3 mai 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/19214

Pôle 5 - Chambre 5

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 3 MAI 2018



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19214



Décision déférée à la cour : jugement du 26 août 2015 -tribunal de grande instance de SENS - RG n° 12/00029





APPELANT



Monsieur [V] [Y]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 1]



Représenté par Maître Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Maître Jean-François Morlon, avocat au barreau de BORDEAUX





INTIMÉE



SAS EDITIONS ATLAS

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 693 650 137

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Maître Bruno LANDON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0595





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère

Madame Anne DU BESSET, Conseillère



qui en ont délibéré,









Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



FAITS ET PROCÉDURE :



Par convention du 20 décembre 2006, à effet au 14 janvier 2007, la société Éditions Atlas, spécialisée l'édition et de la commercialisation de produits loisirs, a conclu, pour une durée indéterminée, avec Monsieur [V] [Y] un contrat confiant à ce dernier la prospection des clients de la société Éditions Atlas sur un territoire composé de plusieurs cantons de l'arrondissement de [Localité 2] ; ce contrat a donné lieu à la signature de neuf avenants ayant permis l'extension du secteur géographique attribué à Monsieur [Y].

Le 1er juillet 2011, Monsieur [Y] a cessé d'exécuter son contrat.



Le 4 juillet 2011, Monsieur [V] [Y] a conclu avec la société Anavéo un contrat, à durée indéterminée, dénommé « contrat de travail d'attaché commercial exclusif non VRP ».



Selon exploit en date du 16 décembre 2011, Monsieur [Y] a fait assigner la société Éditions Atlas devant le tribunal de grande instance de Sens aux fins notamment, au visa de l'article L.134-1 du code de commerce, de voir prononcer la résiliation du contrat d'agent commercial le liant à la société Éditions Atlas aux torts de cette dernière et la condamner à lui payer diverses sommes au titre de cette résiliation fautive.



Par jugement rendu le 26 août 2015, le tribunal de grande instance de Sens a :



- déclaré irrecevables les conclusions de Monsieur [V] [Y] signifiées le 3 décembre 2014 à 9h10 par le RPVA ;



- dit que la convention du 20 décembre 2006 est un contrat d'agent commercial ;



- prononcé la résiliation judiciaire de la convention du 20 décembre 2006 aux torts exclusifs de Monsieur [V] [Y] ;



- reçu l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la société Éditions Atlas s'agissant de la liquidation des astreintes et s'est dessaisi au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Sens sur cette demande ;





- condamné Monsieur [V] [Y] à payer la somme de 5.000 euros au profit de la société Edition Atlas SAS sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



- condamné Monsieur [V] [Y] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Nathalie Daude, membre de la société Nathalie Daude, avocat au barreau de Sens ;



- débouté les parties de leurs autres demandes ;



- ordonné l'exécution provisoire du jugement.



Vu l'appel principal interjeté par Monsieur [V] [Y] à l'encontre de ce jugement ;






***



PRÉTENTIONS DES PARTIES :



Monsieur [V] [Y], par dernières conclusions signifiées le 8 février 2018, demande à la cour, au visa des articles L.134-1 et suivants du code de commerce, de :



- le dire recevable et bien fondé en son appel ;



- réformer la décision déférée sauf en ce qui concerne la qualification du contrat liant les parties,



À titre principal,



- constater que le contrat qui liait la société Éditions Atlas et Monsieur [Y] était un contrat d'agent commercial ;



- dire que la société Éditions Atlas est mal fondée à solliciter la requalification du contrat en question ;



À titre subsidiaire, si la cour devait requalifier le contrat passé entre les parties,



- dire que la société Éditions Atlas a commis une faute en trompant délibérément Monsieur [Y] sur la nature du contrat passé entre les parties ;



- la condamner, sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, au paiement de dommages et intérêts d'un montant égal à la somme des indemnités auxquels Monsieur [Y] aurait pu prétendre du fait de son statut d'agent commercial, soit la somme totale de 178.439 euros, outre le remboursement des dé-commissionnements injustifiés pour 28.240 euros HT ;



- dire qu'à raison de son statut d'agent commercial de Monsieur [Y], sa mandante, la société Éditions Atlas étaient tenue de l'obligation générale de « mettre son agent en mesure d'exécuter normalement son mandat » ;



- dire qu'en tout état de cause et à raison du contrat écrit régularité entre les parties et quelque soit la qualification donnée à cette convention, il pesait sur la société Éditions Atlas une obligation identique ;



- constater qu'il est établi en preuve que la société Éditions Atlas a cessé, progressivement à compter de 2008, de satisfaire à son obligation de mettre Monsieur [Y] en mesure d'exécuter normalement son mandat et de remplir au mieux sa mission :



' en supprimant près des deux tiers du volume des nouveaux produits dont Monsieur [Y] disposait habituellement et sur lesquels il réalisait l'essentiel de son chiffre d'affaires tout en modifiant profondément l'attractivité commerciale des produits en question ;



' en réduisant drastiquement le volume et la qualité des coupons réponses et adresses correspondants aux prospects qui étaient habituellement confiés au concluant ;



' en contraignant Monsieur [Y] à vendre les produis à des prix devenus non concurrentiels par rapport à ceux pratiqués par le commerce électronique ;



' en interdisant soudainement et sans aucun préavis à Monsieur [Y] de vendre sur des salons thématiques ou il réalisait une part significative de son chiffre d'affaire annuel ;



- dire qu'au titre des dispositions applicables aux parties, la société Éditions Atlas était également tenue à l'obligation d'aviser dans un délai raisonnable Monsieur [Y] de toute modification prévisible du volume des opérations qui lui étaient confiées ;



- constater qu'il est établi en preuve que la société Éditions Atlas a profondément modifié l'économie générale des conditions d'exercice de l'activité de concluant (produits, prospects, territoire, etc') en mettant systématiquement Monsieur [Y] devant le fait accompli sans l'avoir jamais prévenu préalablement de ces bouleversements qui importaient portant son activité ;



- constater que l'ensemble de ces faits constituent objectivement des 'circonstances imputables' à la société Éditions Atlas, au sens de l'article L.134-13 du code de commerce ;



En conséquence,



- prononcer la résiliation du contrat liant les parties aux torts de la société Éditions Atlas ;



Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas l'existence d'un contrat d'agent commercial,





- dire que les agissements de la société Éditions Atlas, qui ont eu des conséquences économiques capitales sur l'activité du concluant et qui ne peuvent être justifié par la force majeure, constituent indiscutablement un motif de résiliation du contrat aux torts de la société Éditions Atlas, par application de l'article 1184 ancien du code civil et ce, quelque soit la qualification pouvant être donnée à la convention régularisée entre les parties ;



- dire que Monsieur [Y] est fondé à obtenir les indemnisations prévues par la loi sur l'agence commerciale, ou à défaut sur le fondement de l'article 1184 ancien du code civil ;



- condamner la société Éditions Atlas à payer à Monsieur [Y] :



' à titre d'indemnité de cessation de contrat à la somme de 155.232 euros non soumise à la TVA ;



' à titre d'indemnité de préavis la somme de 23.207 euros TTC ;



' au titre de la restitution des dé-commissionnements indûment prélevés par la mandante la somme de 28.240 euros HT ;



- dire que ces sommes portèrent intérêts à compter de la date de l'assignation ;



- débouter la société Éditions Atlas de toues demandes contraires ;



- condamner la société Éditions Atlas à payer à Monsieur [Y] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



- débouter ladite société de sa demande pour frais irrépétibles, lesquels resteront à sa charge, en tout état de cause ;



- la condamner aux entiers dépens.



Sur la demande de la société Éditions Atlas tendant à dire que le contrat liant n'est pas un contrat d'agent commercial, il fait valoir que le contrat est clair et dépourvu d'ambiguïté, de sorte qu'il n'est pas susceptible d'interprétation. Il indique qu'il était contractuellement prévu qu'il serait un agent commercial ; il expose que le statut d'agent commercial se caractérise par l'indépendance et la capacité à négocier et éventuellement à conclure des contrats au nom et pour le compte de sa mandante ; il souligne que la « négociation » consiste à « emporter l'adhésion du client potentiel et l'amener à acheter », de sorte que la discussion du prix n'est pas un élément constitutif de la négociation ; tant l'objet du contrat, que les obligations de la mandante et les modalités de rupture sont identiques au contrat-type de l'agent commercial et à la loi du 25 juin 1991 sur l'agence commerciale ; il ajoute que les Éditions Atlas n'ont jamais formulé de reproche quant aux obligations d'indépendance, de négociation et de conclusion de ventes pesant sur lui. Il souligne que les éléments de sa mission sont ceux de l'agent commercial : établir tous contacts commerciaux avec tout client potentiel, conclure des contrats 'au nom et pour le compte de sa mandante', organiser son travail librement, rechercher parmi les produits celui qui séduira le prospect (aux termes du document 'plan de vente').



A titre subsidiaire, il invoque la responsabilité de la société Éditions Atlas, en faisant valoir que, même si le contrat était requalifié en mandat, la société Éditions Atlas a défini le cadre juridique et les modalités d'exécution du contrat dans le cadre des dispositions de la loi du 25 juin1991 sur l'agence commerciale, de sorte que cette requalification du contrat en « mandat » est erronée ; il en conclut que les Éditions Atlas ont eu la volonté de le tromper sur la nature réelle du contrat, ce qui caractérise un dol préjudiciable de nature à engager la responsabilité des Éditions Atlas.



Sur la résiliation du contrat, il rappelle que l'article 9 du contrat, qui reprend l'article L.134-12 du code de commerce, selon lequel la rupture du contrat, sauf faute grave de l'agent ou force majeure, entraîne pour ce dernier le droit de percevoir une indemnité, est applicable quelque soit la qualification donnée au contrat.



Il souligne que 'l'exécution efficace du contrat d'agence suppose le concours de chaque contractant ('). Le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat ('). Faute par le mandant d'exécuter son obligation ('), l'agent est fondé (') à mettre fin au contrat ». Il prétend que la résiliation du contrat est imputable au mandant pour manquement à ses obligations, ce dernier l'ayant empêché d'exécuter normalement le mandat en ce que, même si la quantité de produits et de coupons à fournir n'était pas contractuellement définie, la fourniture de ces derniers était partie intégrante de l'obligation des Éditions Atlas de le mettre en mesure d'exécuter sa mission. Il invoque :



- la modification majeure du volume de produits confiés, en baisse de 70 % entre 2007 et 2010 ;



- la fermeture de la division 'fascicule', dédiée au réseau 'vente à domicile', qui eu pour effet d'entraîner une diminution du chiffre d'affaires des agents de 70 %, de sorte que les rares produits nouveaux, qui représentent l'essentiel du chiffre d'affaire de la société Édition Atlas et des agents commerciaux, procédaient d'autres réseaux sur lesquels il subissait une très lourde concurrence ; Atlas a, à cet égard, manqué à son obligation de loyauté en n'informant pas son agent de la fermeture de cette division ;



- la diminution des tests pratiqués, en baisse de 76 % entre 2007 et 2010 ;



Monsieur [Y] fait valoir que l'économie générale du contrat a été modifiée par :



- la baisse du volume des coupons, en diminution de 85 % entre 2007 et 2011, et ce alors que son secteur géographique a été multiplié par 5,5 durant la même période ;



- la baisse de qualité des coupons, devenus quais-inexploitables ; il rappelle que beaucoup de coupons étaient issus de la division « fascicule » qui représentait 8 % des ventes par correspondance et affirme que la fermeture de cette division a fait chuté la capacité de vente à 0,5 % ; il souligne que les Éditions Atlas ont contribué à la diminution du volume des coupons et n'ont donc pas mis en oeuvre les moyens nécessaires et habituels pour que leurs agents disposent d'un nombre normal de coupons ;



- l'interdiction de participer aux salons et foires, générateur important de chiffre d'affaires : l'interdiction posée par la société Édition Atlas de participer à ces événements a contribué à asphyxier l'activité.



Ces circonstances, imputables à Atlas, ont eu des conséquences sur l'activité de l'agent et lui ont causé un préjudice : les charges de Monsieur [Y] se sont ainsi accrues entre 2007 et 2011, passant de 35 % du chiffre d'affaires à 82 % en 2011, progression qui s'explique par l'expansion géographique de son secteur et la diminution du nombre de coupons.



Monsieur [Y] fait enfin valoir qu'il est fondé à percevoir :



- les indemnités de rupture du contrat d'agent commercial : l'indemnité de préavis et l'indemnité de cessation de contrat ;



- le remboursement des dé-commissionnements indûment prélevés : il rappelle que les dé-commissionnements sont des sommes déduites des commissions versées mensuellement au concluant en cas de retard de paiement des clients prospectés et affirme que ces dé-commissionnements ont eu lieu sans explication.





La société Éditions Atlas, appelante à titre incident, par dernières conclusions signifiées le 14 février 2018 , demande à la cour de :



A titre principal, au visa des articles L.134-1 du code de commerce et 12 du code de procédure civile,



- dire que la convention du 20 décembre 2006 et ses conditions réelles d'exécution ne permettent pas à Monsieur [Y] de se prévaloir du statut légal des agents commerciaux ;



- constater, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, que Monsieur [Y] est défaillant à faire la preuve de sa qualité d'agent commercial ;



Vu les articles 1134,1992 et 2004 du code civil,



- débouter Monsieur [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;



Subsidiairement,



- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat du 20 décembre 2006 aux torts exclusifs de Monsieur [Y] ;



Plus subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour prononcerait la révocation du mandat de Monsieur [Y] aux torts de la société Éditions Atlas,



- fixer le montant de l'indemnité de rupture à la somme de 76.239,46 euros et débouter Monsieur [Y] de sa demande de préavis ;



- condamner Monsieur [Y] au paiement de la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de Maître Bruno LANDON, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Sur la qualification du contrat d'agent commercial, la société Éditions Atlas fait valoir que celui qui se prétend agent commercial doit en rapporter la preuve en démontrant, par les conditions réelles du contrat, avoir disposé d'un pouvoir de négociation et de représentation, preuve que ne rapporte pas Monsieur [Y]. Elle fait valoir que ce dernier n'était titulaire :



- ni du pouvoir de négociation, qui implique une capacité de modifier l'offre contractuelle ;



- ni du pouvoir de représentation : le mandataire doit pouvoir engager le mandant dans les liens d'un acte juridique en l'obligeant à s'exécuter, sans quoi la relation ne peut pas être qualifiée de mandat d'intérêt commun.



Elle ajoute que les conditions réelles de l'exécution du contrat ne permettent pas de retenir la qualification de contrat d'agence commerciale ; à ce titre :



- le paiement d'une commission n'est pas un critère d'application du statut d'agent commercial ;



- le taux de conversion (nombre de personnes prospectées/nombre de ventes) n'est pas une preuve ou un indice d'un pouvoir de négociation ;



- aucun élément de l'offre contractuelle ou du bon de commande ne pouvait être modifié par Monsieur [Y], de sorte que ce dernier ne justifie pas d'un pouvoir de négociation ;



- le mandant de Monsieur [Y] permettant de visiter la clientèle, engager des pourparlers préalables, présenter des produits et convaincre à l'achat ne constitue pas la preuve du statut d'agent commercial ;



- Monsieur [Y] ne rapporte pas la preuve d'un pouvoir de représentation ; notamment, la signature, par Monsieur [Y], d'un bon de commande n'est pas un indice d'un pouvoir de représentation.



Sur la demande infiniment subsidiaire de dommages-intérêts : La société Éditions Atlas fait valoir que Monsieur [Y] ne peut pas intenter une action en responsabilité en se fondant uniquement sur une erreur de qualification du contrat.



Elle invoque, en outre, la prescription de la demande, qui aurait dû intervenir au plus tard le 17 juin 2013.



La société Éditions Atlas fait valoir que le contrat liant les deux parties doit recevoir la qualification de contrat de courtage car Monsieur [Y] devait présenter aux clients le ou les produits pour lesquels ils avaient manifesté un intérêt. Elle ajoute qu'elle-même avait l'obligation de fournir des clients à Monsieur [Y]. Elle rappelle que les coupons sont un support matériel du contrat de courtage, sans lesquels la convention ne peut pas être exécutée.



Elle rappelle que la particularité du contrat de courtage est la possibilité de le révoquer sans motifs ni indemnités, de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée sauf manquement à ses obligations contractuelles ayant empêché la conclusion d'une vente, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.



Sur la résiliation du contrat, la société Éditions Atlas indique que l'article 9, relatif à la rupture du contrat, invoqué par Monsieur [Y], est inapplicable en l'espèce puisque les Éditions Atlas n'ont pas résilié le contrat et que ledit contrat n'est pas un mandat d'intérêt commun.



Elle fait valoir que Monsieur [Y] ne rapporte pas la preuve d'un manquement contractuel à son encontre de nature à entraîner la résiliation du contrat aux torts des Éditions Atlas. Elle affirme au contraire que Monsieur [Y] a manqué à ses obligations, justifiant ainsi la résiliation du contrat à ses torts, qu'il a dissimulé l'existence de son contrat de travail, existence qu'il a ensuite reconnue, que l'exécution de ce contrat de travail impliquait l'interdiction de toute autre activité professionnelle et a commencé cinq mois avant l'assignation, de sorte que Monsieur [Y] n'était plus en mesure, à partir de cette période, d'exécuter son mandat.



A titre encore plus subsidiaire, les Éditions Atlas concluent à l'absence de manquement à leurs propres obligations contractuelles, qu'il s'agisse de :



- la fourniture de coupons : elle indique que la fourniture des coupons n'était pas une obligation contractuelle, et qu'en tout état de cause, le nombre de coupons a augmenté de 1.325 à 2.000 entre juillet et novembre 2011, de sorte que le volume des ventes n'en a pas été affecté ;



- son obligation contractuelle d'information et de loyauté : elle fait valoir que, Monsieur [Y] n'étant pas un salarié, elle n'avait aucune obligation de l'informer sur la préparation d'un plan de sauvegarde ;



- la concurrence pratiquée sur internet, reproche que Monsieur [Y] n'a jamais formulé pendant l'exécution du contrat, alors qu'il a vendu, pendant plusieurs années, sans s'en plaindre, les mêmes produits lorsqu'ils étaient au catalogue.



A titre infiniment subsidiaire, sur les demandes pécuniaires, la société Éditions Atlas fait valoir que Monsieur [Y] n'est fondé à obtenir :



- ni une quelconque indemnité de rupture, l'absence de statut d'agent commercial et les manquements de Monsieur [Y] s'opposant l'octroi d'une telle indemnité ; elle soutient également que, si la cour devait considérer que l'indemnisation est due à ce titre, elle devrait être limitée à la somme de 76.239,46 euros ;



- ni une indemnité de préavis, dès lors que Monsieur [Y] a cessé d'exécuter son mandat à partir de juin 2011 ;



- ni la somme réclamée au titre des dé-commissionnements ; elle indique qu'elle avait pour habitude d'anticiper le paiement des commissions et, en cas de défaillance d'un client, de procéder à un dé-commissionnement ; elle fait cependant valoir qu'elle a procédé à un re-commissionnement à hauteur de 11.208,08 euros au profit de Monsieur [Y], de sorte qu'il ne pouvait ignorer ce procédé ; elle ajoute qu'il était parfaitement informé des résultats des actions en recouvrement, qui s'effectue via un portail intranet.



Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.




***

MOTIFS



' Sur la qualité d'agent commercial



Considérant que l'article L.134-1 du code de commerce dispose que : 'L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières.' ;



Considérant que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'il incombe à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve ;



Considérant qu'il ressort des catalogues des produits et prix de vente de juin à décembre 2011 versés aux débats (pièce Atlas n° 9 à 15) que Monsieur [Y] n'était en mesure de modifier aucun des éléments de l'offre contractuelle des Editions Atlas :



- ni les quantités, le client ne s'abonnant qu'à un seul exemplaire d'une édition ;



- ni les prix, un seul prix étant proposé par produit, les catalogues des produits et prix faisant apparaître que le prix de chaque article est défini (par les Editions Atlas), que le paiement ait lieu au comptant ou à crédit, la remise sur le prix de vente TTC, avant frais de port, étant fixé, dans ce premier cas, à 3 %, et Monsieur [Y] ne produisant aucun bon de commande portant mention d'une remise autre librement négociée avec le client ;



- ni les modalités de paiement, le nombre et le montant des échéances mensuelles, ceux-ci étant déterminés a priori, de même que le montant des agios et des frais d'expédition, l'article 6.4 du contrat confirmant le pouvoir de décision du seul mandant sur ce point ('les conditions de prix et les formalités de paiement seront définies par le mandant') ;



Que Monsieur [Y] ne justifie pas, dans ces conditions, avoir disposé effectivement d'une quelconque marge de manoeuvre sur une partie au moins de l'opération économique ; que les prix de cession, les barèmes de remises du mandant et les conditions générales de distribution et de vente sont définies par le mandant ;



Qu'il ne justifie pas davantage avoir eu la possibilité d'engager son mandant, alors qu'il n'avait pas la capacité de signer de contrat ferme avec les clients et que les bons de commande étaient soumis à l'accord des Editions Atlas, ainsi que cela est confirmé par l'article 5-1 du contrat qui stipule que 'le mandant vérifie à la réception des commandes si elles correspondent aux prix de cession et aux barèmes de remises et aux conditions générales de distribution et de vente et qu'il se réserve le droit d'accepter définitivement la commande.' ;



Considérant que Monsieur [Y] ne démontre donc qu'il avait le pouvoir ni de négocier les contrats de vente, ni de représenter les Editions Atlas au sens de l'article L.134-1 précité ; que l'absence de pouvoir de négocier des contrats au nom et pour le compte de son mandant et de représenter ce dernier exclut toute application du statut d'agent commercial ; que le jugement entrepris sera, en conséquence, infirmé en ce sens ;



' Sur la résiliation du contrat



Considérant que Monsieur [Y], dès lors qu'il ne possède pas la qualité d'agent commercial, ne saurait ni invoquer les manquements des Editions Atlas aux dispositions de l'article L.134-4 du code de commerce pour ne l'avoir pas mis en mesure d'exécuter normalement son mandat, ni fonder ses demandes indemnitaires sur les articles L. 134-11 et L. 134-12 du code de commerce ;



Qu'il n'est pas davantage fondé à invoquer, sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, un manquement des Editions Atlas à leurs obligations contractuelles propre à justifier une résiliation du contrat aux torts des Editions Atlas :



- ni au titre de la fourniture de produits issus de la division 'fascicules' - division fermée à la fin de l'année 2010 - alors qu'il ne résulte d'aucun élément que les Editions Atlas aient pris un quelconque engagement ni sur une fourniture exclusive de produits de la division 'fascicules', ni sur un nombre et une fréquence de nouveaux produits ;



- ni au titre de la fourniture de coupons publicitaires, fourniture dont Monsieur [Y] ne démontre pas qu'elle relevait d'une obligation contractuelle et dont, en tout état de cause, il ne peut prétendre qu'elle ait connu une baisse 'drastique', les chiffres communiqués par les Editions Atlas sur le nombre de coupons adressés à Monsieur [Y] (2.064 coupons en 2011, pour 2.238 en 2008 et 2.205 en 2009 - pièces Atlas n° 24 à 27) n'étant pas sérieusement contestés ;



- ni à celle de l'interdiction de participer à des salons et foires, Monsieur [Y] ne faisant en réalité référence qu'au salon du livre de 2011 auquel les Editions Atlas ont renoncé à participer (pièce [Y] n°12), sans qu'une telle renonciation puisse être interprétée comme un manquement contractuel ;



Considérant, en revanche, qu'il est constant que, le 4 juillet 2011, Monsieur [Y] a signé, avec la société Anaveo, en qualité d'attaché commercial exclusif, un contrat de travail dont l'article 1er, alinéa 2, stipule que 'le salarié déclare formellement n'être lié à aucune entreprise, avoir quitté son précédent employeur libre de tout engagement (...)' ; qu'il n'est pas contesté que Monsieur [Y] a cessé, à partir du 1er juillet 2011, toute exécution du contrat en date du 20 décembre 2006 ; que ces éléments sont constitutifs d'une rupture unilatérale de ce contrat par Monsieur [Y], de sorte que l'article 9 'Cessation du contrat' du contrat, invoqué par Monsieur [Y] - '' la résiliation de la convention par le mandant, si elle n'est pas justifiée par une faute grave de l'agent ou en cas de force majeure ' ouvrira droit au profit de ce dernier ' à une indemnité compensatrice du préjudice subi, calculé selon les usages de la profession d'agent commercial.' - n'est pas en l'espèce applicable ; que c'est, en conséquence, à raison que les premiers juges ont prononcé la résiliation judiciaire de la convention du 20 décembre 2006 aux torts exclusifs de Monsieur [Y] ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;



' Sur les dé-commissionnements



Considérant que Monsieur [Y] prétend que le dé-commissionnement n'est possible que s'il est constaté d'une part, un retard de paiement des clients d'au moins 60 jours et d'autre part, une intervention infructueuse du service contentieux, que, cette double condition n'étant pas en l'espèce réunie, la société Éditions Atlas n'avait pas la possibilité de mettre en place les dé-commissionnements contestés ;



Considérant que le contrat du 20 décembre 2006 stipule en ses articles :



- 7.6 : 'Pour faciliter l'activité de l'agent, le mandant avancera dans le mois suivant leur enregistrement, la totalité de la commission sur les ventes à tempérament réalisées par lui.' ;



- 7.7 : 'La partie des commissions payées d'avance sera reprise dès que l'analyse du compte d'un client fera apparaître un retard de paiement qui sera considéré comme une absence de paiement définitive à partir de 60 jours de retard.' ;



- 7.8 : 'Si l'intervention du service contentieux du mandant auprès du client s'avère positive, l'agent sera recrédité de la commission, déduction faite des frais de recouvrement engagés.' ;



Considérant qu'il appartient à la société Éditions Atlas de justifier du bien fondé des dé-commissionnements pratiqués ; que les décomptes mensuels extraits du portail internet de la division 'courtage' et faisant état de dé-commissionnements (pièces [Y] n° 18 à 21), ne contiennent aucune précision sur les clients défaillants ; que les deux listes produites par la société Éditions Atlas, établies par les sociétés Secep et Intrum Justicia relatives aux actions de recouvrement entreprises (pièces Atlas n° 36 et 37) - de 67 noms, pour la première, dépourvue de montant, de 21 noms pour la seconde - ne permettent pas d'établir le moindre lien avec les dé-commissionnements effectués au préjudice de Monsieur [Y] ; que ce dernier est dès lors fondé à réclamer la restitution de la somme de 28.240 euros ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;



Considérant que la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société Éditions Atlas de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, aucun abus du droit d'agir n'étant caractérisé à l'encontre de Monsieur [Y] dont les demandes sont pour partie déclarées fondées ;



Considérant que l'équité commande de condamner la société Éditions Atlas à payer à Monsieur [Y] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



PAR CES MOTIFS



La cour,



Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,



CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que la convention du 20 décembre 2006 est un contrat d'agent commercial, en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [Y] de sa demande de restitution de dé-commissionnements, sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés ;



DIT que Monsieur [V] [Y] n'a pas le statut d'agent commercial ;



CONDAMNE la SAS Éditions Atlas à payer à Monsieur [V] [Y] de la somme de 28.240 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2011 ;



CONDAMNE la SAS Éditions Atlas à payer à Monsieur [V] [Y] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la SAS Éditions Atlas aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.









La Greffière Le Président



Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU

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