12 janvier 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-84.045

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2021:CR00090

Titres et sommaires

GARDE A VUE - Droits de la personne gardée à vue - Assistance de l'avocat - Défaut - Cas - Exploitation du téléphone portable de l'intéressé - Exploitation non assimilable à une audition - Présence effective de l'avocat - Obligation (non)

Aucune disposition légale ne prévoit la présence de l'avocat lors de l'exploitation d'un téléphone portable, assimilable à une perquisition. La communication à un officier de police judiciaire, sur sa sollicitation, d'une information permettant, pour les besoins d'une perquisition, l'accès à un espace privé préalablement identifié, qu'il soit ou non dématérialisé, ne constitue pas une audition au sens de l'article 63-4-2 du code de procédure pénale

Texte de la décision

N° S 20-84.045 F-P+B+I

N° 90


SM12
12 JANVIER 2021


REJET


M. SOULARD président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 JANVIER 2021



REJET du pourvoi formé par Mme M... U... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 23 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre elle, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, importation en contrebande de marchandises dangereuses pour la santé publique et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 7 septembre 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Violeau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme M... U..., et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Violeau, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Une information judiciaire a été ouverte des chefs susvisés, à la suite de livraisons surveillées par les douaniers de colis postaux contenant de la cocaïne, envoyés depuis le Lamentin (Martinique) à destination de l'Ile-de-France.

3. Dans ce cadre, Mme U... a été placée en garde à vue et a sollicité l'assistance d'un avocat.

4. Au cours de cette mesure, un officier de police judiciaire lui a demandé, hors la présence de son avocat, le code d'accès à son téléphone et, après l'avoir obtenu, a procédé à son exploitation.

5. Mme U... a été mise en examen des chefs susvisés. Son avocat a présenté une requête en nullité du procès-verbal d'exploitation de son téléphone et de l'audition consécutive, pour violation des dispositions des articles 63-3-1 et 63-4-2 du code de procédure pénale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annuler le procès verbal d'exploitation du téléphone de Mme U... et de retranscription des résultats de cette exploitation, ainsi que l'ensemble des actes dont ce procès verbal était le support nécessaire, alors « que dès le début de la garde à vue, la personne gardée à vue peut demander à être assistée par un avocat et demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations ; qu'en déclarant la procédure de garde à vue régulière, aux motifs que le procès-verbal d'exploitation du téléphone de Mme U... n'avait pas le caractère d'une audition dès lors que « M... U... n'a fait aucune déclaration et qu'aucune question sur les faits pour lesquels elle a été placée en garde à vue ne lui a été posée », cependant que la chambre de l'instruction relevait par ailleurs que les enquêteurs avaient extrait l'exposante de sa cellule avant de l'interpeller sur la nécessité de donner le code de déverrouillage de son téléphone pour permettre l'exploitation des données y figurant, et que sur cette interpellation Mme U... a effectivement donné ledit code, sans l'assistance d'un avocat, ce dont il se déduisait que l'acte accompli par les enquêteurs relevait du régime de l'audition et nécessitait la présence de l'avocat, seul à même de garantir que la gardée à vue avait librement consenti à fournir ses codes d'accès, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 63-4-2 et 63-3-1 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel Mme U... a été entendue hors la présence de son avocat, l'arrêt attaqué énonce que le procès verbal d'exploitation du téléphone de l'intéressée n'a pas le caractère d'une audition dès lors que celle-ci n'a fait aucune déclaration et qu'aucune question sur les faits pour lesquels elle est placée en garde à vue ne lui a été posée.

8. Les juges ajoutent, par ailleurs, qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une atteinte au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, dès lors que ce droit ne s'étend pas à l'usage de données que l'on peut obtenir de la personne en recourant à des pouvoirs coercitifs, mais qui existent indépendamment de la volonté du suspect.

9. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

10. En premier lieu, aucune disposition légale ne prévoit la présence de l'avocat lors de l'exploitation d'un téléphone portable, assimilable à une perquisition.

11. En second lieu, la communication à un officier de police judiciaire, sur sa sollicitation, d'une information permettant l'accès à un espace privé préalablement identifié, qu'il soit ou non dématérialisé, pour les besoins d'une perquisition, ne constitue pas une audition au sens de l'article 63-4-2 du code de procédure pénale.

12. Dès lors, le moyen doit être écarté.

13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze janvier deux mille vingt et un.

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