27 janvier 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-10.672

Chambre sociale - Formation plénière de chambre

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00141

Titres et sommaires

SYNDICAT PROFESSIONNEL - représentativité - détermination - critères - indépendance du syndicat - indépendance financière - conditions - détermination - applications diverses

Un accord collectif peut instituer des mesures de nature à favoriser l'activité syndicale dans l'entreprise, et dans ce cadre, en vue d'encourager l'adhésion des salariés de l'entreprise aux organisations syndicales, prévoir la prise en charge par l'employeur d'une partie du montant des cotisations syndicales annuelles, dès lors que le dispositif conventionnel ne porte aucune atteinte à la liberté du salarié d'adhérer ou de ne pas adhérer au syndical de son choix, ne permet pas à l'employeur de connaître l'identité des salariés adhérant aux organisations syndicales et bénéficie tant aux syndicats représentatifs qu'aux syndicats non représentatifs dans l'entreprise. Toutefois, le montant de la participation de l'employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié, le cas échéant après déductions fiscales, au regard du critère d'indépendance visé à l'article L. 2121-1 du code du travail

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 janvier 2021




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 141 FP-P+R

Pourvoi n° X 18-10.672







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 JANVIER 2021

1°/ la société Solvay travaux, société par actions simplifiée,
2°/ la société Solvay Fluores France, société par actions simplifiée,

ayant toutes deux leurs sièges [...] ,

3°/ la société Cytec Process Materials (Toulouse), société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

4°/ la société Solvay France, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Rhodia,

5°/ la société Rhodia laboratoire du futur, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

6°/ la société Rhodia opérations, société par actions simplifiée,

7°/ la société Solvay, société de droit étranger ayant un établissement immatriculé en France,

8°/ la société Solvay Energy services, société par actions simplifiée,

9°/ la société Solvay opérations France, société par actions simplifiée,

10°/ la société Solvay Speciality Polymers France, société par actions simplifiée,

toutes les cinq ayant leur siège [...] ,

ont formé le pourvoi n° X 18-10.672 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 1), dans le litige les opposant à la Fédération nationale des industries chimiques CGT, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Solvay travaux, Solvay Fluores France, Cytec Process Materials, Solvay France, Rhodia laboratoire du futur, Rhodia opérations, Solvay, Solvay Energy services, Solvay opérations France, Solvay Speciality Polymers France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération nationale des industries chimiques CGT, les plaidoiries de Me Célice et celles de Me Grévy, et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, MM. Rinuy, Ricour, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, Monge, Richard, conseillers, Mme Duvallet, M. Duval, Mme Prieur, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2017), rendu en référé, les sociétés Solvay travaux, Solvay Fluores France, Cytec Process Materials, Rhodia, Rhodia laboratoire du futur, Rhodia opérations, Solvay, Solvay Energy services, Solvay opérations France, Solvay Speciality Polymers France, composant l'unité économique et sociale Solvay France, ont conclu, le 31 mai 2016, un accord collectif, prévoyant, à son article 18.1, le remboursement, par ces sociétés et par l'intermédiaire des syndicats et d'un organisme tiers, aux salariés syndiqués, du reste à charge des cotisations syndicales individuelles versées aux syndicats représentatifs, après soustraction de la partie fiscalement déductible de l'impôt sur le revenu.

2. La Fédération nationale des industries chimiques CGT a saisi le juge des référés aux fins de suspension de l'article 18.1 de l'accord collectif.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Les sociétés font grief à l'arrêt d'ordonner la suspension de l'application de cet article, alors :

« 1°/ qu'un accord collectif d'entreprise peut, en vue de favoriser l'adhésion des salariés de l'entreprise aux organisations syndicales représentatives, prévoir la prise en charge par l'employeur d'une partie du montant des cotisations syndicales annuelles dès lors que le dispositif conventionnel, d'une part, ne porte aucune atteinte à la liberté du salarié d'adhérer ou de ne pas adhérer au syndical de son choix et, d'autre part, ne permet pas à l'employeur de connaître l'identité des salariés adhérents aux différentes organisations syndicales ; qu'au cas présent, l'article 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France prévoit la prise en charge par l'employeur du ‘‘reste à charge des cotisations individuelles annuelles, une fois soustraite la partie fiscalement déductible de l'impôt sur le revenu'' ; que l'accord prévoit qu'‘‘afin de respecter l'anonymat des adhérents, Ie calcul de ces montants est effectué, pour chaque organisation syndicale, par un organisme extérieur indépendant à partir des informations concernant le nombre de membres et le montant de leurs cotisations de l'année civile'', qu' ‘'au cours du premier trimestre suivant, Solvay verse ces montants à l'organisme extérieur indépendant qui les reverse ensuite à l'organisation syndicale, charge à elle de rembourser chacun de ses adhérents'' ; qu'il en résulte que le dispositif conventionnel permettait de respecter l'anonymat des adhérents en prévoyant que les informations seraient données par les organisations syndicales à un organisme extérieur indépendant en charge de vérifier et de déterminer le montant dû par l'employeur pour chacune des organisations syndicales, et par ailleurs que les sommes dues seraient versées par l'employeur aux organisations syndicales à charge pour ces dernières de rembourser leurs adhérents ; qu'en énonçant que la demande du syndicat FNIC CGT d'ordonner la suspension de ce dispositif conventionnel ‘‘était légitime'', au motif que ce dispositif permettrait à l'employeur de disposer d'une ‘‘information, non prévue par la loi, sur le nombre d'adhérents des syndicats'' et d'une ‘‘information sur l'influence des syndicats tous les ans'', la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un trouble manifestement illicite, en violation des articles 809 du code de procédure civile, L. 2141-1 à L. 2141-4 du code du travail et 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France ;

2°/ que le juge des référés est tenu de respecter lui-même le principe de la contradiction et ne peut relever un moyen de droit d'office, sans recueillir préalablement les observations des parties ; qu'en relevant d'office, pour ordonner la suspension de la disposition conventionnelle, que ce dispositif permettrait à l'employeur de disposer d'une ‘‘information, non prévue par la loi, sur le nombre d'adhérents des syndicats'' et d'une ‘'information sur l'influence des syndicats tous les ans'' ce qui créerait un ‘‘risque de mettre en oeuvre un contrôle de l'influence des organisations syndicales'', sans mettre les parties en mesure de présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que la juridiction des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser des mesures conservatoires ou de remise en état, à la date à laquelle elle prononce sa décision ; que la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite suppose que soit caractérisée une atteinte, constitutive d'une violation évidente d'une règle de droit, actuelle et avérée aux droits ou aux intérêts légitimes du demandeur ; qu'au cas présent, il résulte de l'article 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France que les informations seraient données par les seules organisations syndicales à un ‘‘organisme extérieur indépendant'‘ et concerneraient ‘‘le nombre de membres et le montant de leurs cotisations de l'année civile'' ; que, s'il ne précise pas l'identité de l'organisme extérieur et ses modalités d'intervention, l'accord pose comme condition que cet organisme soit indépendant de l'employeur et prévoit qu'il n'est destinataire, de la part des organisations syndicales, que d'informations relatives au nombre de salariés adhérents à ces organisations et au montant de leurs cotisations et non, à l'identité de ces salariés ; que, pour dire que la demande du syndicat FNIC CGT d'ordonner la suspension de ce dispositif conventionnel ‘‘était légitime'', la cour d'appel s'est bornée à relever que l'insuffisance de précision sur le choix et les modes d'intervention de l'organisme extérieur ‘‘est de nature à présenter un risque pour la communication des données personnelles concernant les adhérents'' ; qu'en se fondant sur un risque purement hypothétique pour suspendre l'application d'une disposition conventionnelle, sans caractériser à la date de sa décision, l'existence d'un trouble manifestement illicite actuel et avéré, la cour d'appel a violé les articles 809 du code de procédure civile, L. 2141-1 à L. 2141-4 du code du travail et 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France. »

Réponse de la Cour

4. Un accord collectif peut instituer des mesures de nature à favoriser l'activité syndicale dans l'entreprise, et dans ce cadre, en vue d'encourager l'adhésion des salariés de l'entreprise aux organisations syndicales, prévoir la prise en charge par l'employeur d'une partie du montant des cotisations syndicales annuelles, dès lors que le dispositif conventionnel ne porte aucune atteinte à la liberté du salarié d'adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat de son choix, ne permet pas à l'employeur de connaître l'identité des salariés adhérant aux organisations syndicales et bénéficie tant aux syndicats représentatifs qu'aux syndicats non représentatifs dans l'entreprise.

5. Toutefois, le montant de la participation de l'employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié, le cas échéant après déductions fiscales, au regard du critère d'indépendance visé à l'article L. 2121-1 du code du travail.

6. En l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'article 18.1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France, prévoyait, au profit des seules organisations syndicales représentatives, le financement par l'employeur de la partie des cotisations individuelles annuelles restant à charge des salariés une fois soustraite la partie fiscalement déductible de l'impôt sur le revenu.

7. Il en résulte que cette disposition constitue un trouble manifestement illicite au regard du texte et des principes susévoqués.

8.

Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés demanderesses aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Solvay travaux, Solvay Fluores France, Cytec Process Materials, Solvay France, Rhodia laboratoire du futur, Rhodia opérations, Solvay, Solvay Energy services, Solvay opérations France et Solvay Speciality Polymers France et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la Fédération nationale des industries chimiques CGT ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés demanderesses


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la suspension de l'application de l'article 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le bien-fondé de la demande de la Fédération Nationale FNIC-CGT. En application de l'article 808 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. En application de l'article 809, alinéa 1er, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. En l'espèce, la compétence de la juridiction de référé est fondée sur l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la possible atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale, susceptible d'être caractérisé par la clause contestée, intégrée à l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France. Le juge des référés est donc compétent pour examiner les griefs soulevés par la Fédération FNIC-CGT. Le syndicat demande la suspension de l'article 18-1 de l'accord du 31 mai 2016, inséré à l'article 18 qui dispose : « ... Solvay souhaite renforcer la représentativité des organisations syndicales en favorisant une augmentation du nombre d'adhérents et en facilitant le renouvellement de leurs membres compte tenu des perspectives démographiques de départs des militants. Pour cela, Solvay fait des adhésions le critère principal de financement des organisations syndicales représentatives et prend notamment en charge une partie des cotisations payées par les adhérents. Article 18.1. Les cotisations syndicales : Cette partie est constituée par le reste à charge des cotisations individuelles annuelles, une fois soustraite la partie fiscalement déductible de l'impôt sur le revenu. Afin de respecter l'anonymat des adhérents, le calcul de ces montants est effectué, pour chaque organisation syndicale, par un organisme extérieur indépendant à partir des informations concernant le nombre de membres et le montant de leurs cotisations de l'année civile. Au cours du trimestre suivant, Solvay verse ces montants à l'organisme extérieur indépendant qui les reverse ensuite à l'organisation syndicale, charge pour elle de rembourser chacun de ses adhérents. Le premier recensement est fait à la date de signature de cet accord. La mise en place de ce dispositif s'accompagne de la suppression progressive sur une période de cinq ans, du paiement de la rémunération par Solvay de ses salariés mis à la disposition d'une organisation syndicale représentative au niveau de l'UES Solvay France (détachement limité à une personne par organisation syndicale) ». Selon la Fédération FNIC-CGT, le dispositif est contraire à l'article L.2146-6 du code du travail qui interdit le paiement des cotisations syndicales par l'employeur à la place des salariés ; il constitue une discrimination syndicale d'une part à l'égard des salariés non syndiqués et d'autre part à l'égard de ceux qui adhèrent à une organisation syndicale représentative ; il est contraire à la collecte des données à caractère personnel interdite par la loi du 6 janvier 1978 et à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale en ne soumettant pas les sommes remboursées aux syndiqués, aux prélèvements sociaux obligatoires. Les sociétés composant l'UES Solvay soutiennent en réplique que ce dispositif de financement de l'exercice de la négociation collective est licite et déjà mis en place dans d'autres entreprises ; que les sociétés ne paient pas les cotisations syndicales à la place des salariés puisqu'il est seulement prévu de verser une enveloppe globale annuelle à un organisme tiers indépendant ; que ce dispositif ne crée pas de discrimination dès lors que le critère de représentativité est un critère objectif matériellement vérifiable permettant de réserver le remboursement aux seules organisations représentatives ; que la discrimination à l'égard des salariés non syndiqués n'est pas caractérisée dès lors que seuls les salariés syndiqués jouent un rôle actif dans le développement du dialogue social ; qu'il n'existe pas d'atteinte à la loi du 6 janvier 1978 dès lors que les syndicats peuvent collecter les données à caractère personnel de leurs adhérents et qu'ils ne communiqueront pas ces données à l'organisme extérieur ; que les prélèvements obligatoires sont exclus puisque ces sommes ne sont pas versées en contrepartie d'un travail. Il n'est pas contestable que le moyen portant sur le paiement des cotisations sociales, qui relève de la compétence de la juridiction de sécurité sociale, ne saurait faire obstacle à la mise en oeuvre d'un dispositif destiné à favoriser la négociation collective. En outre, l'article L. 2141-10 du code du travail prévoit la possibilité d'aménager par un accord collectif l'exercice du droit syndical dans un sens plus favorable que les dispositions légales. Il est admis qu'un accord collectif puisse, en accordant un avantage financier non prévu par la loi, créer une différence de traitement entre les syndicats représentatifs, ou entre les syndicats représentatifs ou non représentatifs, dès lors que cette différence de traitement est justifiée par des raisons objectives matériellement vérifiables fondées sur l'influence de chaque syndicat. Néanmoins, le dispositif mis en oeuvre par l'article 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 présente plusieurs risques d'atteinte à la liberté syndicale des salariés et à la libre organisation des syndicats. D'une part, le système de remboursement est basé sur un calcul annuel du montant des cotisations syndicales. Ce dispositif est distinct de celui mis en oeuvre par les accords conclus au sein d'autres sociétés visées par l'UES Solvay, accords dans lesquels le financement est fondé sur l'audience des syndicats lors des dernières élections professionnelles, critère objectif fondé sur la participation des salariés au scrutin. Dans le dispositif de l'article 18-1, le remboursement des cotisations permet à l'employeur d'obtenir une information directe et annuelle sur le nombre effectif des adhérents et donc sur le taux de syndicalisation au sein des sociétés, critère distinct de l'audience des syndicats. Cette information est de nature à donner aux sociétés de l'UES une information supplémentaire, non prévue par la loi, sur le nombre des adhérents des syndicats, alors que les résultats des scrutins électoraux sont transparents et plus larges que le nombre de syndiqués. En outre, les sociétés disposeront d'une information sur l'influence des syndicats tous les ans, ce qui risque d'avoir une incidence sur la négociation sociale, alors que les dispositions légales permettent de mesurer l'audience des syndicats tous les quatre ans. Il existe donc par le biais de ce dispositif, un risque de mettre en oeuvre un contrôle de l'influence des organisations syndicales. D'autre part, les termes de l'article 18-1 ne sont pas suffisamment précis sur le choix et le mode d'intervention de l'organisme extérieur, ce qui en soi est de nature à présenter un risque pour la communication des données à caractère personnel concernant les adhérents. Le texte confie à un organisme extérieur le calcul du montant de la subvention devant être versée par l'employeur, et suppose que les syndicats communiquent des informations sur leurs adhérents à un organisme intermédiaire, qui est en relation avec l'employeur. S'il est prévu de limiter cette communication au nombre d'adhérents, il existe néanmoins un risque de communication de données à caractère personnel qui n'est pas suffisamment encadré, alors qu'il n'est pas prévu l'information des adhérents qui devraient y consentir. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que la contestation soulevée par la Fédération FNIC-CGT était légitime, contrairement à ce qui a été jugé par le premier juge » ;

1. ALORS QU'un accord collectif d'entreprise peut, en vue de favoriser l'adhésion des salariés de l'entreprise aux organisations syndicales représentatives, prévoir la prise en charge par l'employeur d'une partie du montant des cotisations syndicales annuelles dès lors que le dispositif conventionnel, d'une part, ne porte aucune atteinte à la liberté du salarié d'adhérer ou de ne pas adhérer au syndical de son choix et, d'autre part, ne permet pas à l'employeur de connaître l'identité des salariés adhérents aux différentes organisations syndicales ; qu'au cas présent, l'article 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France prévoit la prise en charge par l'employeur du « reste à charge des cotisations individuelles annuelles, une fois soustraite la partie fiscalement déductible de l'impôt sur le revenu » ; que l'accord prévoit qu' « afin de respecter l'anonymat des adhérents, Ie calcul de ces montants est effectué, pour chaque organisation syndicale, par un organisme extérieur indépendant à partir des informations concernant le nombre de membres et le montant de leurs cotisations de l'année civile », qu' « au cours du premier trimestre suivant, Solvay verse ces montants à l'organisme extérieur indépendant qui les reverse ensuite à l'organisation syndicale, charge à elle de rembourser chacun de ses adhérents » ; qu'il en résulte que le dispositif conventionnel permettait de respecter l'anonymat des adhérents en prévoyant que les informations seraient données par les organisations syndicales à un organisme extérieur indépendant en charge de vérifier et de déterminer le montant dû par l'employeur pour chacune des organisations syndicales, et par ailleurs que les sommes dues seraient versées par l'employeur aux organisations syndicales à charge pour ces dernières de rembourser leurs adhérents ; qu'en énonçant que la demande du syndicat FNIC CGT d'ordonner la suspension de ce dispositif conventionnel « était légitime », au motif que ce dispositif permettrait à l'employeur de disposer d'une « information, non prévue par la loi, sur le nombre d'adhérents des syndicats » et d'une « information sur l'influence des syndicats tous les ans », la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un trouble manifestement illicite, en violation des articles 809 du code de procédure civile, L. 2141-1 à L. 2141-4 du code du travail et 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France ;

2. ALORS QUE le juge des référés est tenu de respecter lui-même le principe de la contradiction et ne peut relever un moyen de droit d'office, sans recueillir préalablement les observations des parties ; qu'en relevant d'office, pour ordonner la suspension de la disposition conventionnelle, que ce dispositif permettrait à l'employeur de disposer d'une « information, non prévue par la loi, sur le nombre d'adhérents des syndicats » et d'une « information sur l'influence des syndicats tous les ans » ce qui créerait un « risque de mettre en oeuvre un contrôle de l'influence des organisations syndicales », sans mettre les parties en mesure de présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE la juridiction des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser des mesures conservatoires ou de remise en état, à la date à laquelle elle prononce sa décision ; que la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite suppose que soit caractérisée une atteinte, constitutive d'une violation évidente d'une règle de droit, actuelle et avérée aux droits ou aux intérêts légitimes du demandeur ; qu'au cas présent, il résulte de l'article 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France que les informations seraient données par les seules organisations syndicales à un « organisme extérieur indépendant » et concerneraient « le nombre de membres et le montant de leurs cotisations de l'année civile » ; que, s'il ne précise pas l'identité de l'organisme extérieur et ses modalités d'intervention, l'accord pose comme condition que cet organisme soit indépendant de l'employeur et prévoit qu'il n'est destinataire, de la part des organisations syndicales, que d'informations relative au nombre de salariés adhérents à ces organisations et au montant de leurs cotisations et non, à l'identité de ces salariés ; que, pour dire que la demande du syndicat FNIC CGT d'ordonner la suspension de ce dispositif conventionnel « était légitime », la cour d'appel s'est bornée à relever que l'insuffisance de précision sur le choix et les mode d'intervention de l'organisme extérieur « est de nature à présenter un risque pour la communication des données personnelles concernant les adhérents » ; qu'en se fondant sur un risque purement hypothétique pour suspendre l'application d'une disposition conventionnelle, sans caractériser à la date de sa décision, l'existence d'un trouble manifestement illicite actuel et avéré, la cour d'appel a violé les articles 809 du code de procédure civile, L. 2141-1 à L. 2141-4 du code du travail et 18-1 de l'accord du 31 mai 2016 relatif à la rénovation du dialogue social au sein des sociétés composant l'UES Solvay France.

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