12 juin 2018
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 16/02454

2° chambre

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2° chambre



ARRET DU 12 JUIN 2018





Numéro d'inscription au répertoire général : 16/02454



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 MARS 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 15/07049



APPELANT :



Monsieur Michel X...

né le [...] à Bruxelles (Belgique)

de nationalité Belge

[...]

Présent - Assisté par Me Y... henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant

Assisté de Me Z..., avocat au barreau de Lyon, avocat plaidant



INTIMES :



Monsieur Didier A...

de nationalité Française

4 plan de la Treille

[...]

Représenté par Me B... de la SCP B.../N.../SAGNES/SERRE, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant



Monsieur Michel C...

de nationalité Française

[...]

Représenté par Me B... de la SCP B.../N.../SAGNES/SERRE, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant



Monsieur Fabrice D...

de nationalité Française

[...]







Représenté par Me B... de la SCP B.../N.../SAGNES/SERRE, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant



Monsieur Pierre-Etienne E...

de nationalité Française

[...]

Représenté par Me B... de la SCP B.../N.../SAGNES/SERRE, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant



Monsieur Yannick F...

de nationalité Française

[...]

Représenté par Me B... de la SCP B.../N.../SAGNES/SERRE, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant



ORDONNANCE DE CLOTURE DU 26 Avril 2018





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 17 MAI 2018, en audience publique, Madame Laure G... ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :



Madame Laure G..., Président de chambre

Madame Brigitte OLIVE, conseiller

Madame Patricia GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : Madame Sylvia TORRES





ARRET :



- Contradictoire



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;



- signé par Madame Laure G..., Président de chambre, et par Madame Sylvia TORRES, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Une société de fait a été créée en 1972 par les docteurs José H... et Christian I... pour l'exercice de leur activité chirurgicale, spécialité orthopédie, au sein de la clinique Saint-Roch.



Les docteurs A..., C... et D... les ont rejoints respectivement en 1986, 1989 et 1997, puis au départ des docteurs H... et I..., les docteurs E... en 2002 et J... en 2003. Le docteur F... s'est associé avec eux en 2008.



En 2008, est créée la SCI Gérhardt entre les docteurs A..., C..., D..., E... et J..., laquelle est propriétaire des locaux loués à la K..., en fait à chacun des médecins composant la société de fait.



C'est en 2008 que la société de fait prend le nom d'usage Ortho d'Oc. Cette société est régie par un règlement intérieur.



Chaque praticien associé de la K... Ortho d'Oc est lié à la clinique Saint-Roch par une convention d'exercice dans ses locaux.



Le 30 septembre 2014, le docteur Michel X... qui exerçait précédemment à Bruxelles, a acquis les parts du Docteur J... dans Ortho d'Oc pour un montant de 100'000 €, après que les cinq autres associés l'ai agréé en qualité de successeur du Docteur J... et comme associé à 1/6ème de la société de fait.



D'après Monsieur X..., les associés l'ont informé après son arrivée de la modification des règles concernant la répartition des charges communes, de la souscription de deux emprunts pour l'acquisition et l'aménagement de nouveaux locaux sur Saint-Roch 2, et de l'arrivée du Docteur L... qui exerce dans les mêmes domaines de spécialité que lui, intégration se faisant moyennant la somme de 300'000 €, au 1er juillet ou au plus tard le 1er septembre 2015.



Considérant que cette intégration le défavorisait, le docteur X... s'est opposé à l'arrivée de ce septième associé.



Par lettres recommandées des 15 et 16 juillet 2015, au visa de l'article 1872-2 du Code civil, quatre des cinq associés, les docteurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F..., ont notifié à Monsieur Michel X... leur décision de dissoudre la société, avec effet au 31 août

2015.



D'une part alors que la société de fait était dissoute, et que Monsieur Michel X... ne bénéficiait plus de cette structure matérielle, les autres associés lui ont demandé de contribuer aux charges générées par la poursuite temporaire d'activité jusqu'en février 2016.



D'autre part, soutenant que la société de fait n'était pas dissoute et que le docteur X... s'était retiré, et qu'il y avait lieu de faire application de la clause de non concurrence contenu dans le règlement intérieur de la société de fait, le docteur A... a saisi le Conseil de l'ordre des médecins afin que le docteur X... soit interdit d'exercer sur Montpellier pendant cinq ans.



C'est dans ces conditions que par exploits du 4 décembre 2015, Monsieur Michel X... a assigné à jour fixe Mrs. Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... en dissolution de la société de fait Ortho d'Oc à la date du 31 août 2015, en désignation d'un mandataire ad hoc, en condamnation à lui payer la somme de 150'000 € à titre de dommages et intérêts pour l'avoir privé de la possibilité de céder ses parts, et en paiement de la somme de 100'000 € pour la perte de ses apports et ses frais d'installation à Montpellier, en paiement de la somme de 150'000 € au titre de l'article 700 du CPC, avec exécution provisoire.



Les cinq autres associés ont sollicité qu'il soit constaté la dissolution de plein droit de la société Ortho d'Oc au 31 août 2015, et l'existence d'une indivision depuis, que soit nommé un expert-comptable en vue d'effectuer les opérations de partage, de constater que Monsieur X... sera indemnisé par le biais des opérations de partage, de mettre hors de cause Monsieur Didier A... en l'absence de demande de dissolution de sa part,, qu'il soit dit qu'ils n'ont commis aucune faute en usant de leur droit de dissolution, de débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes, de dire que Monsieur X... a commis une faute en s'opposant sans motif légitime à la cession de parts au profit de Monsieur L..., et le condamner à payer à Messieurs C..., D..., E... et F... à chacun la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts, et le condamner à payer à chacun des cinq concluant la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du CPC.



Par jugement du 4 mars 2016, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

- constaté la dissolution de la société créée de fait Ortho d'Oc au 31 août 2015,

- débouté Monsieur Michel X... de ses demandes indemnitaires pour dissolution de mauvaise foi et à contretemps,

- débouté Monsieur Michel X... de ses demandes tendant à l'interdiction sous astreinte de l'utilisation de la marque Ortho d'Oc et du numéro de téléphone attribué à la société dissoute,

-débouté Mrs. Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E... et Yannick F... de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à désignation d'un administrateur ad hoc,

- dit que les droits de Monsieur Michel X... dans la société créée de fait Ortho d'Oc s'élèvent à 1/6ème de l'actif net,

avant dire droit,

- ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur Marc M..., avec pour mission '

'

- dit que l'expertise aura lieu aux frais avancés de Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E... et Yannick F... qui consigneront avant le 4 mai 2016 la somme de 2000 € à titre de provision à valoir sur les honoraires de l'expert ,

'

- réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.



Monsieur Michel X... a relevé appel de cette décision par déclaration du 23 mars 2016.




Par conclusions du 20 avril 2018, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur Michel X... demande à la cour de :

« Vu les articles 1871 à 1873 du Code civil,

Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990,

Vu l'article 1382 devenu 1240 du Code civil,

Vu le principe selon lequel la fraude corrompt tout,

Déclarer recevable et bien fondé l'appel formalisé par Michel X... à l'encontre du jugement rendu le 4 mars 2016 par le tribunal de grande instance de Montpellier.

Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la dissolution de la société créée de fait Ortho d'Oc au 31 août 2015 et ordonner une expertise.

Réformer le jugement du 4 mars 2016 pour le surplus, et statuant à nouveau,

Sur les fautes :

Dire et juger que les dispositions de l'article 1872-2 du Code civil ne trouvent pas à s'appliquer aux sociétés en participation des professions libérales.

Dire et juger que la dissolution de la K... Ortho d'Oc par LRAR notifiées par les docteurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E... et Yannick F... les 15 et 16 juillet 2015 sur le fondement de l'article 1872-2 du Code civil a été opérée en fraude à la loi.

Dire et juger que la dissolution a au demeurant été opérée de mauvaise foi et à contretemps.

Dire et juger que les notifications concertées de dissolution de la K... Ortho d'Oc en vue de faire échec aux droits de vote du docteur X... et de poursuivre l'activité sans lui, sont fautives et engagent la responsabilité solidaire des associés qui ont opéré la dissolution.

Dire et juger que le docteur Didier A... est responsable avec les autres associés du retard du docteur X... dans son établissement professionnel.

Condamner solidairement les docteurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E... et Yannick F... au paiement de la somme de 100'000 € au docteur X... correspondant à ses apports perdus du fait de la dissolution.

Condamner solidairement les docteurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E... et Yannick F... au paiement de la somme de 856'975 € au docteur X... en réparation du préjudice consécutif aux retards dans son établissement professionnel du fait de la dissolution.

Condamner solidairement les docteurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E... et Yannick F... au paiement de la somme de 50'000 € au docteur X... en réparation de son préjudice moral et du coût du déménagement.

Débouter Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E... et Yannick F... de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts.

Sur l'expertise :

Confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise comptable afin de faire les comptes entre les parties et de déterminer l'actif net à partager, selon mission et modalités précisées au dispositif du jugement, aux frais des docteurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E..., Yannick F... et Didier A....

Ordonner à Messieurs les docteurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E..., Yannick F... et Didier A... de procéder au règlement de la provision complémentaire telle que fixée par décision du TGI le 12/10/2017, sous astreinte de 100 € par jour à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Condamner solidairement les docteurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E... et Yannick F... à payer au docteur X... la somme de 15'000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Condamner solidairement les docteurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre- Étienne E... et Yannick F... aux entiers dépens tant de première instance que d'appel sur le fondement de l'article 699 du CPC. »



Par conclusions du 1er juin 2016, qui sont tenues pour entièrement reprises, Messieurs E..., C..., D..., F... et A... demandent à la cour :

« Vu les articles 815, 1134, 1872-2 et 1873 du Code civil,

De confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que les concluants étaient liés au docteur X... par une simple société de fait de moyens et de ce qu'ils n'ont commis aucune faute en usant de leur droit de dissolution en l'état du blocage opéré par le docteur X... sur leur cession de patientèle et de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de ce dernier.

De confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la dissolution de plein droit de cette société de fait au 31/08/15 et nommé un expert-comptable pour procéder aux opérations de liquidation.

De mettre en tout état hors de cause Monsieur Didier A... en l'absence de demande de dissolution de sa part.

De dire et juger par contre, en faisant droit à l'appel incident des concluants, que Monsieur X... a commis une faute en s'opposant sans motif légitime à la cession de parts des concluants au profit du Docteur L..., laquelle conditionnait par ailleurs la cession de patientèle et le condamner à verser au docteur E...,



C..., D... et F..., chacun, une somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts.

De condamner enfin ce dernier à verser à chacun des concluants la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

De le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel. »



L'instruction de l'affaire a été close le 26 avril 2018.




MOTIFS



Sur la procédure



L'article 15 du code de procédure civile énonce que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.



L'article 16 précise dans son alinéa 1 que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.



Par courrier du 24 avril 2018, soit trois jours avant la date de la clôture de l'instruction, les intimés ont sollicité le renvoi de l'affaire pour pouvoir conclure aux écritures de l'appelant du 15 mars 2018 dans lesquelles celui-ci développait des moyens nouveaux.



Le 25 avril 2018, le conseil des intimés renouvelait sa demande de renvoi au motif qu'il ne pouvait plaider ayant reçu des conclusions du 20 avril 2018 de Monsieur Michel X....



Par courrier du 27 avril 2018, le conseil de Monsieur Michel X... s'est opposé fermement au renvoi de cette affaire.



À l'audience le conseil des intimés a renouvelé sa demande de renvoi.



Dans les écritures du 20 avril 2018 de l'appelant, aucun moyen nouveau n'est développé par rapport à ses écritures du 15 mars 2018.



Ainsi les intimés ont eu un délai de six semaines pour répondre aux écritures de l'appelant du 15 mars avant l'ordonnance de clôture, laquelle depuis l'audience de fixation du 23 novembre 2017 était fixée au 26 avril 2018.



Six semaines est un délai largement suffisant pour répondre aux écritures de Monsieur Michel X..., et pour le conseil pour réunir ses cinq clients pour leur soumettre sa réponse, nonobstant les sujétions afférentes à leur profession de chirurgien.



Monsieur Michel X... n'a donc pas contrevenu aux dispositions de l'article 15 du code de procédure civile ci-dessus rappelées, et il n'y a pas atteinte au principe de la contradiction.



La demande de renvoi est donc rejetée.



Au surplus, les intimés n'ont même pas tenté de conclure après l'ordonnance de clôture du 26 avril 2018, alors que l'audience était fixée au 17 mai 2018, ce qui totalise depuis le 15 mars, un délai de neuf semaines.



Sur le fond



D'après son règlement intérieur et les explications fournies par les parties, soit la mise en commun des honoraires de tous les praticiens et une rétribution au prorata, une répartition des charges au 1/6e , et l'absence de personnalité morale, la société Ortho d'Oc dans laquelle étaient associés Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E..., Yannick F... et Michel X... était bien une société de fait et non une société de fait de moyens.



Dès lors que les associés ont parfaitement connaissances d'appartenir à une société, que cette société est régie par un règlement intérieur, bien qu'appelée société de fait, la société Ortho d'Oc est une société en participation.



Les six associés étant des médecins chirurgiens, outre les dispositions applicables du Code civil relatives aux sociétés en participation, sont aussi applicables les dispositions de la loi n° 90-258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de société des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participation financière de professions libérales.



L'article 22 de cette loi dispose que nonobstant toute disposition législative ou réglementaire déterminant limitativement les modes d'exercice en commun de la profession, il peut être constitué entre personnes physiques exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé une société en participation, régie par les dispositions ci-après et celles non contraires des articles 1871 à 1872-1 du Code civil.



Les dispositions de l'article 1872-2 du Code civil qui disposent que lorsque la société en participation est à durée indéterminée, sa dissolution peut résulter à tout moment d'une notification adressée par l'un d'eux a tous les associés, pourvu que cette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps, n'étaient donc pas applicables en ce qui concerne la société Ortho d'Oc.



Dès lors, la dissolution de la société Ortho d'Oc notifiée par quatre courriers avec AR du 15 juillet 2015 de Messieurs Fabrice D... et Pierre-Étienne E..., et du 16 juillet 2015 de Messieurs Yannick F... et Michel C... envoyés à Monsieur Michel X... , avec effet au 31 août 2015, est irrégulière.



Dans la mesure où ces quatre notifications sont illégales, il n'y a lieu d'apprécier si elles ont été faites de mauvaise foi et/ou à contretemps.



Dans le règlement intérieur de la société Ortho d'Oc, aucune des stipulations n'est relative à la dissolution. C'est pourquoi par application des dispositions de l'article 1871-1 du Code civil, s'appliquent les dispositions de l'article 1844-7 du Code civil qui énonce les huit cas par lesquels une société civile peut prendre fin.



Dans la présente espèce, la dissolution pouvait résulter soit d'une décision unanime des associés, 4° dudit article 1844-7, soit d'un jugement du tribunal de grande instance à la demande d'un associé pour juste motif, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société, 5° de l'article 1844-7.



À défaut d'unanimité des associés ou d'une dissolution judiciaire, la dissolution de la société Ortho d'Oc au 31 août 2015 décidée par quatre des six associés, est irrégulière.



Pour échapper à leur responsabilité, Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... arguent que Monsieur Michel X... aurait commis une faute en s'opposant à la présentation de leur patientèle à Monsieur Laurent L..., ce qui constituerait une atteinte à leur droit de présentation.



Toutefois, en adhérant à la société Ortho d'Oc, Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... ont accepté que soit limité leur droit de présentation de leurs patientèle dans la mesure où ils se sont engagés à respecter le règlement intérieur de cette société et les règles applicables en matière de société en participation.



Par application des dispositions de l'article 1871-1 et 1852 du Code civil, à défaut de précisions dans le règlement intérieur de la société, les décisions au sein de la société Ortho d' Oc devaient être prises à l'unanimité.



C'est pourquoi l'intégration d'un nouvel associé, tout comme l'intégration d'un successeur, requérait l'agrément unanime des associés, règles que Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... avaient acceptées en devenant associés de la société Ortho d'Oc, en renonçant donc en partie à leur droit de présentation de leur patientèle.



C'est pourquoi Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... ne peuvent faire



grief au docteur Michel X... d'avoir exercé son droit de refus conformément aux règles applicables.



Nonobstant l'irrégularité de la procédure suivie, tous les associés sont d'accord pour admettre aujourd'hui qu'il y a eu dissolution de cette société au 31 août 2015. Compte tenu de cet accord, le jugement déféré qui a constaté la dissolution de la société Ortho d'Oc au 31 août 2015 sera confirmé.



Cette dissolution irrégulière est intervenue dans un contexte particulier qu'il convient de rappeler.



Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... ont provoqué la dissolution de la société Ortho d'Oc pour contourner le refus de Monsieur Michel X... d'agréer en qualité de septième associé le docteur Laurent L..., lequel avait les mêmes spécialités que lui.



À compter du 31 août 2015, les associés de la société Ortho d'Oc se sont opposés à ce que Monsieur Michel X... utilise les locaux de la société et continue à exercer dans les locaux de la clinique Saint-Roch nonobstant le contrat d'exercice qui le liait directement à cet établissement.



Il a donc été contraint de trouver de nouveaux locaux et un nouvel établissement hospitalier pour exercer, ce qui constitue un préjudice qu'il a été seul à subir.



En effet, dans le même temps, Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E..., Yannick F..., ainsi que Monsieur Laurent L..., ont continué à utiliser les locaux, le matériel et le personnel de la société Ortho d'Oc, le numéro de téléphone et le nom de la société, et ont continué d'opérer à la clinique Saint-Roch.



Il y a donc une rupture d'égalité entre les associés au préjudice de Monsieur Michel X....



Or, Monsieur Michel X... a été écarté sans indemnisation alors qu'il résulte des nombreux mails échangés entre les parties ainsi que du compte rendu de la réunion des associés de la société Ortho d'Oc du 30 juin 2015, que se référant au règlement intérieur de la société, il avait proposé à ses associés de se retirer et pour cela leur avait demandé l'autorisation de leur présenter un successeur, ce qui aurait permis en même temps à Monsieur Michel X... de récupérer son investissement de 100'000 € et aux autres associés d'intégrer Monsieur Laurent L... au sein de la société Ortho d'Oc.



Le docteur Laurent L... a commencé a exercé au sein de la société Ortho d'Oc à compter du 1er septembre 2015. Les conditions dans lesquelles celui-ci a été admis à exercer, contrat de collaboration ou d'associé, sont discutées par les parties, mais sont sans incidence sur la solution du litige au regard de la volonté manifeste des autres associés d'évincer M. Michel X... de la société Ortho d'Oc.



La décision de dissoudre la société Ortho d'Oc a donc été imposée à Monsieur Michel X... par Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E..., et Yannick F..., ce qui constitue la faute à l'origine des préjudices dont Monsieur Michel X... demande à être indemnisé.



En premier lieu, Monsieur Michel X... sollicite le remboursement de son apport de 100'000 € qu'il n'a pu récupérer ensuite de la dissolution de la société Ortho d'Oc et de l'impossibilité de présenter un quelconque successeur.



Cependant, en cas de dissolution d'une société, les associés ne peuvent prétendre à reprendre possession de leur apport, mais ils peuvent seulement bénéficier du bonis qui résulterait des opérations de liquidation, et ce au prorata de leur participation au capital.



Les opérations de liquidation de la société Ortho d'Oc ont été confiées à Monsieur Marc M..., et toutes les parties sollicitent la confirmation du jugement déféré sur ce point.



Monsieur Michel X... sera donc indemnisé de ce préjudice à l'issue des opérations de liquidation par l'allocation de 1/6ème du bonis qui en résultera.



En second lieu, Monsieur Michel X... sollicite la somme de 856'975 € au titre des revenus auxquels il aurait pu prétendre sur les 5 ans à venir s'il était resté associé de la société Ortho d'Oc.



Ce préjudice est une perte de chance entre ce que Monsieur Michel X... a réalisé de revenus depuis son départ de la société Ortho d'Oc et ce qu'il devait réaliser sur cinq années, et ce que l'on peut estimer qu'il aurait réalisé en restant au sein de cette société.



Il sera donc écarté le calcul effectué par Monsieur Michel X... dans la mesure où celui-ci a été effectué à partir des résultats du Docteur J..., alors qu'en matière médicale, compte tenu de l'importance de l'intuitu personae et de la renommée, la présentation d'une clientèle et/ou la succession dans une société de fait ne garantit pas que les honoraires perçus par le successeur ou le cessionnaire seront identiques à ceux du précédent praticien ou du cédant.



Monsieur Michel X... explique, ce qui n'est pas contredit par les intimés, qu'il faut cinq années pour constituer une clientèle, et c'est pourquoi il sollicite une indemnisation sur cinq ans.







En ce qui concerne les revenus de Monsieur Michel X..., il ne produit pas les revenus qu'il obtenait de l'exercice de sa profession lorsqu'il était installé à Bruxelles.



Ses revenus nets du 1er octobre 2014 au 31 août 2015 ont été de 77'483 € au cours des 11 mois d'exercice au sein de la société Ortho d'Oc, soit après projection sur 12 mois, un revenu de 84'527 euros.



De la note du 15 février 2018 de Madame Monique O..., son expert-comptable, il résulte que son chiffre d'affaires en 2016 a été de 85'181 €, et en 2017 de 95'154 €, pour un résultat net respectivement de 44'771 € et 50'013 €.



Ces derniers résultats montrent une augmentation des revenus de Monsieur Michel X... d'une année sur l'autre de 11,71 %.



En tenant compte de ces différents paramètres, il sera alloué à Monsieur Michel X... la somme de 200'000 € en indemnisation de sa perte de revenus sur les cinq ans après son éviction de la SARL Ortho d'Oc.



Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... seront donc condamnés solidairement à payer à l'appelant cette somme.



En effet, ce préjudice est consécutif à la dissolution irrégulière de la société Ortho d'Oc que Monsieur Didier A... n'a pas sollicité. Il n'y a donc lieu de le condamner solidairement de ce chef de préjudice avec les autres associés, même si devant le conseil de l'ordre des médecins, il a mentionné qu'il avait pris acte de cette dissolution.



En troisième lieu, Monsieur Michel X... sollicite la condamnation solidaire de Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... en paiement de la somme de 50'000 € au titre de son préjudice moral et du coût du déménagement.



Monsieur Michel X... n'ayant produit aucun justificatif sur les frais de déménagement, il sera débouté de sa demande d'indemnisation au titre de ces frais.



En ce qui concerne le préjudice moral, outre la volonté manifeste de Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... d'écarter Monsieur Michel X... de la société Ortho d'Oc, il résulte des différentes courriers et mails versés aux débats qu'après le 31 août 2015, ils ont fait pression sur la direction de la clinique Saint-Roch et sur le personnel afin que Monsieur Michel X... n'exerce plus dans cet établissement.





Or, les opérations de liquidation n'ayant pas commencé, les associés ont voulu reporter la dissolution au 31 décembre 2015, et ont demandé à Monsieur Michel X... de payer un sixième des frais de la société Ortho d'Oc. Monsieur Michel X... s'est opposé à cette demande.



Surtout, par courrier du 16 octobre 2015, Monsieur Didier A... a déposé plainte à l'encontre de Monsieur Michel X... auprès de l'Ordre des médecins. Alors qu'il avait acté la dissolution sollicitée par Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F..., Monsieur Didier A... a soutenu que depuis le 31 août 2015, Monsieur Michel X... avait quitté son lieu d'exercice en violation du règlement intérieur de la société de fait Ortho d'Oc, qu'il ne participait plus aux charges de la société tout en utilisant le matériel de la société de fait. Le 31 décembre 2015, Monsieur Didier A... a transmis un mémoire complémentaire de plainte (non produit).



Par décision du 24 février 2017, la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins du Languedoc-Roussillon a rejeté la plainte de Monsieur Didier A... en

« considérant toutefois que le litige a profondément évolué en cours de procédure puisqu'après avoir soutenu que la société de fait serait toujours en vigueur et que le docteur X... serait tenu par la clause de non réinstallation, les ex- associés ont enfin admis que la société a bien été dissoute les 6 (sic) et 15 juillet 2015 ; que, dès lors, la clause de non réinstallation insérée dans le règlement intérieur n'est plus opposable et la plainte n'a plus d'objet et ne peut être qu'être rejetée ; ».



Il résulte de cette motivation qu'à travers cette plainte de Monsieur Didier A... auprès du conseil de l'Ordre des médecins, les anciens associés de Monsieur Michel X... ont tenté de faire appliquer à son encontre la clause de non réinstallation contenue au règlement intérieur de la société Ortho d'Oc, laquelle stipule qu' 'en cas de départ, le partant ne pourra s'installer à Montpellier et dans un rayon de 10 km autour de Montpellier et ce, pendant cinq ans.', et ce en travestissant la réalité des faits.



Eu égard aux péripéties de la dissolution de la société Ortho d'Oc, Monsieur Michel X... a subi un préjudice moral qui sera indemnisé par l'allocation de la somme de 25'000 €. Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... seront donc condamnés solidairement au paiement de cette somme.



Sur l'expertise



À la demande conjointe des parties, le jugement déféré qui a ordonné une expertise confiée à Monsieur Marc M... pour procéder aux opérations de liquidation de la société Ortho d'Oc sera confirmé.



Monsieur Michel X... sollicite que Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... soient condamnés à payer la provision complémentaire qui aurait été ordonnée par décision du 12 octobre 2017. Cependant à défaut d'avoir produit cette pièce, Monsieur Michel X... sera débouté de cette demande.



Au demeurant, même si la provision à valoir sur les honoraires de l'expert a été mise à la charge de Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F..., il appartient à la partie qui y a intérêt de pallier leur carence dans le paiement de la provision complémentaire afin de faire aboutir les opérations expertales.



Sur les autres demandes



Monsieur Michel X... ne sollicitant plus l'interdiction de la marque Ortho d'Oc et du numéro de téléphone attribué à la société dissoute, il n'y a lieu de statuer sur ce point qui n'est plus discuté .



L'équité commande de faire bénéficier Monsieur Michel X... des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... qui succombent seront condamnés solidairement aux entiers dépens et seront déboutés de leur demande d'indemnisation au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.



PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



Rejette la demande de renvoi présentée par Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F...,



Confirme le jugement déféré en ce qu'il a constaté la dissolution de la société créée de fait Ortho d'Oc au 31 août 2015, et en ce qu'il a ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur Marc M...,



Infirme pour le surplus, et statuant à nouveau, et y ajoutant,



Condamne solidairement Messieurs Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... à payer à Monsieur Michel X... la somme de 200'000 euros en indemnisation de son préjudice matériel,



Condamne solidairement Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick



F... à payer à Monsieur Michel X... la somme de 25'000 € au titre de son préjudice moral,



Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,



Condamne solidairement Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... à payer à Monsieur Michel X... la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne solidairement Messieurs Didier A..., Michel C..., Fabrice D..., Pierre-Étienne E... et Yannick F... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





Le greffier, Le président,





L.B.

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