17 décembre 2020
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 18/03583

Ch.secu-fiva-cdas

Texte de la décision

MDM



N° RG 18/03583



N° Portalis DBVM-V-B7C-JUUS



N° Minute :









































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 17 DECEMBRE 2020

Ch.secu-fiva-cdas



Appel d'une décision (N° RG 20171116)

rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GRENOBLE

en date du 06 juillet 2018

suivant déclaration d'appel du 08 août 2018



APPELANT :



M. [L] [G]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Lionel DJEATSA FOUEMATIO, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Manon ALLOIX, avocat au barreau de GRENOBLE



INTIME :



L'URSSAF RHONE-ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE





COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,



DÉBATS :



A l'audience publique du 27 octobre 2020



Mme Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport, a entendu les représentants des parties en leurs observations, assistée de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 17 décembre 2020, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.



L'arrêt a été rendu le 17 décembre 2020.




Exposé du litige

M. [L] [G] a été affilié au Régime Social des Indépendants (RSI) à compter du 1er avril 2008 en raison de son activité commerciale.



Le 4 octobre 2017, M. [G] a formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble à une contrainte décernée par la caisse RSI et l'URSSAF ou la CGSS le 19 septembre 2017 et signifiée le 26 septembre 2017 pour un montant de 9 760 € au titre des cotisations et majorations de retard concernant les 1er et 2ème trimestres 2017.



Par jugement du 6 juillet 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble a :

- débouté M. [G] de son recours et de l'ensemble de ses demandes,

- confirmé l'affiliation de M. [G] au RSI,

- validé la contrainte décernée à l'encontre de M. [G] par la caisse RSI et l'URSSAF ou la CGSS le 19 septembre 2017 et signifiée le 26 septembre 2017 au titre des cotisations et majorations de retard concernant le 1er trimestre 2017 et le 2ème trimestre 2017 pour son entier montant de 9 760 €,

- dit que la somme due au titre de cette contrainte sera augmentée des majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'à complet paiement,

- dit que les frais de signification de cette contrainte ainsi que de tous les actes de procédure nécessaires à son exécution resteront à la charge du débiteur,

- rappelé qu'aux termes de l'article R.133-3 du code de la sécurité sociale, la décision est exécutoire à titre provisoire,

- condamné M. [G] à payer à l'URSSAF la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [G] au paiement d'une amende civile d'un montant de 585 €,

- condamné M. [G] à payer à l'URSSAF la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dommages-intérêts pour procédure abusive.



Le 8 août 2018, M. [G] a relevé appel nullité de cette décision.



Par arrêt avant dire droit du 19 décembre 2019, la Cour a enjoint à l'URSSAF, partie intimée, de justifier de sa forme juridique précise et de sa personnalité morale.



L'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 25 février 2020 puis à celle du 27 octobre 2020.



A l'issue des débats et de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, M. [G] demande à la Cour de :

- déclarer recevable et fondé son appel,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

- constater que l'URSSAF déclare ne pas posséder de forme juridique et ne justifie pas de sa personnalité juridique,

En conséquence,

- déclarer irrecevables l'ensemble des écritures déposées par l'intimée,

- constater que l'URSSAF, telle que présentée en première instance, est dénuée de forme juridique et de personnalité morale,

- prononcer l'annulation des jugements du 6 juillet 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble,

et à défaut,

- annuler la contrainte du 19 septembre 2017,

A titre subsidiaire, sur le fond,

- constater l'incertitude des créances ne permettant pas au cotisant de comprendre la cause et nature de l'obligation,

en conséquence,

- annuler la contrainte du 19 septembre 2017,

En tout état de cause,

- faire droit à l'ensemble de ses contestations et demandes,

- condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



A l'issue des débats et de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF Rhône-Alpes demande à la Cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par M. [G] à l'égard du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble en date du 6 juillet 2018 (recours 20171116),

- confirmer ledit jugement sauf à valider la contrainte du 19 septembre 2017 pour la somme actualisée de 6 809 € au titre des 1er et 2ème trimestres 2017,

- débouter M. [G] de toutes ses fins et prétentions,

- condamner M. [G] à lui payer la somme de 1 500 € de dommages-intérêts, la procédure d'appel étant abusive,

- condamner M. [G] à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [G] aux dépens.



En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.






SUR CE :





Sur l'appel nullité



Il est de principe que l'appel nullité est ouvert en cas d'excès de pouvoir lorsque la décision contestée n'est pas susceptible d'appel.



En l'espèce, le fait que le jugement déféré soit susceptible d'appel n'est pas contesté.



Par conséquent, il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel nullité, la cour étant saisie d'un appel de droit commun.





Sur la recevabilité des prétentions de l'URSSAF



En application des dispositions de l'article L. 213-1 3° du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2018, les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales assurent le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les personnes mentionnées à l'article L. 611-1, autres que celles mentionnées également aux articles L. 642-1 et L.723-3.



Il résulte de l'article L. 611-1 du code de la sécurité sociale que le régime social des indépendants couvre, au titre de l'assurance maladie et maternité, les personnes mentionnées à l'article L. 613-1 et, au titre de l'assurance vieillesse, de l'invalidité-décès et de l'assurance vieillesse complémentaire obligatoire, les personnes appartenant aux groupes des professions artisanales et des professions industrielles et commerciales.



Au soutien de son recours, M. [G] prétend que « l'URSSAF déclare ne pas posséder de forme juridique et ne justifie pas de sa personnalité juridique, que la seule et unique possibilité pour les caisses de se constituer et d'exister en tant qu'unions de caisses comme organismes privés est d'appliquer le code de la mutualité et donc et de respecter les dispositions de l'article L.40 devenu L. 216-1 du code de la sécurité sociale ». Il estime que s'agissant du statut des URSSAF, ces dernières doivent justifier de statuts approuvés par l'autorité compétente.



Mais il est établi que les URSSAF, instituées par l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale, sont des organismes de droit privé chargés d'une mission de service public, placés sous la tutelle de l'Etat, qu'elles disposent de la personnalité morale dès leur création et tiennent de la loi, leur capacité et qualité à agir sans être tenues de produire leurs statuts ou de les déposer en Préfecture.









En outre, les URSSAF étant intégrées à l'organisation statutaire de la sécurité sociale, elles n'ont pas un caractère mutualiste. Aussi, contrairement à ce que prétend M. [G], les dispositions qui régissent le fonctionnement des URSSAF sont issues du code de la sécurité sociale et non du code de la mutualité.



Concernant l'URSSAF Rhône-Alpes, elle a été créée par un arrêté du 25 juillet 2013, publié au Journal Officiel n°0171 du 25 juillet 2013. Son existence légale ne peut donc être contestée.



En tout état de cause, en application des dispositions de l'article 15- XVI 2° de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale, l'intervention de l'URSSAF Rhône-Alpes en lieu et place de la caisse RSI des Alpes résulte de la suppression, au 1er janvier 2018, du Régime Social des Indépendants, régime légal de sécurité sociale reposant sur le principe de la solidarité nationale, constitués d'organismes privés dotés de la personnalité morale et chargés d'une mission de service public, auquel M. [G] a été obligatoirement affilié en raison de l'exercice de son activité commerciale et ce, en toute conformité avec le droit européen.



Conformément aux dispositions de ce texte, à compter du 1er janvier 2018, la Caisse nationale du régime social des indépendants et les caisses de base du régime social des indépendants ont pris la dénomination, respectivement, de Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et de caisses locales déléguées pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants. Jusqu'au 31 décembre 2019, elles ont apporté leur concours aux caisses du régime général s'agissant du service des prestations dont bénéficient les travailleurs indépendants et du recouvrement des cotisations dont ils sont redevables.



La suppression du RSI a eu pour conséquence que le recouvrement des cotisations et contributions sociales qui relevaient auparavant de sa compétence a été transféré de plein droit aux organismes nationaux et locaux du régime général selon leurs périmètres de responsabilité respectifs. En application de l'article R.133-2-7 du code de la sécurité sociale modifié par le décret n°2018-174 du 9 mars 2018, les travailleurs indépendants versent les cotisations et contributions sociales qu'ils sont tenus d'acquitter auprès des organismes du régime général à l'organisme mentionné à l'article L. 213-1 - L'URSSAF - ou L. 752-4 dans le ressort duquel ils exercent leur activité professionnelle.



Il résulte de ce qui précède que l'URSSAF Rhône-Alpes justifie de sa forme juridique et de sa personnalité juridique. M. [G] est dès lors mal fondé en son grief.



La demande de M. [G] tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de l'URSSAF Rhône-Alpes sera donc rejetée.





Sur la contrainte décernée le 19 septembre 2017



Il résulte des dispositions de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige que toute action aux fins de recouvrement de cotisations de sécurité sociale doit être précédée, à peine de nullité, de l'envoi d'une mise en demeure adressée au débiteur.

Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure doit être précis et motivé.



La mise en demeure constituant une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.



Il est de principe que la mise en demeure comme la contrainte doivent préciser, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.



Au soutien de sa contestation, M. [G] prétend que « l'incertitude des créances ne lui a pas permis de comprendre la cause et nature de son obligation ».









Mais il résulte de l'examen de la mise en demeure du 20 juin 2017 et de la contrainte du 19 septembre 2017 qu'elles sont au contraire parfaitement motivées.



D'une part, la mise en demeure du 20 juin 2017 détaille précisément la nature des cotisations réclamées, à titre provisionnel, à M. [G] au titre des 1er et 2ème trimestres 2017 pour un total de 9 760 € ; d'autre part, la contrainte du 19 septembre 2017 se réfère expressément à cette mise en demeure préalablement adressée à M. [G] laquelle comporte les mentions prescrites à peine de nullité (nature, montant des cotisations et périodes). Il est à noter que la mise en demeure et la contrainte portent sur un montant total identique de 9 760 €.



La contrainte litigieuse qui répond aux exigences légales a donc permis à M. [G] d'avoir connaissance de la cause, de la nature et de l'étendue de son obligation. L'appelant est de nouveau mal fondé en sa contestation.



Enfin M. [G] n'apporte aucun élément, ni aucune pièce de nature à rapporter la preuve qui lui incombe du caractère erroné de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l'organisme social lequel n'est pas tenu de justifier, dans l'acte, des modalités de calcul des cotisations.



La contrainte du 19 septembre 2017 sera dès lors validée, par voie de confirmation, pour son montant actualisé à la somme de 6 809 € au regard du décompte produit par l'URSSAF Rhône-Alpes.



M. [G] sera ainsi débouté de l'ensemble de ses demandes.





Sur la demande de dommages-intérêts



Ce sont par des justes motifs que la cour adopte que M. [G] a été condamné au paiement de la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Le jugement mérite confirmation.



Il convient par ailleurs de condamner M. [G] à payer à L'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 500 € de dommages et intérêts au titre de la procédures d'appel compte tenu de son caractère dilatoire.



En revanche, il n'y a pas lieu de prononcer une amende civile. Le jugement sera réformé sur ce point.





Sur les mesures accessoires



En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, M. [G] sera condamné aux dépens.



Il convient de le débouter de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles qu'il a contraint l'organisme à encore exposer.





PAR CES MOTIFS





La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,



Confirme le jugement déféré sauf sur le montant de la contrainte et sur la condamnation de M. [L] [G] à une amende civile.



Statuant à nouveau des chefs infirmés,



Valide la contrainte du 19 septembre 2017 pour la somme actualisée de 6 809 € au titre des 1er et 2ème trimestres 2017.





Dit n'y avoir lieu à amende civile,



Y ajoutant,



Condamne M. [L] [G] à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.



Condamne M. [L] [G] à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [L] [G] aux dépens.



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Chrystel ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le GreffierLe Conseiller

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