19 novembre 2008
Cour de cassation
Pourvoi n° 07-15.705

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2008:C301140

Titres et sommaires

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Protocole additionnel n° 1 - Article 1 - Protection de la propriété - Violation - Cas - Rejet d'une demande de rétrocession sans avoir préalablement recherché si les expropriés n'avaient pas subi une charge excessive du fait de l'expropriation

Une cour d'appel ne peut, sans violer l'article 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, débouter des expropriés de leur demande de rétrocession au motif qu'il existe une nouvelle déclaration d'utilité publique portant sur une opération comprenant la parcelle en cause, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les expropriés n'avaient pas été indûment privés d'une plus-value engendrée par le bien exproprié et n'avaient pas, en conséquence, subi une charge excessive du fait de l'expropriation

Texte de la décision

CIV.3
EXPROPRIATION
C.F



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 novembre 2008




Cassation


M. WEBER, président



Arrêt n° 1140 FS-P+B

Pourvoi n° R 07-15.705







R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. [I] [X], domicilié 86 A rue du Général Ailleret, 97430 Le Tampon,

2°/ M. [D] [X], domicilié 48 chemin Isautier, 97430 La Tampon,

3°/ M. [B] [X], domicilié 204 chemin Boissy Bérive, 97410 Saint-Pierre,

4°/ M. [J] [X], domicilié 4 rue Général Ailleret, 97430 Le Tampon,

5°/ Mme [L] [E] [X], domiciliée 77 rue du Général Ailleret, 97430 Le Tampon,

6°/ M. [T] [A] [X], domicilié 17 rue chemin Fargeau, Trois mares, 97430 Le Tampon,

contre l'arrêt rendu le 23 février 2007 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la commune du Tampon, prise en la personne de son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville, rue Hubert Delisle, 97430 Le Tampon,

2°/ à M. [O] [X], domicilié 77 bis Route nationale 3, 97430 Le Tampon,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 21 octobre 2008, où étaient présents : M. Weber, président, Mme Vérité, conseiller référendaire rapporteur, M. Cachelot, Mmes Lardet, Gabet, Renard-Payen, MM. Rouzet, Mas, Pronier, conseillers, Mme Nési, M. Jacques, Mme Abgrall, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mme Jacomy, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vérité, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delvolvé, avocat des consorts [X], de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la commune du Tampon, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 23 février 2007), que le préfet du département de la Réunion a, par arrêté du 16 juin 1989 modifié le 29 juin 1989, déclaré d'utilité publique l'acquisition par la commune du Tampon, d'un terrain appartenant à M. [X] aux droits desquels sont venus les consorts [X], ce terrain ayant fait l'objet d'une ordonnance d'expropriation le 2 février 1990 ; qu'un nouvel arrêté de déclaration d'utilité publique a été pris le 7 août 1998 et que le 12 décembre 2003 les consorts [X] ont assigné la commune du Tampon en rétrocession du terrain ;

Attendu que pour débouter les expropriés de cette demande, l'arrêt retient qu'il n'existait au profit des propriétaires expropriés aucun droit acquis à la rétrocession du seul fait de l'expiration du délai de cinq ans de l'ordonnance d'expropriation et de la constatation de ce qu'à l'issue de cette période aucun aménagement conforme à l'affectation prévue n'avait été réalisé sur la parcelle en cause, que la seule existence d'une nouvelle déclaration d'utilité publique en cours de validité, portant sur une opération ainsi déclarée d'utilité publique quel que soit son objet ou son bénéficiaire et comprenant la parcelle en cause suffisait à interdire qu'il soit fait droit à la rétrocession sollicitée, et que dès lors la question du rapport raisonnable de proportionnalité entre le but recherché et les moyens mis en oeuvre et de l'équilibre à ménager entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs des droits fondamentaux était sans incidence ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les consorts [X] n'avaient pas été indûment privés d'une plus value engendrée par le bien exproprié, et n'avaient pas, en conséquence, subi une charge excessive du fait de l'expropriation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;

Condamne la commune du Tampon aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la commune du Tampon, la condamne à payer aux consorts [I], [D], [B], [J], [T] [A] et [U] [X] la somme de 2 500 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille huit.

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