7 janvier 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.397

Deuxième chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2021:C200111

Texte de la décision

CIV. 2

COUR DE CASSATION



LM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 7 janvier 2021




NON-LIEU À RENVOI


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 111 FS-D

Pourvoi n° M 20-16.397




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JANVIER 2021


Par mémoire spécial présenté le 8 octobre 2020,

1°/ Mme Q... U..., domiciliée [...] ,

2°/ M. B... J..., domicilié [...] ,

3°/ M. I... J..., domicilié [...] ,

4°/ M. A... J..., domicilié [...] ,

5°/ Mme K... X..., épouse J..., domiciliée [...] ,

6°/ M. V... U...,

7°/ Mme T... H..., épouse U...,

domiciliés tous deux [...],

ont formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° M 20-16.397 qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 7 avril 2020 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans une instance les opposant :

1°/ au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] ,

2°/ au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Niort, domicilié en son parquet, 2 rue du Palais, 79000 Niort.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme Q... U..., MM. B..., I... et A... J..., Mme X... épouse J..., M. U... et Mme H... épouse U..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 janvier 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, MM. Besson, Martin, conseillers, Mme Guého, MM. Talabardon, Ittah, Pradel, conseillers référendaires, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. M. E... Y... a été déclaré, par un arrêt d'une cour d'assises, coupable du meurtre de S... J....

2. Mme Q... U... et M. B... J..., parents de la victime, M. I... J..., son frère, M. A... J... et Mme K... J..., ses grands-parents paternels, M. V... U... et Mme T... U..., ses grands-parents maternels, et ses nièces et neveux, M. D... J..., Mme C... J..., Mme W... J..., M. L... J..., M. P... U... et M. O... U..., ont saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (Civi) aux fins d'indemnisation de leurs préjudices résultant du décès de S... J....

3. La Civi a rejeté leurs demandes en raison de la faute de la victime directe, excluant, en application de l'article 706-3, dernier alinéa, du code de procédure pénale, tout droit à prise en charge de l'indemnisation des victimes par ricochet par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. A l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre l'arrêt du 7 avril 2020, par lequel la cour d'appel de Poitiers a confirmé cette décision, MM. B..., I... et A... J..., Mme K... J..., M. V... U... et Mme T... U... ont, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article 706-3 du code de procédure pénale tel qu'il est interprété par la Cour de cassation est-il contraire à l'article 4, à l'article 6 et à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ce que l'indemnisation des préjudices personnels des ayants droit de la victime d'une infraction peut être refusée ou réduite en cas de faute de cette dernière ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

5. La disposition contestée est applicable au litige, les demandeurs au pourvoi contestant l'application faite par la cour d'appel de l'article 706-3 du code de procédure pénale.

6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

7. Cependant d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

8. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

9. En effet, en premier lieu, la disposition contestée, telle qu'interprétée par une jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle la réparation des préjudices de la victime par ricochet peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime directe, ne porte atteinte ni au principe de responsabilité ni au droit de propriété, tels que respectivement garantis par les articles 4 et 17 de la Déclaration de 1789.

10. En second lieu, elle ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789, en ce qu'elle repose sur une différence objective de situations tenant au fait générateur de l'indemnisation, considéré en toutes ses circonstances, la différence de traitement résultant de la faute de la victime immédiate étant en rapport direct avec l'objet de la loi, qui réserve à certaines victimes le bénéfice de l'indemnisation par la solidarité nationale des préjudices résultant d'une infraction.

11. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille vingt et un.

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