18 février 2021
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/00654

Pôle 5 - Chambre 9

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 18 FEVRIER 2021



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00654 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBH3C



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2019 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2018057251





APPELANT



Monsieur [K] [V]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sébastien GARNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1473, avocat postulant et plaidant





INTIMEE



SASU EUROMEDICOM

N° SIRET : 432 648 350

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Représentée par Me Stéphane BACRIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R297, avocat plaidant













COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 20 janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Michèle PICARD, Présidente

Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère



qui en ont délibéré



GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats



ARRET :



- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .




**********



M. [K] [V] a débuté en juin 2002 sa collaboration avec la société International Trade Exhibition Company France (ci-après «'ITEC France'»), qui a disparu en 2016 par transmission universelle de patrimoine au profit de son associée unique la société Euromedicom, qui organisait des foires, salons et rencontres d'affaires dans les domaines de l'industrie, de la mode et de la cosmétique.



Par décision de l'associé unique d'lTEC France du 13 mai 2011, M. [V] était nommé directeur général de la société, fonction qu'il exerça jusqu'à sa révocation par décision de l'associé unique du 17 décembre 2014.



Contestant les conditions dans lesquelles ITEC France avait mis fin à leur collaboration initiée depuis 2002, M. [V] saisissait le conseil de prud'hommes de Paris qui par un jugement du 17 juin 2016 se déclarait incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris.



Saisie sur contredit, la cour d'appel de Paris, par un arrêt du 20 avril 2017, disait que les parties avaient été liées par un contrat de travail depuis le 10 juin 2002, déclarait le tribunal de commerce incompétent et renvoyait les parties devant le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 8 janvier 2018, condamnait la société Euromedicom notamment pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Considérant par ailleurs que la révocation de son mandat de directeur général était intervenu sans juste motif, M. [V] a assigné la société Euromedicom devant le tribunal de commerce de Paris par acte du 3 octobre 2018.



Par jugement du 21 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Euromedicom de sa demande d'irrecevabilité, débouté M. [V] de sa demande au fond, débouté la société Euromedicom de sa demande reconventionnelle, condamné M. [V] à payer à la société Euromedicom la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [V] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 décembre 2019.



*****



Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 23 décembre 2020, M. [V] demande à la cour de :



- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande et l'a condamné à payer à la société Euromedicom la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Statuant à nouveau,

- Condamner la société Euromedicom à lui payer la somme de 43 860 euros outre intérêt au taux légal avec anatocisme depuis le 17 décembre 2014, date de sa révocation,

- La condamner à lui payer à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 21 août 2020, la société Euromedicom demande à la cour de :



In limine litis

- Constater l'autorité de la chose jugée de la décision de la Cour d'appel de Paris du 20 avril 2017 entre les parties ;



En conséquence

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce du 22 novembre 2019 de son chef ayant « débouté la société Euromedicom de sa demande d'irrecevabilité » ;



Statuant à nouveau,

- Déclarer les demandes de M. [V] irrecevables ;



Sur le fond :

A titre principal :

- Dire et juger la révocation de M. [V] régulière ;

- Dire et juger M. [V] mal fondé en sa demande de voir condamner la société à lui verser une indemnité de révocation ;

En conséquence

- Le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;



A titre subsidiaire, si la Cour d'appel venait à considérer que la révocation ad nutum n'était pas fondée :

- Dire et juger la révocation de M. [V] fondée sur un juste motif, est régulière ;



En conséquence:

- Dire et juger M. [V] mal fondé en sa demande de voir condamner la société à lui verser une indemnité de révocation ;

- Le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;



En tout état de cause :

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce du 22 novembre 2019 de son chef ayant « débouté la société Euromedicom de sa demande reconventionnelle » ;



Statuant à nouveau,

- Condamner M. [V] à lui payer une somme de 10 000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive ;



Ajoutant au jugement,

Condamner M. [V] à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.




SUR CE




Sur l'irrecevabilité de l'action




La société Euromedicom soutient qu'ayant soulevé l'exception d'incompétence du conseil des prud'hommes, M. [V] lui avait répliqué être lié à la société ITEC par un contrat de travail, que la cour d'appel, dans son arrêt du 20 avril 2017, a reconnu le statut de salarié de M. [V] à l'exclusion de tout autre statut et jugé le conseil des prud'hommes compétent. Elle en déduit que M. [V] ne peut saisir la juridiction commerciale pour statuer sur ce qui a déjà été jugé à savoir la rupture des relations contractuelles avec elle.



Elle estime que l'arrêt n'a pas eu à trancher un litige relatif au cumul entre contrat de travail et mandat social, moyen qui n'était pas soulevé et que la simple mention de «'fonctions techniques distinctes de son mandat social'» ne peut conduire à conclure à l'existence d'un tel cumul sans contrevenir à la lettre du dispositif de l'arrêt. Elle précise que le conseil des prud'hommes a considéré qu'il s'agissait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que le principe de concentration des moyens interdit à M. [V] d'intenter des actions successives pour obtenir la même chose sur un fondement différent. Elle insiste sur l'identité de cause des deux actions motivées par la rupture contractuelle.



Elle conclut à l'irrecevabilité des demandes.



M. [V] indique que l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 20 avril 2017, statuant sur le contredit qu'il avait formé, a relevé qu'il exerçait des fonctions techniques distinctes de son mandat social, en étant placé sous un lien de subordination à l'égard de M. [U], président de la société.



M. [K] [V], après avoir été Président de la société ITEC France pendant quelques mois courant 2002, en a ensuite été le salarié, exerçant des fonctions de direction des opérations. A partir du 13 mai 2011, M. [V] est devenu mandataire social de la société en acceptant le poste de directeur général. La cour d'appel de céans a reconnu ,dans un arrêt du 20 avril 2017, que M. [V] a exercé, outre son mandat social, des fonctions techniques distinctes, identiques à celles qu'il exerçait antérieurement au 13 mai 2011.



Ainsi, au regard de la dualité des fonctions exercées par M. [V] au sein de la société ITEC France à compter du 13 mai 2011, la circonstance que le conseil des prud'hommes ait été reconnu compétent pour statuer sur la fin de sa relation de travail avec la société ITEC ne fait pas obstacle à ce que la juridiction commerciale soit saisie et statue sur la fin de ses fonctions de mandataire social.



Par conséquent il y a lieu de rejeter l'irrecevabilité soulevée par la société Euromedicom.




Sur la révocation de M. [V]




M. [V] soutient que la résolution n°1 de l'assemblée générale du 17 décembre 2014 ayant décidé de sa révocation n'en a pas précisé les motifs, que le principe de la révocation ad nutum posé à l'article 12 des statuts ne peut lui être opposé compte tenu de la dérogation prévue par le courrier portant convention de direction qui lui avait été remis le 13 mai 2011mentionnant une indemnité forfaitaire de 6 mois en cas de révocation sans juste motif. Il sollicite la somme de 43 860 euros prévue dans la convention de direction du 13 mai 2011 avec intérêt et anatocisme à compter de la date de la révocation.



La société Euromedicom soutient que s'agissant des sociétés par actions simplifiées, la révocation des dirigeants est exclusivement régie par les statuts sans que puissent être invoqué un protocole conclu lors de la nomination si les termes sont en contradiction avec les statuts. Elle souligne que les statuts prévoient la révocation du directeur général à tout moment et sans qu'aucun motif ne soit nécessaire et sans indemnité.



Elle souligne que la révocation n'a été ni brutale, ni vexatoire, qu'elle a respecté le principe du contradictoire en convoquant, le 5 décembre 2014, M. [V] à un entretien fixé le 17 décembre 2014 et que celui-ci ne s'est pas présenté et n'a pas contesté la décision. Elle insiste sur le fait qu'il n'a pas usé de la faculté qui lui était offerte de faire valoir ses arguments ce qui démontre qu'il considérait qu'il n'y avait pas de raisons de s'opposer à la décision.



Elle estime que la lettre du 13 mai 2011 rédigé par la société Informa, distincte de ITEC ne peut lui être opposée d'autant qu'elle contrevient aux statuts et ne peut avoir pour effet de les modifier.



Aux termes de l'article L. 227-5 du code de commerce : 'Les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée'.



Il résulte de cet article que seuls les statuts d'une société par action simplifiée peuvent fixer les conditions dans lesquelles la société est dirigée, parmi lesquelles figurent les modalités de révocation de son directeur général.



L'article 12 de la société ITEC France en vigueur au moment de la nomination de M. [V] et non modifiés ultérieurement indique que 'le directeur général peut être révoqué à tout moment et sans qu'aucun motif soit nécessaire, par décision de la collectivité des associés ou de l'associé unique. La cessation, pour quelque cause que ce soit et quelle qu'en soit la forme, des fonctions de directeur général, ne donnera droit au directeur général révoqué à aucune indemnité de quelque nature que ce soit'.



Par suite, la lettre-accord du 13 mai 2011 signée par M. [O] [Z], directeur de la branche 'exposition' du groupe Informa dont dépendait alors la société ITEC France, prévoyant en cas de révocation pour juste motif une indemnité forfaitaire égale à six mois de la rémunération brute fixe, n'a pu valablement venir déroger à cette disposition statutaire claire.



Si le procès-verbal de l'associé unique du même jour, procédant à la nomination de M. [V], se réfère à cette lettre pour 'les modalités de sa rémunération et de sa collaboration de manière générale avec la société', cette référence ne peut également s'analyser en une modification des statuts dès lors que ceux-ci, qui constituent le seul acte fixant les conditions de direction de la société, n'ont pas été modifiés.



Il en résulte qu'en dépit du comportement fautif de l'associé unique, non soulevé par l'appelant, ayant consisté à l'induire en erreur quant aux modalités applicables à sa révocation, il y a lieu de faire application de l'article 12 des statuts de la société ITEC France et de constater que M. [V] pouvait être révoqué à tout moment sans qu'aucun motif ne soit nécessaire.



Par suite, il y a lieu de substituer ces motifs à ceux retenus par les premiers juges, et de confirmer le dispositif du jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande d'indemnisation.




Sur la demande reconventionnelle




La société Euromedicom fait valoir que le litige opportuniste de M. [V], après avoir refusé tout débat contradictoire dans le cadre de l'assemblée générale du 17 décembre 2014, constitue un abus d'ester en justice. Elle sollicite la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts.



L'absence de M. [V] à l'assemblée générale ayant procédé à sa révocation ne suffit pas à rendre son recours ultérieur à l'encontre de cette révocation abusif.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Euromedicom de cette demande.




Sur l'article 700 du code de procédure civile




Chaque partie sollicite la condamnation de l'autre à lui verser la somme de 5 000 euros sur ce fondement.



L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation sur ce fondement.



Les dépens de l'instance d'appel seront à la charge de M. [V].







PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,



Confirme le jugement attaqué dans toutes ses dispositions,



Déboute les parties de leurs autres demandes,



Condamne M. [V] aux dépens de l'instance d'appel.







La greffière La présidente

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