14 janvier 2021
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 20/00808

Chambre 1-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2



ARRÊT

DU 14 JANVIER 2021



N° 2021/12













N° RG 20/00808



N° Portalis DBVB-V-B7E-BFOTB







SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE





C/



INSPECTEURS DU TRAVAIL DES UNITES DE CONTROLE N°1 ET N°3



Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT DU VAR





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me BOULAN



Me LANTELME













DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :



Ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de TOULON en date du 14 Janvier 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/01328.





APPELANTE



SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

(exploitant le supermarché CASINO de HYERES)

dont le siège social est [Adresse 1]



représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Aurélie BERTOLDO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Philippe BOUCHEZ-EL GHOZI du PARTNERSHIPS PAUL HASTINGS (Europe) LLP, avocat au barreau de PARIS, plaidant





INTIMES



INSPECTEURS DU TRAVAIL DES UNITES DE CONTROLE N°1 ET N°3 DU VAR DE LA DIRECCTE DE PACA

dont le siège social est [Adresse 3]

pris en la personne de madame [X] [K] et monsieur [Y] [Z] (unité de contrôle n°1) et monsieur [P] [T] et madame [G] [H] (unité de contrôle n°3)



représentés et assistés par Me Sylvie LANTELME de la SCP IMAVOCATS, avocat au barreau de TOULON, plaidant



Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT DU VAR

dont le siège social est Bourse du travail, [Adresse 2]

[Adresse 2]



assigné et non comparant









*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2020 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, madame Catherine OUVREL, conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :



madame Geneviève TOUVIER, Présidente

monsieur Gilles PACAUD, Président de chambre

madame Catherine OUVREL, Conseillère



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : madame Caroline BURON.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2021.







ARRÊT



Réputé contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2021,



Signé par monsieur Gilles PACAUD, président de chambre, madame Geneviève TOUVIER, présidente, empêchée, et par madame Caroline BURON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***



EXPOSÉ DU LITIGE



Les 20 et 21 octobre 2019, les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA ont procédé à des contrôles dans les supermarchés de l'enseigne Casino de [Localité 4], ouverts au public, établissements ayant pour activité principale la vente de produits et d'articles alimentaires.



Estimant que la SAS distribution Casino France avait choisi d'ouvrir plusieurs de ses magasins dans le Var 7 jours sur 7 jusqu'à minuit par la mise en place de caisses dites automatiques et contrevenait ainsi aux règles applicables en matière de fermeture hebdomadaire telles qu'issues de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969, les inspecteurs du travail l'ont invitée à cesser cette organisation puis ont saisi le juge des référés.



Par ordonnance en date du 14 janvier 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon a :


déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'union syndicale solidaire du Var,

déclaré recevable l'intervention volontaire de l'union départementale CGT du Var,

rejeté les demandes de questions préjudicielles devant le juge administratif,

rejeté les demandes de sursis à statuer et en inopposabilité de l'arrêté du 12 février 1969,

enjoint à la SAS distribution Casino France de fermer le magasin situé à [Localité 4] les dimanches à compter de 13 heures, exceptés les dimanches entre le 15 décembre et le 15 janvier de l'année suivante, durant les fêtes de Pâques et de Pentecôte ainsi que pendant la période du 1er juin au 30 septembre, sous astreinte de 50 000 euros par demi-journée d'ouverture,

réservé la liquidation de l'astreinte au juge des référés,

désigné la SCP Joly Sébastien Sultan Yves, huissier de justice à Hyères, aux fins de constater le respect ou non de l'ordonnance, si besoin en pénétrant dans l'établissement et en recueillant le nom des personnes employées, le cas échéant accompagné par l'inspecteur du travail,

rejeté la demande de dommages et intérêts de l'union départementale CGT du Var,

condamné la SAS distribution Casino France à verser 500 € aux inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA au titre des frais irrépétibles,

rejeté les autres demandes au titre des frais irrépétibles,

condamné la SAS distribution Casino France au paiement des dépens,

ordonné l'exécution provisoire.




Selon déclaration reçue au greffe le 18 janvier 2020, la SAS distribution Casino France a interjeté appel de la décision, l'appel portant sur toutes les dispositions de l'ordonnance déférée dûment reprises.



Par dernières conclusions transmises le 18 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS distribution Casino France demande à la cour de :

I / sur les demandes des inspecteurs du travail :


infirmer l'ordonnance entreprise,


In limine litis :

'à titre principal, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du tribunal administratif de Toulon auquel devront être posées les questions préjudicielles suivantes :

1. L'arrêté préfectoral du Var du 12 février 1969 viole-t-il les dispositions de l'article L 3132-29, alinéa 1er , du code du travail, lequel prévoit l'existence d'un accord entre des organisations syndicales « d'une profession » « déterminée », alors que cet arrêté a fait l'objet d'un accord entre deux professions, par ailleurs tout à fait distinctes '

2. L'arrêté préfectoral du Var du 12 février 1969 viole-t-il les dispositions de l'article L 3132-29, alinéa 1er, du code du travail et la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 2010-89 QPC du 21 janvier 2011), en vertu desquelles n'est autorisée la fermeture au public une journée par semaine, respectivement, que « des établissements de la profession » « concernée » et que des « établissements qui exercent une même profession au sein d'une zone géographique déterminée », en ce que cet arrêté ne désigne aucune « profession » mais seulement une activité ou un secteur d'activité, à savoir « la vente de denrées alimentaires de toutes natures, au détail » pour imposer une fermeture d'établissement une journée par semaine '

3. L'arrêté préfectoral du Var du 12 février 1969 viole-t-il les dispositions de l'article L 3132-29, alinéa 1er, du code du travail, lequel dispose qu'un accord soit intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs « d'une profession » « déterminée »,alors que cet arrêté n'a fait l'objet que d'un accord entre les organisations syndicales de la profession de bouchers chevalins-abatteurs-charcutiers et le syndicat de l'épicerie et de l'alimentation générale de [Localité 5] et du Var, professions qui ne peuvent se confondre avec la profession de commerces multiples qu'exerce le supermarché Casino de [Localité 4] exploité par la SAS distribution Casino France '

'à titre subsidiaire, surseoir à statuer dans l'attente du jugement à intervenir par le tribunal administratif de Toulon sur la demande d'abrogation de l'arrêté préfectoral du Var du 12 février 1969,

A défaut :

'déclarer irrecevable l'action engagée par les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA pris en les personnes de mesdames [G] [H] et [X] [K] outre messieurs [Y] [Z] et [P] [T],

À titre plus subsidiaire :

'juger que l'arrêté du préfet du Var du 12 février 1969 n'est pas opposable à la SAS distribution Casino France qui exploite le supermarché Casino de [Localité 4],

À titre encore plus subsidiaire :

'débouter les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA de leurs prétentions,

A titre infiniment subsidiaire :


juger n'y avoir lieu à référé faute de démonstration de l'existence d'un trouble manifestement illicite et au regard d'une obligation sérieusement contestable,

juger que le premier juge a statué ultra petita en ordonnant la fermeture du supermarché Casino de [Localité 4] alors que seule la fermeture du supermarché Casino du Pradet était sollicitée par les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA,


En tout état de cause :


débouter les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA de leur demande de renvoi,

condamner les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que les entiers dépens à recouvrer avec distraction,


II / sur les prétentions de l'union départementale de la CGT du Var :

À titre principal :


infirmer l'ordonnance entreprise et déclarer en conséquence irrecevable le syndicat union départementale CGT du Var en son intervention volontaire,


A titre subsidiaire :


confirmer l'ordonnance et débouter le syndicat union départementale CGT du Var de ses prétentions,


En tout état de cause :


infirmer l'ordonnance entreprise et condamner le syndicat union départementale CGT du Var à lui payer la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens, avec distraction.




La SAS distribution Casino France soutient à titre principal et in limine litis, que l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 est entaché, à plusieurs égards, d'une illégalité constituant une contestation sérieuse et justifiant que le juge civil sursoie à statuer dans l'attente de la décision à rendre par le juge administratif sur cette question préjudicielle. La SAS distribution Casino France soulève l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 et soutient que cette appréciation ressort de la seule compétence du juge administratif, dans le cadre d'une question préjudicielle, par application de l'article 49 du code de procédure civile. L'appelante soutient que l'arrêté préfectoral pris en application de l'article L 3132-29 du code du travail s'applique à une profession déterminée. Or, elle indique qu'en l'occurrence, l'arrêté du 12 février 1969 ne repose pas sur l'accord préalable des organisations syndicales représentant une même profession, mais sur un accord intervenu entre des professions distinctes, les bouchers chevalins-abatteurs-charcutiers et les épiciers de l'alimentation générale. Elle ajoute qu'il vise les établissements d'un secteur d'activité, à savoir la vente de denrées alimentaires de toute nature, au détail, et non d'une même profession. Enfin, elle soutient que l'arrêté n'exprime pas la volonté de la majorité des membres d'une profession déterminée dès lors que les organisations syndicales des bouchers chevalins-abatteurs-charcutiers et le syndicat de l'épicerie et de l'alimentation générale de [Localité 5] ne peuvent se confondre avec la profession des commerces multiples, la Fédération du commerce et de la distribution n'étant notamment pas partie à l'accord préalable.



A titre subsidiaire et toujours in limine litis, l'appelante entend qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision à rendre par le juge administratif car l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 a fait l'objet d'un recours de la Fédération du commerce et de la distribution en date du 13 février 2020 devant le tribunal administratif de Toulon tendant à enjoindre au préfet du Var de prononcer l'abrogation de cet arrêté.



Par ailleurs et à titre plus subsidiaire, la SAS distribution Casino France fait valoir que l'action engagée par l'inspection du travail est irrecevable au regard des textes avancés à son soutien et notamment de l'article L 3132-31 du code du travail. En effet, elle soutient que cet article ne permet aux inspecteurs du travail d'agir en référé que dans les deux seuls cas énumérés, à savoir l'emploi illicite de salariés en infraction aux articles L 3132-3 et L 3132-13 du code du travail. Or, l'appelante indique que l'inspection du travail fonde ici son action sur l'article L 3132-29 du même code et non sur l'un de deux articles précédents, de sorte que son action est irrecevable en référé. Elle affirme qu'aucun salarié de la SAS distribution Casino France n'est employé le dimanche et qu'il n'existe aucun emploi illicite de ses salariés le dimanche, de sorte qu'en aucun cas l'extension parfois admise de l'action de l'inspection du travail au cas de l'article L 3132-29 du code du travail ne peut s'appliquer. Elle indique que les seuls salariés présents lors des contrôles sont autorisés à travailler le dimanche par application des articles L 3132-12 et R 3132-5 du code du travail. Elle fait référence à des jurisprudences du tribunal judiciaire de Draguignan en date du 22 juillet 2020 qui ont retenu cette irrecevabilité.



En outre, et à titre encore plus subsidiaire, l'appelante soulève l'inopposabilité à son égard de l'arrêté préfectoral du Var du 12 février 1969 faute pour la Fédération du commerce et de la distribution, apte à représenter ses intérêts, d'avoir été partie à l'accord préalable. Elle se fonde sur l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, du 16 décembre 2009.



En tout état de cause, la SAS distribution Casino France soutient que la demande de l'inspection du travail contrevient à la dérogation légale prévue par l'article L. 3132-29, alinéa 1, in fine du code du travail, qui vise les activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées. Elle soutient que cette dérogation ne s'applique pas qu'aux établissements n'employant aucun personnel, mais vaut dès lors que l'établissement n'emploie pas ses propres salariés mais a recours à des automates et éventuellement à des activités de gardiennage et de surveillance induite, activités qui elles bénéficient d'une dérogation au repos dominical. Elle ajoute que cette dérogation n'implique l'absence de recours à toute intervention humaine mais suppose seulement que l'employeur ne fasse pas appel à ses salariés. Elle soutient que les agents de sécurité ne sont en aucun cas ses salariés qui bénéficient d'une dérogation légale évidente au repos hebdomadaire. Elle ajoute que la présence d'agents de sécurité est obligatoire en soi s'agissant d'un établissement recevant du public.



L'appelante estime qu'aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé par l'inspection du travail. Dans la mesure où le juge des référés ne peut apprécier la légalité de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969, la SAS distribution Casino France en déduit qu'aucun caractère illicite du trouble n'est acquis. Elle ajoute que l'appréciation des réglementations du code du travail notamment échappe à la compétence du juge des référés, juge de l'évidence.



Enfin, la SAS distribution Casino France soutient que l'assignation en référé ne visait que la fermeture du casino du Pradet, et non celui de [Localité 4], de sorte que le premier juge a statué ultra petita.



S'agissant des prétentions du syndicat union départementale CGT du Var, la SAS distribution Casino France estime son action irrecevable faute pour ce syndicat de représenter la profession par elle exercée, et, en tout état de cause, infondée faute de préjudice justifié.





Par dernières conclusions transmises le 20 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA sollicitent de la cour qu'elle:


renvoie ces dossiers pour être plaidés avec les dossiers concernant les appels diligentés à l'encontre des ordonnances de référé du tribunal judiciaire de Draguignan du 22 juillet 2020,

déboute la SAS distribution Casino France exploitant le supermarché Casino de [Localité 4] de son recours en appel,

confirme l'ordonnance entreprise,

condamne la SAS distribution Casino France exploitant le supermarché Casino de [Localité 4] au paiement d'une somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la SAS distribution Casino France exploitant le supermarché Casino de [Localité 4] au paiement des dépens avec distraction.




Les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA contestent le bien fondé de toute irrecevabilité ou de toute demande de sursis à statuer à raison d'une question préjudicielle tenant à la contestation de la légalité de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969. En effet, les intimés soutiennent que le juge judiciaire demeure compétent dans la mesure où l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral en cause n'est pas sérieuse, l'arrêté préfectoral concernant une profession ayant la même activité qui repose sur la vente de denrées alimentaires, les notions de profession et d'activité étant appréciées comme synonymes au sens de l'article 3132-29 du code du travail, et, peu important que la Fédération du commerce et de la distribution n'ait pas été associée à l'arrêté litigieux, n'existant pas à la date de l'élaboration de celui-ci.



Les intimés s'opposent par ailleurs à tout sursis à statuer dans l'attente de l'issue du recours introduit devant le tribunal administratif de Toulon contre le refus implicite du préfet d'abroger l'arrêté du 12 février 1969, dans la mesure où ils invoquent le caractère dilatoire d'un tel recours et mettent en avant son caractère non suspensif et l'absence en tout état de cause d'effet rétroactif d'une éventuelle abrogation de l'arrêté.



En outre, les intimés considèrent que leur action en référé sur le fondement de l'article L 3132-31 du code du travail est parfaitement recevable. Ils estiment que l'arrêté préfectoral a pour but de faire observer les règles de concurrence dans une zone géographique déterminée. Ils indiquent que l'ouverture des commerces Casino le dimanche après-midi, à l'aide des caisses dites automatiques, implique le recours, si ce n'est à des employés de la SAS distribution Casino France, du moins à des salariés d'entreprises sous-traitantes pour assurer l'activité de sécurité des biens et des personnes ainsi qu'à une hotline pour débloquer les caisses. Ils ajoutent que les employés de la société de gardiennage travaillent en violation des règles sur le repos dominical du fait de la SAS distribution Casino France et exercent des fonctions visant à assurer le fonctionnement du commerce de détail alimentaire.



De plus, les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA font valoir que l'arrêté préfectoral, régulièrement publié, est parfaitement opposable à la SAS distribution Casino France. Ils se fondent sur la jurisprudence du Conseil d'état et de la Cour de cassation pour considérer que les magasins à commerce multiples, comme l'appelante, ne constituent pas une profession distincte des magasins d'alimentation, de sorte qu'il importe peu que la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution n'ait pas été partie à l'accord ayant fondé l'arrêté.



Les intimés soutiennent ensuite que la dérogation prévue à l'article L 3132-29 du code du travail pour les commerces automatisés ne s'appliquent pas ici puisqu'elle suppose que tant le fonctionnement que le paiement soit automatisé, alors qu'il a été constaté l'intervention de personnel de sécurité indispensable et l'aide de ces vigiles et d'une hotline supposant une intervention humaine pour aider au fonctionnement des caisses dites automatisées.



Les inspecteurs du travail assurent disposer d'un cas spécifique de référé, qui ne répond pas aux conditions classiques du référé des articles 834 et 835 du code de procédure civile, et font valoir qu'en tout état de cause un trouble manifestement illicite est ici constitué.





Le syndicat union départementale CGT du Var, régulièrement intimé à personne habilité le 26 février 2020 n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.





Par conclusions de procédure du 20 novembre 2020, la SAS distribution Casino France sollicite le rejet des dernières conclusions des inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA notifiées le 20 novembre 2020.






MOTIFS DE LA DÉCISION



A titre liminaire, aucun motif tenant à une bonne administration de la justice ne justifie que l'examen du présent dossier soit renvoyé à une date ultérieure, quand bien même des contentieux similaires, concernant d'autres supermarchés, sont fixés ultérieurement pour plaidoiries devant la même chambre de la cour d'appel. Il n'est donc pas fait droit à la demande de renvoi.



Par ailleurs, en l'absence de clôture et en l'absence de communication jugée tardive, chacune des parties ayant conclu à dates très rapprochées de l'audience de plaidoiries et ayant pu contradictoirement échanger leurs écritures et pièces, les prétentions et moyens des parties sont pris en compte aux termes de leurs dernières écritures, telles que visées ci-dessus. Aucun rejet de conclusions tardives n'est donc justifié.





I / Sur l'intervention volontaire du syndicat union départementale CGT du Var



Par application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.



L'article L 2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.



En l'occurrence, le syndicat union départementale CGT du Var apparaît comme l'un des signataires de l'accord ayant précédé l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 ici en cause. Quand bien même ce syndicat ne représenterait pas l'ensemble de la profession exercée par la SAS distribution Casino France, le litige en cause est susceptible de porter atteinte à la profession que le syndicat union départementale CGT du Var représente, ayant participé à l'accord préalable, et s'agissant de la défense de la réglementation en matière de repos dominical, ce qui entre indéniablement dans l'objet social du syndicat.



Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a considéré l'intervention volontaire du syndicat union départementale CGT du Var recevable. L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.





II / Sur les demandes de sursis à statuer



Par application de l'article 73 du code de procédure civile, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.



En vertu des dispositions de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.



Sur les questions préjudicielles devant le juge administratif



L'article 49 du code de procédure civile dispose que toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle.



En l'espèce, aux termes de l'arrêté du 12 février 1969, pris en application de l'accord sur les modalités de fermeture hebdomadaire des commerces concernés intervenu le 15 janvier 1969 entre le syndicat des patrons bouchers du Var, le syndicat des patrons charcutiers du Var, le syndicat départemental des bouchers chevalins abatteurs, le syndicat de l'épicerie et de l'alimentation générale de [Localité 5] et du Var, le préfet du Var a décidé en son article 1 :

« Sur tout le territoire du département du Var, tous les magasins d'alimentation ou parties d'établissements sédentaires ou ambulants dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature, au détail' à l'exclusion des commerces de boulangerie, boulangerie-pâtisserie et pâtisserie- seront fermés à la clientèle une journée par semaine laissée, au départ, au choix du chef d'établissement, à savoir :

- Soit la journée entière du dimanche

- Soit la journée entière du lundi

- Soit du dimanche midi au lundi midi »



Lors de contrôles des 20 et 21 octobre 2019, les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA ont estimé que la SAS distribution Casino France, exploitante du supermarché Casino de [Localité 4], contrevenaient aux règles applicables en matière de fermeture hebdomadaire ainsi prévues.



Il n'est pas contesté que, lors des contrôles des inspecteurs du travail, le supermarché Casino de [Localité 4] était effectivement ouvert 7 jours sur 7, de 6 heures à minuit, ayant recours notamment le dimanche après-midi au paiement par caisses automatiques sans la présence d'employés de la société Casino.



La SAS distribution Casino France met tout d'abord en cause la légalité de l'arrêté préfectoral.



A ce titre, le juge judiciaire, juge de l'action, demeure également juge de l'exception d'illégalité soulevée sauf si celle-ci, dont l'appréciation pourrait ressortir du juge administratif en vertu du principe de séparation des pouvoirs, présente un caractère sérieux.



En vertu de l'article L 3132-29 du code du travail, lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées.

A la demande des organisations syndicales représentatives des salariés ou des organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique, le préfet abroge l'arrêté mentionné au premier alinéa, sans que cette abrogation puisse prendre effet avant un délai de trois mois.



La SAS distribution Casino France soutient tout d'abord que l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 contrevient aux dispositions sus-visées en ce qu'il n'est pas intervenu entre des organisations syndicales d'une même profession, mais au contraire vise des organisations syndicales représentant au moins deux professions-distinctes, à savoir les bouchers chevalins-abatteurs- charcutiers, d'une part, et, les épiciers de l'alimentation générale, d'autre part. Or, il est de jurisprudence constante qu'exercent la même profession au sens de l'article L3132-29 du code du travail les établissements dans lesquels s'effectue, à titre principal ou accessoire, la vente au détail de produits alimentaires, quelle que soit au demeurant la diversité des produits concernés et le caractère spécialisé ou généraliste de l'établissement visé. Le supermarché Casino de [Localité 4] a pour activité prédominante la vente au détail de produits alimentaires conçue, en jurisprudence, comme une même profession au sens de l'article sus-visé, qu'il s'agisse de la vente de viande ou d'autres produits alimentaires, ainsi qu'ils se retrouvent dans les supermarchés. Cette question a déjà été appréciée et tranchée, en jurisprudence, tant par l'ordre judiciaire, civil ou pénal, qu'administratif ; elle ne présente donc pas de caractère sérieux.



La SAS distribution Casino France soutient encore que l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 fait référence à un secteur d'activités et non à une profession comme le requiert l'article L3132-29 du code du travail. Or, la finalité de cette disposition légale tient à limiter la concurrence, et, les commerces multiples entrent dans le champ d'application de l'arrêté préfectoral qui est conçu en termes généraux pour concerner tous les magasins d'alimentation dans lesquels il est vendu des denrées alimentaires de toute nature au détail. La vente au détail de produits alimentaires caractérisant une profession au sens de cet article, l'arrêté préfectoral qui la réglemente répond aux exigences du droit de la concurrence dont la préservation est ici recherchée. La contestation émise par l'appelante à ce titre ne présente donc pas, sur ce point non plus, de caractère sérieux.



La SAS distribution Casino France soutient enfin que l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 est entaché d'illégalité à raison du défaut de représentativité des syndicats ayant conclu l'accord préalable. En effet, l'arrêté du 12 février 1969 vise l'accord sur les modalités de fermeture hebdomadaire des commerces concernés intervenu le 15 janvier 1969 entre le syndicat des patrons bouchers du Var, le syndicat des patrons charcutiers du Var, le syndicat départemental des bouchers chevalins-abatteurs, le syndicat de l'épicerie et de l'alimentation générale de [Localité 5] et du Var et la CGT et la CGT-FO. Or, il n'est pas rapporté la preuve du caractère minoritaire et non représentatif dans le département du Var, en 1969, du syndicat de l'épicerie et de l'alimentation générale de [Localité 5] et du Var, alors que l'article L3132-29 du code du travail requiert seulement qu'un accord soit intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées. La SAS distribution Casino France s'en réfère aux données actuelles de représentativité mais ne démontre pas que l'accord obtenu en 1969, et manifesté notamment par le syndicat de l'épicerie et de l'alimentation générale de [Localité 5] et du Var, n'exprimerait pas l'opinion de la majorité des membres de la profession de la distribution de marchandises comestibles au sens du texte sus-visé. Il n'est pas davantage établi que l'absence de signature de cet accord préalable par la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, organisation représentative aujourd'hui des commerces multiples, a eu une incidence sur l'expression majoritaire des membres de la profession, cette Fédération n'existant pas au demeurant en 1969. Aussi, la question de la représentativité des syndicats ayant conclu l'accord préalable n'apparaît pas non plus sérieuse.



En conséquence, il apparaît manifeste, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation portant sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 n'est pas sérieuse.



En tout état de cause, il convient de considérer que la SAS distribution Casino France se prévaut d'une absence de violation des règles du repos dominical en invoquant le bénéfice de la dérogation spécifiée à l'article L 3132-29 du code de travail tenant aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées. Dès lors, force est de constater que l'appréciation de la légalité même de l'arrêté préfectoral se rapportant au principe de l'interdiction présente moins de pertinence dans ce cadre.



Aucun sursis à statuer n'est donc justifié en vue de présenter des questions préjudicielles à la juridiction administrative relativement à la légalité de cet arrêté. L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.



Sur l'attente de la décision du tribunal administratif saisi d'une demande d'abrogation de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969



La SAS distribution Casino France met en avant la saisine par la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution du préfet du Var, par lettre du 5 novembre 2019, en vue de solliciter l'abrogation de son arrêté du 12 février 1969. A la suite d'une décision implicite de rejet en l'absence de réponse dans les deux mois, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution a saisi le tribunal administratif de Toulon par requête dont il a été accusé réception le 17 février 2020 aux fins d'annulation de la décision de rejet implicite d'abrogation de l'arrête litigieux.



Or, ce recours n'a aucun effet suspensif.



De plus, dans le mesure où l'abrogation sollicitée ne présente aucun effet rétroactif, aucun sursis à statuer n'apparaît justifié puisque la décision à intervenir de la juridiction administrative n'est susceptible d'avoir d'effets que pour l'avenir et ne serait pas susceptible de remettre en cause les infractions éventuelles précédemment constatées.



Aucun sursis à statuer n'est donc davantage justifié et l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.





III / Sur l'injonction de fermeture sous astreinte des magasins à raison du repos dominical



En vertu des dispositions de l'article L 3132-3 du code du travail, dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.



L'article L 3132-12 du même code dispose que certains établissements, dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement, et qu'un décret en Conseil d'Etat détermine les catégories d'établissements intéressées.



Par application de l'article L 3132-13 du même code, dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures.



Sur la recevabilité de l'action engagée par les inspecteurs de la DIRRECTE



Par application de l'article L3132-31 du code du travail, l'inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L 3132-3 et L 3132-13. Le juge judiciaire peut notamment ordonner la fermeture le dimanche du ou des établissements concernés. Il peut assortir sa décision d'une astreinte liquidée au profit du Trésor.



Ce texte offre aux inspecteurs du travail une voie de droit spécifique en référé en cas d'atteinte au repos dominical. Cette action suppose, d'une part, que soit concerné un établissement de vente au détail et de prestations de services aux consommateurs, et, d'autre part, qu'ait été constaté l'emploi illicite de salariés en infraction avec les dispositions relatives au repos dominical.



La SAS distribution Casino France soutient que cette action n'est ouverte qu'en cas de violation des dispositions des articles L 3132-3 ou L 3132-13 du code du travail stricto sensu mais qu'elle ne le serait pas en cas de fermeture d'un commerce résultant d'un arrêté préfectoral pris en application de l'article L 3132-29 du même code.



Or, il convient d'observer que l'article L 3132-29 du code du travail se rapporte à la section 3 du chapitre II du titre III du livre Ier de ce code relatif à la durée du travail, au repos et congés. Il intervient donc après qu'aient été posés le principe du repos hebdomadaire et dominical, ainsi que ses exceptions. Il a donc pour vocation de décliner ce principe posé par l'article L 3132-3 du code du travail et ces dérogations.



Dans la mesure où le législateur dans son article L 3132-31 du code du travail vise la violation des dispositions de l'article L 3132-3, il entend ainsi donner à l'inspecteur du travail la possibilité d'agir en référé pour toute violation au principe du repos hebdomadaire dominical en ce qui concerne les établissements de vente au détail et de prestations de services aux consommateurs, peu important le régime particulier applicable, s'agissant d'un défaut de dérogation temporaire ou de droit, ou encore du non respect de l'arrêté préfectoral pris en application de l'article L 3132-29 du même code dès lors que cet arrêté interdit l'ouverture, et donc le travail des salariés le dimanche.



En l'occurrence, il résulte des lettres d'observations des inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA en date des 21 octobre 2019, 30 octobre 2019, 4 novembre 2019, 12 novembre 2019, 18 novembre 2019, 26 novembre 2019, 2 décembre 2019 et 18 décembre 2019, que le supermarché Casino de [Localité 4] était ouvert certains dimanches après 13 heures, ainsi que les lundis matin, les panneaux d'affichage mentionnant une ouverture du magasin de 6 heures à minuit, 7 jours sur 7. Il en ressort également que le lundi matin sont présents des agents employés par la société Casino mais qu'en revanche, le dimanche après midi, aucun employé de cette société n'est présent. Seuls se trouvent sur place deux ou trois agents de sécurité employés par la société Protectim ou par la société Mondial Protection. Il appert que les clients font leurs courses seuls dans le magasin et payent à l'aide de caisses automatiques avec possible recours à une hotline en cas de difficulté.



L'emploi d'agents de surveillance est donc avéré au sein du supermarché Casino de [Localité 4] le dimanche après-midi. Or, indépendamment des dérogations de droit auxquelles ces salariés pourraient prétendre, la nature même de leur fonction est contestée par les intimés qui estiment qu'ils vont au delà des seules fonctions de surveillance et de gardiennage.



En tout état de cause, il est établi que le supermarché Casino de [Localité 4] est ouvert le dimanche et le lundi toute la journée, contrevenant ainsi à l'interdiction posée par l'arrêté du 12 février 1969, et que sont employés sur site le dimanche à tout le moins des employés de la société de gardiennage.



L'article L 3132-31 du code de procédure civile ne suppose pas, pour que l'action en référé de l'inspecteur du travail soit recevable, que soit démontrée la présence de salariés de la SAS distribution Casino France le dimanche puisque le texte fait référence, de manière générique, à l'emploi illicite de salariés, qu'il s'agisse donc de salariés de la SAS distribution Casino France ou de salariés d'autres entreprises sous-traitantes. Le caractère illicite ou non de cet emploi ressort de l'appréciation du bienfondé ou non de l'action entreprise.



Ainsi, l'action en référé des inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA qui s'inscrit dans le cadre d'une violation dénoncée de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969 imposant la fermeture des établissements de vente de denrées alimentaires au détail le dimanche est donc recevable.



Sur l'inopposabilité de l'arrêté du 12 février 1969 à la SAS distribution Casino France exploitante le supermarché Casino d'[Localité 4]



Il convient en premier lieu s'agissant de l'opposabilité de l'acte administratif en cause de considérer que l'arrêté du préfet du Var du 12 février 1969 a été publié au recueil des actes administratifs du Var.



En second lieu, la SAS distribution Casino France ne démontre pas le défaut de représentativité du syndicat étant intervenu à l'accord préalable audit arrêté, en janvier 1969. En effet, l'arrêté vise tous les magasins d'alimentation et les établissements dans lesquels sont vendues au détail des denrées alimentaires de toute nature. Le fait que la Fédération des entreprises du commerce et de l'industrie n'ait pas été signataire de l'accord préalable, ni n'ait été consultée, n'est pas en soi de nature à remettre en cause l'expression majoritaire des membres de la profession. Or, les magasins à commerces multiples représentés par cette Fédération ne constituent pas une profession distincte des magasins d'alimentation représentés lors de l'arrêté litigieux par le syndicat de l'épicerie et de l'alimentation générale de [Localité 5] et du Var dont le défaut de représentativité n'est pas rapporté par l'appelante.



En conséquence, l'arrêté du 12 février 1969 doit être considéré comme parfaitement opposable à la SAS distribution Casino France, et l'analyse du premier juge doit être confirmée sur ce point.



Sur le bien fondé de l'action et l'existence d'un trouble manifestement illicite



L'article 3132-31 du code du travail ouvre une voie de référé spécifique aux inspecteurs du travail. Il n'en demeure pas moins qu'il convient d'apprécier si ces derniers démontrent l'existence d'un trouble manifestement illicite imputable à la SAS distribution Casino France tenant à l'emploi illicite de salariés malgré un arrêté préfectoral portant fermeture de certains établissements le dimanche en application des règles relatives au repos dominical.



La SAS distribution Casino France se prévaut de l'exception prévue à l'article L3132-29 du code du travail s'agissant des activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées.



En effet, l'appelante décrit le fonctionnement de son commerce, notamment dans le cadre de procès-verbaux par huissier de justice des 10 et 17 novembre 2019, celui-ci étant organisé pour être automatisé. Ainsi, il appert que le mode de fonctionnement est affiché à destination de la clientèle avec paiement uniquement par carte bancaire ou C-Max et interdiction de la vente d'alcool. Le magasin est organisé afin que la vente d'alcool soit empêchée par la pose de palettes garnies empêchant l'accès aux rayons concernés. De même, un réfrigérateur est situé au niveau des caisses avec invitation de la clientèle à y replacer les produits frais en cas de changement d'avis. Il est attesté de messages vidéo et audio, à destination de la clientèle, afin de les informer des modalités de fonctionnement en libre-service du magasin, et de paiement par caisses automatiques, avec recours à une hotline en cas de problèmes.



Si le caractère automatisé du paiement est peu remis en cause, les inspecteurs du travail contestent le caractère automatisé du fonctionnement du supermarché. Ils font valoir, dans le cadre de leurs lettres d'observations notamment, que l'interdiction de la vente d'alcool n'est pas totalement respectée, ni suffisamment garantie, et, surtout que les agents des sociétés de surveillance effectuent des tâches d'assistance auprès de la clientèle en termes d'information ainsi qu'en cas de blocage en caisses, allant au delà de leurs fonctions de surveillance et de gardiennage. Ainsi, les inspecteurs du travail mettent en avant l'agressivité dont les agents de sécurité sont victimes, étant contraints de dépasser leur mission face à la gestion des clients. Au surplus, les inspecteurs du travail soulignent que l'ouverture du supermarché Casino le dimanche requiert, s'agissant d'un établissement recevant du public, l'intervention de personnel de sécurité contre le risque incendie notamment, ce qui priverait le fonctionnement du magasin de toute automaticité.



La SAS distribution Casino France soutient pour sa part que la dérogation liée à l'automaticité de son fonctionnement et de son paiement s'applique dès lors qu'aucun salarié de Casino n'est employé, et alors que les seuls agents présents effectuent des activités de gardiennage et de surveillance pour lesquelles ils disposent d'une dérogation légale au repos dominical, par application de l'article L 3132-12 et R 3132-5 du code du travail.



Le recours à une intervention humaine que ce soit par la hotline ou par la présence d'agents de sécurité ne permet pas, avec l'évidence requise en référé, de dénier l'automaticité par ailleurs mise en oeuvre par la SAS distribution Casino France dans l'ouverture et le fonctionnement de ses magasins. Les agents de sécurité et de surveillance qui ne sont pas employés par la SAS distribution Casino France mais interviennent aux termes de contrats de prestations de services, bénéficient d'une dérogation légale à la règle du repos dominical, à raison de la nature même de leur mission. Il n'est pas ici manifestement démontré que ces derniers interviennent en dehors de leur fonction, afin de participer au fonctionnement du magasin, ni en termes de rangement, ni en termes d'assistance aux caisses.



Aussi, la dérogation à l'obligation de fermeture le dimanche s'agissant d'un fonctionnement automatisé du commerce de vente de denrées alimentaires, non exclu par principe du champ de cette exception, ne peut être considérée comme manifestement inapplicable à la situation de la SAS distribution Casino France en tant qu'exploitante du supermarché Casino de [Localité 4]. Le caractère manifeste de l'illicéité et de la violation des règles sur le repos dominical n'est pas établi, de sorte qu'aucun trouble manifestement illicite n'est en l'état caractérisé.



L'ordonnance entreprise doit donc être infirmée en ce qu'il n'y a pas lieu à référé quant à la demande de fermeture du supermarché Casino de [Localité 4] le dimanche.





IV / Sur la demande de dommages et intérêts présentée par le syndicat union départementale CGT du Var



Le syndicat union départementale CGT du Var a sollicité en première instance l'octroi d'un euro symbolique à titre de dommages et intérêts. Cette demande a été rejetée par le premier juge.



Le syndicat union départementale CGT du Var n'est pas constitué en appel et ne présente donc aucune demande tendant à l'infirmation de cette disposition de l'ordonnance entreprise, la SAS distribution Casino France en sollicitant au contraire la confirmation.



Dès lors, il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts du syndicat union départementale CGT du Var, au demeurant non justifiée.





V / Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



En l'état de l'infirmation partielle de l'ordonnance entreprise, il convient de la réformer également en ce qu'elle a condamné la SAS distribution Casino France à payer aux inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.



Les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA supporteront les dépens de première instance et d'appel.



L'équité et la situation économique des parties conduisent à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les conclusions des inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA notifiées le 20 novembre 2020,



Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat union départementale CGT du Var, en ce qu'elle a rejeté les demandes de sursis à statuer tenant aux questions préjudicielles à poser au juge administratif et tenant à la saisine du tribunal administratif de Toulon en abrogation de l'arrêté préfectoral du 12 février 1969, en ce qu'elle a déclaré opposable l'arrêté du 12 février 1969 à la SAS distribution Casino France, et, en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts de le syndicat union départementale CGT du Var,



Infirme l'ordonnance entreprise en ses autres dispositions,



Statuant à nouveau et y ajoutant :



Dit recevable l'action en référé des inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA fondée sur l'article L3132-31 du code du travail,



Dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande de fermeture sous astreinte le dimanche du supermarché Casino de [Localité 4] exploité par la SAS distribution Casino France,



Déboute la SAS distribution Casino France de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA de leur demande sur ce même fondement,



Condamne les inspecteurs du travail des unités de contrôle n°1 et n°3 du Var de la DIRECCTE de PACA au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Le greffier,Le président,

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