8 janvier 2021
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/10197

Pôle 4 - Chambre 1

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Cour d'appel de Paris



Pôle 4 - chambre 1



Arrêt du 08 janvier 2021



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :RG 19/10197 - Portalis 35L7-V-B7D-B76LD



Décision déférée à la cour : jugement du 11 mars 2019 -tribunal de grande instance d'EVRY - RG 16/08572





APPELANT



Monsieur [L] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représenté par Me Stéphane KARAGEORGIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2470



INTIMES



Monsieur [C] [F] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Madame [H] [E] née [B]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 3]



Représentés par Me Lidia MORELLI de la SELARL MORELLI, avocat au barreau de l'ESSONNE substitué par Me Martin PEYRICHOU du même cabinet



Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique Chaulet, conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



M. Claude Creton, président

Mme Christine Barberot, conseillère

Mme Monique Chaulet, conseillère



Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier



Arrêt :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.




*****

M. [L] [U] est propriétaire occupant d'un bien immobilier constitué par le lot n°66 du lotissement [Adresse 4] (Essonne) acquis en 1997.



M. [C] [P] et Mme [H] [B] épouse [E] sont propriétaires depuis le 31 juillet 2007 du lot n°60 du même lotissement situé [Adresse 1] (Essonne).



Ce lotissement est régi par un cahier des charges dressé par M. [N], notaire, le 21 juin 1998.



M. et Mme [E] ont fait construire un appentis et un abri de jardin après avoir obtenu un permis de construire par arrêté du maire en date du 22 avril 2008.



Se plaignant du fait que la destination déclarée de la construction était détournée, M. [U], propriétaire du lot voisin, a fait délivrer à M. et Mme [E] une assignation devant le tribunal de grande instance d'Evry aux fins de démolition par acte d'huissier du 23 septembre 2016, puis par acte d'huissier du 23 mars 2017 en raison d'une erreur matérielle affectant le premier acte ; les instances ont été jointes.



Par jugement en date du 11 mars 2019, le tribunal de grande instance d'Evry a déclaré irrecevables les demandes en démolition et en indemnisation formées par M. [U] et l'a condamné à payer à M. et Mme [E] une somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Le tribunal a jugé que la recevabilité de la demande de démolition et de la demande d'indemnisation sollicitée sur le fondement de la violation du cahier des charges du lotissement est conditionnée à la preuve que le permis de construire ayant autorisé ladite construction a été annulé pour excès de pouvoir ou que son illégalité a été constatée dans le cas d'une indemnisation et qu'en l'espèce, ces conditions n'étant pas démontrées, l'action est irrecevable.



M. [U] a interjeté appel du jugement.



Il fait valoir que le tribunal ne s'est pas placé sur le seul terrain de la prescription invoquée par les défendeurs mais a soulevé d'office une fin de non-recevoir sans inviter les parties à présenter leurs observations, ce qui suffit à en justifier l'infirmation ; il fait valoir en outre que la référence aux dispositions de l'article 480-13 du code de l'urbanisme est inappropriée en l'espèce alors que ses demandes sont formées sur le fondement du non-respect des dispositions contractuelles du cahier des charges qui s'imposent aux colotis indépendamment du fait que M. et Mme [E] ont obtenu un permis de construire, qui par ailleurs n'est valable que sous réserve des droits des tiers.



Sur la prescription, il soutient que son action porte sur une obligation réelle qui relève de la prescription trentenaire conformément aux termes de l'article 2227 du code civil et qu'en vertu de l'ancien article 1143 du code civil, la demande en dommages et intérêts est accessoire à la demande en démolition et bénéficie donc, en tant que telle, des mêmes règles de prescription.



Il fonde ses demandes sur le non-respect du cahier des charges.



Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- a déclaré irrecevables les demandes de démolition et d'indemnisation qu'il a formées à l'encontre de M. et Mme [E],

- l'a condamné à payer à M. et Mme [E] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

et, statuant à nouveau, de dire :

- qu'il est recevable en son action,

- qu'en édifiant sur leur lot sis [Adresse 1] (Essonne) une construction annexe ou supplémentaire à côté de la maison individuelle d'habitation existante, M. et Mme [E], ont enfreint l'article 7-3) du cahier des charges du lotissement les Demeures du Golf en date du 21 juin 1988 et subsidiairement les articles 7-3 et 7-4) du cahier des charges du lotissement les Demeures du Golf modifié en date du 17 avril 2015,

- que cette construction méconnaît les dispositions du cahier des charges dudit lotissement,

en conséquence,

- condamner in solidum M. et Mme [E] à démolir la construction qu'ils ont édifiée sur leur lot sis [Adresse 1] en violation du cahier des charges du lotissement, et ce dans un délai de 4 mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à l'issue de ce délai,

- condamner in solidum M. et Mme [E] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire.

- les condamner en outre à lui payer in solidum la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de maître Stéphane Karageorgiou, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



M. et Mme [E] sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré les demandes en démolition et indemnisation irrecevables et condamné M. [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens et, y ajoutant, sollicitent la condamnation de l'appelant à leur payer 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par maître Lidia Morelli, membre de la Selarl Morelli, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; à titre subsidiaire, si l'appelant était déclaré recevable en son action, ils demandent à la cour de le débouter de ses demandes de démolition et de dommages et intérêts et de confirmer le jugement du chef de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens et, y ajoutant, de condamner l'appelant à leur payer 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel.



Ils soulèvent, outre l'irrecevabilité de l'action sur le fondement de l'article L480-13 du code de l'urbanisme, une fin de non-recevoir en raison de la prescription quinquennale applicable à la construction achevée en 2009 au visa des dispositions de l'article 2224 du code civil au motif que l'action de M. [U] ne se fonde pas sur le droit de propriété en tant que tel mais sur l'application des dispositions contractuelles de l'ASL pour solliciter la démolition de l'appentis ; ils font valoir en outre la modification du cahier des charges intervenue en 2015.



La clôture de l'instruction a été ordonnée le 29 octobre 2020.




SUR CE,



M. [U], au soutien de son appel, conteste le moyen d'irrecevabilité retenu par le tribunal par référence aux dispositions de l'article 480-13 du code de l'urbanisme alors que ses demandes sont formées sur le fondement du non-respect des dispositions contractuelles du cahier des charges.



L'article 480-13 du code de l'urbanisme dispose que le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à le démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans une des zones listées par ce texte ; il dispose en outre que le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis de construire a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative ou si son illégalité a été constatée.



Ces dispositions ne sont pas applicables en l'espèce dès lors que la demande de démolition formée par M. [U] n'est pas fondée sur la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique mais sur le non-respect, par M. et Mme [E] et les constructions litigieuses, des dispositions du cahier des charges du lotissement.



En conséquence, le motif par lequel les premiers juges ont déclaré l'action irrecevable en ce que M. [U] ne démontre pas que le permis de construire du 22 avril 2008 ayant autorisé la construction d'un appentis et d'un local à vélo de 14 m² de SHON a fait l'objet d'une annulation par la juridiction administrative ou que son illégalité a été constatée ne sera pas retenu.



Sur la prescription de l'action, M. et Mme [E] soutiennent que l'action engagée sur le fondement du non-respect du cahier des charges est une action personnelle qui se prescrit par cinq ans conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil, ce que conteste M. [U] qui soutient que la prescription applicable à son action est trentenaire conformément aux dispositions de l'article 2227 du même code au motif que les clauses du cahier des charges ne créent pas des obligations personnelles mais des obligations réelles.



L'article 2224 du code civil dans sa version applicable à l'espèce dispose que les actions personnelles et mobilières se prescrivent pas cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les fait lui permettant de l'exercer.



La présente action, formée au visa des articles 1134 et 1143 du code civil dans leur version applicable à l'espèce, l'article 1143 disposant que le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit et peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu.



L'action est fondée sur le non respect du cahier des charges du lotissement qui constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les dispositions qui y sont contenues, quelle que soit sa date, nonobstant le plan local d'urbanisme en vigueur.



Il s'agit en conséquence d'une action personnelle visant à obtenir la démolition des constructions au motif qu'elles ont été édifiées par M. et Mme [E] au mépris de leurs engagements contractuels du fait du cahier des charges et des dommages et intérêts qui se prescrit par cinq ans.



Le délai de prescription a commencé à courir à la date d'achèvement des constructions litigieuses.



Dès lors que M. [U] reconnaît que les constructions litigieuses ont été achevées le 30 juin 2008 mais complétées par le pose d'un bardage en 2010, l'action était prescrite à la date d'inroduction de la présente instance par assignation du 23 septembre 2016.



Il convient en conséquence de déclarer les demandes irrecevables comme prescrites et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.



Il convient de condamner M. [U] à payer à M. et Mme [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement,



Confirme le jugement du tribunal de grande instance d'Evry en date du 11 mars 2019 en toues ses dispositions,



Condamne M. [U] à payer à M. et Mme [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [U] aux dépens d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par maître Lidia Morelli, membre de la Selarl Morelli, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.



Le greffier,

Le président,

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