12 février 2018
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 16/07609

1ère CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 12 FEVRIER 2018



(Rédacteur : Catherine BRISSET, conseiller,)





N° de rôle : 16/07609









[N] [Y]

[E] [Y]



c/



Société AREAS DOMMAGES

Société AREAS VIE

























Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 novembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 14/07129) suivant déclaration d'appel du 27 décembre 2016





APPELANTS :



[N] [Y]

né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 13]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]



[E] [Y]

né le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 12]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]



Représentés par Maître Jean-jacques DAHAN, avocat au barreau de BORDEAUX





INTIMÉES :



Société AREAS DOMMAGES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

demeurant [Adresse 5]



Société AREAS VIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

demeurant [Adresse 5]



Représentées par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE, avocat au barreau de BORDEAUX





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 08 janvier 2018 en audience publique, devant la cour composée de :



Elisabeth LARSABAL, présidente,

Catherine COUDY, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Mélody VIGNOLLE-DELTI













ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.






* * *



EXPOSE DU LITIGE



M. [N] [Y] a été nommé agent général de la société mutuelle d'assurances Mutuelle du Poitou.



Suite à l'absorption de la Mutuelle du Poitou par le groupe Areas, un avenant du 22 mars 2007 désignait M. [N] [Y] comme agent général de la société d'assurances mutuelle Areas dommages (ci-après Areas dommages).

Dans le contrat était stipulée une clause de non concurrence pour une durée de trois ans après la cessation des fonctions.



M. [N] [Y] a fait valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 2011.



Son fils, M. [E] [Y], a travaillé dans les locaux de son père au moins depuis 2004 et est inscrit en tant que courtier en assurances au registre du commerce et des sociétés de Bordeaux depuis le 31 août 2009 et à l'ORIAS depuis le 7 mai 2010, sous l'enseigne 'Assurances [Y]'.

En février 2012, M. [E] [Y] a installé son bureau au [Adresse 2].



Areas dommages a informé les assurés de cet agent général, par lettre du 12 décembre 2011, du départ à la retraite de M. [N] [Y] et de la désignation en remplacement de M. [V] dont l'agence était située à [Localité 11], à partir du 1er janvier 2012.



Le 22 décembre 2011, un inventaire comptable de fin de gestion a été établi au contradictoire de l'agent général de la société dont le solde créditeur était de 17 618,97 euros. Par lettre recommandée avec accusée de réception du 5 février 2012, M. [N] [Y] en a sollicité le paiement en vain.



Areas a fait constater le 1er février 2012 par M. [W] [F], huissier de justice :

- qu'à l'ancienne adresse de l'agence générale Areas tenue par M. [N] [Y], [Adresse 6], l'enseigne Areas était toujours fixée en façade et que sur le portail était affiché un avis : 'Assurances [Y], retrouvez [I] et [E] [Adresse 2], téléphone [XXXXXXXX01]" ;

- qu'à l'adresse de l'ancien cabinet secondaire de M. [N] [Y], [Adresse 9], l'enseigne Areas était toujours fixée en façade du bâtiment et qu'une affichette était collée en façade indiquant : 'nouvelle adresse : [Adresse 2]. Téléphone identique [XXXXXXXX01]" ;

- qu'au [Adresse 2], se trouvait un bureau actif sur lequel était écrit sur la vitrine : 'Assurances [Y]'.



Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 avril 2012, Areas Dommages faisait grief à M. [N] [Y] d'un nombre important et anormal de résiliations de contrats du portefeuille qui lui avait été confié au premier trimestre 2012, à savoir, 2 390 contrats à fin décembre 2011 pour des encaissements de 879 572 euros et 1 406 contrats à fin mars 2012, pour 500 545 euros d'encaissements, concluant à une perte de 379 000 euros résultant d'un 'pillage organisé' du portefeuille en violation de la clause de non concurrence.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, elle reprochait à M. [E] [Y] d'avoir usé de ses fonctions de collaborateur de son père pour démarcher la clientèle de son agence à son profit, le mettait en demeure de cesser ses agissements de concurrence déloyale par dénigrement, prospection abusive, démarchage déloyal et détournement de fichiers, sous peine de poursuites.



Par ordonnance du 28 novembre 2012, le président du tribunal de grande instance de Bordeaux, a fait droit à la requête d'Areas sur le fondement des articles 145 et 793 et suivants du code de procédure civile, de commettre la SCP Cambron-Pesin-[F]-Lagrifoul, huissier de justice, aux fins :

- de procéder à la copie des disques durs de tous les ordinateurs se trouvant dans les locaux professionnels et au domicile de M. [E] [Y], de M. [N] [Y] et de M. [H], à la copie de la DAS 2 du cabinet assurances [Y] de M. [E] [Y] depuis 2009, à la copie du fichier client du cabinet assurances [Y] de M. [E] [Y] ;

- de dresser un constat, prendre des photographies et relever l'identité des personnes travaillant dans les locaux du cabinet 'Assurances [Y]'.



Le 8 janvier 2013, la SCP Cambron-Pessin-Dupont-Lagrifoul procédait à ces opérations et en dressait procès-verbal.



Par acte du 5 juin 2014, Areas dommages et la société d'assurance Areas vie (ci-après Areas vie) ont assigné M. [N] [Y] et M. [E] [Y] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.



Par jugement du 29 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

* dit que M. [E] [Y] a commis, à l'égard d'Areas dommages et Areas vie, des actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle selon divers moyens et exploitation de fichiers clients et a engagé sa responsabilité quasi-délictuelle à leur égard ;

* dit que M. [N] [Y] a commis à l'égard de ces dernières des manquements contractuels et a engagé sa responsabilité contractuelle à leur égard ;

* dit que les fautes respectives de M. [N] [Y] avaient contribué de façon indissociable au préjudice d'Areas dommages et d'Areas vie ;

* condamné in solidum Messieurs [N] et [E] [Y] à leur verser la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

* condamné Areas dommages à payer à Monsieur [N] [Y] la somme de 17 618,97 euros au titre du solde de l'inventaire comptable de fin de gestion du 22 décembre 2011 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 février 2012 ;

* condamné messieurs [N] et [E] [Y] aux dépens en ce compris les frais d'établissement du constat d'huissier du 8 janvier 2013 de la SCP Cambon-Pesin-Dupont-Lagrifoul ;

* autorisé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, maître [B] à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

* condamné in solidum messieurs [N] et [E] [Y] à payer à Areas dommages et à Areas vie la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* rejeté les demandes plus amples ou contraires.



Le premier juge, pour retenir la concurrence déloyale à l'encontre de la société Area dommages, a mis en avant la double activité de M. [E] [Y] en dehors et dans les locaux de son père et sa volonté d'être confondu avec le personnel de la société Areas. Il a constaté les nombreuses résiliations par les clients Areas qui témoignent de ce phénomène de détournement de la clientèle au profit de M. [E] [Y] (ainsi que le logiciel client des sociétaires Areas trouvé chez lui). Le premier juge a considéré que M. [E] [Y] accusait en vain M. [H] qui n'est pas inscrit à l'Orias (condition pour exercer de l'intermédiation) et qui apparaît plutôt comme un employé de M. [Y]. Le premier juge a relevé que M. [N] [Y] a favorisé le développement d'une activité concurrente avant son départ et a poursuivi une activité commerciale jusqu'en avril 2012. Il a ainsi contrevenu à la clause de non-concurrence qui le liait avec la société Areas dommages. Sur le préjudice, le tribunal a estimé qu'Areas dommages et Areas vie ne justifiaient pas du montant demandé de 406 650 euros. Le tribunal a admis un préjudice correspondant aux deux tiers de la perte de chiffre d'affaire correspondant à 337 polices sur un an. Il a estimé que M. [N] [Y] justifiait d'une créance de 17 618.97 euros au titre du solde de fin de gestion mais que les autres demandes n'étaient pas justifiées.



M. [N] [Y] et M. [E] [Y] ont interjeté appel total de cette décision le 27 décembre 2016. Les sociétés Areas dommages et Areas vie ont formé un appel incident.




Dans leurs dernières conclusions en date du 22 décembre 2017, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, M. [E] [Y] et M. [N] [Y] demandent à la cour de :

* réformer dans toutes ses dispositions la décision rendue par le tribunal de grande instance, le 29 novembre 2016, en ce qu'elle a notamment déclaré messieurs [Y] respectivement responsables d'actes de concurrence déloyale par détournement de clientèle et de manquements contractuels et les a condamnés in solidum à verser aux sociétés Areas dommages et Areas vie la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

* confirmer la condamnation de ces sociétés à verser à M. [N] [Y] la somme de 17 618,97 euros au titre du solde de l'inventaire comptable de fin de gestion du 22 décembre 2011 avec majoration des intérêts au taux légal ;

En conséquence,

* condamner solidairement et indéfiniment les sociétés Areas dommages et Areas vie à payer à M. [N] [Y] les sommes suivantes :

- timbres pour l'année 2010 : 1 090 euros,

- terme pour l'année 2008 : 14 412 euros,

- terme pour l'année 2011 : 350 euros,

- indemnité compensatrice non réalisée par la Société Areas : 141 207 euros ;

* condamner solidairement et indéfiniment ces sociétés à verser la somme de 10 000 euros à M. [N] [Y] à titre de dommages-intérêts ;

* débouter ces sociétés de leurs demandes, fins et conclusions ;

* les condamner solidairement et indéfiniment à payer respectivement aux messieurs [Y] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* les condamner aux entiers dépens.

Ils font valoir que les sociétés Areas ne sauraient reprocher à M. [N] [Y] un défaut d'enregistrement des résiliations dès lors que c'est du fait du mandant que Mme [G], spécialement chargée de cette tâche, a dû quitter ses fonctions avant la fin du mandat d'agent général. Ils ajoutent que le terme [Y] Assurances ne tendait qu'à l'utilisation du nom de [E] [Y], qui n'a commencé son activité qu'en mai 2010, sans aucune volonté de confusion avec Areas au regard des couleurs de logo employées. [N] [Y] conteste la majoration des tarifs Areas. Les appelants contestent qu'il soit établi des résiliations anormales. Ils s'expliquent sur les éléments tirés du procès verbal de constat et considèrent qu'ils ne peut s'en déduire une activité engageant leur responsabilité respective. Ils ajoutent que M. [H], agent commercial, n'avait pas de rapport direct avec M. [Y]. Ils discutent le préjudice tel que retenu par les premiers juges. [N] [Y] soutient qu'Areas reste lui devoir, outre le solde de fin de gestion un certain nombre d'indemnités comprenant les termes 2008 et 2011 ainsi que l'indemnité compensatrice.



Les sociétés Areas dommages et Areas vie ont demandé dans leurs dernières conclusions, du 15 décembre 2017, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, à la cour de:

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que M. [E] [Y] avait commis des actes de concurrence déloyale à leur détriment ;

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que M. [N] [Y] avait commis des manquements contractuels et avait engagé sa responsabilité contractuelle à leur égard ;

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les fautes respectives de M. [N] [Y] et de M. [E] [Y] ont contribué de façon indissociable à leurs préjudices ;

En revanche :

* dire et juger recevable et bien fondé leur appel incident ;

* infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum messieurs [Y] à leur payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Y faisant droit,

* condamner in solidum messieurs [Y] à payer aux sociétés Areas dommages et Areas vie la somme de 406 650 euros à titre de dommages et intérêts ;

* infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné ces sociétés à payer à M. [N] [Y], la somme de 17 618,97 euros au titre du solde de l'inventaire comptable de fin de gestion du 22 décembre 2011 avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 février 2012 ;

* dire et juger que le montant du solde de l'inventaire comptable de fin de gestion s'élève à la somme de 13 599,69 euros ;

* ordonner la compensation entre le solde de l'inventaire comptable de fin de gestion dû par les sociétés Areas dommages et Areas vie avec les dommages et intérêts dus par M. [N] [Y] à leur encontre ;

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum messieurs [Y] aux dépens en ce compris les frais d'établissement du constat huissier du 8 janvier 2013 de la SCP Cambron-Pesin-Dupont-Lagrifoul ;

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum messieurs [Y] à payer aux sociétés Areas dommages et Areas vie la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

* condamner in solidum messieurs [Y] à payer à Areas dommages la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, s'agissant de la procédure engagée devant la Cour d'appel ;

* condamner in solidum messieurs [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elles invoquent une collusion entre leur ancien agent général et son fils pour capter la clientèle qui était la sienne et éviter qu'elle ne soit reprise par le nouvel agent général désigné. Elles invoquent à ce titre la confusion entretenue, une majoration des tarifs, une grande conviction utilisée pour faire résilier des sociétaires Areas et s'expliquent sur les éléments de fait qu'ils avancent à l'appui de leur argumentation. Elles soutiennent que M. [H] était bien le collaborateur de [N] [Y]. Elles estiment que c'est à tort que les premiers juges ont limité l'indemnisation de leur préjudice à la somme de 200 000 euros. Elles discutent le montant du solde de fin de gestion à raison d'opérations enregistrées postérieurement et contestent les autres sommes réclamées.



La clôture de procédure a été prononcée selon ordonnance du 26 décembre 2017.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Le tribunal a retenu que [N] [Y] avait engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis d'Aréas en violant la clause de non concurrence insérée aux conditions générales du traité de nomination (article 10) et que son fils [E] avait engagé sa responsabilité délictuelle par des actes de concurrence déloyale.



Pour conclure à la réformation du jugement, les appelants soutiennent n'avoir commis aucune faute qu'elle soit sur un terrain contractuel pour l'un ou délictuel pour l'autre.



Cependant ainsi que l'a exactement retenu le tribunal il est bien caractérisé par les intimées des fautes de chacun des appelants.



Il apparaît ainsi que [E] [Y] exerçait ses fonctions de courtier en assurance dans les mêmes locaux que son père agent général d'assurance. S'il discute la date de début de son activité, il n'en demeure pas moins qu'il a, à tout le moins, été inscrit à l'ORIAS à compter du 7 mai 2010 étant observé que l'extrait Kbis fait apparaître un début d'activité au 1er septembre 2009. Il régnait dès avant la cessation des fonctions de [N] [Y] et ce d'une façon qui ne peut être que délibérée la plus grande confusion, de sorte que [E] [Y] ne saurait soutenir comme il le fait qu'il n'a fait qu'user de son patronyme pour la dénomination commerciale de son activité. En effet, il est produit par les intimées (pièce 12) un contrat établit par [E] [Y] sous son numéro Orias 10055299 en qualité de courtier. Or, le cachet assurances [Y] dont [E] [Y] soutient qu'il ne faisait que reprendre son patronyme et son activité fait apparaître non seulement une adresse qui était celle de l'agence Areas mais également des numéros de téléphone et de télécopie identiques. Bien plus l'entête de ce courrier fait apparaître une adresse distincte de celle du cachet apposé avec la signature mais qui était celle du bureau secondaire de l'agence Areas à [Localité 8], avec les numéros de téléphone qui y étaient attachés et une adresse électronique comportant certes une extension qui n'était pas celle des assurances Aréas mais renvoyant à l'identité non pas de [E] [Y] mais de son père sous la forme [Courriel 10].



Il résulte encore du procès verbal de constat en date du 1er février 2012 que suite à la cessation d'activité de [N] [Y], l'activité de [E] [Y] s'est poursuivie dans des locaux différents mais en conservant le numéro de téléphone qui était celui du bureau secondaire du premier à [Localité 8] comme agent général Areas. Surtout, l'agence principale située [Adresse 6] était installée dans une partie d'une maison d'habitation qui constitue le domicile personnel de [N] [Y]. Alors que l'enseigne Aréas avait été maintenue, il était apposé sur le portillon d'entrée une affichette avec la mention assurances [Y] retrouvez [I] et [E] [Adresse 2] avec le numéro qui était celui de l'ancien bureau secondaire. Sur la façade du bâtiment où était implanté ce bureau secondaire et alors que l'enseigne Areas était également maintenue, il était apposé une affichette faisant état d'un simple changement d'adresse avec numéro de téléphone demeurant identique. Pour contester ces éléments, les appelants font valoir qu'il existait une seconde affichette avec l'adresse du nouvel agent général Aréas. Il n'est toutefois donné aucun élément de preuve du contenu de la seconde affichette, que [N] [Y] aurait pu facilement se constituer s'agissant de son domicile alors en outre qu'à supposer même l'existence d'une seconde affichette elle n'aurait pas fait disparaître la confusion entretenue par la première.



Cette confusion était manifestement entretenue ainsi qu'il résulte des attestations de clients et de la pièce 33 des intimés où [E] [Y] au nom d'assurances [Y], qu'il considère comme relevant uniquement de l'utilisation de son patronyme, se présente comme ancien agent Areas. Les appelants remettent en cause le caractère probant de lettres dactylographiées (pièces 9 et 41 des intimées) en faisant valoir que leur auteur respectif est âgé et peu familier avec l'informatique. Mais il n'en demeure pas moins que les termes en sont clairs et font apparaître la confusion par ailleurs établie, alors en outre que le courrier manuscrit de M. [X] (pièce 10) fait apparaître les mêmes éléments de confusion que le courrier dactylographié. Contrairement aux énonciations des appelants cette seconde lettre n'emporte pas de contradiction avec la première en particulier en ce que M. [X] fait valoir qu'il ne lui a pas été demandé s'il souhaitait rester chez Areas au moment de la résiliation du contrat d'agent général de [N] [Y].



Il apparaît ainsi que compte tenu de cette confusion [N] [Y] a contribué à l'utilisation par son fils du fichier client qui était celui d'Aréas dont il était le mandataire, permettant à celui-ci d'exercer une concurrence déloyale à l'encontre d'Areas. Cette exploitation du fichier client est encore démontrée par les éléments informatiques saisis chez [E] [Y] et qui démontrent un transfert des données de [N] [Y], qu'il ne détenait qu'en sa qualité d'agent général, au profit de son fils, peu important qu'il n'ait pas été physiquement présent dans les locaux désormais exploités par son fils.



Il est encore justifié par les lettres de clients de ce que l'attitude de [E] [Y] les poussait à résilier les contrats Areas et ce alors qu'il était encore dans les locaux de l'agence tenue par son père.



Dès lors qu'il est justifié que M. [H] n'est pas inscrit à l'ORIAS en tant qu'intermédiaire d'assurance, on ne saurait suivre les appelants dans leur argumentation sur son rôle de simple agent commercial étant encore rappelé qu'en toute hypothèse les fautes personnelles des appelants ont été suffisamment établies ci-dessus.



C'est ainsi par des motifs pertinents que la cour adopte pour le surplus que les premiers juges ont caractérisé une faute contractuelle de [N] [Y] et délictuelle de son fils [E], fautes ayant contribué de manière indissociable au préjudice d'Areas. Il n'y a donc pas lieu d'entrer davantage dans le détail de l'argumentation des parties quant aux fautes puisque celles-ci sont établies. La cour observe seulement que les dernières explications des appelants ne font qu'accroître la confusion puisqu'il y est soutenu que les clients de [N] [Y] connaissaient [E] [Y] depuis 1991 (date à laquelle il avait 6 ans), qu'il a dû l'aider après son infarctus en 2003 (confirmant ainsi son intervention), qu'il est resté à l'agence et en est devenu salarié en septembre 2014 (alors que [N] [Y] a cessé son activité en décembre 2011).



Le débat devient celui du préjudice subi par Areas. Il résulte des lettres de certains des assurés expliquant les circonstances des résiliations de leur contrat et du nombre de données client Areas figurant dans l'exploitation des disques durs de [E] [Y] que le principe du préjudice est certain, Areas devant toutefois établir la preuve de son quantum.



Chacune des parties discute ce préjudice, les appelants pour considérer qu'il est inexistant alors qu'Areas considère qu'il a été sous évalué.



Les moyens développés par les appelants quant aux conditions de cessation d'activité de [N] [Y] et de la reprise par son successeur M. [V] ne peuvent être retenus. Si en effet, [N] [Y] soutient que c'est du fait d'Areas si un certain nombre de résiliations n'ont pas été enregistrées à bonne date. Il fait valoir en effet que c'est Areas qui a pris l'initiative de se séparer la collaboratrice maîtrisant l'outil informatique au 31 (sic) novembre 2011. Mais s'il est certain qu'une rupture conventionnelle est intervenue et qu'Areas a accepté d'en supporter le coût, aucun élément ne permet d'imputer l'origine de cette rupture à Areas. Quant à la reprise par M. [V], les appelants soutiennent que les résiliations seraient liées au fait que celui-ci n'aurait pas ouvert l'agence au 1er janvier 2012 mais seulement 18 mois plus tard, faisant naître ainsi une solution de continuité préjudiciable au maintien de la clientèle. Ils se prévalent ainsi d'une lettre circulaire de M. [V] (pièce 2) faisant état selon eux d'une ouverture d'agence au 1er juillet 2013. Il résulte cependant des pièces produites par Areas que M. [V] a bien commencé son activité en janvier 2012. Ceci procède à titre d'exemple de la lettre d'un assuré en date du 25 janvier 2012 (pièce 27) mais également de la pièce 33 signée par M. [E] [Y] et faisant état de l'agence [V] depuis janvier 2012. Le courrier vanté par les appelants tient en réalité à la reprise par M. [V] d'un second portefeuille sans lien avec le présent litige.



Il résulte des pièces 24 et 25 des intimées, lesquelles ne sont pas spécialement contestées qu'alors que le taux de résiliation national oscille entre 19,4% et 19,8%, (le premier juge ayant par suite d'une erreur matérielle opéré une inversion entre le taux de résiliation de M. [Y] et de la compagnie dans le premier tableau) celui de l'agence de M. [N] [Y] était très supérieur dès octobre 2011 (date à laquelle il préparait son départ) à hauteur de 25,2% pour passer à 80,6% fin janvier 2012 ce qui constitue un taux totalement anormal. En effet, même en admettant que, compte tenu d'un intuitu personae, le départ à la retraite d'un agent général d'assurance soit en soi une circonstance de nature à générer un taux de résiliation supérieur au taux habituel, on ne peut que considérer que le taux supérieur à 80% est en lien avec les fautes retenues ci-dessus.



Areas, dans le cadre de son appel incident, n'établit pas davantage qu'en première instance que son préjudice devrait finalement être évalué à 406 650 euros, étant observé que son calcul n'est pas explicite et que même en l'envisageant il correspond davantage à une perte de chiffre d'affaire qu'à un préjudice indemnisable.



Si le récapitulatif des polices tel que produit par Areas fait bien apparaître une très importante baisse des cotisations nettes annuelles passées de 879 572 euros à 581 598,47 euros entre le 5 janvier 2012 et le 10 février 2012, c'est par un raisonnement exempt de critique que les premiers juges ont pu s'en tenir aux seules 337 polices résiliées au profit de M. [E] [Y]. Aucun élément ne permet de remettre en cause l'évaluation que les premiers juges ont faite du chiffre d'affaire perdu à raison de ces 337 polices. C'est ensuite à raison qu'ils ont retenu que le préjudice ne pouvait être égal à une perte de chiffre d'affaire même limitée à un an et qu'en considération de ce chiffre d'affaire perdu sur un an évalué à 301 235 euros, il ont fixé le préjudice lui-même à la somme de 200 000 euros. Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.



S'agissant du solde de l'inventaire comptable, la cour n'est saisie que par les termes de l'appel incident d'Areas. Si les intimées reprennent leur argumentation telle que développée en première instance, la cour ne peut que constater que le solde de fin de gestion a bien été établi contradictoirement à la somme de 17 618,97 euros. Si Areas invoque des régularisations postérieures ramenant ce solde à 13 856,69 euros, elle le fait de manière parfaitement unilatérale. Sa pièce 55 constituée d'un tableau qu'elle a établi ne saurait permettre de considérer que les opérations venant au débit du compte sont justifiées. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.



M. [N] [Y] reprend trois prétentions soumises aux premiers juges dans les termes suivants :

1 090 euros en règlement de timbres pour l'année 2010 et correspondant au règlement de petits sinistres,

14 412 euros au titre du terme de l'année 2008,

350 euros au titre du terme de l'année 2011.



Il produit de ce chef des pièces éparses sans expliciter et encore moins démontrer pourquoi elles n'auraient pas été intégrées au solde de fin de gestion. Quant à la somme de 14 412 euros il vise une disposition inexistante du code des assurances (article L133) et si on se réfère à la seule disposition possible (L133-1) sans aucun lien avec le présent litige. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté ces prétentions.



M. [N] [Y] sollicite enfin la somme de 141 207 euros au titre d'une indemnité compensatrice. Alors que les premiers juges avaient indiqué qu'il n'était visé aucune disposition contractuelle qui fonderait cette prétention, il la reprend devant la cour sans plus de précisions. Il renvoie uniquement à une pièce (24) laquelle ne peut rien démontrer puisqu'il s'agit d'un document au demeurant peu explicite et en tout cas unilatéral puisqu'établi par lui seul. À supposer que cette demande corresponde à l'indemnité de cessation de fonctions prévues par l'article 10 des accords contractuels du 17 mars 2005, la cour ne peut que constater que M. [Y] ne vise pas explicitement ces dispositions et précise encore moins les modalités de son « calcul » en visant des commissions à hauteur de 141 207 euros sans préciser sur quel document vérifiable il s'appuie. Le document fait encore état de commissions totales Areas rétrocédées pour -34 985 euros sans que la cour puisse déterminer à quoi cela correspond. La cour ne peut que rappeler que le tribunal avait expressément indiqué que la demande était insuffisamment fondée dès lors que M. [Y] se bornait à revendiquer le montant des « commissions au 31/12/11 » sans aucun justificatif. Il était donc loisible à M. [Y] d'étayer son argumentation devant la cour et de préciser sa demande en l'assortissant de pièces de nature à la justifier. Il ne le fait pas de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement.



C'est encore à bon droit que le tribunal a retenu que M. [Y] ne justifiait pas d'un préjudice qui ne serait pas réparé par les intérêts moratoires au titre de la seule somme dont il est reconnu créancier, à savoir l'inventaire comptable de fin de gestion.



Le jugement sera ainsi confirmé en toutes ses dispositions comprenant le sort des dépens et l'indemnité de procédure en première instance, sauf à y ajouter la compensation entre la créance indemnitaire d'Areas et la créance de [N] [Y] au titre de l'inventaire comptable de fin de gestion.



L'appel étant mal fondé, les appelants seront in solidum condamnés au paiement de la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.





PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Dit qu'il y aura lieu à compensation entre la créance indemnitaire d'Areas dommages et Areas vie et la créance de [N] [Y] au titre de l'inventaire comptable de fin de gestion,



Condamne in solidum M. [N] [Y] et M. [E] [Y] à payer à la société Areas Dommages la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne in solidum M. [N] [Y] et M. [E] [Y] aux dépens.







Le présent arrêt a été signé par Madame Elisabeth LARSABAL, présidente, et par Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier,La Présidente,

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