18 décembre 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 17/15112

Chambre 4-6

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6



ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2020



N° 2020/ 330













Rôle N° RG 17/15112 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBA3K







SARL SIBAMA





C/



[O] [K]

























Copie exécutoire délivrée

le :18/12/2020

à :



Me Leopold RENARD, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Denis ASTRUC, avocat au barreau de GRASSE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal d'Instance de Marseille en date du 23 Juin 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11 16 - 22.





APPELANTE



SARL SIBAMA, [Adresse 1]



représentée par Me Leopold RENARD, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIME



Monsieur [O] [K], demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Denis ASTRUC de la SCP DENIS ASTRUC, avocat au barreau de GRASSE





*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Solange LEBAILE, Conseillère de la chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Mme Solange LEBAILE, Conseillère









Greffier lors des débats : Madame Caroline POTTIER.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2020.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2020



Signé par Madame Christine LORENZINI, Présidente de Chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



***























































Suivant contrat d'engagement en date du 29 mars 2013, Monsieur [K] a été embauché par la société Campbell corporate services Ltd en qualité de capitaine sur le navire Antinea appartenant à la Sarl Sibama.



Soutenant que son employeur était en réalité la Sarl Sibama et que son contrat avait été résilié de manière abusive, Monsieur [O] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille qui, par jugement en date du 18 mai 2016, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance de Marseille. Par jugement en date du 23 juin 2017, ce tribunal a :

- déclaré recevables les demandes formées par Monsieur [K] à l'encontre de la Sarl Sibama dont la preuve de sa qualité d'employeur est rapportée,

- déclaré la loi française applicable en application de l'article 8 du règlement Rome 1 comme étant la loi du pays dans lequel Monsieur [K] a accompli habituellement son travail,

- dit que la rupture du contrat d'engagement maritime à durée déterminée intervenue à l'initiative de la Sarl Sibama n'est pas justifiée,

- condamné la Sarl Sibama à verser à Monsieur [K] les sommes suivantes :

* 36000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée injustifiée du contrat d'engagement maritime,

* 4000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice moral particulier subi,

* 6112 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat,

* 1118,10 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés,

* 2500 euros pour procédure irrégulière,

* 33000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- débouté la Sarl Sibama de ses demandes reconventionnelles en paiement formées à l'encontre de Monsieur [K],

- condamné la Sarl Sibama à verser à Monsieur [K] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Sibama aux entiers dépens de la procédure,

- ordonné l' exécution provisoire de la décision à hauteur de la moitié des condamnations prononcées,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.



Le 2 août 2017, soit dans le délai légal, la Sarl Sibama a relevé appel de ce jugement que le greffe du tribunal d'instance de Marseille lui a fait parvenir par lettre simple.




Par dernières conclusions en date du 17 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sarl Sibama demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater que le demandeur a dirigé son action contre la société Sibama alors qu'il aurait dû la diriger à l'encontre de l'employeur, la société Campbell Corporate Services Ltd,

- en conséquence, déclarer son action contre la société Sibama irrecevable,

A titre subsidiaire,

- dire qu'il n'y a aucune rupture du contrat d'engagement maritime par l'armateur ni de licenciement irrégulier mais une démission du capitaine [K],

En conséquence,

- débouter le demandeur de toutes ses demandes dont son appel incident,

- constater que le demandeur a expressément accepté comme loi applicable la loi des Caïmans (droit anglais) à l'exclusion de toute autre loi et a renoncé à l'application du droit français,

- en conséquence, dire que la loi applicable au présent litige est la loi des îles Caïmans (droit anglais),

- constater que les fautes du capitaine ont entraîné la rupture immédiate de la charte partie conclue entre la concluante et les affréteurs du navire Antinea,

- dire que le capitaine a commis une faute justifiant la rupture anticipée de son contrat de travail,

- en conséquence, débouter le demandeur de toutes ses demandes dont son appel incident,

A titre plus subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour devait retenir que la loi applicable au présent litige est la loi française, dire que le demandeur a donné son accord à l'employeur pour la rupture de son contrat de travail,

En conséquence, débouter le demandeur de toutes ses demandes,

A titre encore plus subsidiaire,

- en l'absence d'accord entre les parties, dire que le demandeur a commis une faute grave justifiant la rupture anticipée de son contrat de travail et ne lui permettant pas d'obtenir une quelconque indemnisation,

- au surplus, dire que la législation sur le travail dissimulé n'est pas applicable en l'espèce, aucune obligation ne pesant à l'époque des faits sur l'employeur,

- dire qu'il n'y a pas de travail dissimulé faute d'élément intentionnel démontré,

En conséquence,

- débouter Monsieur [K] de toutes ses demandes dont sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé,

A titre infiniment subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour devait retenir une condamnation, il ne pourrait qu'allouer un complément de 415 euros au titre des congés payés et 1650 euros au titre d'une indemnité de fin de contrat,

Sur sa demande reconventionnelle,

- condamner Monsieur [K] au paiement de la somme de 150 000 euros au titre de la rupture de l'affrètement du navire Antinea et de la somme de 50 000 euros au titre du préjudice d'image et 20 000 euros au titre du préjudice moral,

En tout état de cause,

- condamner Monsieur [K] à lui payer la somme de 8000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [K] aux entiers dépens.



La Sarl Sibama soutient :

- à titre principal, sur l'irrecevabilité de la demande, que Monsieur [K] n'a aucun lien contractuel avec elle puisque le contrat d'engagement maritime a été signé avec la société Campbell Corporate Service Ltd ; que son nom n'est pas mentionné dans le contrat de travail; qu'elle n'est que l'armateur propriétaire du navire yacht Antinea ; que s'agissant de l'argument de Monsieur [K] selon lequel elle aurait mis fin au contrat de travail et que la signature de son gérant apparaît sur des documents à entête de la société Campbell corporate services Ltd, il n'est que l'intermédiaire entre l'employeur et Monsieur [K] ; que ce dernier allègue de manière infondée que la société Campbell serait une simple société écran utilisée par Monsieur [S] pour tenter d'agir en toute impunité à l'encontre de la législation sociale française ; que la société Campbell n'est pas une société écran de par l'importance de sa structure ; qu'il est un groupe spécialisé dans les services de gouvernance de sociétés incluant la comptabilité et la gestion des personnes ; que ce groupe est constitué de trois sociétés installées d'abord aux îles Caïman, puis aux Îles Vierges britanniques et enfin à Hong Kong ; que la société installée aux Îles Caïman se compose de douze associés et de quatorze avocats associés ; qu'elle est solidement structurée et apte à conclure des contrats d'engagement ; que le contrat de travail a été signé par le représentant de la société Campbell ainsi que le 'non-disclosure agreement' et 'l'amendment n°1" au contrat de travail ; que l'attestation de la société Campbell Corporate Services Ltd a été rédigée en anglais par le représentant de celle-ci et non par Monsieur [C] [S] ; que les pièces adverses n°12 et 7 ne comporte pas la signature de son gérant ; que les pièces adverses n°12-2 et 13 ont un contenu identique aux précédentes mais contiennent la signature du 'manager' de la société Campbell ; qu'il semble que la signature figurant sur les pièces adverses n°7 et 12 n'est pas celle du représentant de la société Sibama ; que Monsieur [K] considère désormais que la société Sibama et la société Campbell Corporate Services Ltd étaient co-employeurs alors qu'elle n'a que la qualité d'armateur propriétaire du navire ;

- à titre subsidiaire sur la loi applicable, que le contrat d'engagement précise qu'il est régi et interprété selon la loi pavillon ; que, selon le certificat d'immatriculation du 28 novembre 2011, le navire est immatriculé auprès du registre des navires des Iles Caïmans ; que Monsieur [K] doit donc être débouté de ses demandes en dommages et intérêts pour licenciement abusif dans la mesure où il n'a pas demandé les causes de sa rupture dans un délai de quatorze jours ; que la demande de reconnaissance d'une situation de co-emploi fondée sur le droit français sera rejeté ; qu'elle a invoqué des dispositions du code des transports au soutien de son exception d'incompétence uniquement car, en matière de compétence juridictionnelle, le droit international privé prévoit que la juridiction saisie statue en fonction de sa loi de procédure ; que l'argument de Monsieur [K] selon lequel il a accompli habituellement son travail en France ne peut prospérer dans la mesure où le navire a navigué plusieurs jours en Italie en plus de la France ; que contrairement à ce qu'affirme Monsieur [K], l'établissement qui l'a embauché n'est pas situé en France mais aux Iles Caïmans ; que dans un accord annexé au contrat de travail intitulé 'non-disclosure agreement', Monsieur [K] a donné expressément son accord pour que la loi applicable soit la loi pavillon à l'exclusion de toute autre loi ; qu'en toute hypothèse, si la question de l'application de la loi française se pose, encore faut-il que cette dernière présente des dispositions plus favorables au capitaine que la loi étrangère ; que Monsieur [K] à qui il incombe d'en rapporter la preuve, se contente d'une simple allégation; que pour démontrer que la loi française serait plus protectrice, il convient de démontrer les points suivants : 1/ déterminer si la loi étrangère permet de requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au même titre que la loi française avec les conséquences que cela comporte sur l'étendue de la condamnation de l'employeur, 2/ déterminer si une norme contraignante existe concernant la 'résiliation fautive', 3/ déterminer si cette norme donne lieu à des indemnités au moins égales à celles que le salarié aurait obtenue par application de la loi française ; qu'aucun de ces points n'a été démontré par Monsieur [K] ; qu'en toute hypothèse, le contrat d'engagement maritime constitue la loi des parties et ce conformément à la loi française et plus particulièrement à l'ancien article 1134 du code civil ; que le décompte remis est conforme aux dispositions contractuelles ; que le contrat prévoit que pendant l'exécution du contrat, celui-ci peut prendre fin à l'initiative de l'employeur ou du salarié en respectant un délai de préavis de quatorze jours à compter d'une notification écrite ; qu'il est également prévu que cette notification est exclue en cas de manquement à l'accomplissement de tout acte dans le cadre des obligations qui pourrait mettre en danger le yacht, ses passagers ou son équipage ou en cas de négligence volontaire par le salarié en relation avec cet accord ; que tel est bien le cas puisque Monsieur [K] ne s'est pas réveillé alors que l'alarme incendie s'était déclenchée et qu'il assurait le commandement du navire avec des affréteurs à bord ; que, de la même manière, Monsieur [K] a reçu du courant électrique dans la salle des machines à bord du navire alors qu'il avait sous sa responsabilité l'équipage et le navire ; que ces comportements constituent des manquements du capitaine à ses obligations contractuelles et même à ses obligations légales ; que ces comportements graves et fautifs ont entraîné le départ prématuré des affréteurs le lendemain de leur arrivée ; que les affréteurs du navire se sont plaints auprès de l'armateur et de l'employeur de Monsieur [K] ; que le comportement fautif du capitaine a causé un préjudice à la société Sibama qui a perdu un affrètement ; qu'il a également subi un préjudice d'image important puisque l'affréteur était Monsieur [M] [X] et sa famille ;

- à titre plus subsidiaire, si la cour devait retenir l'application de la loi française, que l'armateur a mis fin au contrat de mandat du capitaine mais n'a pas rompu le contrat d'engagement maritime à durée déterminée de ce dernier ; qu'il résulte des termes du courriel du 5 août 2013 que l'armateur a mis à terre le capitaine pour qu'il se rétablisse à la suite de l'accident qu'il avait subi ; qu'ayant un charter en cours, elle avait l'obligation d'avoir un capitaine à bord, raison pour laquelle il a immédiatement remplacé Monsieur [K] ; que ce dernier n'est jamais revenu après son rétablissement pour achever le voyage qu'il avait commencé ; qu'il s'est manifesté le 13 août 2013 uniquement pour lui demander le paiement du solde de tout compte; que ce comportement doit s'interpréter que comme une démission ;

- subsidiairement sur l'accord intervenu entre les parties mettant fin au contrat, que cela ressort des échanges de courriels avec Monsieur [K] ;

- en l'absence d'accord, sur les fautes graves commises par le capitaine, que les manquements du capitaine à ses obligations contractuelles et aux obligations légales démontrent qu'il ne pouvait être maintenu dans l'entreprise plus longtemps au risque de mettre en danger la sécurité du navire, des équipages et des affréteurs ; que l'affirmation du capitaine selon laquelle Monsieur [X] ne voulait pas cohabiter avec Monsieur [E], raison pour laquelle il a quitté le navire est inexacte ; qu'en réalité, Monsieur [X] a rompu l'affrètement car il n'avait plus aucune confiance dans le capitaine ; qu'en outre, Monsieur [K] a abandonné le navire à plusieurs reprises alors qu'il était en réparation au chantier naval ; que la société Campbell Corporate Services Ltd a établi une attestation en sa faveur uniquement pour permettre au capitaine de retrouver un travail plus facilement ; que le courriel de résiliation ne mentionne que le mot de 'compétent' ; que Monsieur [H] n'a jamais fait pression sur le nouvel employeur de Monsieur [K] ; que la cabine de ce dernier n'a pas été fouillée mais seulement nettoyée par une hôtesse qui a retrouvé sur son bureau l'ordonnance et les remèdes; que Monsieur [K] ne peut nier qu'il prenait des somnifères ; qu'il ne rapporte la preuve ni de la panne de l'alarme incendie ni de l'absence d'isolation aux normes du tableau électrique; que le rapport d'expertise d'avril 2013 de la société American Bureau of Shipping Class atteste du parfait état de navigabilité du navire ; que si l'employeur n'a pas énuméré les fautes commises pour mettre fin du contrat c'est parce qu'il ne pensait pas que, compte-tenu des fautes graves commises, le capitaine saisirait le conseil de prud'hommes ;

- sur la validité des conditions de résiliation du contrat de travail, que l'email de résiliation mentionne bien le terme 'incident' puis les termes 'compte tenu du choc que vous avez subi' qui font référence à une faute grave commise par le capitaine ; que ces éléments permettent de démontrer que le motif du licenciement était mentionné ; que dans son courriel du 13 août 2013, Monsieur [K] a accepté la fin de son contrat en reconnaissant implicitement ses fautes ;

- à titre encore plus subsidiaire sur l'absence de justification du montant des indemnités en cas de rupture d'un contrat à durée déterminée, que le demandeur ne peut réclamer des sommes qui n'ont pas de fondement au regard des dispositions contractuelles applicables et des fautes graves commises ; que l'ensemble des salaires et frais médicaux ont été réglés par son employeur ; que s'agissant des indemnités pour irrégularité de la procédure de résiliation, il n'est pas justifié de la réalité de son préjudice ; que concernant l'indemnité pour rupture injustifiée du contrat de travail, la rupture du contrat de travail fondée sur une faute grave fait obstacle à l'allocation de toute indemnité pour cause de rupture injustifiée ; que s'agissant de l'indemnité pour préjudice moral, la rupture du fait des manquements successifs du capitaine était prévisible ; qu'elle lui a été notifiée par courriel afin que Monsieur [K] soit mis au courant le plus rapidement possible ; que l'employeur n'avait pas d'autre choix afin d'éviter tout autre accident ; que le demandeur ne démontre à aucun moment son préjudice moral ; que concernant l'indemnité de fin de contrat, celui-ci ayant pris fin en raison de la faute grave du capitaine, cette indemnité est uniquement due pour la période du 29 mars au 1er juillet 2013 ; que dès lors que la faute grave justifiant la rupture anticipée est intervenue au cours de renouvellement du contrat, c'est à dire après le 2 juillet 2013, aucune indemnité de fin de contrat n'est due pour cette période ; que s'agissant de l'indemnité compensatrice de congés payés, elle doit être calculée pour la période du 29 mars au 5 août 2013, jour de la rupture ; que le montant total de l'indemnité de congés payés ne peut être supérieur à 1834 euros ; qu'une somme de 1419 euros a déjà été versée de sorte que seul un complément de 415 euros doit être réglé à Monsieur [K] ; que concernant l'indemnité de travail dissimulé, il n'y avait aucune obligation de déclarer Monsieur [K] auprès des organismes sociaux français tels que l'Enim ; que Monsieur [K] avait en outre la possibilité de souscrire à une couverture sociale en France ; qu'il n'a jamais manifesté sa volonté d'être affilié aux régimes sociaux français et n'a à aucun moment, contesté le régime d'assurance que son employeur a souscrit pour son compte ; qu'à titre subsidiaire, il n'est pas démontré qu'elle se serait soustrait intentionnellement à la déclaration d'embauche ; qu'au contraire, elle a souscrit une assurance privée en conformité avec la réglementation des Îles Caïmans et afin d'éviter un doublon de la protection sociale ; que les revenus du capitaine ont été déclarés auprès de la direction générale des finances publiques.



Par dernières conclusions en date du 22 décembre 2017, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Monsieur [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

1) déclaré recevables ses demandes,

2) dit que le loi française était applicable,

3) dit que la procédure de résiliation du contrat de travail était irrégulière,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Sibama à lui payer la somme de 5500 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de la procédure de résiliation du contrat à durée déterminée,

4) dit que la rupture du contrat d'engagement à durée déterminée intervenue à l'initiative de la société Sibama n'est pas justifiée et condamné la société Sibama à payer 36000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée injustifiée du contrat d'engagement maritime,

5) dit qu'il a subi un préjudice moral particulier,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Sibama à lui payer la somme de 33000 euros en réparation du préjudice moral subi,

6) dit que la société Sibama était redevable de l'indemnité de fin de contrat,

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Sibama à lui payer la somme de 6119 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat,

7) condamné la société Sibama à lui payer la somme de 1118,10 euros au titre de l'indemnité de congés payés,

8) condamné la société Sibama à lui payer la somme de 3300 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

9) condamné la société Sibama à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,



En tout état de cause,

- condamner la société Sibama à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.



Monsieur [K] fait valoir :

- sur la recevabilité des demandes formulées à l'encontre de la société Sibama, que le lien avec celle-ci est incontestable ; que la société Campbell Corporate Services Ltd n'est qu'une société de gestion de personnel de bateau qui a été interposée par la société Sibama pour éviter d'avoir à rendre des comptes ; que la société Sibama par l'intermédiaire de son gérant, Monsieur [S], lui donnait des directives ; que l'email du 5 août 2013 mettant fin à son contrat de travail a été régularisé par Monsieur [S] ; que l'immixtion dans la gestion de la société Campbell est démontré par le fait que c'est le gérant de la société Sibama qui gère les embauches en décidant notamment de mettre fin aux engagements maritimes ; que la société Sibama ne verse aucun élément permettant de démontrer l'existence juridique de la société Campbell Corporate Services Ltd qui n'est qu'une société écran ; qu'il lui a été remis un relevé de navigation en date du 5 août 2013 qui comporte l'en tête de la société Campbell mais a été régularisé à [Localité 4] au siège de la société Sibama ; que ce document comprend l'email '[Courriel 3]' , la société Sugema étant une société holding constituée par Monsieur [S] et des membres de sa famille et dont il est le dirigeant ; que cette société détient des parts dans la société Sibama dont Monsieur [S] est le gérant ; que la signature portée sur le relevé de navigation est la même que celle portée sur les statuts de la société Sibama et de la société Sugema ; que l'attestation du 21 octobre 2013 a été signée par Monsieur [S] ;

- sur l'application de la loi française, que la société Sibama ne peut pas invoquer les dispositions de la loi française pour conclure à la compétence du tribunal d'instance de Marseille et ensuite écarter toute référence à cette même loi quand il s'agit d'aborder le fond de l'affaire ; que la seule présence dans le contrat de travail d'une clause prévoyant l'application d'une loi étrangère ne peut le priver de revendiquer l'application des dispositions d'ordre public de la loi qu'il aurait pu invoquer en l'absence d'une telle clause ; que le législateur communautaire suivi par les juridictions françaises a mis en place toute une série de dispositions protectrices du salarié afin d'éviter l'application de lois totalement étrangères au litige ; qu'il a accompli habituellement son travail en France ou depuis la France puisque son contrat prévoit que le port d'embauche est [Localité 5] ; que la société Sibama ne produit aucun justificatif sur le fait que le navire aurait navigué plusieurs jours en Italie ; qu'elle ne produit même pas le livre de bord attestant des mouvements du bateau ; que l'article 8 du règlement du 17 juin 2008 fait référence au pays à partir duquel le salarié a accompli son travail ; que peu importe qu'il ait régularisé le contrat de travail et l'acte annexe puisqu'il ne peut y avoir de renonciation par anticipation du salarié à se prévaloir de la loi qu'il estime applicable ; que ce contrat régularisé en conformité avec les lois des Iles Caïmans autorise la résiliation du contrat sans avoir à donner de motifs en respectant uniquement un préavis de quatorze jours à partir d'une notification écrite ; que cette notification écrite est même écartée dans certains cas ; que la loi française est donc nécessairement plus protectrice que le loi des Iles Caïmans ;

- sur la contestation des conditions de résiliation de son contrat de travail, que cette rupture anticipée a été prononcée dans des conditions irrégulières et est abusive ; qu'il a été averti par un simple email de Monsieur [S] ; que ce dernier se prévaut de sa prétendue inaptitude ; que le code des transports ne prévoyant pas de dispositions particulières concernant la rupture du contrat à durée déterminée à l'initiative de l'employeur, il convient de se référer aux motifs limitativement énumérés par l'article L1243-1 du code de travail ; que la société Sibama devait donc justifier de l'existence d'une faute grave, de la force majeure ou une inaptitude constatée par le médecin du travail ; qu'elle invoque son incapacité à reprendre ses fonctions mais ne se réfère à aucun avis médical ; qu'elle aurait dû faire constater son inaptitude physique et respecter les dispositions des articles L1226-20 et suivants du code du travail pour résilier le contrat de travail ; qu'elle aurait dû envisager son reclassement ; qu'elle ne peut pas invoquer une faute grave puisque le seul grief évoqué dans le mail de résiliation est d'ordre médical ; qu'au contraire, Monsieur [S] loue sa compétence ; qu'il n'y a pas eu d'accord entre les parties pour mettre un terme au contrat de travail ; que le mail du 13 août 2013 dont se prévaut la société Sibama ne démontre pas un tel accord mais le fait qu'il a été contraint de relancer son employeur pour obtenir les sommes qui lui étaient dues ; que le fait de percevoir les indemnités dues suite à la résiliation du contrat ne vaut pas acceptation du bien fondé de cette résiliation; que s'agissant de la prétendue faute grave, aucun des deux motifs à savoir le fait de ne pas avoir entendu le signal d'alarme le 31 juillet 2013 et de s'être électrocuté du fait de sa propre négligence, n'est évoqué dans le mail de résiliation ; que les limites du litige sont fixées par le contenu de la lettre de rupture ; que le mail de résiliation ne fait pas référence aux événements du 31 juillet 2013 ; que, concernant l'incident électrique, le même message ne fait référence qu'aux prétendues conséquences médicales de cet incident ; qu'il fait état de sa grande compétence ; qu'une lettre de référence en date du 21 octobre 2013 a été établi par Monsieur [S] ; que Monsieur [S] est sollicité du 'broker' de l'armateur auprès duquel il avait trouvé un nouveau poste d'intervenir auprès de lui pour lui demander de mettre un terme à la procédure ; que les affirmations de la société Sibama selon lesquelles il n'aurait pas entendu l'alarme incendie et se serait électrocuté du fait de la prise de somnifères sont diffamatoires ; que pour pouvoir produire des photos d'ordonnances et de boîtes de médicaments, la société Sibama a forcément fouillé dans sa cabine pendant son absence ; que ces pièces ne doivent pas être prises en compte ; qu'en tout état de cause, cela ne démontre en aucun cas qu'il aurait pris ces médicaments au moment des faits et ce d'autant plus que l'alarme était en panne au niveau de sa cabine ; qu'il s'agit d'une intrusion intolérable dans sa vie privée ; que s'agissant de son électrocution, les circonstances sont les suivantes : suite au départ de Monsieur [M] [X] qui ne voulait pas cohabiter avec Monsieur [E] et la fin du charter, Monsieur [S] a pris l'initiative de se séparer du mécanicien et d'une partie de l'équipage ; que la capitainerie lui a demandé de déplacer le navire en le changeant de quai ce qui s'avérait compliqué dans la mesure où il n'y avait plus que trois personnes sur le navire ; que Monsieur [S] savait que cette manoeuvre était compliquée dans ces circonstances et également que le tableau électrique n'était pas isolé ; que lorsqu'il a voulu basculer le disjoncteur du tableau central pour le courant du quai, il a été électrocuté et a été projeté au sol ; que, concernant les indemnités réclamées, il est bien fondé à solliciter une indemnité pour irrégularité de la procédure de résiliation puisqu'il aurait dû être convoqué au minimum à un entretien préalable; qu'il aurait dû faire l'objet d'un examen médical pour constater sa prétendue inaptitude ; qu'il a droit à une indemnité correspondant à un mois de salaire soit 5500 euros ; qu'en application des dispositions de l'article L1243-4 du code du travail, il est en droit de réclamer une indemnité compensatrice correspondant à sa rémunération du 15 août 2013 au 2 avril 2014 ; que son contrat de travail prévoyait une rémunération variable de 5500 euros du 1er avril au 31 octobre et de 4500 euros entre le 1er novembre et le 31 mars ; que, s'agissant de l'indemnité pour préjudice moral, la rupture du contrat de travail est intervenue de façon brutale alors qu'il venait de quitter l'hôpital ; que le caractère inattendu et immédiat de la rupture l'a particulièrement affecté et il s'est également retrouvé pénalisé dans son parcours professionnel ; que ce n'est qu'au mois de mai 2014 qu'il a retrouvé un emploi ; que du fait de l'absence de déclaration et de cotisation aux organismes sociaux, il n'a pu percevoir d'allocations chômage ; que sa cabine a été fouillée pendant son absence ce qui constitue une violation de sa vie privée ; qu'il n'est pas à l'origine du départ de Monsieur [X] du bateau ; que le dirigeant de la société Sibama n'a pas hésité à faire pression sur son nouvel employeur pour le contraindre à stopper la procédure; que, concernant l'indemnité de fin de contrat, le code des transports ne prévoyant pas de dispositions particulières, il convient de se référer à l'article L1243-8 du code du travail; que s'agissant de l'indemnité pour travail dissimulé, la société Sibama n'a pas respecté ses obligations déclaratives et de cotisation alors qu'il accomplissait habituellement ses fonctions en France et était en réalité employé par une société française ; que la société Sibama ne fournit aucun justificatif de la prétendue affiliation aux îles Caïmans ; que la souscription à une assurance privée n'est pas équivalente à un régime de protection sociale étatique.



L'ordonnance de clôture date du 8 octobre 2020.




MOTIFS :



Sur la qualité d'employeur de la Sarl Sibama :



En l'état d'un contrat de travail écrit entre Monsieur [K] et la société Campbell corporate services Ltd, dont il n'est pas démontré, au delà de la seule affirmation du salarié, qu'il s'agirait d'une société fictive, contrat qui n'est pas contesté ni dans sa validité ni dans ses effets juridiques, et alors que la Sarl Sibama soutient n'avoir été qu'un simple intermédiaire entre l'employeur et le capitaine, il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de ce qu'il était placé sous l'autorité effective de la Sarl Sibama qui exerçait les prérogatives de l'employeur découlant du lien de subordination.



Alors que l'exécution de ce contrat de travail a duré plusieurs mois et qu'en raison des fonctions exercées de capitaine et des responsabilités y attachées comme définies par le contrat de travail écrit, notamment celles relatives à la maintenance du bateau, à la navigation, à la sécurité et à la gestion de l'équipage, Monsieur [K] a nécessairement reçu régulièrement des ordres et/ou des instructions de la part de son employeur et lui a rendu compte de l'exécution de ses missions, il n'est produit jusqu'à la date du 3 août 2013 où le capitaine a dû quitter le navire pour être hospitalisé, aucun élément de nature à établir que les prérogatives de l'employeur de nature à caractériser un lien de subordination, auraient été effectivement exercées par la Sarl Sibama et non par la société Campbell corporate services ltd.



Le seul élément produit par le salarié émanant de la Sarl Sibama est un courriel du gérant de cette société qui lui a été adressé le 5 août 2013 et qui est rédigé en ces termes :

'Monsieur,

Faisant suite à l'incident au cours duquel vous avez été obligé d'aller à l'hôpital le 04/08/13, nous avons bien noté l'évolution de vos soins.

Cependant compte tenu du choc que vous avez subi vous n'êtes pas en état dans votre intérêt personnel que dans l'intérêt du bateau d'assumer le commandement du navire Antinea.

En conséquence :

- veuillez vous organiser pour que l'on vienne vous chercher et que vous puissiez aller vous reposer,

- vous verrez les comptes avec [R] de la caisse et vous lui remettrez la carte bleue,

- vous donnerez à [R] les papiers du jet ski de location et la photocopie de celui de M.[S].

- selon sa connaissance vous lui fournirez une information pour vider les eaux noire et les eaux grises,

Vous lui donnerez le nom et les références de l'agence ainsi que son téléphone qui a fourni l'équipage, premier mécanicien je crois,

- vous lui donnerez le dossier concernant la machine à laver la vaisselle avec trois mots d'explications,

- vous lui résumerez les travaux qui sont à terminer chez Mys.

Vous quitterez donc le bord ce jour 05/08/13.

Vous serez réglé de votre préavis.

Nous resterons en contact pour après la saison au mois d'octobre nous occuper ensemble des travaux puisque vous êtes, je l'ai constaté, compétent.

Je me débrouille de vous faire remplacer jusqu'à cette date.

Vous souhaitant un bon rétablissement.

Cordialement

G.[S]'



Nonobstant l'emploi du terme de préavis, il ne ressort pas des termes de ce courriel que la Sarl Sibama ait entendu rompre le contrat de travail de Monsieur [K] à qui il propose d'exécuter des travaux dès le mois d'octobre et de le remplacer à bord jusqu'à cette date du fait de son indisponibilité. Le contenu de ce courriel qui est compatible avec la gestion en qualité de simple intermédiaire de l'employeur, telle que revendiquée par la Sarl Sibama, est insuffisant à établir que l'employeur de Monsieur [K] serait de fait la Sarl Sibama en dépit de l'existence d'un contrat de travail écrit le liant à une autre société, voire même une situation de co-emploi.



Faute pour Monsieur [K] de démontrer la qualité d'employeur de la Sarl Sibama, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de déclarer son action à l'encontre de cette société, irrecevable.



Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre de la rupture de l'affrètement:



La Sarl Sibama qui ne démontre pas que Monsieur [X] aurait rompu l'affrètement car il n'avait plus confiance en Monsieur [K], sera débouté de cette demande, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.



Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour préjudice d'image :



La Sarl Sibama qui ne justifie ni de l'existence ni de l'étendue de son préjudice sera déboutée de sa demande, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.









Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour préjudice moral :



La Sarl Sibama qui ne justifie ni de l'existence ni de l'étendue de son préjudice sera déboutée de sa demande.



Sur les frais irrépétibles:



En considération de l'équité, il y a lieu d'allouer à la Sarl Sibamala somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.



Sur les dépens:



Monsieur [K] , qui succombe, supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.





PAR CES MOTIFS:



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:



Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la Sarl Sibama de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la rupture de l'affrètement du navire et pour préjudice d'image,



Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,



Déclare l'action de Monsieur [O] [K] à l'encontre de la Sarl Sibama irrecevable,



Déboute la Sarl Sibama de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,



Condamne Monsieur [O] [K] à payer à la Sarl Sibama la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Monsieur [O] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.



LE GREFFIERLA PRESIDENTE

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