31 mai 2018
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 17/17091

8e Chambre A

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2018



N° 2018/ 225













N° RG 17/17091



N° Portalis DBVB-V-B7B-BBGLD







B...





C/



Christine X...





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Agnès Y..., avocat au barreau de TOULON



Me Julien Z..., avocat au barreau de TOULON



MINISTERE PUBLIC











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 07 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016L01179.





APPELANT



Monsieur B...

né le [...] à R CLUJ (Hongrie)

de nationalité Hongroise, demeurant [...]



représenté par Me Agnès Y..., avocat au barreau de TOULON, plaidant





INTIME



Maître Christine X...

Mandataire judiciaire,

demeurant [...]



représenté par Me Julien Z..., avocat au barreau de TOULON, plaidant











*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 04 Avril 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de:





M. Bernard MESSIAS, Président de chambre

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller





qui en ont délibéré.





Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.





Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2018





MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.





ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2018,



Signé par M. Bernard MESSIAS, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***











































La société Multimedia Copy a été placée en liquidation judiciaire simplifiée par jugement du Tribunal de commerce de Toulon en date du 16 septembre 2013.



La Selu Christine X... a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.



Par décision du 29 janvier 2016 le tribunal a reporté la date de cessation des paiements du 16 septembre 2013 au 7 mai 2012.



Par exploit du 6 juillet 2016 la Selu Christine X... a assigné Monsieur B..., devant le tribunal de commerce de Toulon, pour le voir être condamné en application de l'article L 651-2 du code de commerce, au paiement d'une somme de 371.113,27 € en raison de fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société.



Par ailleurs le liquidateur judiciaire demandait que soit prononcée à son encontre, en vertu des articles L 653-1 et suivants du code de commerce, une interdiction de diriger d'une durée de 15 ans.



Par jugement du 7 septembre 2017 le tribunal de commerce de Toulon a :


Dit que Monsieur A... a commis des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif,

Déclaré Monsieur B... responsable de l'insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 60.000 € sur le fondement de l'article L 651-2 du code de commerce,

Dit que cette somme sera payable entre les mains de Me Christine X..., ès qualités, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement,

Prononcé à l'encontre de Monsieur B... une interdiction de diriger pour une durée de 15 ans,

Condamné Monsieur A... à payer à la Selurl Christine X... la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.




Le tribunal a chiffré l'insuffisance d'actif à 371.113,27 € et a retenu que la société avait fonctionné sur un modèle structurellement déficitaire bénéficiant au gérant qui touchait une rémunération non strictement identifiée.



Il a ajouté que Monsieur A... n'avait pas déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, a considéré qu'il n'avait pas tenu de comptabilité de manière régulière en 2012 et 2013, et relevé qu'aucun élément comptable afférent à ces deux années n'avait été remis au mandataire judiciaire.



Il a enfin noté que Monsieur A... avait omis de réglé les dettes sociales et fiscales ayant augmenté de 50 % entre 2010 et 2011, ce qui lui avait permis de conserver de la trésorerie et de fonctionner artificiellement au détriment de ces créanciers institutionnels.



Pour limiter sa contribution à l'insuffisance d'actif à la somme de 60.000 € les premiers juges ont retenu que la société avait été victime de l'action néfaste d'un ancien salarié qui, au travers de vols de marchandises et de concurrence déloyale, n'avait pas amélioré la situation de la société.



Monsieur A... a interjeté appel de cette décision par déclarations en date des 15 et 18 septembre 2017.



Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 24 novembre 2017.




Par conclusions n° 4 déposées et notifiées le 19 février 2018, tenues pour intégralement reprises, Monsieur A... demande à la Cour de :


Débouter la Selurl Christine X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la sarl Mutimedia Copy, de son appel incident,

Réformer le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

Débouter la Selurl Christine X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la sarl Mutimedia Copy, de ses demandes, fins et conclusions,

La condamner au paiement d'une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.




Il soutient ne pas être responsable de l'insuffisance d'actif constatée dans la procédure de liquidation judiciaire expliquant la déconfiture de la société exclusivement par les actes de concurrence déloyale subis pendant plusieurs années à l'initiative d'un salarié de l'entreprise Monsieur Langeloti et de sa famille.



Il conteste, tant le montant de l'insuffisance d'actif invoquée, - reprochant au mandataire judiciaire de ne pas avoir recouvré l'intégralité des créances détenues par la société et soutenant n'avoir pu exercer de recours contre des ordonnances d'admission de créances qui ne lui auraient pas été notifiées -, que les fautes de gestion qui lui sont reprochées, - précisant avoir toujours tenu une comptabilité sérieuse et rigoureuse et que le défaut d'achèvement du bilan par l'expert-comptable est la conséquence d'une facture impayée. Il ajoute avoir toujours communiqué à l'expert-comptable les informations nécessaires à la tenue de la comptabilité.



S'agissant des dettes sociales et fiscales il fait valoir avoir bénéficié le 17 janvier 2012 d'un moratoire de paiement respecté jusqu'à quelques semaines avant l'ouverture de la procédure collective de la société.



Il ajoute ne pas avoir agi dans un intérêt personnel, ne percevant plus aucune rémunération, les sommes présentée par Me X..., ès qualités, correspondant à la rémunération des seuls personnels de l'entreprise.



Il expose par ailleurs avoir toujours fourni les efforts nécessaires pour endiguer les problèmes rencontrés.



Il précise être âgé actuellement de 82 ans pour être né [...], et ne percevoir que de faibles retraites, son revenu mensuel étant de 1.463,33 €.



Par conclusions d'intimée et d'appel incident notifiées et déposées le 11 janvier 2018 la Selurl Christine X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la sarl Mutimedia Copy, demande à la Cour de :


La recevoir en son appel, la déclarer bien fondée et recevable en son appel incident,

A titre principal,

Déclarer que la Cour n'est saisie d'aucune demande au titre de la déclaration d'appel en violation de l'article 562 du cpciv,

En conséquence,

Confirmer purement et simplement le jugement attaqué,

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a condamné Monsieur A... au paiement d'une somme de 60.000 € au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire,

En conséquence,

Condamner Monsieur B... à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 355.098,57 €,

Le condamner aux entiers dépens.

En tout état de cause,

Rejeter toute demande plus amples ou contraires,

Condamner Monsieur A... au paiement d'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamner aux dépens,

Dire que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par l'arrêt à intervenir, l'exécution forcée devait être réalisée par le ministère d'un huissier, le montant des sommes retenues par celui-ci en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret 96/1080 du 12 décembre 1996 devra être supporté par la débitrice en sus des frais irrépétibles,




Par avis communiqué le 14 mars 2018 le Procureur général a déclaré s'en rapporter à la décision de la Cour, sous réserve de la validité des déclarations d'appel.




MOTIFS



Sur la régularité des déclarations d'appel et leur effet dévolutif :



Attendu qu'en vertu de l'article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.' ;



Attendu que la Selurl Christine X..., ès qualités, fait valoir que les deux déclarations d'appel déposées par Monsieur A... ne précisent pas expressément les chefs critiqués du jugement, mentionnant seulement 'appel total' ; qu'elle en déduit qu'aucune demande n'étant présentée à la Cour par ces déclarations d'appel, le jugement est irrévocable en tous ses chefs et en demande au principal la confirmation ;



Attendu que Monsieur A... soutient que si ses deux déclarations d'appel portant l'indication d'un 'appel total' ne répondent pas aux exigences du nouvel article 901, 4°, du code de procédure civile, qui dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, cette nullité sanctionnant un vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, ce que le mandataire judiciaire ne fait pas, et indiquent que les conclusions qu'il a prises au fond dans le délai requis visent expressément les chefs du jugement critiqués ;



Attendu que la Selurl Christine X..., ès qualités, fait toutefois justement remarquer ne pas invoquer la nullité des déclarations d'appel irrégulières sur le fondement de l'article 901 4° du code de procédure civile, mais seulement soutenir sur le fondement de l'article 562 précité du même code, leur absence de tout effet dévolutif ne s'opérant que par leur contenu ;



Attendu que Monsieur A..., s'agissant de l'effet dévolutif des déclarations d'appel, expose que la mention 'appel total' bien qu'irrégulière emporte la critique de l'intégralité du jugement et, qu'en tout état de cause, ses conclusions au fond prises dans le délai de l'article 905-2 du code de procédure civile, visent les chefs critiqués du jugement ;



Attendu toutefois que la mention 'appel total' contrevient aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile imposant à l'appelant d'énoncer expressément les chefs du jugement remis en cause ; que cette mention imprécise ne peut être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement au sens de l'article 562 du code de procédure civile ;



Attendu par ailleurs qu'il résulte des termes de l'article 562 du code de procédure civile que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ;



Attendu que l'irrégularité affectant les deux déclarations d'appel de Monsieur A... pouvait être couverte par une nouvelle déclaration d'appel, or l'appelant n'a déposé aucune nouvelle déclaration d'appel énonçant expressément les chefs critiqués de jugement ;



Attendu que cette régularisation ne peut résulter des conclusions au fond prises dans le délai requis précisant les chefs critiqués du jugement ;



Attendu qu'il s'ensuit que la Selurl Christine X..., ès qualités, est bien fondée à soutenir que les déclarations d'appel déposées par Monsieur A... sont dépourvues d'effet dévolutif et à faire valoir que le jugement attaqué, irrévocable, doit être confirmé ;



Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Attendu que le mandataire judiciaire sera débouté de sa demande tendant à faire supporter par Monsieur A..., en cas d'exécution forcée, les sommes retenues par l'huissier de justice en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret 96/1080 du 12 décembre 1996 ;



Attendu que Monsieur A... est condamné aux entiers dépens ;



PAR CES MOTIFS



La Cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et publiquement,



Dit que les deux déclarations d'appels déposées par Monsieur A... ne dévoluent à la Cour aucun chef critiqué du jugement attaqué en violation de l'article 562 du code de procédure civile et que la Cour n'est par suite saisie d'aucune demande,



Constate l'absense de régularisation par nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure,



En conséquence,



Confirme purement et simplement le jugement attaqué,



Déboute la Selurl Christine X..., ès qualités, de sa demande tendant à faire supporter par Monsieur A..., en cas d'exécution forcée, les sommes retenues par l'huissier de justice en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret 96/1080 du 12 décembre 1996,



Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Monsieur B... aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Le Greffier le Président

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