12 février 2021
Cour d'appel de Rennes
RG n° 17/06405

2ème Chambre

Texte de la décision

2ème Chambre





ARRÊT N°90



N° RG 17/06405

N° Portalis DBVL-V-B7B-OHDL













SA CIC OUEST



C/

M. [G] [M]

Mme [C] [M] épouse [Y]

M. [Z] [M]

Mme [V] [M]

Mme [L] [M]

M. [H] [M]

Me [B] [R]















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me PERRIGAULT-LEVESQUE

- Me SEVESTRE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 FEVRIER 2021





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Marie-Odile GELOT-BARBIER, Conseillère,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère, rédactrice





GREFFIER :



Madame Aichat ASSOUMANI, lors des débats et Monsieur Régis ZIEGLER lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 1er décembre 2020





ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 12 février 2021, après prorogation, par mise à disposition au greffe





****



APPELANTE :

La S.A. CIC OUEST

dont le siège social est [Adresse 3]

[Adresse 3]



Représentée par Me Marie-Cécile PERRIGAULT-LEVESQUE de la SELARL PERRIGAULT-LEVESQUE, avocat au barreau de RENNES





INTIMÉS :



Monsieur [G] [M]

né le [Date naissance 4] 1979 à [Localité 18]

[Adresse 10]

[Localité 11]



Madame [C] [M] épouse [Y]

née le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Adresse 6]



Monsieur [Z] [M]

né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 11]

[Adresse 12]

[Localité 11]









Madame [V] [M]

née le [Date naissance 9] 1982 à [Localité 19]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Madame [L] [M]

née le [Date naissance 8] 1993 à [Localité 16]

[Adresse 15]

[Adresse 15]



Monsieur [H] [M]

né le [Date naissance 7] 1997 à [Localité 17]

[Adresse 15]

[Adresse 15]



Maître [B] [R], ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur [G] [M]

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 11]



Représentés par Me Bruno SEVESTRE de la SELARL SEVESTRE AVOCATS, avocat au barreau de RENNES






****





EXPOSÉ DU LITIGE :



Par acte sous seing privé en date du 16 juillet 2009, la société Banque CIC Ouest ( ci-après la banque CIC Ouest) a consenti à M. [G] [M], dans le cadre de son activité professionnelle d'architecte, un prêt de 180 000 euros remboursable en 84 mensualités au taux de 5,44 % l'an. Son épouse [E] [M] est intervenue en qualité de co-emprunteur.



A la suite de plusieurs échéances impayées, la banque a adressé aux époux [M] un courrier recommandé avec accusé de réception les mettant en demeure de régler la somme de 46 362,24 euros avant le 25 juin 2011, date à laquelle l'ensemble des sommes dues deviendrait immédiatement exigible en cas de défaut de paiement.



Le 6 septembre 2011, la banque CIC Ouest a mis en demeure Mme [E] [M] de lui régler la somme totale de 222 978,68 euros. Par courrier en date du 14 décembre 2011, elle a réitéré sa mise en demeure pour la somme de 207 100,24 euros.



Par acte d'huissier en date du 28 janvier 2013, elle a assigné Mme [E] [M] en paiement devant le tribunal de grande instance de Rennes.



Mme [M] est décédée le [Date décès 13] 2014. Ses héritiers, M. [G] [M], Mme [C] [M] épouse [Y], M. [Z] [M], Mme [V] [M], Mme [L] [M] et M. [H] [M] ont repris volontairement l'instance par conclusions notifiées le 8 avril 2015. Maître [B] [R] est également intervenu volontairement à l'instance en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de M.[G] [M].



Par décision en date du 13 juin 2017, le tribunal a :

- déclaré la société CIC Ouest irrecevable en sa demande au titre des mensualités impayées échues jusqu'au 15 janvier 2011 inclus,

- déclaré la société CIC Ouest irrecevable en sa demande pour le surplus,

- rejeté néanmoins l'ensemble des demandes de la société CIC Ouest,

- condamné la société CIC Ouest à verser à Maître [B] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [G] [M], Mme [C] [M] épouse [Y], M. [Z] [M], Mme [V] [M], Mme [L] [M] et M. [H] [M] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société CIC Ouest aux entiers dépens.



Par déclaration en date du 31 août 2017, la société CIC Ouest a relevé appel de cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 novembre 2017, elle demande à la cour de :

Vu l'article 1134 ancien du code civil,

- recevoir la banque CIC Ouest en son appel et la dire bien fondée,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la banque CIC ouest au titre du prêt consenti le 16 juillet 2009,

Statuant à nouveau,

- condamner Mme [C] [M] épouse [Y], M. [Z] [M], Mme [V] [M], Mme [L] [M] et M. [H] [M] à payer à la banque CIC Ouest la somme de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû , outre 18 070,36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011,



- fixer la créance à la liquidation judiciaire de M. [G] [M] à la somme de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû , outre 18 070,36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011,

- débouter les consorts [M] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

- dire que les consorts [M] ne rapportent pas la preuve d'une erreur significative affectant le TEG du prêt,

En toute hypothèse,

- condamner les consorts [M] à payer à la banque CIC Ouest une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [M] aux entiers dépens.



Dans leurs dernières conclusions signifiées le 4 décembre 2017, les consorts [M] demandent à la cour de :

Vu les articles L. 313-1 et L. 313-2, R. 313-1 dans leur version applicable à l'espèce, du code de la consommation,

Vu les articles 1131,1907 alinéa 2 du code civil,

Vu l'article L. 110-4 du code de commerce,

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juin 2017,

- débouter la banque CIC Ouest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

- annuler la stipulation d'intérêts conventionnels,

- condamner la banque CIC Ouest à remettre M. [G] [M], Mme [C] [Y] née [M], M. [Z] [M], Mme [V] [M], Mme [L] [M] et M. [H] [M] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la banque CIC Ouest aux entiers dépens.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 octobre 2020.





EXPOSÉ DES MOTIFS :



Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :



Les dispositions du jugement relatives à la prescription soulevée en première instance par les consorts [M] ne sont pas remises en cause en appel par les parties. En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société CIC Ouest irrecevable en sa demande au titre des mensualités impayées échues jusqu'au 15 janvier 2011 inclus et recevable en sa demande pour le surplus.



Sur la nullité du contrat de prêt pour absence de cause à l'égard de Mme [M] :

La banque CIC Ouest fait grief au tribunal d'avoir considéré que le contrat de prêt du 16 juillet 2009 était dépourvu de cause à l'égard de Mme [M] puisqu'en sa qualité d'épouse séparée de biens, elle était un tiers à l'entreprise de M. [G] [M] de sorte que n'empruntant ni ne percevant rien à titre personnel , le contrat litigieux était sans contrepartie pour elle et ne pouvait avoir aucun effet la concernant. Elle fait valoir au contraire que Mme [M] était collaboratrice architecte de son époux et qu'elle avait un intérêt évident à la souscription du prêt destiné à consolider la trésorerie de l'activité libérale et par là même, la pérenniser. Elle s'appuie sur l'attestation du notaire chargé de la succession de Mme [M] qui précise en effet que celle-ci était collaboratrice architecte.



Les consorts [M] exposent quant à eux, que Mme [M] n'a jamais été collaboratrice de son époux mais qu'elle a travaillé comme agent administratif de la Caisse des allocations familiales jusqu'en 1975 puis qu'elle a été sans emploi jusqu'à sa retraite. Ils produisent pour en justifier le relevé de carrière de Mme [M]. Ils soutiennent donc que le prêt litigieux consistant en une opération de restructuration, ne la concernait en rien et ne présentait aucun intérêt pour elle. Ils soulignent que les fonds ne lui ont pas été remis et que les échéances étaient prélevées sur le compte professionnel de son mari. Ils concluent donc à la confirmation du jugement.



Cependant, si comme l'a souligné le tribunal, le prêt consenti par un professionnel n'étant pas un contrat réel, c'est dans l'obligation souscrite par le prêteur que l'obligation de l'emprunteur trouve sa cause, le fait que Mme [M] soit un tiers à l'entreprise de son mari et que les fonds aient une destination professionnelle importent peu dès lors que son obligation de restitution trouve sa cause dans la remise des fonds, qu'en sa qualité de co-emprunteur, elle a sollicitée avec son époux et qui constitue la raison immédiate les ayant conduit à souscrire le prêt.



En conséquence, c'est à tort que le tribunal a rejeté les demandes de la banque au motif que le contrat de prêt était nul à l'égard de Mme [M].



Sur la déchéance du droit aux intérêts :



A titre subsidiaire, après avoir rappelé que Mme [M] n'était ni une commerçante ni une professionnelle, les consorts [M] soutiennent que le taux effectif global mentionné dans le prêt serait erroné pour avoir été calculé sur une année bancaire de 360 jours et pour ne pas inclure les frais de garantie Oseo dans son calcul . Si dans le corps de leurs conclusions, les intimés sollicitent la déchéance de la banque de son droit aux intérêts, ils demandent dans le dispositif l'annulation de la clause de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels.



Il sera toutefois rappelé que la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts est la seule sanction en cas d'inexactitude du taux effectif global résultant du calcul des intérêts conventionnels, sous réserve que l'écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce.



S'agissant de l'utilisation d'une année bancaire , il est effectivement de principe que les intérêts doivent comme le taux effectif global être calculés sur la base d'une année civile pour tous les prêts consentis à un consommateur ou un non professionnel. Pour autant, il appartient aux consorts [M] qui invoquent cette erreur de calcul d'établir que la clause litigieuse a pu concrètement affecter l'exactitude du taux effectif global mentionné dans le contrat et jouer en leur défaveur. Or, sans contester l'argument de la banque selon lequel la détermination du taux de période en lui appliquant le rapport d'un mois de 30 jours sur une année de 360 jours produit un résultat mathématique strictement équivalent à l'application du rapport d'un mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, les intimés soutiennent que la méthode d'équivalence n'est pas applicable aux crédits immobiliers ni aux prêts accordés pour les besoins d'une activité professionnelle. Pour autant, ils ne démontrent pas l'erreur affectant le taux effectif global ni que celle-ci vient à leur détriment.



S'agissant de l'absence de prise en compte des frais de la garantie Oseo pour la détermination du taux effectif global, les consorts [M] font valoir que l'estimation de ces frais à 240 euros comme mentionné dans l'offre de prêt est manifestement erronée puisque le montant de la commission Oseo s'élève à 2,28 % l'an sur l'encours du crédit relatif à la garantie. Ils soutiennent que le total des commission Oseo s'élève en fait à 15 442,31 euros . Selon eux, la prise en compte de ces frais fait passer le taux effectif global à 9,1478 % l'an au lieu de 6,3134 % comme mentionné dans l'acte.



La banque CIC Ouest expose quant à elle, que les frais liés à l'intervention d'Oseo n'avaient pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global puisqu'ils n'étaient pas déterminés. Elle en veut pour preuve le fait que la société Oseo a adressé aux époux [M] le détail des commissions dont ils étaient redevables le 24 août 2009, soit plus d'un mois après la signature du prêt. Elle fait valoir également que l'erreur alléguée par les intimés n'est pas démontrée puisqu'aucun détail du calcul permettant d'aboutir au taux de 9,1478 %, n'est proposé . En toute hypothèse, elle soutient que la déchéance des intérêts ne pourrait qu'être partielle, proportionnée à l'irrégularité invoquée.





Il résulte de l'article 6.1 du contrat de prêt que la commission Oseo s'élève à 2,28 % l'an et qu'elle est payable selon les modalités définies dans les conditions générales de la garantie Sofaris. Contrairement à ce que soutient la banque, les frais de garanties étaient donc parfaitement déterminables. Au regard du montant de la commission de 2,28 % l'an, ces frais de garantie avaient forcément une incidence sur le taux effectif global. Il s'ensuit que le taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt est erroné et que cette erreur vient en défaveur des emprunteurs.



En conséquence, il convient de prononcer la déchéance partielle du droit aux intérêts de la banque à hauteur de 15 000 euros.



Mme [C] [Y] née [M], M. [Z] [M], Mme [V] [M], Mme [L] [M] et M. [H] [M] seront condamnés au paiement de la somme de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû , outre la somme de 18 070, 36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011. La créance de la banque CIC Ouest sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de M. [G] [M].



La compensation réciproque des sommes dues sera ordonnée.



Sur les demandes accessoires :



Les consorts [M] supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel.



Il n'y a enfin pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque en cause d'appel.





PAR CES MOTIFS, LA COUR :



Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rennes le 13 juin 2017 sauf en ce qu'il a déclaré la société Banque CIC Ouest irrecevable en sa demande au titre des mensualités impayées échues jusqu'au 15 janvier 2011 inclus et recevable en sa demande pour le surplus,



Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ,



Condamne Mme [C] [Y] née [M], M. [Z] [M], Mme [V] [M], Mme [L] [M] et M. [H] [M] à payer à la société Banque CIC Ouest la somme de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû , outre la somme de 18 070, 36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011,



Fixe la créance de la société Banque CIC Ouest au passif de la liquidation judiciaire de M. [G] [M] à la somme de 133 376,40 euros au titre du capital restant dû , outre la somme de 18 070, 36 euros au titre des échéances impayées échues du 15 février 2011 au 15 août 2011,



Condamne la société Banque CIC Ouest à payer à Maître [B] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [G] [M], Mme [C] [M] épouse [Y] , M. [Z] [M], Mme [V] [M], Mme [L] [M] et M. [H] [M] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ,



Ordonne la compensation réciproque des sommes dues,



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Maître [B] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [G] [M], Mme [C] [M] épouse [Y], M. [Z] [M], Mme [V] [M], Mme [L] [M] et M. [H] [M] aux dépens de première intance et d'appel.





LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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