'administration fait valoir que les conditions posées par l'article L 267 du du livre des procédures fiscales sont remplies. Elle critique le jugement en soutenant que les créances objet du plan ne sont pas concernées par l'instance en cours ; elle ajoute que le courrier du 27 février 2012 intitulé « échelonnement de paiement », a été considéré à tort comme un nouveau plan de règlement annulant et remplaçant celui du 23 janvier, alors qu'il s'agissait d'un avenant lequel n' a pas été signé. Concernant l'irrecouvrabilité de la créance, elle justifie de ses diligences, contrairement à ce qui est allégué par le contribuable.



Ceci exposé,



Les dispositions de l'article L 267 du livre des procédures fiscales, imposent que trois conditions soient réunies pour engager la responsabilité fiscale de M. [J] [X], la qualité de dirigeant effectif, les inobservations graves et répétées aux obligations fiscales et l'irrécouvrabilité de la créance fiscale.



1/ S'agissant de la question de la qualité de dirigeant effectif, il n'est pas contesté que monsieur [J] [X] a exercé la gérance de la société Etablissement Abrial du 22 novembre 2006 jusqu'au 11 septembre 2013, date du jugement de liquidation judiciaire.



2/ Sur les inobservations graves et répétées aux obligations fiscales.



Il est établi que s'agissant de la tva, 12 déclarations de tva ont été déposées par la société au titre des mois d'avril à août 2012 et novembre ,décembre 2012, de janvier à mai 2013 , sans paiement. Pour la TVS (taxe sur les véhicules de société) la société devait acquitter la taxe en déposant une déclaration 2855 et pour la CFE (cotisation foncière des entreprises) elle devait s'acquitter de la taxe avant le 15/12/2012.



Il est ainsi établi que la société Etablissement Abrial a manqué à ses obligations fiscales de manière répétée pour la période d'avril à août 2012, novembre 2012 à mai 2013, de TVS au titre de la période d'octobre 2011 à septembre 2012 et de CFE pour 2012.



Les inobservations fiscales relatives àla taxe sur la valeur ajoutée, sont particulièrement graves puisque assimilables à un détournement des sommes dues par la société au trésor public.



En l'espèce, en conservant la tva, la société a fait obstacle à la neutralité de cet impôt et au libre jeu de la concurrence entre les entreprises assujetties.



M. [X] se prévaut de l'octroi de deux plans, l'un du 23 janvier 2012 et l'autre du 27 février 2012 pour contester l'action introduite par l'administration.



L' instruction du 6 septembre 1988 de la direction générale des impôts et de la comptabilité publique dispose cependant que si des délais de paiement sont octroyés au dirigeant, ils peuvent être de nature à écarter la responsabilité du dirigeant. En cas de non respect du plan, le comptable public doit formellement aviser le dirigeant de la mise en oeuvre des articles 266, 267 du livre des procédures fiscales.



Il ressort cependant de la lecture des pièces 3 -17 - 18 , et notamment du tableau chiffré de la créance fiscale : 'Tva avril, 2012 à août 2012, novembre 2012 à mai 2013", que les créances objet du plan de règlement du 23 janvier 2012 et de son avenant, portent sur la tva de novembre 2011 et l'avenant pour la tva de novembre et décembre 2011. Il apparaît dès lors que le plan du 23 janvier 2012 ne concerne pas l'instance en cours.



Au surplus, il est établi que seul a été signé le plan de règlement en date du 23 janvier 2012 par le comptable public et par monsieur [X], dès lors aucune valeur probante ne peut être attribuée au second document.



Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré que le comptable ne pouvait pas poursuivre monsieur [X] sur le fondement de l'article L 267



3/ Sur l'irrécouvrabilité de la créance fiscale.



Monsieur [X] impute au comptable la responsabilité de l'irrecouvrabilité de la créance fiscale, en invoquant sa négligence, l'absence de démonstration des poursuites engagés alors que la société était solvable jusqu'au jour du dépôt de la déclaration de cessation des paiements, en soutenant que la société Etablissements Abrial disposait d'un actif disponible de 125 645 euros.



Il résulte des pièces du dossier que l'administration justifie de l'envoi d'une douzaine de mises en demeure de payer entre les mois d' août 2012 et août 2013 , de la notification de 11 AMR qui n'ont produit que deux versement de 6 490 euros, lesquels n'ont pu être recouvrés en raison de la procédure de liquidation judiciaire ; un ATD a été délivré le 20 juin 2013, sans plus de succès.



La société Etablissements Abrial a régularisé une déclaration de cessation de paiement au mois de juillet 2013, elle a été placée en liquidation judiciaire le 11 septembre 2013, la date de cessation de paiement a été fixée au 11 mars 2012 , ce qui démontre que l'ATD ne pouvait opérer.



La créance de l'administration a été déclarée le 10 octobre 2013 et admise le 27 juin 2014. La créance a été déclarée irrecouvrable le 7 janvier 2015.



Ces éléments suffisent à démontrer les diligences accomplies par l'administration fiscale.



Lors de cette procédure la déclaration de cessation de paiement a été fixée au 11 mars 2012. L'irrecouvrabilité a été attestée le 7 janvier 2015.



En conséquence, la cour infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Il y a lieu de condamner [J] [X] à payer solidairement avec la société etablissement Abrial en application de l'article L.267 du livre des procédures fiscales, la somme de 190 384,80 euros correspondant aux impositions éludées par cette société.



Sur les autres demandes



[J] [X] partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenu de supporter la charge des dépens d'appel.



Il paraît équitable d'allouer à monsieur le chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 8 ème la Madeleine la somme de 2 558 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en cause d'appel.





PAR CES MOTIFS



La cour,



INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau,



CONDAMNE [J] [X] à payer solidairement avec la société Etablissement Abrial en application de l'article L.267 du livre des procédures fiscales, la somme de 190 384,80 euros au titre des impositions éludées par cette société,

DÉBOUTE monsieur [J] [X] de toutes ses demandes,



CONDAMNE [J] [X] à payer la somme de 2 558 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE [J] [X] aux dépens.









LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT



C. BURBAN E. LOOS

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