16 mai 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/05577

Pôle 5 - Chambre 4

Texte de la décision

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 16 MAI 2018



(n° , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05577 (dossiers joints : RG 15/14885 et 15/15095)



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2015 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2013000899





APPELANTES



- SAS MIENTA FRANCE

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 752 491 613 (PARIS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant : Me Antoine KORMAZ et Me Candice KRIEF de la SCP ROBIN & KORMAZ, avocats au barreau de PARIS, toque : P384



Appelante dans le dossier 15/05577



- BLENDEX EGYPT SAE, société par actions de droit égyptien

Ayant son siège social : [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2] (EGYPTE)

N° du dépôt : 26366

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant : Me Antoine KORMAZ et Me Candice KRIEF de la SCP ROBIN & KORMAZ, avocats au barreau de PARIS, toque : P384



Appelante dans les dossiers 15/14885 et 15/15095



- [Personne physico-morale 1], société de droit libanais

Ayant son siège social : [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (LIBAN)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant : Me Antoine KORMAZ et Me Candice KRIEF de la SCP ROBIN & KORMAZ, avocats au barreau de PARIS, toque : P384

Appelante dans les dossiers 15/14885 et 15/15095



- [Personne physico-morale 2], société de droit égyptien

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Adresse 4] (EGYPTE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant : Me Antoine KORMAZ et Me Candice KRIEF de la SCP ROBIN & KORMAZ, avocats au barreau de PARIS, toque : P384



Appelante dans les dossiers 15/14885 et 15/15095



- SA INTERNATIONAL POLYTRADE, société de droit panaméen

Ayant son siège social : [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Carte d'enregistrement au Registre Public du PANAMA - Section des Personnes Mercantiles : 57258 (REPUBLIQUE DE PANAMA EN GRECE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant : Me Antoine KORMAZ et Me Candice KRIEF de la SCP ROBIN & KORMAZ, avocats au barreau de PARIS, toque : P384



Appelante dans les dossiers 15/14885 et 15/15095



- Société MISR INTERCOMMERCE, société de droit égyptien

Ayant son siège socail : [Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6] (EGYPTE)



Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant : Me Antoine KORMAZ et Me Candice KRIEF de la SCP ROBIN & KORMAZ, avocats au barreau de PARIS, toque : P384



Appelante dans les dossiers 15/14885 et 15/15095



- Société NILE INTERCOMMERCE, société de droit égyptien

Ayant son siège social : [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4] (EGYPTE)

N° du dépôt : 119

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Ayant pour avocat plaidant : Me Antoine KORMAZ et Me Candice KRIEF de la SCP ROBIN & KORMAZ, avocats au barreau de PARIS, toque : P384



Appelante dans les dossiers 15/14885 et 15/15095





INTIMÉES



- SASU GROUPE SEB MOULINEX, en abrégé GSM

Ayant son siège social : [Adresse 7]

[Adresse 7]

N° SIRET : 407 982 214

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



- SA SEB

Ayant son siège social : [Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

N° SIRET : 300 349 636 (LYON)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège



Représentées par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Eric BORYSEWICZ de la SCP BAKER & MC KENZIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0445



Intimées dans les 3 dossiers





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Irène LUC, Présidente de chambre, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère,

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,



qui en ont délibéré.





Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, conseillère, par suite d'un empêchement du président et par Madame Cécile PENG, greffier présent lors de la mise à disposition.












FAITS ET PROCÉDURE



Les sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt (anciennement dénommée Mouli-Misr), Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2] et International Polytrade, sociétés de droit égyptien, appelées ensemble le groupe [Personne physico-morale 1], ont pour activité le négoce, la fabrication, l'importation et la distribution d'équipements domestiques et électroménagers en Egypte.



La société Mienta France (ci-après la société Mienta), immatriculée au registre du commerce de Paris le 2 juillet 2012 a pour principal actionnaire la holding Mienta Lebanon, société de droit libanais, dont le capital social est contrôlé par des membres de la famille [S].



La société Mienta est licenciée de la marque internationale Mienta qui appartient à la société Closter Overseas Limited pour l'avoir enregistrée à l'INPI le 5 avril 2012.



La société Groupe Seb Moulinex a notamment pour activité la fabrication et la commercialisation d'équipements domestiques et électroménagers



La société Seb S.A. est la société holding du groupe de sociétés Seb et est, en particulier, la propriétaire des marques Moulinex.



En 1980, les sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egyt (anciennement Mouli Misr) sont entrées en relation commerciale avec la société Moulinex au travers d'un contrat de représentation exclusive et de distribution exclusive.



Par jugement du 7 septembre 2001, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Moulinex. Dans le cadre de cette procédure collective, la société Seb a présenté une offre de reprise des actifs de la société Moulinex, laquelle a été homologuée par le tribunal de commerce de Nanterre suivant jugement rendu le 22 octobre 2001.



Le 18 novembre 2002, la société Groupe Seb Moulinex, avec la participation de la société Seb SA, a conclu un protocole d'accord avec le groupe [Personne physico-morale 1] qui comprenait notamment :



- un accord de distribution exclusive entre la société Groupe Seb Moulinex et la société de droit égyptien Misr Intercommerce et ,

- un accord de licence de marques, un accord de savoir-faire et un accord de prêt à usage de moules entre la société Groupe Seb Moulinex et la société de droit égyptien Blendex Egypt (anciennement Mouli-Misr).



Le 20 février 2003, conformément au protocole d'accord, quatre contrats ont été conclus entre les parties, à savoir :



- un contrat d'exclusivité de représentation et de distribution des produits électroménagers de la marque Moulinex sur le territoire égyptien entre la société de droit égyptien Misr Intercommerce et la société Groupe Seb Moulinex,

- un accord de licence de marque entre la société Seb et la société de droit égyptien Mouli-Misr (Blendex) permettant à Blendex d'apposer la marque Moulinex sur des produits fabriqués localement en vertu d'un accord séparé de licence de savoir-faire,

- un accord de licence de savoir-faire entre la société Groupe Seb Moulinex et la société de droit égyptien Mouli-Misr par lequel la première concédait à la seconde une licence de fabrication de produits définis en annexe du contrat, et,

- un contrat de prêt de moules entre les sociétés Groupe Seb Moulinex et Mouli-Misr par lequel la première prêtait à la seconde des moules de produits et composants de produits nécessaires à la fabrication des produits Moulinex, définis en annexe dudit contrat.



Les contrats, d'une durée initiale de trois ans, étaient renouvelables par période de deux ans selon des modalités fixées par le contrat de distribution. Le non-renouvellement de l'un des contrats entraînait le non renouvellement des autres contrats.



La société Groupe Seb Moulinex a décidé de réorganiser la distribution de ses produits en Egypte, et par lettres séparées du 12 décembre 2011, adressées respectivement aux sociétés Misr Intercommerce et Blendex, a informé le groupe [Personne physico-morale 1] du non-renouvellement des quatre contrats au terme de la période de deux ans échue, en leur proposant une période de préavis totale de 14 mois, soit un terme au 20 février 2013. Toutefois, dans sa lettre de dénonciation adressée à la société Blendex, la société Groupe Seb Moulinex a proposé de porter ce délai de préavis à 26 mois avec prise d'effets au 20 février 2014, soit un an de plus que la durée du préavis prévue pour l'accord de distribution. Il s'agissait de permettre à la société Blendex de fabriquer certains produits de marque Moulinex, la distribution en étant assurée par la société Seb.



Par lettres du 18 février 2012, le groupe [Personne physico-morale 1] a reproché au groupe Seb sa décision de non renouvellement des contrats, qui lui paraissait contraire à l'article 2 du contrat de distribution, prévoyant, 60 jours avant l'expiration de chaque période contractuelle, que les parties se concerteront afin d'examiner l'opportunité d'un renouvellement des contrats et de définir les nouveaux objectifs d'achat. Il a estimé que, par cet article, les parties avaient exprimé leur « volonté commune d'exclure toute possibilité par l'un de nous de décider unilatéralement de ne pas renouveler ledit contrat hors la procédure et les conditions convenues contractuellement ». Il a également informé son cocontractant qu'il considérait que les contrats « avai[en]t cessé de plein droit » et reprochait au groupe Seb une rupture unilatérale, brutale et fautive des contrats. Le groupe [Personne physico-morale 1] invoquait également les difficultés de reconversion que créerait la rupture contractuelle et réclamait le paiement de dommages-intérêts, outre le paiement d'un préavis compensatoire «'qui ne saurait être inférieur à deux années contractuelles ». La société Blendex a indiqué ne pas vouloir donner une suite favorable à la proposition d'un préavis prolongé, arguant notamment du caractère indivisible des contrats.



À compter du 20 février 2012, le groupe [Personne physico-morale 1] a cessé d'honorer ses obligations au titre des contrats et a cessé de passer commande auprès du groupe Seb.



Par lettre du 3 avril 2012, le groupe Seb a mis en garde son partenaire commercial quant aux conséquences d'une telle rupture et lui a, par ailleurs, proposé de porter à 26 mois la période de préavis pour tous les accords commerciaux concernés (à effet au 20 février 2014).



Les discussions qui ont suivi n'ont pas abouti, le groupe Seb estimant qu'il y a eu rupture brutale des relations commerciales entre les parties du fait du groupe [Personne physico-morale 1], lui causant préjudice. Le groupe [Personne physico-morale 1] considère, pour sa part, que la société Groupe Seb Moulinex n'a pas respecté ses obligations contractuelles au titre du non renouvellement.



Le groupe Seb a par ailleurs découvert que la société Mienta France, créée en juin 2012 et dirigée par une personne membre de la famille [S], commercialisait en Egypte des produits électroménagers sous la marque Mienta, qui seraient des copies serviles des produits de la marque Moulinex, fabriqués par la société de droit égyptien Blendex (ex Mouli-Misr) du groupe [Personne physico-morale 1].



C'est dans ces conditions que, par exploit du 9 octobre 2012, les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb ont assigné les sociétés Misr Intercommerce et Blendex devant le tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale et abusive des contrats.



Puis, par exploit du 8 octobre 2013, les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb ont également assigné la société Mienta en intervention forcée devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de solliciter sa condamnation, pour concurrence déloyale et parasitisme, à payer au groupe Seb, in solidum avec les autres sociétés du groupe [Personne physico-morale 1], la somme de 9.120.000 euros ainsi qu'à cesser la fabrication et la commercialisation des produits de marque Mienta litigieux.



Par jugement du 16 janvier 2014, le tribunal de commerce de Paris a joint ces deux actions.



Par jugement du 13 février 2015, le tribunal de commerce de Paris, sous le régime de l'exécution provisoire, a :



- dit que les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb n'ont pas manqué à leurs obligations contractuelles à l'égard des sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt,

- dit que les sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt n'ont pas rompu de manière brutale et abusive le contrat de distribution, l'accord de licence de marques, l'accord de licence de savoir-faire et le contrat de prêt de moules,

- dit que la société Mienta France a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

- condamné la société Mienta France à verser aux sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb la somme de trois millions d'euros outre les intérêts légaux calculés à compter du 8 octobre 2013 avec anatocisme,

- fait interdiction aux sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Mienta France de fabriquer et commercialiser les produits de marque Mienta suivants : Mini Chopper, Easy Plus, Genuine Plus, Super Blender et Chopper plus Combi, sous astreinte de 20 euros par copie servile fabriquée et commercialisée à compter de huit jours de la signification du présent jugement,

- condamné in solidum les sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Mienta France à payer aux sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires aux présentes dispositions,

- condamné in solidum les sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Mienta France aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 294,36 € dont 48,62 € de TVA.



Par déclaration du 13 mai 2015, la société Mienta France a relevé appel de ce jugement et a parallèlement saisi le Premier Président de la cour d'appel de Paris aux fins d'entendre prononcer l'arrêt de son exécution provisoire.



Par ordonnance du 2 juillet 2015, celui-ci, faisant droit à la demande de la société Mienta s'agissant de la condamnation pécuniaire prononcée à son encontre, a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris.





LA COUR



Vu l'appel de la société Mienta et ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 7 mars 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :



- déclarer la société Mienta France bien fondée et recevable en son appel,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,



statuant à nouveau,



vu l'article 15 du code de procédure civile,

vu le défaut de communication des pièces visées au rapport,



- écarter des débats le rapport du cabinet Sorgem et les conclusions signifiées le 2 janvier 2018 au vu de ce rapport,

- dire que la société Mienta France est étrangère à la rupture des contrats litigieux qui liaient les intimées au groupe [Personne physico-morale 1] et à ses suites,

- dire que la société Mienta France n'a pas fabriqué ni commercialisé les produits litigieux et n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale et/ou de parasitisme envers les intimées,

- dire que les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale envers la société Mienta France, lui causant un préjudice économique et moral dont elle est fondée à solliciter réparation,

- condamner en conséquence solidairement les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb à payer à la société Mienta France, 50.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

- condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb à payer à la société Mienta France la somme de 30.000 €,

- condamner les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb à payer les entiers dépens ;



Vu l'appel et les dernières conclusions des sociétés Blendex Egypt Sae, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade, Misr Intercommerce et Nile Intercommerce, appelantes, déposées et notifiées le 7 mars 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1134, 1382, 1149 et 1150 anciens du code civil, L.442.6, I, 5° du code de commerce et 15 du code de procédure civile, de :



- déclarer les appelantes bien fondées et recevables en leur appel,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que les sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt Sae n'ont pas rompu de manière brutale et abusive, le contrat de distribution, l'accord de licence de marques, l'accord de licence de savoir-faire et le contrat de prêt de moules en question et que l'initiative de la rupture des contrats litigieux incombe aux intimées,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions pour le surplus,



et statuant à nouveau,



- écarter des débats le rapport du cabinet Sorgem et les conclusions signifiées le 2 janvier 2018 au vu de ce rapport,

- dire que les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb sont les auteurs de la rupture des contrats litigieux et ne sont pas fondées à se prévaloir des dispositions de l'article L.442-6-I-5° du code de commerce à l'égard des sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt Sae,

- dire et juger que la société Groupe Seb Moulinex a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard des sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2] et International Polytrade en s'abstenant délibérément de respecter les stipulations de l'article 1 du protocole d'accord conclu le 18 novembre 2002 et les stipulations de l'article 2, alinéa 3 du contrat de distribution conclu le 20 février 2003,

- dire que la société Groupe Seb Moulinex a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard des sociétés Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2] et International Polytrade, en manquant à ses obligations contractuelles à l'égard des sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt Sae,

- dire que les appelantes ne se sont pas rendues coupables d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme et rejeter les demandes des intimées à cet égard,

- dire que les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme envers Misr Intercommerce et Blendex Egypt, appelantes, leur causant un préjudice dont elles sont fondées à solliciter réparation,

- condamner en conséquence solidairement les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb à payer aux sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt 300.000 €, à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice à ce titre,

- condamner solidairement les sociétés intimées Groupe Seb Moulinex et société Seb à payer, à titre de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices économique et moral, aux appelantes la somme globale de 11.090.000 € répartie comme suit :



* Blendex Egypt : la somme de 3.320.000 €,

* Misr Intercommerce : la somme de 3.470.500 €,

* Nile Intercommerce : la somme de 841.500 €,

* [Personne physico-morale 2] : la somme de 20.000 €,

* [Personne physico-morale 1] : la somme de 404.000 €,

* International Polytrade : la somme de 3.034.000 €,



- condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile, solidairement les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb à payer aux appelantes une somme de 180.000 euros répartie comme suit :



* Blendex Egypt : la somme de 40.000 €,

* Misr Intercommerce : la somme de 40.000 € ,

* Nile Intercommerce : la somme de 30.000 €,

* [Personne physico-morale 2] : la somme de 10.000 €,

* [Personne physico-morale 1] : la somme de 20.000 €,

* International Polytrade : la somme de 40.000 €,



- condamner les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb à payer les entiers dépens ;



Vu les dernières conclusions de la société Groupe Seb Moulinex et de la société Seb S.A., intimées, déposées et notifiées le 2 janvier 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1134 et 1382 anciens du code civil et de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce, de :



- confirmer le jugement du tribunal de commerce en date du 13 février 2015 en ce qu'il a :



* dit que les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb Sa n'ont pas manqué à leurs obligations contractuelles à l'égard des sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt Sae,

* dit que la société Mienta France a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

* fait interdiction aux sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Mienta France de fabriquer et commercialiser les produits de marque Mienta suivants : Mini Chopper, Easy Plus, Genuine Plus, Super Blender et Chopper plus Combi, sous astreinte de 20 euros par copie servile fabriquée et commercialisée à compter de huit jours de la signification du présent jugement,

* condamné in solidum les sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Mienta France à payer aux sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb Sa la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



- l'infirmer pour le surplus,



et, statuant à nouveau,



- dire que le contrat de distribution, l'accord de licence de marques, l'accord de licence de savoir-faire et le contrat de prêt de moules ont été rompus par les sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt Sae de façon brutale et abusive,

- dire que les sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Mienta France ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'égard des sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb S.A.,

- condamner in solidum les sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Mienta France à payer aux sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb S.A. la somme de 7.318.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- dire que les dommages-intérêts seront majorés des intérêts-moratoires au taux légal à compter de la demande jusqu'au parfait paiement, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 ancien du code civil,

- dire qu'elle sera compétente pour modifier et/ou liquider l'astreinte ainsi prononcée,

- débouter la société Mienta France de toutes ses demandes reconventionnelles,



en tout état de cause,



- condamner les sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Mienta France à payer chacune aux sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb S.A. la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés Misr Intercommerce, Blendex Egypt Sae, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Mienta France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Teytaud conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;






SUR CE



Sur la responsabilité contractuelle de la société Groupe Seb Moulinex



Selon les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1] (Misr Intercommerce, Blendex Egypt, Nile Intercommerce, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2] et International Polytrade), la décision unilatérale de non renouvellement du contrat prise le 12 décembre 2011 par la société Groupe Seb Moulinex a violé toutes les obligations imposées par l'article 2, alinéa 3 du contrat de distribution du 20 février 2003. Elles exposent en effet que cet article prévoyait un principe de renouvellement du contrat, qui imposait une obligation de négocier le renouvellement du contrat et ne permettait de faire échec à son renouvellement qu'en cas de désaccord entre les parties. Selon elles, cette clause aurait été équivalente à une clause de tacite reconduction, ce qui serait confirmé, d'une part, par les termes employés dans les contrats connexes de prêts de moules, de licence de savoir-faire et de licence de marque qui prévoyaient que les contrats se renouvelleraient par tacite reconduction sous la réserve que le contrat de distribution fasse lui-même l'objet d'une reconduction, et, d'autre part, par le comportement des parties durant les relations contractuelles qui ont renouvelé les contrats à plusieurs reprises sans même se rencontrer. En vertu dudit article, les parties avaient obligation de négocier sur l'opportunité d'un renouvellement et la définition commune de nouveaux objectifs d'achat et, pour ce faire, de se réunir 60 jours avant l'expiration du contrat. La société Groupe Seb Moulinex a notifié sa décision unilatérale de ne pas renouveler le contrat de distribution sans s'être, dans les 60 jours précédant l'échéance du 20 février 2012, concertée avec la société Misr Intercommerce afin « d'examiner l'opportunité d'un renouvellement (') et, en particulier, (...) de définir ensemble les nouveaux objectifs d'achat prévu à l'article 4.11 ». Selon les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1], un tel agissement constitue la violation de l'obligation préalable de négociation prévue dans cet article.



Les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb exposent que le non renouvellement des contrats s'est effectué dans le respect des stipulations contractuelles. Aucun abus du droit de rompre ne serait établi, l'article 2 de l'accord de distribution n'ayant pour objet que d'empêcher un renouvellement sans que les parties se soient expressément accordées en ce sens et non d'exclure toute possibilité pour l'une ou l'autre partie de décider unilatéralement de ne pas renouveler contrat. Le groupe Seb prétend avoir exercé son droit au non renouvellement d'un contrat à durée déterminée, en octroyant à son cocontractant le délai de préavis d'usage, en parfaite conformité avec les exigences légales et jurisprudentielles applicables. Au surplus, le groupe Seb expose qu'il avait déjà discuté avec le groupe [Personne physico-morale 1], lors de réunions en octobre 2010 à Dubaï et le 15 novembre 2011 au Caire, qu'il envisageait de reprendre le contrôle de la distribution de ses produits en Égypte.



***



Après une période initiale de trois ans, le contrat de distribution du 20 février 2003 se renouvelait par période de deux ans.



L'article 2 de cet accord de distribution prévoyait : « le présent contrat est conclu pour une durée de trois ans à compter de la date des présentes. Il se renouvellera ensuite par période de deux ans dans les conditions suivantes : dans les soixante (60) jours précédant l'expiration de chaque période contractuelle (y compris la période initiale), les parties se concerteront afin d'examiner l'opportunité d'un renouvellement du présent contrat, et en particulier, afin de définir ensemble les nouveaux objectifs d'achats prévus à l'article 4.11 ci-après. À défaut d'accord entre les parties, le présent contrat ne sera pas renouvelé ».



Ce contrat n'est donc pas un contrat tacitement reconductible, le renouvellement étant soumis à l'accord de volontés des deux parties.



En l'espèce, le groupe Seb a usé de son droit de ne pas poursuivre les relations contractuelles en adressant aux sociétés Misr Intercommerce et Blendex, du groupe [Personne physico-morale 1], le 12 décembre 2011, des lettres notifiant le non renouvellement des contrats à la date du 20 février 2012, soit à l'expiration du terme du renouvellement de deux ans des contrats. Cette notification est intervenue plus de 60 jours avant l'expiration de cette période contractuelle.



Les sociétés appelantes ne peuvent pas soutenir que le groupe Seb n'aurait pas respecté la procédure et les conditions contractuellement définies pour le non renouvellement du contrat de distribution. En effet, l'article 2 ne prévoyait que les conditions du renouvellement du contrat et non celles du non renouvellement qui intervenait au terme de chaque période de deux ans. Il était donc loisible aux parties de décider unilatéralement de ne pas renouveler les contrats, seul le renouvellement étant subordonné à un accord des parties, les premiers juges ayant justement relevé que l'interprétation de l'article 2 par les appelantes reviendrait à priver les parties de leur faculté de non renouvellement de contrats à durée déterminée mais également à les maintenir dans un lien contractuel perpétuel prohibé.



La circonstance, alléguée par les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1], que l'article 2 prévoyait une obligation de négociation en vue d'un éventuel renouvellement ne privait pas les partenaires de la faculté de profiter de l'expiration automatique du contrat au terme de chaque période de deux ans. Cette obligation de négociation était, dans cette hypothèse, vide de sens, puisque le groupe Seb avait pris la décision de ne pas renouveler les contrats.



Contrairement à ce qui est soutenu par les appelantes, la décision du groupe Seb de non renouvellement ne pouvait être soumise à une obligation préalable de négociation. En toute hypothèse, à supposer cette obligation constituée, aucun préjudice ne résulterait, pour les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1], de l'absence de négociation, faute, pour elle, de démontrer qu'une négociation aurait pu faire diamétralement changer le groupe Seb de position et qu'ainsi, cette absence lui aurait faire perdre une chance de renouvellement des contrats.



Il résulte, en outre, de l'instruction que le groupe Seb avait informé le groupe [Personne physico-morale 1], lors de réunions en octobre 2010 et en novembre 2011, que son objectif était de contrôler la distribution de ses produits sous les marques Moulinex, Krups et Rowenta en Égypte, en établissant une société de distribution qui en aurait la charge. Il est en effet fait référence à ces réunions dans les lettres notifiant la décision de non renouvellement adressées aux sociétés Misr Intercommerce et Blendex par Seb, l'existence de ces réunions n'ayant jamais été contestée par le groupe [Personne physico-morale 1] dans ses courriers en réponse du 18 février 2012, celle-ci l'ayant été pour la première fois dans ses écritures du 27 juin 2014.



Si les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1] prétendent qu'elles auraient été entretenues dans l'espoir de la continuation des relations contractuelles, par plusieurs courriels du groupe Seb, d'octobre et novembre 2011 (pièces 100 à 106), prévoyant des actions commerciales pour l'année 2012, elles ne pouvaient anticiper le maintien des relations commerciales dans des conditions identiques à l'issue de la période de deux ans qui expirait naturellement le 20 février 2012, aucun renouvellement automatique n'étant prévu dans les contrats en l'absence d'accord entre les parties, de sorte qu'aucune brutalité dans la décision de non renouvellement ne peut être imputée au groupe Seb.



Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a estimé que le non renouvellement du contrat de distribution du 20 février 2002 par la société Groupe Seb Moulinex s'était effectué conformément aux stipulations contractuelles et qu'il n'y avait pas eu de rupture brutale ni abusive de la part de cette société.





Sur la prétendue rupture brutale des relations contractuelles de la part des sociétés du groupe [Personne physico-morale 1]



Les appelantes estiment que la société Groupe Seb Moulinex, auteur initial de la rupture, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce pour reprocher au groupe [Personne physico-morale 1] d'avoir prétendument rompu brutalement la relation commerciale établie alors qu'elle a elle-même mis fin à cette relation commerciale en manquant à ses obligations contractuelles.



Les sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb répliquent que le groupe [Personne physico-morale 1] a mis brutalement fin à ses relations avec le groupe Seb en ne respectant pas de préavis. Le groupe [Personne physico-morale 1] a notifié le 18 février 2012 à ses contractants qu'il entendait, à compter du 20 février 2012, ne plus honorer aucune de ses obligations contractuelles. La responsabilité du groupe [Personne physico-morale 1] serait donc engagée sur le fondement de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce ou, à titre subsidiaire, caractériserait un manquement à la bonne foi contractuelle prévue à l'article 1134 du code civil. Les intimées soutiennent qu'à supposer même que le groupe Seb n'ait pas satisfait aux exigences contractuelles en notifiant le non-renouvellement du contrat à durée déterminée, cette pratique ne constituerait pas une faute de gravité suffisante de nature à priver la rupture imputable au groupe [Personne physico-morale 1] de son caractère brutal. Elle demande donc à la cour de constater la brutalité de la rupture, par le groupe [Personne physico-morale 1], de la relation commerciale établie avec le groupe Seb.



***



Les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1] ont justement considéré que les contrats n'avaient pu être prolongés, faute d'accord sur les modalités de leur renouvellement et que donc, ils expiraient de plein droit au 20 février 2012. En effet, les modalités proposées par le groupe Seb constituaient un changement de l'économie des contrats le liant au groupe [Personne physico-morale 1], puisqu'elles prévoyaient que la société Blendex continuerait à fabriquer pendant 26 mois certains produits de marque Moulinex, la distribution étant assurée par la société Seb. Or, les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1] n'avaient pas donné leur accord à ces modifications substantielles, qui ne s'imposaient donc pas à elles.



Il ne peut leur être reproché d'avoir refusé ces nouvelles modalités, qui ne constituaient pas un préavis offert par le groupe Seb sur le fondement de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce, compte tenu de la circonstance qu'un préavis ne peut qu'être constitué par la continuation des relations existantes dans les mêmes termes, mais non par une modification substantielles de celles-ci. Aucune rupture brutale ne leur est donc imputable, la décision de ne pas renouveler les contrats aux mêmes conditions étant imputable au groupe Seb.



Le groupe Seb, qui démontre la réalité de contacts avec le groupe [Personne physico-morale 1], ne prouve pas pour autant qu'un accord serait intervenu entre les parties sur ces nouvelles modalités d'exécution contractuelle, de sorte qu'aucune mauvaise foi ne peut davantage être imputée aux sociétés du groupe [Personne physico-morale 1] sur le fondement de l'article 1134 du code civil.



Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.





Sur les pratiques de concurrence déloyale dont les sociétés Seb ont été victimes



Les sociétés Seb exposent que, en février 2012, le groupe [Personne physico-morale 1] a mis fin à ses relations commerciales avec le groupe Seb et a copié les moules prêtés pour la fabrication des appareils de la marque Moulinex et entrepris d'utiliser ces moules pour son propre compte, d'une part en fabriquant des produits de la marque Mienta constituant des copies serviles de 5 produits de la marque Moulinex, à partir desdits moules, et d'autre part, en distribuant ces produits via ses différents points de vente. Elles prétendent que la société Mienta a concédé une sous-licence à la société Blendex, qui fabrique les produits et a conclu un accord de distribution avec la société Misr Intercommerce, qui distribue ces produits



Les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1] soutiennent qu'elles n'ont pas réalisé de copies serviles des moules et des produits Moulinex, puisqu'elles ont utilisé leurs propres moules pour fabriquer des composants intégrés dans des produits qui ne concurrencent pas ceux que la société Moulinex distribue aujourd'hui un certain nombre d'entre eux étant obsolètes (multi moulinette AT73, blender Genuine 242, super blender 721, Moinette S 645), ou totalement banals (batteur Easy max compact ABM-1, Blender the Genuine).



La société Mienta expose qu'elle est totalement étrangère aux actes de concurrence déloyale et de parasitisme reprochés puisqu'elle n'a jamais fabriqué ni commercialisé l'un quelconque des cinq produits litigieux comme en atteste son expert-comptable (pièce 70). Elle expose n'avoir fabriqué et commercialisé que deux produits, le Blender Mienta 500 et le Blender Mienta 600, qui ne sont nullement visés par les actes litigieux.



Le demandeur à l'action en concurrence déloyale par imitation doit rapporter la preuve, d'une part, de la similitude existant entre ses produits et ceux de l'imitateur prétendu et, d'autre part, que cette similitude a eu pour objet ou pour effet de créer dans le public une confusion dommageable entre les produits.



La reproduction d'un produit ne bénéficiant d'aucune protection au titre du droit de propriété intellectuelle n'est, en tant que telle, nullement constitutive d'un comportement déloyal dès lors qu'elle ne génère aucun risque potentiel de confusion entre le produit litigieux et le produit original.



Il résulte de la comparaison effectuée entre modèles que cinq produits de la marque Mienta constituent des copies serviles des produits de la société Seb Moulinex :



- les deux mixeurs Multi- moulinette AT73 de Moulinex et Mini Chopper de Mienta présentent de fortes similitudes : ils ont le même nombre de vitesses, le même design avec le couteau pour mouliner le Mouloukhia, légume vert très populaire en Égypte, un emballage portant une photographie dudit légume, les mêmes références commerciales (AT73 pour Moulinex et CH-173 pour Mienta, des pictogrammes disposés verticalement très ressemblants sur le bras du mixeur, une forme identique du mixeur, la même taille des mixeurs, le même bouton jaune et le même couteau vert, les mêmes rainures et encoches sur le bol transparent (pièces 31 à 33 de Seb) ;

- les deux batteurs Easy Max Compact ABM1 de Moulinex et Easy Plus BT-BM1 de Mienta sont identiques : les références commerciales sont proches ABM1 pour Moulinex, BT-BM1 pour Mienta, le nom est quasiment identique, les pictogrammes sont disposés horizontalement et sont très proches, les batteurs ont la même forme avec une poignée intégrée, le même bouton jaune figure sur le dessus de l'appareil très (pièces 34 à 36 de Seb) ;

- les deux blenders The Genuine 242 de Moulinex et Genuine Plus BL-242 de Mienta ont la même puissance, la même apparence extérieure, ont des noms proches, les mêmes encoches sur les côtés et les mêmes références commerciales 242 pour Moulinex, BL-242 pour Mienta (pièces 37 à 39 de Seb) ;

- les deux super blenders 721 de Moulinex et Super Blender BL-721 de Mienta ont la même puissance, la même apparence, le même nom, le même bouton rouge et ont les mêmes références commerciales (pièces 40 à 42 de Seb) ;

- enfin, la moulinette S 645 de Moulinex et le Chopper plus Combi CH-645 de Mienta ont la même apparence extérieure, les mêmes boutons verts anis et portent les mêmes références commerciales (pièces 43 à 45 de Seb).



Le seul élément distinctif entre les appareils Moulinex et Mienta consiste dans le nom de la marque apposée sur l'appareil, qui au demeurant commence par un M, et qui ne peut en l'état constituer un élément suffisant de différenciation entre les deux appareils.



Il résulte de ces éléments que la présentation des emballages, la configuration elle-même des produits et leurs dénominations induisent une confusion délibérément entretenue quant à l'origine respective des produits, Moulinex et Mienta, le positionnement commercial étant au surplus identique puisque le groupe [Personne physico-morale 1] a substitué la distribution des produits Mienta à celle des produits Seb Moulinex dès février 2012.



Cette confusion est de nature à induire en erreur les consommateurs normalement avisés et raisonnablement attentifs sur les liens entre les deux sociétés. La société Seb produit à cet égard le témoignage d'un consommateur posté sur la page Facebook de Moulinex Egypte : « pouvez-vous me dire s'il vous plaît la différence entre Mienta et Moulinex parce que j'ai acheté un blender Moulinex et un hachoir à viande Moulinex mais le hachoir à légumes et le blender que j'ai achetés étaient Mienta et on m'a dit qu'ils proviennent de la même usine et que Moulinex n'est plus commercialisé et a été remplacé par Mienta' (') Au fait, c'est ce que le distributeur Moulinex à Beni Swef m'a raconté et plusieurs de mes proches ont acheté des produits Mienta en pensant qu'il s'agit du nouveau nom de Moulinex ».



La société Mienta France est impliquée dans la fabrication et la commercialisation des produits de sa marque. En effet, il résulte de son catalogue qu'elle commercialise les produits de la marque Mienta, elle-même ou dans les « [Personne physico-morale 1] » situés en Égypte. L'attestation de son expert-comptable est sans portée, celui-ci se contentant d'attester que les produits Moulinex concernés ne sont pas distribués ni fabriqués par la société Mienta (pièce 70). Il résulte par contre du constat d'huissier effectué le 23 avril 2015 sur son site Internet que celle-ci propose à la vente les marques Mienta litigieuses. Elle ne peut donc soutenir n'avoir fabriqué et commercialisé que deux produits le Blender Mienta 500 et le Blender Mienta 600.



De même, la société Blendex Égypte fabrique des produits de la marque Mienta en Egypte, ce qui est attesté par la mention de cette société sur le fond de l'emballage du produit Genuine Plus de Menta (pièce 22). Cette société ne conteste pas par ailleurs être titulaire d'un contrat de licence pour distribuer cette marque. De même la société Misr Intercommerce ne conteste pas utilement distribuer les produits Mienta en Égypte. Cet état de fait est d'ailleurs corroboré par des attestations de salariés de cette société (pièces 54 à 58 de la société Blendex).



Si les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1] prétendent être propriétaires des moules servant à la fabrication de ces produits, il résulte des pièces versées aux débats par la société Seb, d'une part que seuls les moules de certaines pièces des appareils ont été prêtés par la société Moulinex et, d'autre part, que c'est la copie servile des cinq modèles de Moulinex qui est constitutive de concurrence déloyale.



Par ailleurs, les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1] et la société Mienta ne démontrent pas que la forme de ces modèles, prétendument passée dans le domaine public, serait devenue une norme commune. En outre, le fait que certains produits sont fabriqués par d'autres marques concurrentes, de faible notoriété, chinoises ou autres, produisant elles aussi des copies serviles, n'est pas une cause d'exonération de responsabilité des sociétés du groupe [Personne physico-morale 1].



Il n'est pas démontré que les modèles concernés ne seraient plus distribués et proposés aux consommateurs par les sociétés du groupe Seb et seraient périmés, seules des modifications marginales ayant été apportées aux modèles concernés. Au demeurant, la pratique de concurrence déloyale n'en serait pas moins constituée, si elle induisait chez les consommateurs égyptiens la croyance erronée d'acheter des produits Moulinex sous la marque Mienta, alors que ces produits seraient en réalité périmés dans la gamme originale Moulinex.



Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que la fabrication et la commercialisation en Egypte des petits appareils électroménagers Mienta identiques à ceux produits par Moulinex constituaient des actes de concurrence déloyale.



« Le parasitisme (...) consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis ».



Il n'est pas contesté, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que les produits Moulinex jouissent d'une notoriété certaine en Égypte et les sociétés du groupe [Personne physico-morale 1] ont, sans bourse délier, utilisé les moules et les techniques de fabrication résultant des investissements du groupe Moulinex, ainsi que son réseau de distribution en Egypte.



Il y a donc lieu de confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié les agissements litigieux de concurrence parasitaire. Ces pratiques impliquent les sociétés Blendex Égypte, Misr Intercommerce et Mienta.









Sur la pratique de concurrence déloyale déloyale et de parasitisme dont les sociétés Misr Intercommerce et Blendex Egypt seraient victimes



Ces sociétés exposent que la société Groupe Seb Moulinex aurait effectué des démarches pour débaucher les salariés de la société Misr Intercommerce et la déstabiliser, aurait commis des actes de parasitisme à l'égard de la société Blendex Egypt en récupérant l'exploitation exclusive de sa marque Moulinex en Égypte, alors que la société Blendex avait payé la somme de 900 000 € en contrepartie de l'obtention de la licence d'exploitation de la marque.



Mais la caractérisation d'une pratique de concurrence déloyale présuppose la caractérisation d'une faute en lien direct avec le préjudice.



Or, s'il résulte de plusieurs attestations de salariés de la société Misr Intercommerce que ceux-ci ont été approchés à compter de mai 2013 par des représentants du groupe Seb qui leur ont proposé des postes au sein de ce groupe, ces pratiques ne constituent pas des pratiques de concurrence déloyale, dès lors qu'aucune man'uvre déloyale n'est établie. Par ailleurs les circonstances dans lesquelles est intervenue la rupture des relations commerciales n'ayant pas été jugées fautives, les sociétés appelantes ne sauraient être indemnisées davantage sur le plan d'une faute délictuelle, dont elles ne précisent pas la teneur et la portée.



Cette demande sera donc rejetée.





Sur l'indemnisation du préjudice des sociétés Groupe Seb et Seb



Les sociétés appelantes, appuyées sur un rapport établi par le cabinet Ricol Lasteyrie, demandent à la cour d'écarter le rapport établi par le cabinet Sorgem, celui-ci n'ayant pas permis de débattre contradictoirement des éléments repris en son sein, la plupart des données étant couvertes par le principe de confidentialité.



***



Il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un trouble commercial constitutif de préjudices pour la société qui en est victime.



Pour calculer le préjudice subi par la société Groupe Seb Moulinex à la suite des actes de concurrence déloyale, le rapport Sorgem a évalué la marge qu'aurait réalisée la société Seb sur les 5 produits faisant l'objet d'imitations, de juin 2012 à fin décembre 2016, en l'absence des pratiques. À cet effet, il a déterminé les ventes de produits réalisées par Mienta, la part de ces ventes qui auraient pu être réalisées par Seb (taux de report), puis estimé la marge que Seb aurait pu réaliser sur ces ventes.



Ne disposant pas de données sur les ventes réalisées par Mienta sur les 5 produits copiés pendant la période, l'expert a estimé que la baisse des ventes réalisées par Seb sur ces cinq produits à compter de juin 2012 était due aux pratiques de concurrence déloyale de Mienta et que toutes les quantités perdues avaient été prises par Mienta ; il a comparé les quantités normales annuelles qu'auraient dû générer les cinq produits copiés pendant la période (calculées sur la base de la moyenne annuelle des quantités vendues par Seb avant la mise en 'uvre des pratiques, soit entre 2009 et 2011 : 277 003 produits) aux quantités réelles vendues.



Il a ensuite considéré que 80 % de ces ventes réalisées par Mienta auraient bénéficié à Seb, pour tenir compte de la circonstance que les prix de Mienta étaient plus faibles que ceux des produits copiés, ce qui explique que le taux de report soit inférieur à 100 %, les consommateurs étant sensibles aux prix. Cet effet a été compensé par la notoriété des produits Moulinex. Les quantités perdues s'élevaient ainsi à 813 056 produits. Le chiffre d'affaires perdu, calculé en valorisant les quantités perdues sur la base des prix de vente moyens correspondants aux années litigieuses, a ensuite permis de calculer la marge sur coûts variables perdue, soit la somme de 4,3 millions d'euros.



La cour valide le principe de ces calculs et estime qu'il n'y a pas lieu d'écarter a priori le rapport Sorgem, celui-ci ayant été soumis au contradictoire.



Mais les chiffres ne sont étayés d'aucune pièce comptable, même si des tableaux de calcul figurent en annexes, dont certains résultent des chiffres de Blendex (quantités vendues par Seb entre 2009 et 2011). Les comptes de la société Seb ne sont pas versés aux débats, ni les calculs permettant d'évaluer sa marge sur coûts variables.



Enfin, on peut penser qu'une partie des baisses de vente de la société Seb sur les cinq produits provient également, en 2012 et une partie de l'année 2013, du non renouvellement des contrats entre Seb et le groupe [Personne physico-morale 1], de sorte que le chiffre calculé par le rapport Sorgem est surévalué.



Pour ces raisons, la cour approuve le tribunal d'avoir évalué à trois millions d'euros le préjudice résultant des pratiques de concurrence déloyale.



Les sociétés du groupe Seb demandent également une indemnisation pour dépréciation de leur communication historique entre juin 2007 et juin 2012, pour la somme de 913'000 €, ainsi que le remboursement des surcoûts de communication et marketing engagés par elle depuis le lancement des produits Mienta, afin de récupérer leur part de marché perdu, qui n'a été retrouvée qu'au début de l'année 2017 en Égypte, soit la somme de 1,796 million d'euros.



S'agissant du premier poste de préjudice, le rapport Sorgem estime que la part de marché de Seb est passée de 17 % en 2011 à 7 % en 2013, soit une baisse de 58 % en Égypte. Il estime donc que les efforts historiques en communication et marketing réalisés par Seb ont été dépréciés de 58 %, le taux de 50 % étant retenu par prudence. L'ensemble de ces éléments ayant été calculé sur la base de données confidentielles non communiquées à la cour, et aucun document comptable, aucune facture d'études de marché ou tableaux récapitulatifs n'étant versés aux débats, il y a lieu de rejeter cette demande.



Les dépenses de communication et de marketing engagées par Seb en Égypte depuis 2013 pour reconquérir sa part de marché perdu ne sont pas davantage étayées par une quelconque pièce comptable ou un tableau de calcul, mais fondées sur des données confidentielles non communiquées à la cour. Cette demande sera, pour le même motif, rejetée.



Il y a donc lieu de condamner in solidum les sociétés Blendex Égypte, Misr Intercommerce et Mienta à payer à la société Groupe Seb Moulinex et à la société Seb in solidum la somme de 3 millions d'euros outre les intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2013, ladite somme étant capitalisée. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la seule société Mienta.





Sur l'injonction



Les autres sociétés du groupe [Personne physico-morale 1], les sociétés [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Nile Intercommerce n'étant pas formellement mises en cause par les pièces du dossier, il n'y a pas lieu de prononcer une injonction à leur encontre.







Sur les frais irrépétibles et les dépens



Les sociétés Mienta France, Blendex Egypt Sae, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade, Misr Intercommerce, Nile Intercommerce, succombant au principal seront condamnées à supporter les dépens de l'instance d'appel ainsi qu'à payer aux sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La Cour,



CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fait interdiction aux sociétés [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade et Nile Intercommerce de fabriquer et commercialiser les produits de marque Mienta,



L'INFIRME sur ce point,



et statuant à nouveau,



FAIT interdiction aux sociétés Mienta France, Blendex Egypt et Misr Intercommerce de fabriquer et commercialiser les produits de marque Mienta,



y ajoutant



CONDAMNE les sociétés Blendex Egypt et Misr Intercommerce, aux côtés de la société Mienta France, in solidum, à payer aux sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb la somme de 3 millions d'euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2013, ladite somme étant capitalisée,



REJETTE toute autre demande,



CONDAMNE les sociétés Mienta, Blendex Egypt Sae, [Personne physico-morale 1], [Personne physico-morale 2], International Polytrade, Misr Intercommerce, Nile Intercommerce à supporter les dépens de l'instance d'appel,



LES CONDAMNE in solidum à payer aux sociétés Groupe Seb Moulinex et Seb la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.











Le Greffier Pour le Président empêché











Cécile PENG Dominique MOUTHON VIDILLES

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