16 décembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-86.768

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:CR02613

Texte de la décision

N° F 19-86.768 F-D

N° 2613


SM12
16 DÉCEMBRE 2020


CASSATION PARTIELLE


M. SOULARD président,






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 DÉCEMBRE 2020



Mme U... S... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Papeete, chambre correctionnelle, en date du 22 août 2019, qui, pour dégradations ou détériorations d'un bien appartenant à autrui et vol aggravé, l'a condamnée à trois mois d'emprisonnement avec sursis, à 20 000 FCFP d'amende, a rejeté sa requête en non inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire, et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de Mme U... S..., et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président Mme Barbé, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Poursuivie des chefs susvisés, Mme U... S... a été condamnée par le tribunal correctionnel de Papeete, statuant à juge unique, à trois mois d'emprisonnement avec sursis, à 20 000 FCFP d'amende, le tribunal prononçant en outre sur les intérêts civils.

3. Le 23 avril 2019, elle a interjeté appel de cette décision, à titre principal, et le ministère public, à titre incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué sur l'action publique et civile, d'avoir été rendu par une juridiction irrégulièrement composée, d'avoir déclaré irrecevable la demande de dispense d'inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire prétendument présentée pour la première fois en cause d'appel et d'avoir confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré, alors :

« 1°/ que la chambre des appels correctionnels est composée d'un président de chambre et de deux conseillers ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la cour d'appel, prononçant sur l'appel d'un jugement correctionnel, était seulement composée de Mme Valko, présidente, « lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui était irrégulièrement composée, a violé les articles 510, 591, 592 et 804 du code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable, les articles L. 312-2, L. 552-10 et L. 552-12 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 112-2 du code pénal ;

2°/ que, en tout état de cause, ni le tribunal correctionnel ni la chambre des appels correctionnels ne peuvent siéger à juge unique si le prévenu est poursuivi pour un délit qui n'est pas énuméré par l'article 398-1 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, Mme S... était notamment poursuivie pour des faits qualifiés de vol en pénétrant par escalade dans un local d'habitation, délit prévu et réprimé par l'article 311-5 3° du code pénal ; que cette qualification ne relève pas des dispositions de l'article 398-1 du code de procédure pénale, ce dont il s'infère que ce délit ne pouvait relever d'une procédure à juge unique, y compris en appel ; que l'arrêt attaqué mentionne que la cour d'appel était seulement composée de Mme Valko, présidente, « lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui était irrégulièrement composée, a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles 398, 398-1, dans sa rédaction applicable, 510, 512, 591, 592, 804 et 837 du code de procédure pénale, ensemble les articles L. 312-2, L. 552-10 et L. 552-12 du code de l'organisation judiciaire et l'article 311-5 du code pénal ;

3°/ que, en toute hypothèse, il résulte de l'article D. 45-23 du code de procédure pénale que si l'acte d'appel ne mentionne pas le droit de l'appelant de demander que l'appel soit examiné par une formation collégiale, le président de la chambre des appels correctionnels, doit, en début d'audience, informer la partie appelante de ce droit ; qu'en l'espèce, l'acte d'appel de Mme S... ne mentionne pas ce droit ; qu'il revenait en conséquence à la présidente de la chambre des appels correctionnels d'informer la partie appelante, en début d'audience, du droit d'être jugée par une formation collégiale ; que ni l'arrêt attaqué ni les pièces de la procédure ne mentionnent que la présidente aurait procédé à ladite information, ni même aurait été empêchée de la délivrer ; que ce manquement a nécessairement causé grief à la prévenue ; qu'en statuant ainsi, sans informer la partie appelante dès le début d'audience de son droit d'être jugée par une formation collégiale, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, ensemble les articles 510, 591, 804 et D. 45-23 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

5. Les dispositions de l'article 510 du code de procédure pénale, issues de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019, sont applicables à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur au 1er juin 2019, s'agissant de dispositions fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure.

6. Il en résulte que lorsque le jugement attaqué a été rendu selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 398 ou selon celles prévues au troisième alinéa de l'article 464, la chambre des appels correctionnels est composée d'un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs confiés au président de chambre, sauf si l'appelant demande expressément que l'affaire soit examinée par une formation collégiale.

7. Si les faits qualifiés de vol par escalade dans un local d'habitation ne font pas partie des délits énumérés à l'article 398-1 du code de procédure pénale, la demanderesse, qui était assistée d'un avocat et qui n'a pas soulevé l'incompétence du tribunal correctionnel statuant à juge unique, ne saurait faire grief à la juridiction d'appel d'avoir statué à juge unique conformément aux dispositions de l'article 510, deuxième alinéa.

8. L'article D. 45-23 du code de procédure pénale précise que le président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel doit, en début d'audience, informer la partie appelante de son droit de demander le renvoi de l'affaire à une formation collégiale, lorsque celle-ci n'a pu en être informée dans le formulaire de la déclaration d'appel.

9. Cependant, la demanderesse ne saurait également se faire un grief de ce qu'elle n'a pas reçu cette information, dès lors qu'elle était assistée de son avocat à l'audience du 22 août 2019.

10. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de dispense d'inscription au bulletin numéro deux du casier judiciaire prétendument présentée pour la première fois en cause d'appel et d'avoir confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, alors :

« 1°) que le prévenu peut présenter une demande de dispense d'inscription au bulletin numéro deux du casier judiciaire pour la première fois en cause d'appel ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de Mme S... et confirmer le jugement entrepris, la cour d'appel a violé les articles 509, 512, 515, 775-1, 804, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°) que l'exception tirée de l'irrecevabilité en cause d'appel d'une demande nouvelle ne tient pas à l'ordre public et ne peut être soulevée d'office par les juges d'appel ; qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt ni d'aucune des pièces de la procédure que l'irrecevabilité de la demande de Mme S... de dispense d'inscription au bulletin numéro deux du casier judiciaire ait été invoquée par les parties civiles ou par le ministère public ; qu'en soulevant d'office ce moyen, pour déclarer irrecevable la demande de dispense de Mme S... et confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, la cour d'appel a violé les articles 509, 512, 515, 775-1, 804, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°) que, conformément à l'article préliminaire du code de procédure pénale et à l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le juge qui relève d'office un moyen de droit ou de fait doit, au préalable, inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de dispense de Mme S..., sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé les textes précités, ensemble les articles 427, 509, 512, 804, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

4°) que, en tout état de cause, il ressort des notes d'audience de première instance que M. L..., avocat de Mme S..., entendu en sa plaidoirie, a demandé une « exclusion du B2 afin de ne pas perdre son travail » ; que, contrairement aux affirmations de l'arrêt, il en résultait que Mme S... avait présenté une demande de dispense d'inscription au bulletin numéro deux du casier judiciaire dès la première instance ; qu'elle s'était bornée à formuler la même demande en appel, qui n'était donc pas nouvelle ; qu'en jugeant le contraire, pour déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de dispense présentée par la prévenue, la cour d'appel a violé les articles 509, 512, 775-1, 804, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 775-1 du code de procédure pénale :

12. Il se déduit de cet article que la demande d'exclusion du bulletin n°2 du casier judiciaire de la mention de la condamnation prononcée par un tribunal correctionnel peut être présentée pour la première fois lors de l'examen de l'appel du requérant.

13. Pour rejeter la requête en non inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire, l'arrêt attaqué retient qu'une telle demande est irrecevable comme présentée pour la première fois en cause d'appel.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe sus-énoncé.

15. La cassation est en conséquence encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Papeete, en date du 22 août 2019, mais en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable la non-inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Papeete et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize décembre deux mille vingt.

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