27 février 2018
Cour d'appel de Lyon
RG n° 16/03016

1ère chambre civile B

Texte de la décision

R.G : 16/03016









Décisions :



- Tribunal de Grande Instance de PUY-EN-VELAY

Au fond du 22 novembre 2013



RG : 2013/00082



- Cour d'Appel de RIOM

du 17 novembre 2014

RG / 13/3280



- Cour de Cassation Civ.3

du 17 mars 2016

Pourvoi n°A 15-10.801

Arrêt n°364 F-D





[J]

[V]



C/



[R]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 27 Février 2018



statuant sur renvoi après cassation







APPELANTS :



Mme [L] [J] épouse [V]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1] (63)

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocats au barreau de LYON





M. [Z] [V]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 3] (42)

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocats au barreau de LYON









INTIMÉ :



M. [U] [J] [R]

né le [Date naissance 3] 1930 à [Localité 4] (42)

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON





******



Date de clôture de l'instruction : 21 Septembre 2017



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Janvier 2018



Date de mise à disposition : 27 Février 2018



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Florence PAPIN, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller



assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier



A l'audience, Florence PAPIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.



Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.






****



EXPOSÉ DE L'AFFAIRE



Les époux [V] sont propriétaires d'une maison et de plusieurs parcelles situées au [Adresse 1], figurant au cadastre sous les numéros [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5].



Faisant valoir qu'il s'était arrogé le droit de circuler sur leurs parcelles pour rejoindre la parcelle [Cadastre 6] qui appartient à son épouse à partir des parcelles [Cadastre 7] et [Cadastre 8] alors qu'il existe un chemin communal lui permettant d'y accéder, les époux [V] ont assigné M. [U] [R], par acte d'huissier du 14 janvier 2013, afin qu'il lui soit fait interdiction de passer sur leurs parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] et en paiement de dommages et intérêts.



Le 22 novembre 2013, le tribunal de grande instance du PUY EN VELAY a débouté les époux [V] en déclarant leur demande irrecevable aux motifs qu'ils n'avaient aucun droit sur ledit chemin (apparaissant en traits discontinus sur le cadastre), lequel serait une propriété de la commune.



Par arrêt du 17 novembre 2014, la 1ère chambre civile de la cour d'appel de RIOM a confirmé le jugement querellé en considérant que les époux [V] n'étaient pas fondés à interdire à M. [U] [R] de passer sur ce chemin.



Les époux [V] ont formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM et par décision du 17 mars 2016, la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 17 novembre 2014, au motif 'que l'affectation à l'usage du public implique une circulation générale et continue', a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de LYON.



Les époux [V] ont adressé à la cour d'appel de Lyon la déclaration de saisine le 2 juin 2016.



Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 3 mai 2017, les époux [V] demandent à la cour de :



Vu les articles 771, 907 et 914 du code de procédure civile,

Vu l'article L161-1 et L161-2 du code rural et de la pêche maritime,

Vu les articles 1382 et 1383 du code civil,

Vu l'article L131-1 du code de procédure civile d'exécution,

Vu les pièces versées aux débats,



- dire et juger l'appel de Mme [L] [J] épouse [V] et M. [Z] [V] recevable et bien fondé,



- réformer le jugement rendu le 22 novembre 2013 par le tribunal de grande instance du PUY-EN-VELAY,



STATUANT A NOUVEAU,

- dire et juger que le chemin litigieux n'est ni communal ni rural et qu'il n'est pas la propriété de la commune de [Localité 5],



- faire interdiction à M. [U] [R], ainsi qu'à tout membre de sa famille et/ou ayants-cause et/ou préposés de passer sur les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] appartenant à Mme [L] [J] épouse [V] et M. [Z] [V], sous astreinte de 1 500 € par infraction constatée à compter de l'arrêt à intervenir,



- condamner M. [U] [R] à payer à Mme [L] [J] épouse [V] et M. [Z] [V] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,



- condamner M. [U] [R] à payer à Mme [L] [J] épouse [V] et M. [Z] [V] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner M. [U] [R] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL BENOIT-LALLIARD-ROUANET, avocat, sur son affirmation de droit,



- débouter M. [U] [R] de l'intégralité de ses prétentions, fins et moyens plus amples et/ou contraires.



Ils font valoir :



- que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour déclarer l'appel irrecevable et qu'il n'a pas été saisi par l'intimé,



- qu'il résulte de la recherche effectuée par Mme [E] généalogiste que le chemin n'est pas considéré comme un véritable chemin au sens d'une voie de circulation et ce depuis de très nombreuses années et qu'il ne fait pas partie des chemins communaux, ruraux ou vicinaux de la commune,



- que le maire de la commune de [Localité 5] atteste qu'il ne s'agit pas d'un chemin communal et précise que le cadastre fait apparaître un passage ancien de droit privé emprunté par les pêcheurs et promeneurs à pieds et en aucun cas par les véhicules à moteur,



- que l'absence d'affectation à l'usage du public ressort également du constat d'huissier de Me [H],



- que les parcelles de l'intimé sont directement accessibles par la route départementale en empruntant un chemin carrossable et praticable, éléments corroborés par plusieurs attestations dont celle du maire de la commune,



- que les arguments soulevés par l'intimé par rapport à son état de santé doivent être rejetés, l'interdiction demandée concernant également tout membre de sa famille, ses ayant causes, et ses préposés.



Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 31 juillet 2017 , M. [U] [R] demande à la cour de :



- vu l'article 32 du code de procédure civile,



- constater que M. [R] est quasiment grabataire,



- les appelants sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir et mal fondés en leur action, les en débouter,



- les condamner à payer et à porter à M. [R] la somme de 5 000 € pour procédure abusive, ainsi que la somme de 15'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,



- les condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel par application de l'article 699 du code de procédure civile.



Il fait valoir :



- qu'il est âgé maintenant de 87 ans, titulaire d'une carte d'invalidité supérieure à 80 % depuis 2013 et demeure à 65 km des parcelles concernées,



- que son médecin certifie que son état de santé (cancer traité par radiothérapie et compliqué par une embolie pulmonaire), qui s'est dégradé au cours de l'année écoulée, nécessite des soins quotidiens, réduit son autonomie et sa mobilité de façon importante et qu'il ne peut plus effectuer de déplacements loin de chez lui ni conduire depuis plusieurs mois,



- qu'ainsi cela fait longtemps qu'il n'est plus capable de passer sur des voies sur berge difficiles d'accès pour des piétons,



- que les attestations versées aux débats démontrent en outre la réalité de l'existence d'une servitude de passage,



- qu'un chemin est présumé faire partie du domaine privé communal si depuis longtemps il est utilisé par les habitants ce qui est le cas en l'espèce sa famille, ses parents, de nombreux agriculteurs pécheurs et promeneurs passant par ce chemin depuis plus de 60 ans.



En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2017.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur l'étendue de la saisine :



Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;



Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte', que la cour n'a dès lors pas à y répondre ;



Attendu que les appelants remettent en cause l'ensemble des dispositions de la décision déférée,



Sur la recevabilité de l'appel :



Attendu que l'intimé soulève le défaut d'intérêt à agir des appelants au regard de son âge et de son état de santé qui ne lui permettraient plus de se déplacer,



Attendu qu'en application de l'article 546 du code de procédure civile pour faire appel, il faut y avoir un intérêt, que l'existence de l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'appel, soit en l'espèce le 9 décembre 2013,



Attendu qu'ainsi peu importe la dégradation de l'état de santé de M. [R] dont il est attesté pour l'année 2017,



Que de plus la demande d'interdiction concerne également la famille de M. [R], ses ayant droits ainsi que ses préposés,



Que dès lors la preuve du défaut d'intérêt à agir des appelants à la date du 9 décembre 2013 n'est pas rapportée,



Qu'il y a dès lors lieu de déclarer l'appel recevable,



Sur le fond :



Attendu qu'en application de l'article L 161-1 et -2 du code rural et de la pêche, les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune, l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée.



Attendu qu'il résulte de l'attestation du maire de [Localité 5] que le chemin litigieux n'est emprunté que par quelques pêcheurs et promeneurs à pieds, que d'autres attestations versées par l'intimé font état d'un usage saisonnier pour les fenaisons et conduites des troupeaux, qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun entretien par la commune,



Attendu qu'en l'absence de preuve d'une circulation générale et continue et dès lors d'une affectation à l'usage public au sens des articles précités, le chemin litigieux ne peut être considéré comme un chemin rural appartenant à la commune mais doit être considéré comme un chemin à usage privé,



Attendu que M. [R] ne rapporte par ailleurs la preuve ni de l'existence d'une servitude de passage conventionnelle à son profit sur le chemin litigieux ni d'une situation d'enclave alors que le maire fait état d'un accès possible aux parcelles concernées par un chemin entretenu par la commune et carrossable comme cela résulte également du constat d'huissier de Me [H] (accès depuis la route départementale N°25 par les parcelles A [Cadastre 9] ,A [Cadastre 10] ,A [Cadastre 11] , A [Cadastre 12] et suivantes),



Que dès lors il convient d'infirmer la décision déférée et de faire droit à l'interdiction sollicitée sans l'assortir d'une astreinte,



Attendu que la preuve d'un trouble de jouissance n'étant pas rapportée par les appelants, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande de dommages-intérêts,



Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :



Attendu que M. [U] [R], qui succombe dans son appel, est dès lors débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :



Attendu que M. [U] [R] est condamné aux dépens, ceux d'appel recouvrés directement par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,



Attendu que M. [U] [R] est condamné à payer aux époux [V] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté de sa demande au même titre,





PAR CES MOTIFS



La cour,



Déclare l'appel recevable,



Infirme la décision déférée,



Statuant à nouveau,



Dit que le chemin litigieux est un chemin à usage privé,



Fait interdiction à M. [U] [R], ainsi qu'à tout membre de sa famille et/ou ayants-cause et/ou préposés de passer sur les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 3] appartenant à Mme [L] [J] épouse [V] et M. [Z] [V],



Condamne M. [U] [R] à payer aux époux [V] la somme de 2 000 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile,



Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,



Condamne M. [U] [R] aux dépens, ceux d'appel recouvrés directement par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,









LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

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