7 janvier 2021
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 18/04016

Chambre 4-5

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 07 JANVIER 2021



N° 2021/







MS





Rôle N°18/04016

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCB6M







SAS DIFRAL





C/



[O] [C]

























Copie exécutoire délivrée

le : 7/01/2021

à :



- Me Sabria MOSBAH, avocat au barreau de NICE



- Me Valérie FOATA, avocat au barreau de NICE





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 30 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n°RG F16/00852.





APPELANTE



SAS DIFRAL, sise [Adresse 1]



représentée par Me Sabria MOSBAH, avocat au barreau de NICE





INTIME



Monsieur [O] [C], demeurant Chez Madame [C] [F] [W] - [Adresse 2]



représenté par Me Valérie FOATA, avocat au barreau de NICE substituée par Me Jean-Nicolas CLEMENT-WATTEBLED, avocat au barreau de NICE







*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller



Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2021.





ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Janvier 2021



Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***





FAITS ET PROCEDURE



Monsieur [O] [C] a été engagé par la société SA Difral, suivant contrat de travail à durée déterminée du 16 décembre 2013, d'une durée de trois mois en remplacement d'un salarié absent, contrat prolongé par avenant du 14 mars 2014, pour la durée de la maladie.



Par courrier recommandé du 22 décembre 2015, la société SAS Difral, a informé M.[C] de la fin de son contrat de travail dans la mesure où il n'avait 'plus d'objet, le salarié ayant été licencié pour inaptitude'.



Soutenant que le contrat à durée déterminée ne comportait aucune mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, et que la rupture du contrat de travail était irrégulière et injustifiée, M.[C] a, le 2 juin 2016, saisi le conseil de prud'hommes de Grasse, qui par jugement du 30 janvier 2018, après avoir ordonné la radiation de l'instance, a condamné la SAS Difral à lui payer :

- 2004,88 € d'indemnité de requalification

- 12.029,28 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 4009,96 € d'indemnité de préavis

- 400,96 € de congés payés y afférents

- 400,99 € d'indemnité de licenciement

- 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Le conseil de prud'hommes a ordonné à la société Difral de délivrer a Monsieur [C] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conforme à la présente décision sous astreinte de 15 € par jour de retard à compter du 31ème jour suivant la notification du jugement,limité à 90 jours et dit que l'exécution provisoire s'exercera de droit sur les salaires et les éléments de salaire comme détaillé dans le corps du jugement.



La SAS Difral a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.



L'affaire a reçu fixation à l'audience du 28 janvier 2020 et a été renvoyée à l'audience du 9 juin 2020 à la demande du conseil de l'appelant pour cause d'absence légitime.



A cette date, les parties ayant fait connaître qu'elles s'opposaient à l'application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°304 du 25 mars 2020, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 20 octobre 2020, à laquelle elle a été évoquée.



MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 27 mars 2020, la SAS Difral , soutient :



-principalement, que M. [O] [C] ayant saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016, plus de deux ans après la rédaction du premier contrat de travail au seul motif de l'absence d'une mention obligatoire au contrat, son action en requalification du contrat de travail est prescrite en application de l'article L 1471-1 du code du travail, que le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification d'un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée est « glissant » ; que le point de départ du délai de prescription est la date de conclusion du contrat à durée déterminée en cas de non-respect du formalisme régissant ce type de contrat,



-subsidiairement, que le remplacement d'un salarié absent n'est pas le fait de pourvoir un poste permanent dans l'entreprise; qu'un contrat à durée déterminée peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu en cas de remplacement d'un salarié absent et l'employeur peut y mettre fin sans aucun formalisme,



- que le contrat à durée déterminée conclu est conforme à la loi en ce que M. [C] a été embauché pour remplacer le seul chauffeur de l'entreprise dont il connaissait parfaitement l'identité ; que les mentions du contrat et son renouvellement comportent les mentions obligatoires requises par la loi,



-que le salarié ne peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis dans la mesure où son contrat a pris fin en raison de la cessation du remplacement du salarié absent,



-qu'il n'y a pas lieu à versement d'une indemnité de licenciement, le salarié ayant perçu une indemnité de précarité pour compenser la fin de son contrat de travail,



- que le salarié ne peut prétendre à aucune indemnisation du fait de la rupture de son contrat, ayant fait l'objet d'une fin de contrat à durée déterminée,



- qu'elle a parfaitement respecté la procédure.



La SAS Difral demande principalement de réformer le jugement, de débouter Monsieur [O] [C] de l'intégralité de ses demandes, à titre subsidiaire, de juger que le contrat à durée déterminée conclu entre les parties est parfaitement conforme, qu'aucune requalification ne peut être prononcée, que le contrat à durée déterminée ne peut être requalifié en contrat à durée indéterminée,que le motif de fin de contrat est valide.



En conséquence, elle demande de débouter Monsieur [O] [C] de l'intégralité de ses demandes, et de le condamner au paiement d'une somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique, le 7 janvier 2020, M.[C] fait valoir :



- que le contrat de travail à durée déterminée du 16 décembre 2013 et l'avenant de prolongation du 14 mars 2014 ne comportent aucune mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, ce qui suffit à entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée, en application de l'article L 1242-12 du code du travail d'ordre public,



- qu'il y a en l'espèce une succession de contrats à durée déterminée rédigés de manière irrégulière permettant de pourvoir un emploi lié à l'activité permanente de l'entreprise, que la jurisprudence isue de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 mai 2018 ne trouve pas à s'appliquer, que la prescription de deux ans court à compter de la rupture du contrat, soit le 23 décembre 2015, le salarié n'ayant pu connaître ses droits,



- que c'est à tort que le conseil des prud'hommes l'a débouté de sa demande d'indemnité poiur irrégularité de la procédure de licenciement,

- qu'il a plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise dont l'effectif est supérieur à 11 salariés,



-qu'en application de l'articleL 1234-5 du code du travail l'inobservation du préavis du fait de l'employeur ouvre droit à une indemnité compensatrice et aux congés payés y afférents,



-qu'en application des dispositions de l'article 11-2 de la convention collective et de l'article L. 1234-9 du code du travail, le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté a droit à une indemnité de licenciement égale à 1/10ème de mois par année de présence.



Monsieur [C] demande de constater que le contrat à durée déterminée ne comporte aucune mention du nom et de la qualification de la personne remplacée, qu'il a été engagé afin de pourvoir un emploi lié à l'activité permanente de l'entreprise, en conséquence, il demande de réformer le jugement et de condamner la societe Difral à lui payer la somme de 2.004,88 € pour inobservation de la procédure en application de l'article L. 1235-2 du code de travail.



En tout état de cause, il demande de condamner l'employeur au paiement de la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 octobre 2020.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.






MOTIFS DE LA DECISION



Le contrat à durée déterminée du 16 décembre 2013 dispose que Monsieur [O] [C] est engagé en qualité de chauffeur, pour une durée de trois mois en raison 'd'un arrêt de maladie du chauffeur de la société'. L'avenant du 14 mars 2014, mentionne que le contrat a été prolongé 'pour remplacement d'un chauffeur en arrêt de maladie', 'pour la durée de la maladie du chauffeur'.



Il est constant que ni le contrat du 16 décembre 2013 ni l'avenant du 14 mars 2014 ne comportent le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée.



Or, selon l'article L. 1242-12 1° du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée comporte le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu en remplacement d'un autre salarié. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.



L'exigence de la mention du nom et de la qualification du salarié remplacé dans le contrat lorsqu'il s'agit de l'un des cas visés par l'article L. 1242-12 1° du code du travail, est liée à l'exigence de précision quant à la définition du motif de recours au contrat à durée déterminée.



En d'autres termes, le défaut de mention de l'identité et de la qualification du salarié absent empêche de vérifier que l'embauche du salarié par le biais d'un contrat à durée déterminée n'a pas d'autre motif que le remplacement d'un salarié absent.



En définitive, l'action de M. [C] conteste la validité du motif de recours, et le salarié n'était pas nécessairement en mesure d'apprécier ses droits à la date de conclusion du contrat de sorte que le délai de prescription ne court qu'à compter du terme du dernier contrat c'est à dire à compter du 22 décembre 2015. M. [C] ayant saisi la juridiction prud'homale le 2 juin 2016, son action n'est pas prescrite.



En cas de requalification d'un ou plusieurs CDD en CDI, le salarié est réputé avoir occupé un contrat à durée indéterminée dès son embauche.



Lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, le salarié est en droit de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.



Le conseil de prud'hommes a exactement apprécié l'indemnité allouée au salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



M. [C] ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise dont l'effectif est supérieur à 11 salariés, il ne peut cumuler cette indemnité avec une indemnité pour irrégularité de la procédure, le conseil de prud'hommes l'a exactement débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour inobservation de la procédure.



En application de l'article L 1234-5 du code du travail, l'inobservation du préavis du fait de l'employeur ouvre droit à une indemnité compensatrice et aux congés payés y afférents ; les indemnités de préavis et de congés payés y afférents dues suite à la requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée qui ont la nature de salaire sont dues.



En application des dispositions de l'article 11-2 de la convention collective et de l'article L.1234-9 du code du travail, M. [C], ayant plus de deux ans d'ancienneté a droit à une indemnité de licenciement égale à 1/10ème de mois par année de présence.



Il résulte de ces motifs que la décision déférée doit être intégralement confirmée.



Sur les dépens et les frais non-répétibles



Succombant, la SAS Difral supportera les dépens.



L'équité commande de faire application au bénéfice de M. [C] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS :



La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,



Confirme le jugement entrepris,



Y ajoutant,



Condamne la SAS Difral à payer à Monsieur [O] [C] une somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute la SAS Difral de sa demande d'indemnité de procédure,



Condamne la SAS Difral aux dépens de la procédure d'appel.





LE GREFFIERLE PRESIDENT

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