4 octobre 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/22188

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 1 - Chambre 2





ARRET DU 04 OCTOBRE 2018





(n°455, 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22188





Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Septembre 2017 - Président du TGI de Paris - RG n° 17/57161





APPELANT





Monsieur Alain X...


[...]


[...]


né le [...] à PARTHENAY (79)





Représenté et assisté par Me Jean-Paul Y... de l'AARPI Z... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0794





INTIMEE





LA VILLE DE PARIS prise en la personne de Madame la Maire de PARIS , Madame Anne A...


[...]


[...]





Représentée et assistée par Me Bruno C... ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079





COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère, chargée du rapport.





Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :


M. Bernard CHEVALIER, Président


Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère


Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre





Qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU





ARRÊT :





- CONTRADICTOIRE


- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.


- signé par Bernard CHEVALIER, Président et par Aymeric PINTIAU, Greffier.








Par acte du 22 juin 2017, la Ville de Paris, qui reproche à M. X... la location saisonnière prohibée de l'appartement situé au quatrième étage, porte droite du [...] de 2012 à 2016, l'a fait assigner devant le président du tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance en la forme des référés contradictoire rendue le18 septembre 2017, a:


- Constaté que M. X... a enfreint les dispositions de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation au titre de ce bien ;


- Condamné M. X... au paiement d'un amende civile de 20 000 euros pour cette infraction ;


- Condamné M. X... à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;


- Rejeté le surplus des demandes.





M. X... a fait appel de cette ordonnance par déclaration en date du 4 décembre 2017 et demande à la cour , par conclusions communiquées par voie électronique le 23 février 2018, de:


- L'infirmer des chefs de l'amende et de l'indemnité de procédure;


Statuant à nouveau,


À titre liminaire :


- De dire la Ville de Paris irrecevable en ses demandes pour défaut de droit d'agir, Subsidiairement,


- La débouter de ses demandes,


- Le dispenser de peine ou à tout le moins réduire l'amende prononcée à de plus justes proportions et condamner la Ville de Paris à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 euros ainsi qu'aux dépens dont distraction.





M. X... soutient que :


- Les dispositions de l'article 59 de la loi du 18 novembre 2016 modifiant l'article L 651-2 ne sont pas de procédure mais de fond, et ne sont donc pas d'application immédiate à des faits qui lui sont antérieurs,


- Les dispositions du dernier alinéa de l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation qui font de la location saisonnière , qu'elles définissent, un changement d'usage et qui résultent de la réforme dite loi Alur du 24 mars 2014 ne s'appliquent qu' à compter de l'entrée en vigueur de celle-ci et, en tout état de cause, les pièces communiquées aux débats par la Ville de Paris ne démontrent pas l'usage des lieux au 1er janvier 1970,


- Sa bonne foi est parfaite eu égard, d'une part, à la complexité de la législation alors peu médiatisée et à l'impossibilité d'identifier l'usage d'habitation d'un bien pour le propriétaire à qui l'accès à la révision foncière de 1970 est refusé, d'autre part à la cessation immédiate de l'infraction dès réception du courrier de la mairie du 17 juin 2016, enfin, à sa coopération sans faille avec la Ville de Paris depuis l'origine dont elle se sert aujourd'hui pour établir les faits alors même qu'elle avait sollicité cette coopération sous peine de poursuite,


-L'amende prononcée en première instance est disproportionnée à sa situation, vu l'état des recettes et charges de l'acquisition du bien et de sa location, établi par son expert comptable et versé aux débats, qui met en évidence le caractère irréaliste des profits retenus par la Ville de Paris qui confond chiffre d'affaires et bénéfices.





La Ville de Paris, par conclusions transmises par voie électronique le 22 mars 2018, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, débouter M. X... de ses demandes et de le condamner à une indemnité de procédure de 1.500 euros et aux dépens dont distraction.








La Ville de Paris soutient que :


- Elle a assigné M. X... après l'entrée en vigueur des dispositions de procédure en examen, issues de la loi du 18 novembre 2016,


- Les locations de courte durée n'étaient pas considérées comme de l'habitation même avant la réforme Alur ,


- M. X... a reconnu les locations saisonnières du bien dont il a indiqué qu'il constituait sa résidence secondaire, la déclaration H2 qui fait état d'un usage d'habitation est rattachée à l'appartement puisque le code d'identification correspond à celui du relevé de propriété, la déclaration R démontre que seul un des appartements du 4e étage n'apparaît pas comme ayant l'usage d'habitation et rien ne prouve qu'il s'agit de celui de M. X... ,


- La dispense de peine ne peut s'appliquer aux amendes civiles, il est de notoriété publique que les locations touristiques de courtes durées sont interdites par la loi et l'amende est justifiée par les gains des locations illégales sur 5 années, qui peuvent être estimés à 216 000 euros, peu important que M. X... ait collaboré avec ses services ou ait prétendument subi des pertes liées à son crédit immobilier.





La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.





SUR CE LA COUR





L'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation modifié par la loi du 24 mars 2014 dispose :





« La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.





Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L 632-1.





Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.





Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.





Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.






Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article ».








Par ailleurs l'article L 651-2 du code de la construction et de l'habitation modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 prévoit que :





« Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 € par local irrégulièrement transformé.





Cette amende est prononcée par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat sur conclusions du ministère public, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l'amende est entièrement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal de grande instance compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.





Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l'Agence nationale de l'habitat, le président ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1.000 € par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé. »





Il est constant que les dispositions ce dernier texte, en ce qu'elles se bornent à définir le déroulement de la procédure en particulier quant à la personne ayant qualité à agir, qui est désormais la commune concernée, en lieu et place du ministère public, est une loi de procédure, d'application immédiate.





La fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la Ville de Paris, qui a assigné M. X... à la présente instance le 22 juin 2017, soit postérieurement au 20 novembre 2016, date d'entrée en vigueur des dispositions en cause, doit donc être rejetée.





Au soutien de sa demande de sanction de M. X... au visa des textes précités, la Ville de Paris soutient que son bien en examen était affecté à l'usage d'habitation le 1er janvier 1970 et produit pour en justifier copies de fiches de révisions foncières soit une déclaration R (pièce 4) , et une déclaration H2, ainsi qu'un document intitulé 'appartement' au nom de M. X... et d'un relevé de propriété (pièce 7) .





Toutefois, la Ville de Paris ne s'explique pas sur ce qui permet de rattacher cette déclaration R au bien de M. X... en cause, se bornant à exposer, sans plus d'explication, qu'un seul des appartements du quatrième étage de l'immeuble 'n'apparaît pas être affecté à un usage d'habitation et rien ne prouve qu'il s'agisse de celui en cause' alors même qu'elle supporte la charge de la preuve, même libre.





En outre, les rubriques de la déclaration H2 relative à l'identification des bâtiment, étage, porte de l'immeuble litigieux et à la date de la déclaration, ne sont pas renseignées. Enfin, cette déclaration H2 porte la mention, à la rubrique réservée à l'administration d'un lot n° 8 tandis que figurent sur le relevé de propriété les numéros de lot 39 et 41.





Enfin, la preuve d'un usage d'habitation postérieur au 1er janvier 1970, telle que celle qui résulte de l'attestation de vente de l'appartement de M. X... du 23 janvier 2017, est inopérante.





En conséquence et à supposer même que la similitude des numéros d'identification de la déclaration H2 et du document intitulé 'appartement' , soit 010401001, suffisent à établir qu'elle concerne bien celui en examen, l'affectation de ce bien à l'usage d'habitation au 1er janvier 1970, contestée, n'est pas établie par la Ville de Paris, qui n'est donc pas fondée à invoquer un changement d'usage illite au sens des textes précités.





L'ordonnance entreprise doit donc être infirmée en toutes ses dispositions.





Conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, la Ville de Paris, partie perdante, doit supporter la charge des dépens de première instance et d'appel sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure et l'équité commande de la condamner à payer à M. X... une telle indemnité dans les termes du dispositif de la présente décision.





PAR CES MOTIFS





Rejette la fin de non recevoir soulevée par M. X...;





Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;





Statuant à nouveau et y ajoutant,





Déboute la Ville de Paris de ses demandes;





Condamne la Ville de Paris aux dépens de première instance et d'appel distraits conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à M. X... une indemnité de procédure de 1.500 euros.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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