6 janvier 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-19.491

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00016

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 janvier 2021




Rejet


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 16 F-D

Pourvoi n° D 19-19.491






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021

M. Y... O..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° D 19-19.491 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Les Paveurs du Morin, représentée par la société [...], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de Mme D... I..., en qualité de liquidateur judiciaire,

2°/ à l'AGS CGEA Ile-de-France Est, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. O..., après débats en l'audience publique du 10 novembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris,16 mai 2019), M. O... a été engagé en qualité de chargé d'affaire par la société Les paveurs du Morin (la société) le 29 avril 2014. Il a été licencié pour motif économique le 20 août 2014.

2. Par jugement du 17 décembre 2014, le tribunal de commerce de Meaux a placé la société en liquidation judiciaire et désigné la société [...] en qualité de liquidateur.

3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de prise en charge par l'AGS de diverses créances salariales.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. O... fait grief à l'arrêt de lui dénier la qualité de salarié et de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que le lien de subordination suppose l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en se fondant sur la prétendue absence de compétences techniques des deux co-gérants de la société et la faiblesse de la rémunération du gérant par rapport à celle de l'appelant pour exclure tout lien de subordination entre celui-ci et la société Les paveurs du Morin, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la qualité de salarié de M. O..., et violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que constitue un gérant de fait, toute personne physique ou morale qui, sans avoir été régulièrement désignée en qualité de gérant de droit, se sera distinguée par une activité positive dans la direction et la gestion de la personne morale, en toute indépendance, pour influer sur celles-ci de manière déterminante ; que faute d'avoir constaté que Me I... et les AGS établissait que M. O... accomplissait des actes positifs de gestion et de direction engageant la société et si l'exercice de ces actes se faisait en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière, seuls de nature à lui conférer la qualité de gérant de fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Ayant relevé la création successive depuis 1998 d'entreprises par M. O..., au final toutes liquidées, les liquidations étant clôturées pour insuffisance d'actif, et constaté que la société Les paveurs du Morin avait été créée en mars 2012, moins de six mois après la liquidation judiciaire de la société qu'il exploitait en dernier lieu, avec un capital social très limité, qu'elle avait pour gérants deux anciens maçons salariés de cette précédente société, qui ne disposaient d'aucune compétence pour occuper ces fonctions, et que ces éléments montraient, dans le cadre d'un montage frauduleux, l'absence de lien de subordination de M. O... envers la société, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. M. O... fait grief à l'arrêt de le condamner à verser des dommages-intérêts à la société [...] et à l'AGS CGEA Idf Est pour procédure abusive alors qu' « en se bornant à retenir que le comportement de M. O... était empreint de mauvaise foi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute faisant dégénérer en abus son droit d'agir en justice, a violé l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel, qui a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'action de M. O... relevait d'une tentative de fraude visant à obtenir indûment le versement de sommes par l'AGS, a caractérisé l'existence d'un abus de l'intéressé dans le droit d'agir en justice.

Amende civile

8. Le pourvoi revêtant un caractère abusif, M. O... doit être condamné à une amende civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. O... aux dépens ;

En application de l'article 628 du code de procédure civile, condamne M. O... à payer au Trésor public une amende civile de 3 000 euros ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. O... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. O...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. O... fait grief à l'arrêt attaqué

D'AVOIR dit qu'il n'a pas le statut de salarié au cours de sa relation de travail avec la SARL les Paveurs du Morin mais celle d'un gérant de fait et D'AVOIR rejeté ses demandes tendant à voir fixer sa créance salariale au passif de la société Les Paveurs du Morin, à voir déclarer l'arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF EST dans la limite de sa garantie et voir condamner l'AGS CGEA IDF EST et la SELARL Garnier-Guillouet à payer et à garantie ses créances salariales d'un montant de 3 426,78 € pour l'année 2014 et d'un montant de 2 238,98 € pour l'année 2013 assorties des intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS QUE « M. O... verse aux débats, un contrat de travail à durée indéterminée du 29 avril 2013 signé du représentant légal de la société, modifié par avenant du 1er avril 2014 concernant le temps de travail du salarié et sa rémunération, ainsi que des bulletins de paie conformes à ce contrat et le récépissé de la déclaration unique d'embauche reçue par l'Ursaff le 30 avril 2013 ; qu'il produit également quatre mails d'envoi de devis à des clients avec copie de l'un vers une boîte mail indiquée comme appartenant aux gérants de la société, ainsi que deux attestations de conducteurs de travaux de sociétés clientes, qui précisent avoir eu comme interlocuteur sur les chantiers M. O... chargé d'affaires, sa qualité de salarié et son impossibilité de prendre des décisions sans l'aval du gérant ; que ces éléments suffisent à établir une apparence de contrat de travail, de sorte qu'il appartient aux intimés de démontrer son caractère fictif ; qu'à cet égard, l'AGS verse aux débats un document récapitulatif des fonctions de dirigeant de sociétés assurées par M. O..., les informations relatives aux sociétés qu'il a dirigées, ainsi que chacun de ses parents, les fiches de renseignements des versements réalisés par le CGEA tant à M. O... qu'aux deux gérants de la société Les Paveurs du Morin et leurs relevés de carrière ; qu'il résulte de ces documents qu'à compter de 1998, M. O... a été gérant de diverses sociétés, parfois en même temps, essentiellement dans le domaine du bâtiment ; qu'hormis les sociétés Route TP et [...] , dont l'appelant a été le liquidateur, toutes les sociétés qu'il a gérées ont fait l'objet de liquidations judiciaires, clôturées pour insuffisance d'actif ; que les créations se sont succédées jusqu'en mai 2008, date de la création de la société. Agora Développement, celles-ci étant opérées peu de temps avant la liquidation de a société créée précédemment (Société nouvelle Pavage, Maçonnerie TP, Agora développement) ; que le relevé de carrière de M. O... et les états de créances CGEA révèlent qu'en parallèle de sa situation de gérant de sociétés, il s'est prévalu d'un statut de salarié de sociétés distinctes, exploitées par ses parents, la société les Paveurs parisiens gérée par son père les Paveurs de l'Ouest et Est Pavage gérées par sa mère ; que ces sociétés ont également fait l'objet de liquidations judiciaires ayant donné lieu à des paiements à l'appelant par le CGEA parfois d'importants, ainsi 62105,14 € comme cadre de la société les Paveurs Parisiens au titre d'un contrat de travail de 2003 à 2007 ; que ces mêmes documents mettent en évidence que M. K... a travaillé comme ouvrier maçon dans les sociétés exploitées par l'appelant, Les Pavés Parisiens, Agora Développement et par son père N... O..., dans la société Les Paveurs Parisiens M. A... a pour sa part travaillé comme maçon dans la société Agora Développement ; que par ailleurs, il est établi que la société Les Paveurs du Morin a été immatriculée au RCS 19 mars 2012 soit moins de six mois après la liquidation judiciaire de la société Agora Développement le 7 novembre 2011, laquelle employait MM. A... et K... en qualités de maçons ; que ces derniers sont ainsi devenus associés et co-gérants de la société dotée d'un capital social très limité (5000 €) constitué majoritairement d'apports en nature pour une valeur de 4000 € ; qu'il n'apparait pas que les gérants aient organisé les conditions de leur rémunération, ayant continué à être pris en charge au titre du chômage pendant toute l'année 2012 ; qu'à cet égard, l'AGS indique sans être contredite, que les gérants se sont alloués une rémunération aux termes d'une assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2014, deux ans après la création de la société et postérieurement à la cessation des paiements, fixée dans le jugement de liquidation au 15 avril 2014, respectivement de 23000 et 27850 €, soit très inférieure à la rémunération octroyée à M. O... de 4026,82 € pour un travail à temps partiel de 140 heures mensuelles, soit 48325,84 € par an, majoré d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires ; que la création successive d'entreprises par l'appelant, au final toutes liquidées, la nomination en qualité de cogérants de la société Les Paveurs de Morin, d'anciens maçons, salariés de la société qu'il exploitait en dernier lieu (Agora Développement) voire d'autres sociétés antérieures, associés gérants dépourvus de moyens effectifs de créer une société viable et de compétences démontrées pour la pérenniser, ainsi que la faiblesse de leur rémunération de gérants par rapport à celle de l'appelant travaillant à temps partiel, sous le statut d'Etam et non de cadre, suffisent à caractériser dans le cadre d'un montage frauduleux, l'absence de lien effectif de subordination de M. O... et à l'égard de la société ; qu'en effet, ce dernier apparaît de fait comme la seule personne au sein de la société Les Paveurs du Morin, qui disposait de compétences techniques et commerciales, à la différence des gérants dont la seule technicité de leur formation de maçon, situation qui vidait de toute substance leur pouvoir de contrôle et de sanction ; qu'il s'en déduit que M. O... ne peut prétendre à la qualité de salarié ».

1°) ALORS QUE le lien de subordination suppose l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en se fondant sur la prétendue absence de compétences techniques des deux co-gérants de la société et la faiblesse de la rémunération du gérant par rapport à celle de l'appelant pour exclure tout lien de subordination entre celui-ci et la société les Paveurs du Morin, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure la qualité de salarié de M. O..., et violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE constitue un gérant de fait, toute personne physique ou morale qui, sans avoir été régulièrement désignée en qualité de gérant de droit, se sera distinguée par une activité positive dans la direction et la gestion de la personne morale, en toute indépendance, pour influer sur celles-ci de manière déterminante ; que faute d'avoir constaté que Me I... et les AGS établissait que M. O... accomplissait des actes positifs de gestion et de direction engageant la société et si l'exercice de ces actes se faisait en toute liberté et en toute indépendance, de façon continue et régulière, seuls de nature à lui conférer la qualité de gérant de fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

M. O... fait grief à l'arrêt attaqué

DE L'AVOIR condamné à verser à la société Garnier-Guillouet, ès qualités de liquidateur de la société Les Paveurs du Morin, la somme de 3 000 € et la somme de 1 500 € à l'AGS CGEA IDF EST à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

AUX MOTIFS QUE « l'action en revendication du statut de salarié engagée par M. O... est abusive, procédant d'un comportement de mauvaise foi au regard des éléments rappelés ci-dessus, relatifs au rejet de sa demande de reconnaissance de sa qualité de salarié » ;

ALORS QU'en se bornant à retenir que le comportement de M. O... était empreint de mauvaise foi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute faisant dégénérer en abus son droit d'agir en justice, a violé l'article 1240 du code civil.

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