9 février 2021
Cour d'appel de Rennes
RG n° 19/03503

1ère Chambre

Texte de la décision

1ère Chambre





ARRÊT N°55/2021



N° RG 19/03503 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PZVK

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2021





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÉRE, Présidente,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 01 Décembre 2020, tenue en double rapporteur sans opposition des parties, par Mme Aline DELIÉRE, présidente, et Mme Brigitte ANDRÉ, conseillère entendue en son rapport,





ARRÊT :



rendu par défaut, prononcé publiquement le 09 Février 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats



****





DEMANDEURS A LA TIERCE OPPOSITION :



Monsieur [FS] [X]

né le [Date naissance 13] 1939 à SURBITON LONDRES (ANGLETERRE)

[Adresse 31]

[Localité 38]



Représenté par Me Karine VONCQ de la SELARL VONCQ, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE



Madame [E] [NW] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 49] (14)

[Adresse 31]

[Localité 38]



Représentée par Me Karine VONCQ de la SELARL VONCQ, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE



























DEFENDEURS A LA TIERCE OPPOSITION :



La SARL CAP ATLANTIQUE prise en la personne de son liquidateur Monsieur [J] [ZT], représentée par son gérant

[Adresse 54]

[Localité 34]



Régulièrement assigné par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué



Monsieur [J] [ZT]

né le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 46] (29)

[Adresse 54]

[Localité 34]



Représenté par Me Franck MARCAULT-DEROUARD de la SCP CALVAR & ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES



Madame [IK] [I] épouse [ZT]

née le [Date naissance 24] 1948 à [Localité 45] (38)

[Adresse 54]

[Localité 34]



Représentée par Me Franck MARCAULT-DEROUARD de la SCP CALVAR & ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES



Monsieur [ZN] [CZ], venant aux droits de la SARL CAP ATLANTIQUE

[Adresse 54]

[Localité 34]



Régulièrement assigné par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué



Madame [F] [CZ], venant aux droits de la SARL CAP ATLANTIQUE

[Adresse 54]

[Localité 34]



Régulièrement assignée par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué



Monsieur [M] [VL], venant aux droits de Madame [N] [Z] veuve [BJ] et Monsieur [O] [BJ]

[Adresse 54]

[Localité 34]



Régulièrement assigné par acte d'huissier du 24 mai 2019 remis à personne, n'a pas constitué



Madame [UH] [U] épouse [VL], venant aux droits de Madame [N] [Z] veuve [BJ] et Monsieur [O] [BJ]

[Adresse 54]

[Localité 34]



Régulièrement assignée par acte d'huissier du 24 mai 20196 remis à une personne présente au domicile, n'a pas constitué











Monsieur [P] [PF], venant aux droits de Madame [N] [Z] veuve [BJ] et Monsieur [O] [BJ]

[Adresse 54]

[Localité 34]



Régulièrement assigné par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué



Madame [LD] [PF], venant aux droits de Madame [N] [Z] veuve [BJ] et Monsieur [O] [BJ]

[Adresse 54]

[Localité 34]



Régulièrement assignée par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué



Monsieur [R] [RJ], venant aux droits de Madame [N] [Z] veuve [BJ] et Monsieur [O] [BJ]

[Adresse 54]

[Localité 34]



Régulièrement assigné par acte du 24 mai 2019 remis à personne présente au domicile, n'a pas constitué



Madame [D] [T] épouse [RJ], venant aux droits de Madame [N] [Z] veuve [BJ] et Monsieur [O] [BJ]

[Adresse 54]

[Localité 34]



Régulièrement assignée par acte du 24 mai 2019 remis à sa personne, n'a pas constitué



Monsieur [AL] [C]

né le [Date naissance 23] 1943 à [Localité 56]

[Adresse 37]

[Localité 34]



Régulièrement assigné par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué



Monsieur [O] [PA]

[Adresse 39]

[Localité 34]



Régulièrement assigné par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué



Madame [MH] [A] épouse [PA]

[Adresse 39]

[Localité 34]



Régulièrement assignée par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué











Monsieur [B] [JU], venant aux droits de Monsieur [K] [WP]

[Adresse 27]

[Localité 35]



Régulièrement assigné par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué



Madame [L] [JU], venant aux droits de Monsieur [K] [WP]

[Adresse 27]

[Localité 35]



Régulièrement assignée par acte du 24 mai 2019 remis en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué



Monsieur [YE] [H], en son nom personnel et es qualité d'héritier de Madame [HB] [SY] épouse [H],

né le [Date naissance 28] 1951 à [Localité 34]

[Adresse 12]

[Adresse 40]

[Localité 36]



Régulièrement assigné par acte du 23 mai 2019 délivré à personne, n'a pas constitué



Madame [V] [H] épouse [EI]

née le [Date naissance 30] 1953 à [Localité 34]

[Adresse 47]

[Adresse 50]

[Localité 11]



Représentée par Me Patrick LE TERTRE de la SCP OUEST AVOCAT CONSEILS, avocat au barreau de NANTES



Madame [W] [H] épouse [S]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 34]

[Adresse 52]

[Adresse 53]

[Localité 10]



Représentée par Me Patrick LE TERTRE de la SCP OUEST AVOCAT CONSEILS, avocat au barreau de NANTES








EXPOSÉ DU LITIGE



Le 19 février 1987, les époux [X] ont acquis des consorts [H], les immeubles sis à [Localité 34], cadastrés section [Cadastre 17], [Cadastre 15] et [Cadastre 22], l'acte comportant la clause suivante : ' Il résulte de l'acte d'adjudication en date du 15 mars 1968 sus-relaté la servitude ci-après littéralement rapportée : Il est ici précisé que l'allée qui mène à la maison principale devra rester commune à tous les lots et que les acquéreurs des écuries et de la laiterie ainsi que du pré auront un droit de passage de quatre mètres pour accéder à leur lot sur le trajet le plus court et le moins dommageable'. Les consorts [H] sont restés propriétaires de la parcelle cadastrée section [Cadastre 16] sise [Adresse 39]. Le 17 août 1987, les époux [X] ont acquis des époux [Y] la parcelle cadastrée section [Cadastre 26] (provenant de la division de la parcelle cadastrée section [Cadastre 20]).



Toutes ces parcelles sont issues d'un ensemble unique ayant fait l'objet d'une adjudication en sept lots par jugements des 22 décembre 1967 et 15 mars 1968 dont le cahier des charges comportait la mention suivante : 'Il est ainsi indiqué que l'allée qui mène à la maison principale devra rester commune à tous les lots et que les acquéreurs des écuries et de la laiterie ainsi que du pré auront un droit de passage 'de quatre mètres' pour accéder à leur lot, sur le trajet le plus court et le moins dommageable'.



Les lots n° 1 et 2 dits la maison principale (parcelles [Cadastre 5] devenue [Cadastre 18] sud puis [Cadastre 21], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 3]) ont été acquis par M. [G] [KY] qui les a vendus à Mme [KY] épouse [Y]. Après cessions aux époux [Y], puis aux époux [ST], ces biens ont été acquis par la société Cap Altantique qui a divisé la parcelle [Cadastre 14] en deux parcelles cadastrées [Cadastre 44] et [Cadastre 41], cette dernière étant vendue aux époux [CZ]. La société Cap Atlantique a ensuite cédé, par acte du 8 juin 2004, la parcelle [Cadastre 44] et les parcelles194, [Cadastre 29] et [Cadastre 18], à ses gérants, les époux [ZT].



La parcelle nouvellement cadastrée [Cadastre 18] incluant le [Adresse 48], c'est-à-dire l'allée commune qui ne constituait pas une partie privative, la cour d'appel de Rennes, statuant sur appel d'un jugement rendu le 23 juillet 2009 par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, a par arrêt du 17 janvier 2012 :

- confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la SARL Cap Atlantique et les époux [ZT] de leur demande d'annulation partielle des ventes successives de la parcelle cadastrée [Cadastre 18] située sur la commune de [Localité 34] consenties par actes des 26 septembre 2003 et 8 juin 2004 ;

- infirmé le jugement pour le surplus et,


dit que les droits cédés sur la parcelle [Cadastre 18] en nature de chemin portent sur la propriété privative de la partie Sud délimitée à partir du rétrécissement de la voie à 4 mètres et sur la propriété indivise de la partie Nord formant l'allée commune entre les propriétaires riverains telle que prévue par le cahier des charges établi le 30 janvier 1967 assortissant la vente par adjudication prononcée par jugement du 22 décembre 1967,

dit que la cession de ces droits est opposable aux indivisaires,

ordonné la publication de ce chef de la décision,

débouté les consorts [H] de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée [Cadastre 18] au profit de la parcelle jointive [Cadastre 42].




La cour a jugé que des clauses du cahier des charges du 30 janvier 1967, il résultait que l'allée commune instituée par cet acte a été affectée à la desserte exclusive des sept lots résultant du démantèlement opéré en vue de la vente par adjudication de la propriété du Sandier et que, commune à ces lots, cette voie forme une indivision forcée et perpétuelle échappant aux règles de l'indivision édictée par les articles 815 et suivants du code civil. A la suite de cet arrêt, la parcelle [Cadastre 18] a été divisée en deux parcelles numérotées [Cadastre 32] et [Cadastre 33], la première constituant le [Adresse 48] (indivision perpétuelle) et la seconde, plus étroite, le chemin privé d'accès à la propriété bâtie des époux [ZT].



Une procédure de bornage judiciaire de ces parcelles ayant été diligentée, une expertise judiciaire était confiée à M. [WV] par jugement du tribunal d'instance de Saint-Nazaire du 24 juillet 2013. L'expert a déposé son rapport le 30 avril 2014. Par jugement du 8 avril 2015, le tribunal d'instance de Saint-Nazaire a homologué le rapport d'expertise et a fixé la limite entre les parties privative et indivise de l'ancienne parcelle [Cadastre 18]. Cependant la limite entre la propriété des époux [ZT] et celle des consorts [H] n'ayant pas été fixée par ce jugement, une nouvelle procédure de bornage a été engagée, procédure à laquelle les époux [X] ont été appelés.



L'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 statuant sur le statut de la parcelle alors cadastrée [Cadastre 18] a été signifié, le 10 avril 2019, par les époux [ZT] aux époux [X], tiers à cette procédure, au soutien de leur contestation de l'existence d'un droit de passage profitant à ces derniers. Les époux [X] ont formé tierce opposition à cet arrêt le 28 mai 2019. Dans leurs dernières conclusions du 13 novembre 2020, ils demandent à la cour de :

A titre principal

Constater qu'ils disposent de l'intérêt et de la qualité à agir à la procédure en tierce opposition à la suite de la signification de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 17 janvier 2012 par M. et Mme [ZT] ;

Constater qu'ils n'ont pas été parties à la procédure engagée par la SARL Cap Atlantique et M. et Mme [ZT] devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire ayant donné lieu au jugement du 23 juillet 2009 ;

Constater qu'ils n'ont pas été parties à la procédure d'appel diligentée par la SARL Cap Atlantique et M. et Mme [ZT] à l'encontre du jugement du 23 juillet 2009 du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire ayant donné lieu à l'arrêt du 17 janvier 2012 ;

Constater que l'arrêt du 17 janvier 2012 leur cause grief dans les dispositions suivantes :


dit que les droits cédés sur la parcelle [Cadastre 18] en nature de chemin portent sur la propriété privative de la partie Sud délimitée à partir du rétrécissement de la voie à 4 mètres et sur la propriété indivise de la partie Nord formant l'allée commune entre les propriétaires riverains telle que prévue par le cahier des charges établi le 30 janvier 1967 assortissant la vente par adjudication prononcée par jugement du 22 décembre 1967,

dit que la cession de ces droits est opposable aux indivisaires,

ordonne la publication de ce chef de la décision,

déboute les consorts [H] de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée [Cadastre 18] au profit de la parcelle jointive [Cadastre 42],

fait interdiction aux consorts [H] d'user de ce passage sous astreinte de 40 euros par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt ;


Dire que l'arrêt du 17 janvier 2012 leur est inopposable ;

Surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire au titre des droits des époux [FS] [X].

A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de :

Constater qu'ils disposent d'un titre par l'acte authentique de propriété du 19 février 1987 justifiant du bénéfice de la servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 21] ;

Constater que les époux [ZT] ont régularisé un aveu judiciaire aux termes duquel ils ont reconnu le bénéfice d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée [Cadastre 21] au profit des parcelles cadastrées [Cadastre 15], [Cadastre 22], [Cadastre 25] et [Cadastre 26] dont ils sont propriétaires ;

Constater que les époux [ZT] ont méconnu l'obligation de loyauté procédurale en remettant en cause leurs propres écritures et argumentation ;

Dire non recevable l'argumentation des époux [ZT] à l'égard des droits dont ils disposent ès qualités de coindivisaires de la parcelle cadastrée [Cadastre 19] et détenteur d'une servitude de passage de 4 mètres sur le trajet le plus court et le moins dommageable de la parcelle [Cadastre 21], fond servant, appartenant privativement aux époux [ZT] pour accéder à la parcelle [Cadastre 19] ;

Dire que l'arrêt du 17 janvier 2012 leur est inopposable ;

Dire qu'en leur qualité de propriétaires des parcelles [Cadastre 15], [Cadastre 22], [Cadastre 25] et [Cadastre 26], ils sont coïndivisaires de la parcelle [Cadastre 19] ;

Dire que leurs parcelles cadastrées [Cadastre 15], [Cadastre 22], [Cadastre 25] et [Cadastre 26], fonds dominants, disposent d'une servitude de passage de 4 mètres sur le trajet le plus court et le moins dommageable de la parcelle [Cadastre 21], fonds servant, appartenant privativement aux époux [ZT], pour accéder à la parcelle [Cadastre 19] ;

Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais des époux [ZT] ;

En toute hypothèse

Débouter les époux [ZT] de toutes leurs demandes et les condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.



En réponse, les époux [ZT] concluent :

- au caractère irrecevable et mal fondée de la tierce opposition des époux [X] ;

- au débouté de leurs demandes ;

- à la condamnation des époux [X] à leur payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une reconnaissance d'un droit de passage sur la parcelle [Cadastre 21], ils demandent à la cour d'enjoindre aux époux [X] de l'exercer par le trajet le plus court et le moins dommageable à savoir jusqu'en partie Nord de la parcelle [Cadastre 26] sous astreinte.



Les consorts [H], auteurs des époux [X], demandent à la cour de :

- juger irrecevable et mal formée la tierce opposition formée par les époux [X] ;

- constater que les époux [ZT] ont régularisé un aveu judiciaire par lequel ils ont reconnu le bénéfice d'une servitude de passage aux consorts [X] sur la parcelle [Cadastre 21] ;

- dire que les époux [X] bénéficient d'un droit de passage sur la parcelle [Cadastre 21] dans les conditions définies par l'arrêt du 17 janvier 2012 ;

- condamner les époux [ZT] à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi et de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Les autres parties assignées n'ont pas constitué avocat.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les époux [X] le 13 novembre 2020, les consorts [H] le 12 novembre 2020 et par les époux [ZT] le 16 novembre 2020.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2020.



EXPOSÉ DES MOTIFS



Sur la recevabilité de la tierce opposition



Aux termes de l'article 582 du code de procédure civile, 'La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque.

Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.'



L'article 583 précise qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.



L'article 586 énonce quant à lui : 'La tierce opposition est ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement à moins que la loi n'en dispose autrement.

Elle peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre instance par celui auquel on l'oppose.

En matière contentieuse, elle n'est cependant recevable, de la part du tiers auquel le jugement a été notifié, que dans les deux mois de cette notification, sous réserve que celle-ci indique de manière très apparente le délai dont il dispose ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé.'



Les conditions d'exercice édictées par les dispositions sus-rappelées sont réunies dès lors que les époux [X] n'ont pas été parties à la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et que ce recours a été formé dans le délai de deux mois de la signification qui leur en a été faite.



Pour contester la recevabilité de la tierce opposition, les consorts [H] font valoir que l'arrêt du 17 janvier 2012 ne lèse pas les droits des époux [X] puisqu'il renvoie, s'agissant de l'utilisation de la partie sud du [Adresse 48] actuellement cadastré [Cadastre 21], au cahier des charges établi le 30 janvier 1967 établissant une servitude de passage au profit de leur fonds. Les époux [ZT] contestent également la recevabilité de la tierce opposition au motif que les tiers opposants n'ont pas d'intérêt à agir dès lors qu'ils ne critiquent précisément aucune disposition de l'arrêt du 17 janvier 2012, prétendant au contraire que cette décision est sans effets sur leurs droits.



Cependant les époux [ZT] exposent parallèlement :

- qu'ils dénient aux époux [X] tout droit à une servitude de passage sur la parcelle [Cadastre 21] au motif que la cour d'appel de Rennes a, dans son arrêt du 17 janvier 2012, interdit aux consorts [H] tout passage sur cette parcelle,

- que tenant leurs droits des consorts [H], les époux [X] n'ont pu se voir transmettre plus de droits que ceux détenus par leurs auteurs,

- qu'aux fins d'opposabilité de cet arrêt et afin de leur dénier le bénéfice de la servitude figurant dans leur titre, ils ont fait signifier l'arrêt du 17 janvier 2012 aux époux [X],

- qu'ils leur ont, par lettre recommandée de leur conseil en date du 1er mars 2019, interdit tout droit de passage sur la parcelle [Cadastre 21] et les ont invités à se rapprocher de leurs auteurs, les consorts [H], pour régler la difficulté d'une servitude consentie par des vendeurs qui n'en bénéficiaient pas.



Il se déduit de cette argumentation que les époux [ZT] interprètent l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 comme ayant supprimé la servitude de passage stipulée au profit de la propriété des époux [X] par le cahier des charges rédigé en 1967. Se fondant exclusivement sur le dit arrêt pour interdire aux époux [X] de continuer à utiliser le passage existant depuis la division du fonds en sept lots, ils lui attribuent une portée préjudiciable aux droits des époux [X], donnant ainsi à ceux-ci un intérêt à former tierce opposition à l'encontre de cette décision.



Le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours sera en conséquence rejeté, étant à titre superfétatoire relevé que le litige porte en fait sur l'interprétation d'une décision de justice. Or l'article 461 du code de procédure civile réserve le recours en interprétation aux parties à la procédure de sorte que les tiers n'ont d'autre alternative, lorsqu'une décision de justice leur est opposée, que d'agir par la voie de la tierce opposition à son encontre pour en discuter la portée.



Sur le fond



Le raisonnement selon lequel en jugeant que la servitude ne bénéficiait pas à la parcelle cadastrée [Cadastre 16] restée la propriété des consorts [H], l'arrêt du 17 janvier 2012 a jugé qu'elle ne bénéficiait pas davantage aux parcelles cadastrées section [Cadastre 15] et [Cadastre 17] dont les consorts [H] n'étaient plus propriétaires le 19 mai 2004, jour de l'assignation introductive d'instance, ne ressort ni du dispositif, ni des motifs de l'arrêt. Il n'est pas davantage conforté par une argumentation juridique pertinente.



En effet, la cour n'avait pas été saisie d'une demande portant sur la servitude instaurée en 1967 sauf à titre reconventionnel, de manière très limitée, par les consorts [H] qui en demandaient le bénéfice au seul profit de la parcelle [Cadastre 16] dont ils étaient restés propriétaires. L'arrêt n'a donc pas statué sur la servitude de passage stipulée par le cahier des charges de 1967 au profit des écuries, de la laiterie ainsi que du pré qui appartenaient à des tiers à la dite procédure. La disposition de l'arrêt invoquée par les époux [ZT] est d'ailleurs parfaitement claire et dénuée de toute équivoque, en ce qu'elle déboute les consorts [H] 'de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée [Cadastre 18] au profit de la parcelle jointive [Cadastre 42]' [en fait 222], étant rappelé qu'il n'était pas prétendu que la parcelle [Cadastre 16] correspondait 'aux écuries, à la laiterie et au pré' au profit desquels la servitude avait été constituée par le cahier des charges rédigé en 1967.



Or une servitude est une charge imposée à un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un propriétaire différent. Il s'agit d'un droit attaché à un fonds et non à une personne. Dès lors, l'interdiction faite aux consorts [H] de passer sur la parcelle [Cadastre 21] appartenant aux époux [ZT] pour la desserte de leur parcelle [Cadastre 16] située à l'Ouest de la maison principale est sans effet sur l'existence de la servitude créée par le cahier des charges de 1967 au profit de l'écurie, de la laiterie et du pré situés au Sud de la maison principale, actuellement cadastrés [Cadastre 17] et [Cadastre 15] (s'agissant de la laiterie et des écuries), le pré étant propriété d'un tiers.



L'interprétation de l'arrêt faisant l'objet de la tierce opposition avancée par les époux [ZT] est contraire à leurs conclusions déposées le 1er février 2010 devant la cour dans la procédure ayant abouti au dit arrêt. En effet dans leurs écritures, commentant la motivation des premiers juges, ils affirmaient textuellement (la typographie étant respectée) :

M. [H].... s'est porté adjudicataire le 15 mars 1968 sur surenchère du lot n° 4 de la vente judiciaire [KY].[...]

Le lot n° 4 était dénommé dans le cahier des charges de la vente sur saisie immobilière COMME ETANT L'ECURIE ET LA LAITERIE et bénéficiait d'un droit de passage d'une assiette de 4 mètres. [...]

les héritiers [H] vont vendre à M. et Mme [X]...les parcelles [Cadastre 17] et [Cadastre 43], c'est-à-dire la laiterie et l'écurie, ne conservant que la parcelle [Cadastre 16] dont l'accès est effectué par le nord de la parcelle comme l'indique à juste titre le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire. [...]

Le fonds aujourd'hui propriété des consorts [X] dispose, et lui seul, d'une servitude de passage sur le fond aujourd'hui appartenant à M. et Mme [ZT] pour se rendre sur leur lot constituant l'ancienne laiterie et l'écurie, 'par le chemin le plus court et le moins dommageable'.



Après avoir ainsi affirmé avec force que le fonds dominant bénéficiaire de la servitude grevant leur fonds (dont ils ne contestaient pas l'existence) était devenu pour le tout la propriété des époux [X] de sorte que seuls ceux-ci en disposaient, les époux [ZT] ne peuvent aujourd'hui de bonne foi prétendre que l'arrêt qui s'est borné, sur ce point, à accueillir leur moyen de défense, a supprimé implicitement la servitude instaurée par le cahier des charges de 1967 au profit du fonds appartenant aux dits époux [X], ce qui n'était pas l'objet du litige. En effet, l'arrêt a seulement validé leur interprétation selon laquelle la dite servitude ne bénéficiait pas à la parcelle [Cadastre 16] mais uniquement au fonds cédé vingt-cinq ans plus tôt par les consorts [H] aux époux [X].



A fortiori il n'est pas possible de déduire de l'arrêt de 2012 que les consorts [H] étaient sans droit à céder, en 1987, avec les parcelles [Cadastre 17] et [Cadastre 15], l'accessoire constitué par la servitude de passage instaurée par le cahier des charges de 1967. Ceci n'a jamais fait l'objet du litige engagé par la société Cap Atlantique et les époux [ZT] en 2004, les demandeurs se prévalant au contraire de cette cession dont ils ne discutaient pas la validité. C'est dès lors abusivement que les époux [ZT] prétendent dorénavant qu'en jugeant en 2012 que la servitude ne bénéficiait pas à la parcelle [Cadastre 16], la cour aurait implicitement supprimé rétroactivement la servitude conventionnelle de passage bénéficiant aux parcelles cédées en 1987.



Vainement se prévalent-ils de l'article 700 du code civil selon lequel 'Si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée.

Ainsi, par exemple, s'il s'agit d'un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l'exercer par le même endroit. »



En effet, suivant en cela l'argumentation des époux [ZT], la cour a estimé que la servitude ne bénéficiait pas à la parcelle [Cadastre 16] et non pas que le fonds dominant, bénéficiaire de la servitude, avait été divisé. Ce texte est dès lors sans objet pour apprécier la portée de la servitude conventionnelle de passage.



De même, le moyen tiré de l'effet relatif des contrats est tout aussi inopérant, la servitude litigieuse n'ayant pas été créée par l'acte de vente de 1987 qui ne fait qu'en rappeler l'existence mais par le cahier des charges de 1967 opposable aux propriétaires de l'ensemble des parcelles issues des lots adjugés en 1967 et 1968 et donc aux époux [ZT] dont les auteurs ont acquis les lots n° 1 et 2.



En 1987, les époux [H] étaient propriétaires de l'intégralité du lot n° 4 de sorte qu'ils pouvaient valablement en transmettre la partie bénéficiaire de la servitude avec le droit réel qui y était attaché. C'est seulement l'existence de la cession du fonds dominant qui a permis en 2012 à la cour, suivant en cela le raisonnement juridique des époux [ZT], de dire que les consorts [H] ne pouvaient plus se prévaloir de la servitude au profit de la parcelle sise à l'Ouest de la maison principale qu'ils avaient conservée. Dès lors, c'est à juste titre que les époux [X] entendent faire juger que l'arrêt du 17 janvier 2012 n'a aucun effet sur leurs droits relativement à cette servitude.



Enfin, à titre superfétatoire, il sera souligné que les époux [ZT] sont mal venus à soutenir, sans aucune argumentation sinon le fait que la maison est actuellement baptisée 'la Bergerie', que les époux [X] ne justifiaient pas être propriétaires de la partie du lot n° 4 constituant le fonds dominant. Outre les explications détaillées parfaitement explicites contenues dans leurs conclusions de 2010 sus-reproduites, ils ont en effet dans leurs conclusions du 19 juin 2013 devant le tribunal d'instance de Saint-Nazaire, à l'occasion de l'action en bornage, exposé les éléments suivants :

'les consorts [H], auteurs des consorts [X], ont été adjudicataires du lot n°4, comprenant :

'Ecuries, laiterie, et débarras en état de délabrement avec aire et ancien jardin, à l'ouest de l'article précédent, et paraissant cadastré section [Cadastre 51], [Cadastre 8] (erreur), [Cadastre 9] pour dix-neuf ares quatre vingts centiares'

Après division, les parcelles de ce lot sont devenues 177 BD [Cadastre 55], 222, 223, 227 et 21.

Les consorts [X] sont propriétaires des parcelles actuellement cadastrées [Cadastre 17], [Cadastre 26] et [Cadastre 15] correspondant aux écuries et à la laiterie, telles que décrites au cahier des charges.'



Les affirmations sus-reproduites portent sur des éléments de fait et non sur des analyses juridiques de sorte qu'elles font, jusqu'à démonstration contraire par leurs auteurs, preuve de la situation matérielle qu'elles décrivent. Elles sont d'ailleurs confortées par le rapport d'expertise judiciaire de M. [WV] homologué par jugement du 8 avril 2015, qui conclut que le lot n°4 comportant l'écurie et la laiterie a été vendu à M. [X], le solde étant conservé par la famille [H].



Il n'appartient pas à la cour saisie uniquement de la tierce opposition à l'arrêt du 17 janvier 2012 de statuer sur l'existence et l'assiette de la servitude de passage instituée par le cahier des charges de 1967 au profit du lot n° 4, s'agissant de demandes nouvelles étrangères à la procédure ayant abouti à cet arrêt. Dès lors la demande de sursis à statuer jusqu'à la décision sur l'existence de la servitude engagée les 16, 18 et 19 novembre 2020 devant le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, irrecevable comme sollicitée tardivement, serait en toute hypothèse inutile.



Cependant la tierce opposition a été rendue nécessaire par les prétentions des époux [ZT] qui ont prétendu se prévaloir d'une interprétation tendancieuse du dit arrêt pour contredire les droits réels dont ils avaient admis l'existence dans le cadre de la procédure y ayant abouti de sorte que les dépens de la tierce opposition leur incomberont de même que les frais non compris dans les dépens qu'ils ont contraint leurs adversaires à exposer.



Par leurs allégations contraires aux moyens de défense qu'ils avaient invoqués à leur encontre dans le cadre de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 17 janvier 2012 et par la remise en cause injustifiée de l'existence des droits cédés aux époux [X] en 1987, les époux [ZT] ont indûment empêché les consorts [H] de réaliser leur projet de cession de leur immeuble. Ils leur ont ainsi occasionné un préjudice de trésorerie qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros.



PAR CES MOTIFS, LA COUR :



Déclare recevable la tierce opposition formée par les époux [X] à l'encontre de l'arrêt rendu le 17 janvier 2012 par la cour d'appel de Rennes ;



Dit que la disposition de l'arrêt du 17 janvier 2012 par laquelle la cour a 'débouté les consorts [H] de leur demande en revendication d'un droit de passage sur la partie Sud de la parcelle cadastrée [Cadastre 18] au profit de la parcelle jointive [Cadastre 42]" [en fait 222] a uniquement porté sur l'absence de servitude de passage bénéficiant à la parcelle [Cadastre 16] sans se prononcer sur la servitude de passage grevant le fonds des époux [ZT] au profit des autres parcelles dépendant du lot n° 4 ayant fait l'objet de l'adjudication sur surenchère du 15 mars 1968 actuellement propriété des époux [X] ;



Dit que la disposition par laquelle l'arrêt ' fait interdiction aux consorts [H] d'user de ce passage sous astreinte de 40 euros par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt' est strictement personnelle aux consorts [H] en ce qu'ils sont propriétaires de la parcelle [Cadastre 16] et que cette interdiction ne concerne pas les époux [X] en leur qualité de propriétaires des parcelles cadastrés section [Cadastre 17] et [Cadastre 15] ;



Dit que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 17 janvier 2012 ne comporte, relativement à la servitude créée par le cahier des charges dressé le 30 janvier 1967 au profit des parcelles dépendant du lot n° 4 actuellement cadastrées section [Cadastre 17] et [Cadastre 15], aucune disposition affectant les droits des époux [X] sur cette servitude ;



Dit en conséquence qu'il n'y a pas lieu à rétracter ou à réformer l'arrêt rendu le 17 janvier 2012 ;



Condamne in solidum M. et Mme [J] [ZT] à payer à Mme [V] [H] et à Mme [W] [H] épouse [S], une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ;



Condamne in solidum M. et Mme [J] [ZT] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- à M. [FS] [X] et Mme [E] [NW] épouse [X], la somme de 5 000 euros ;

- à Mme [V] [H] et à Mme [W] [H] épouse [S], la somme de 2 000 euros ;



Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ;



Condamne in solidum les époux [J] et [IK] [ZT] aux dépens de la procédure qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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