2 février 2021
Cour d'appel de Rennes
RG n° 19/05977

1ère Chambre

Texte de la décision

1ère Chambre





ARRÊT N°51/2021



N° RG 19/05977 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QCYC













OCEBAULT SCI

OLPRI SARL



C/



SAS MCDONALD'S FRANCE

SAS LANGREST





















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2021





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle LE POTIER, Conseillère,







GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 24 Novembre 2020, tenue en double rapporteur avec l'accord des parties, par M. Fabrice ADAM, président, et Mme Brigitte ANDRÉ, conseillère entendue en son rapport







ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Février 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats





****





DEMANDERESSES SUR RENVOI APRES CASSATION :



La société OCEBAULT SCI prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Louis DUVAL, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC



La société OLPRI SARL prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 7]



Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Louis DUVAL, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC











DÉFENDERESSES AU RENVOI APRES CASSATION :



La société MCDONALD'S FRANCE, SAS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Laurence PINCHOU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS



La SAS LANGREST prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Localité 7]



Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Laurence PINCHOU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS






EXPOSÉ DU LITIGE



La société McDonald's France a acquis, le 6 octobre 1995, une parcelle sise [Adresse 8] dans la zone commerciale de [Localité 7], cadastrée section AB n° [Cadastre 4], issue d'une parcelle plus importante. Elle y a fait édifier un restaurant à l'enseigne Mac Donald dont l'exploitation est confiée à la SAS Langrest. Cette parcelle est grevée dans sa partie sud-ouest d'une servitude de passage au profit du surplus du fonds conservé par le vendeur cadastré section AB n° [Cadastre 5] sur laquelle a été construit, en 1995 également, un garage. Les deux fonds sont grevés de servitudes réciproques de stationnement et de circulation ainsi que de servitudes non aedificandi. La parcelle n° [Cadastre 4] débouche sur la [Adresse 8] par deux issues qui permettent une circulation en sens unique des usagers du restaurant, l'entrée se situant au sud et la sortie au nord via une voie de circulation à sens unique aménagée derrière l'immeuble de la société McDonald's France.



La SCI Ocebault, dont le gérant est M. [R], a acquis, le 18 mars 2015, la parcelle AB n° [Cadastre 5] puis a obtenu, le 22 juin 2015, un permis de construire une extension au garage existant que la SARL Olpri, dont M. [R] est également le gérant, exploitait déjà sous l'enseigne Point S depuis 2002.



Se plaignant de difficultés de circulation sur la servitude de passage en raison du drive exploité par la société Langrest, la SCI Ocebault a, le 21 juin 2016, fait assigner la SARL McDonald's France et la société Langrest devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc qui a, par ordonnance du 27 octobre 2016, rejeté ses demandes et l'a condamnée à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La SCI Ocebault ayant relevé appel de cette ordonnance, la SARL Olpri est intervenue volontairement à la procédure d'appel, demandant de condamner la société Mcdonald's France et la société Langrest à lui verser une provision d'un montant de 21.500 euros sur le fondement de l'article 809, alinéa 2 du code de procédure civile.



La cour d'appel de Rennes a, le 24 octobre 2017, confirmé l'ordonnance rendue le 21 juin 2016, débouté les intimées de leur demande reconventionnelle et condamné les sociétés Ocebault et Olpri à payer à chacune des sociétés McDonald's France et Langrest la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par arrêt en date du 6 juin 2019, la Cour de cassation a cassé cet arrêt mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Langrest de mettre fin au blocage de la servitude de passage et de l'accès aux parcelles AB n° [Cadastre 5] et [Cadastre 2] et à la société McDonald's France de respecter la servitude de passage instaurée entre les parcelles AB n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] et a renvoyé les parties devant la cour de Rennes autrement composée.



Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 28 octobre 2020, la SCI Ocebault et la SARL Olpri, toutes deux représentées par M. [R], demandent à la cour, sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile, d'infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés le 27 octobre 2016 en ce qu'elle a débouté la SCI Ocebault de l'ensemble de ses demandes et :

- de dire recevable et fondée l'intervention volontaire de la société Olpri,

- d'ordonner à la société McDonald's France et à la société Langrest de mettre immédiatement et durablement un terme au blocage de la servitude de passage et de l'accès aux parcelles AB n° [Cadastre 5] et [Cadastre 2] depuis la [Adresse 8] sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;

- d'enjoindre à la société McDonald's France et à la société Langrest de respecter la servitude de passage instaurée entre les parcelles AB n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée ;

- en conséquence, de condamner solidairement, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la société McDonald's France et la société Langrest d'avoir à supprimer tout aménagement, équipement, marquage au sol, panneau existant actuellement, de façon à ce que n'existe aucun obstacle, physique ou non, au passage ;

- de condamner solidairement la société McDonald's France et la société Langrest à verser à la société Olpri la somme de 21 500 euros sur le fondement de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile au titre des préjudices qu'elle a subis du fait des difficultés d'exercice de son activité ;

- de condamner solidairement la société McDonald's France et la société Langrest à leur verser la somme de 11 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.



En réponse, les sociétés McDonald's France SAS et Langrest demandent à la cour de :

- dire la SCI Ocebault et la société Olpri irrecevables et en tout cas mal fondées en leur appel et en toutes leurs demandes, moyens, fins et conclusions et les en débouter ;

- confirmer l'ordonnance rendue le 27 octobre 2016 ;

- dire la société McDonald's et la SAS Langrest bien fondées en leur demande reconventionnelle ;

- en conséquence, ordonner à la société Ocebault et à la société Olpri de respecter la servitude de circulation instaurée entre les parcelles AB n°[Cadastre 4] et AB [Cadastre 5] et [Cadastre 2] et ce sous astreinte ;

- en tout état de cause, condamner la SCI Ocebault et la société Olpri à verser respectivement à chacune d'elles, la somme de 5 000 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les sociétés Ocebault et Olpri le 28 octobre 2020 et par les sociétés McDonald's et Langrest le 30 octobre 2020.



EXPOSÉ DES MOTIFS



Sur la recevabilité de l'appel et de l'intervention volontaire de la SARL Olpri



Les intimées n'articulent aucun moyen au soutien de leur prétention tendant au prononcé de l'irrecevabilité de l'appel de la société Ocebault et ne contestent pas, dans le corps de leurs écritures, la recevabilité de l'intervention volontaire en cause d'appel de la SARL Olpri. Cette demande sera en conséquence rejetée.



Sur la demande portant sur l'entrave à la servitude de passage



Les sociétés Ocebault et Olpri invoquent les dispositions de l'article 808 du code de procédure civile dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019. Mais les conditions d'application de ce texte ne sont pas réunies, compte tenu de l'existence d'une contestation sérieuse et de l'absence de démonstration d'une urgence. Le litige sera donc examiné sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile dans sa version applicable jusqu'en 2020.



A titre liminaire, il sera relevé, à la lecture des actes versés aux débats, que la parcelle AB n° [Cadastre 2] d'une superficie de 666 m² ne bénéficie pas d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle AB n° [Cadastre 4] d'une superficie de 3 254 m², seule la parcelle AB n° [Cadastre 5] d'une superficie de 1677 m² bénéficiant de cette servitude. Dans la mesure où elle est enclavée, ne pouvant être desservie que par la parcelle AB n° [Cadastre 5] dont l'accès direct à la voie publique est insuffisant, il est possible de revendiquer au profit de la parcelle AB n° [Cadastre 2] une servitude de passage pour cause d'enclave. Cependant rien n'empêche le propriétaire du fonds servant d'imposer la desserte la plus commode soit, conformément à la pratique instaurée depuis la division du fonds, par la voie de circulation à sens unique aménagée au profit des usagers du fonds servant. Les revendications de la SCI Ocebault en ce qu'elles portent sur l'entrave à une servitude conventionnelle de passage bénéficiant à la parcelle AB n° [Cadastre 2] ne peuvent donc qu'être rejetées.



Occupent actuellement les locaux édifiés sur la parcelle AB n° [Cadastre 5], trois établissements différents, un restaurant à l'enseigne O'Tacos, le garage automobile Point S exploité par la société Olpri et le magasin ouvert au public de la société Dorcel. En dépit de la fréquentation accrue du fonds dominant, seule la société Olpri s'est plainte de difficultés de circulation en lien avec l'exploitation du fonds servant. Pourtant elle s'était installée sur le fonds dominant alors que le restaurant voisin fonctionnait déjà depuis plusieurs années et ce, bien avant l'acquisition par son gérant, via la SCI Ocebault, de la propriété de la parcelle AB [Cadastre 5], la dite société ayant ensuite fait construire de nouveaux locaux qui ont nécessairement eu pour effet de rendre plus difficile l'accès au parking implanté au fond de sa parcelle.



En toute hypothèse, les pièces produites révèlent que l'accès, à partir de la [Adresse 8], à la parcelle AB n° [Cadastre 5] n'a jamais été obstrué par des ouvrages implantés sur la servitude de passage de sorte que le ralentissement ponctuellement constaté à l'entrée sur le site trouve sa cause soit dans la densité du trafic sur la [Adresse 8], soit dans la fréquentation importante de l'ensemble des établissements exploités tant sur les parcelles [Cadastre 4] que [Cadastre 5] et [Cadastre 2]. Ainsi les constats d'huissier et attestations produits par les appelants font état d'embouteillages sur la [Adresse 8] que les appelants imputent à l'exploitation d'un 'drive' par la SAS Langrest. Or il n'entre pas dans le pouvoir du juge des référés d'interdire une activité licite, ni de limiter ou de réglementer la circulation sur la voie publique. Il n'y a pas lieu dès lors de condamner les sociétés intimées à garantir sous astreinte un accès fluide à la parcelle AB n° [Cadastre 5] à partir de la voie publique.



La société Langrest avait installé sur l'assiette de la servitude de passage huit plots métalliques en relief délimitant la voie affectée à son service drive de sorte que si l'accès à la parcelle [Cadastre 5] depuis la [Adresse 8] ne posait pas de difficulté en relation avec cet aménagement, en revanche les usagers ne pouvaient en sortir qu'en empruntant la voie de circulation à sens unique d'une largeur de 2,75 mètres contournant l'établissement par l'est jusqu'à la sortie nord débouchant également [Adresse 8]. Cette sortie nord ayant été élargie, le grief isolé (et peu convaincant eu égard à sa faute de conduite manifeste) formé le 20 juillet 2016 par M. [K] [D] quant à son étroitesse et son absence de visibilité ne se vérifie plus, l'insertion dans la circulation sur la voie publique et la sécurité des usagers ne pouvant au contraire qu'être améliorées par ce plan de circulation. La circulation sur les fonds l'un et l'autre grevés de servitudes était ainsi assurée dans des conditions n'ayant pas suscité de réclamations pendant vingt ans, y compris de la société Olpri qui y était présente depuis le début des années 2000. Cependant la servitude de passage grevant la partie sud-ouest de la parcelle [Cadastre 4] ne permettait pas aux sociétés intimées d'interdire une sortie par l'entrée aménagée au sud. Pour obtenir l'enlèvement des plots métalliques installés sur l'assiette de la servitude de passage, M. [R] a pris l'initiative de bloquer à son tour, par le stationnement gênant d'un véhicule poids-lourds sur sa parcelle, la circulation sur le site tentant ensuite de tirer argument des difficultés qu'il occasionnait pour justifier ses prétentions.



Lorsque le juge des référés a statué, il n'existait plus d'obstacles matériels à la circulation sur la servitude de passage de sorte que la sortie des usagers de la parcelle [Cadastre 5] par l'entrée sud était redevenue matériellement possible par une voie parallèle à la voie d'accès. Cependant, la SCI Ocebault a fait constater qu'il arrivait, en cas d'affluence au service drive du restaurant MacDonald, aux heures de pointe comprises entre 12 heures et 14 heures et 19 heures et 21 heures, que des véhicules encombrent durablement l'assiette de la servitude dans des conditions interdisant provisoirement son usage dans le sens de la sortie.



Ceci constituait un trouble manifestement illicite imputable à l'organisation par les sociétés intimées de leur service drive. Mais postérieurement à l'arrêt rendu par la Cour de cassation, celles-ci ont procédé à des aménagements destinés à libérer l'assiette de la servitude et à permettre aux usagers de la parcelle [Cadastre 5] qui le souhaitent de l'emprunter dans le sens de la sortie en toute circonstance. Ainsi la zone incluse à la fois dans l'assiette de la servitude et dans l'emprise du drive a été matérialisée par un marquage au sol comportant des zebras et deux panneaux d'interdiction de s'arrêter tandis que deux barrières implantées avant l'entrée et après la sortie de cette zone permettent d'éviter que des véhicules y soient bloqués. Cette organisation respecte les droits du fonds dominant qui ne peut prétendre à un usage exclusif de l'assiette de la servitude.



Prétendant cet aménagement insuffisant, les sociétés Ocebault et Olpri ont fait établir plusieurs constats d'huissier à des heures de pointe. Ainsi elles se prévalent d'un constat établi le dimanche 24 mai 2020 entre 20 heures 11 et 20 heures 24. L'huissier constate un embouteillage sur la voie publique dont la responsabilité ne peut être imputée aux sociétés intimées. Par ailleurs, les photographies annexées au constat démontrent que si des véhicules ont emprunté la voie matérialisée par des zebras, elles n'ont pas obstrué cette voie que M. [R] aurait pu emprunter dans le sens de la sortie sans subir une attente anormale eu égard à la configuration et à la fréquentation des fonds. Il est en revanche très vraisemblable qu'il aurait mis du temps à s'insérer dans la circulation sur la [Adresse 8] particulièrement dense ce soir-là, ce qui l'aurait conduit à stationner pendant un long moment sur la servitude de passage créant à son tour l'entrave qu'il incrimine.



Les sociétés appelantes se prévalent également de plusieurs constats d'huissier établis au mois d'octobre 2020, à savoir les 22, 23 et 29 octobre. Ces constats sont non probants en ce qu'ils incluent dans la zone litigieuse, un secteur plus important que la partie de l'assiette de la servitude empruntée par la voie 'drive' laquelle est matérialisée par des zebras sur le sol, créant une fausse apparence de trouble illicite en comptabilisant des véhicules qui circulent entre la zone hachurée et le premier plot non grevée par la servitude de passage. Ainsi le 29 octobre 2020, entre 14 heures 36 et 14 heures 43, contrairement à ce qu'il sous-entend, il ne résulte pas des constatations de l'huissier que des véhicules se soient attardés sur la zone de servitude, l'huissier évoquant uniquement la voie bordée par une ligne blanche continue doublée d'une ligne discontinue qui dépasse largement l'assiette de la servitude. De même, les constats relèvent le ralentissement de la circulation sur le site dans son ensemble et les difficultés de sortie du parking des parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 2], difficultés non liées à l'exercice de la servitude de passage. En effet, la sortie du parking aménagé sur le fonds dominant ne donne pas sur l'assiette de la servitude de passage mais sur la zone réciproquement affectée à la circulation et au stationnement. Or ainsi qu'elles le soulèvent justement dans leurs conclusions pour s'opposer aux prétentions adverses (pages 22 et 23), le litige soumis au premier juge et à la cour ne portait pas sur les conditions d'exercice des servitudes réciproques de circulation, seule étant en litige l'obstruction de la servitude de passage.



En toute hypothèse, ces pièces démontrent que si aux périodes de grande affluence, la circulation peut être ralentie tant sur la voie publique que sur la parcelle [Cadastre 4], ceci ne prive pas le gérant de la société Olpri d'accéder à la voie publique avec un camion dépanneuse muni d'un plateau. Ainsi le 23 octobre 2020 à l'heure de pointe, M. [R] a pu accéder à la voie publique avec son camion dépanneuse en sept minutes, de 12 h 09 à 12 h 15, ce qui n'a rien d'anormal en zone urbaine très fréquentée. Le 29 octobre 2020, il lui a fallu, à l'heure de pointe, dix minutes pour sortir sur la voie publique, obstruant ainsi lui aussi l'assiette de la servitude de passage. Pour revenir au parking de la parcelle [Cadastre 5] à 19 heures 37, il a dû faire la queue sur la voie publique pendant trois minutes, une seule minute lui permettant ensuite de rejoindre son fonds via la servitude de passage. Il a à nouveau sorti sa dépanneuse à 19 heures 56, accédant à la voie publique dès 20 heures 01. Il est une troisième fois sorti par l'assiette de la servitude de passage à 20 heures 40 avec son véhicule personnel, de même que l'huissier en empruntant cette fois la voie d'entrée. Le 22 octobre à 20 heures 29, M. [R] a tenté une sortie de son parking avec son véhicule poids-lourds, renonçant après seulement 3 minutes à accéder à l'assiette de la servitude dont l'impossibilité d'usage n'était donc pas démontrée.



De même, le 7 octobre 2020, M. [R] est sorti du parking de sa parcelle après 12 heures 30 en période d'affluence en empruntant la servitude, l'huissier ne relevant d'ailleurs à cette heure aucun ralentissement sur l'assiette de la servitude. A 12 heures 55 après être revenu sur le parking de son établissement, il a à nouveau emprunté l'assiette de la servitude, s'est trouvé gêné par les véhicules entrant sur le site mais a pu sortir sur la voie publique, la circulation qu'il avait ainsi temporairement perturbée reprenant immédiatement sa fluidité. Il s'en déduit que la présence intermittente de véhicules sur la zone matérialisée par des zebras, dont M. [R] n'a pas l'usage exclusif, ne l'empêche pas de l'utiliser même en période de grande affluence.



La SCI Ocebault demande qu'il soit fait injonction aux sociétés McDonald's France et Langrest d'avoir à supprimer tout aménagement, équipement, marquage au sol, panneau existant actuellement, de façon à ce que n'existe aucun obstacle, physique ou non, au passage. Pourtant les marquages au sol initiaux dirigeant vers le drive ont été effacés dès le mois de juin 2016, seule la signalisation sur la voie d'entrée commune aux deux fonds dirigeant vers les parkings ayant été maintenue. Afin d'assurer la libération de l'assiette de la servitude, les sociétés McDonald's France et Langrest ont en revanche fait apposer sur le sol de la voie de sortie des marquages constitués par des zebras blancs et deux panneaux 'défense de s'arrêter'. La demande de suppression de ces marquages destinés à assurer sa libre circulation sur le fonds servant est incompréhensible et non justifiée. La SCI Ocebault se plaint également de poteaux en plastique blanc mais ceux-ci ne sont pas implantés sur l'assiette de la servitude. Elle se plaint encore d'un marquage lumineux destiné à matérialiser les voies qui ne peut pourtant que favoriser son accès au fonds dominant. Enfin, elle reproche à la société McDonald's France d'avoir fait apposer un petit panneau 'sens interdit' à l'entrée de son fonds. Mais ce panneau, qui ne peut se confondre avec un panneau de la sécurité routière, n'entrave pas son usage de la servitude. Les sociétés intimées, qui ont la responsabilité d'assurer la sécurité de leurs usagers dans leur établissement, avaient le droit de l'apposer dès lors qu'il ne gêne pas l'usage de la servitude. Il sera au contraire relevé qu'il est de l'intérêt de la SCI Ocebault et de la SARL Olpri que la sortie par la servitude de passage soit aussi limitée que possible.



Il s'infère de l'ensemble de ces éléments que le trouble manifestement illicite constitué par l'entrave à l'exercice de la servitude de passage n'existe plus. Or l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite, au sens de l'article 809 du code de procédure civile, doit être apprécié au jour où le juge statue, de sorte que les demandes formées de ce chef seront rejetées.





Sur la demande de provision



A l'occasion de la procédure devant la cour ayant abouti à l'arrêt cassé, la SARL Olpri est intervenue volontairement à la procédure et a sollicité une provision de 21 500 euros sur le fondement de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile. Un trouble ayant existé avant l'aménagement, le 13 novembre 2019, du drive, cette demande de provision est recevable.



Cependant au soutien de sa demande de provision sur le montant de laquelle elle ne s'explique pas, la société Olpri vise uniquement dans ses écritures une pièce 23 datée du 5 septembre 2016 qui émane d'une société voisine sise [Adresse 8]. Celle-ci fait état des difficultés occasionnées par une entrée commune avec la société Mac Donald's qui créée des ralentissements et des bouchons sur la route principale devant son propre établissement. Mais les difficultés de circulation sur la voie publique desservant plusieurs établissements commerciaux différents ne sont pas imputables aux sociétés Langrest et McDonald's. La société Olpri verse également aux débats une pièce 24 constituée par une lettre du 5 septembre 2016 émanant d'une société Point S France qui décline un souhait de sa part de développer l'activité pneus poids lourds et industriels, faute d'accès suffisant permettant la bonne circulation des véhicules poids lourds en toute sécurité. Cependant cette pièce, au demeurant insuffisante pour apprécier le sérieux de la chance prétendument perdue, incrimine non pas le blocage occasionnel de la servitude de passage litigieuse mais les insuffisances structurelles d'accès au site de la société Olpri. Ces éléments ne démontrent pas l'existence d'un préjudice non contestable imputable à une faute des sociétés McDonald's et Langrest.



La société Olpri n'apporte la preuve d'aucune perte de chiffre d'affaires en lien de causalité avec le trouble en cause. Ainsi contrairement à ce qu'elle soutient dans ses écritures, M. [R] n'a pas déclaré à son huissier qu'il était le dimanche 24 mai à 20 heures empêché d'exercer son activité mais seulement que l'affluence sur le site pouvait avoir cette conséquence. Or la SARL Olpri était titulaire d'un bail commercial sur la parcelle AB n° [Cadastre 5] avant que son gérant ne fasse l'acquisition du dit fonds en 2015. Il est dès lors invraisemblable, connaissant les spécificités du site et de l'activité de la société voisine, qu'il ait procédé à cette acquisition si les conditions de sa desserte telles qu'elles s'appliquaient alors portaient préjudice à sa société.



La société Olpri ne démontre pas dès lors détenir une créance d'indemnité non sérieusement contestable justifiant sa demande de provision.



Sur la demande reconventionnelle



La société Langrest expose avoir été victime d'une voie de fait, d'un abus de droit et d'un trouble manifestement illicite et demande à la Cour à titre reconventionnel, d'ordonner aux sociétés Ocebault et Olpri de respecter la servitude de circulation dont elle est bénéficiaire sous astreinte à fixer par la Cour. Mais à juste titre les appelants rétorquent qu'il s'agit d'une demande nouvelle non liée à la demande principale par un lien suffisant. Elle sera en conséquence rejetée.



Le trouble affectant la servitude de passage existait lorsque le premier juge puis la cour ont rendu leur décision mais les prétentions beaucoup plus larges formées par la SCI Ocebault ayant été rejetées sans que l'arrêt confirmatif ne soit cassé sur ce point, chacune des parties conservera la charge des ses frais et dépens de sorte qu'il n'y aura pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS, LA COUR :



Confirme l'ordonnance rendue le 27 octobre 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc sauf en ce qu'il a :

- condamné la SCI Ocebault à payer à chacune des sociétés McDonald's France et Langrest la somme de 1 000 euros ;

- condamné la SCI Ocebault aux dépens ;



Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,



Déclare recevable l'intervention volontaire de la SARL Olpri ;



Rejette la demande de provision formée par la SARL Olpri ;



Déclare irrecevable la demande reconventionnelle de la société McDonald's France et de la société Langrest relative au respect de la servitude de circulation grevant les parcelles AB n° [Cadastre 4] et AB n° [Cadastre 5] et [Cadastre 2] ;



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés en première instance et au cours des deux procédures d'appel.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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