25 octobre 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/07288

Pôle 6 - Chambre 5

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 25 Octobre 2018

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/07288 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3LV5



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° F 13/00073



APPELANTE



Mme X... Y...

née le [...] à SAINT LOUIS LA REUNION (97)

demeurant au [...]

comparante en personne, assistée de Me Sara Z..., avocate au barreau de MELUN





INTIMÉE



CPAM DE L'ESSONNE

sise Boulevard François Mitterand

[...]

représentée par Me Marc A..., avocat au barreau de PARIS, toque : R271 substitué par Me Adeline B..., avocate au barreau de PARIS, toque : R0271



INTIMÉE



Organisme DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE DES SPORTS ET DE LA COHESION SOCIALE D'ILE DE FRANCE

sis [...]

non comparant, ni représenté



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

X...-Bernard BRETON, Présidente de chambre

Stéphane MEYER, Conseiller

Isabelle MONTAGNE, Conseillère

qui en ont délibéré





Greffière : Clémentine VANHEE, lors des débats





ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par X...-Bernard BRETON, Présidente de chambre et par Clémentine VANHEE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.


EXPOSÉ DU LITIGE :



X... Y... a été engagée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne selon contrat de travail à durée indéterminée du 28 juin 1977 en qualité d'employée au classement , tri ou écritures, à compter du 4 juillet suivant ; elle a occupé plusieurs fonctions et notamment à compter du 1er juin 2001, celle d'hôtesse d'accueil aux Ulis.



La relation de travail est régie par la convention collective des employés et cadres de la sécurité sociale du 8 février 1957.



En dernier état la moyenne mensuelle de sa rémunération s'élevait à 2 316, 13 euros.



Licenciée pour faute grave par lettre notifiée le 16 janvier 2013, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry le 24 janvier 2013 pour faire juger que le licenciement est nul et obtenir sa réintégration, réclamant diverses sommes au titre tant de la rupture que de l'exécution du contrat de travail ;



Par jugement du 17 avril 2014 le conseil de prud'hommes d'Evry a condamné la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne à payer à X... Y... les sommes suivantes :



- 3 088, 17 euros à titre de rappel de salaire avec les congés payés y afférents

- 6 948, 39 euros à titre d' indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés y afférents

- 42 261, 15 euros à titre d' indemnité de licenciement

- 1 001, 99 euros à titre de remboursement de frais de voyage

- 1 000, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en la déboutant du surplus de ses demandes et en condamnant la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne aux dépens.



X... Y... a relevé appel de ce jugement.




Par conclusions du 27 septembre 2018 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause, des prétentions et des moyens des parties reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, l'appelante demande à la cour de confirmer le jugement en ses dispositions portant condamnations de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne mais de le réformer pour le surplus et de condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne à lui payer les sommes suivantes :



- 250 000, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 30 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral

- 4 000, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en condamnant la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne aux dépens.



Elle demande également à la cour de prononcer la nullité du blâme qui lui a été notifié le 4 janvier 2011 et de condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne à lui payer 1 000, 00 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui lui a été ainsi occasionné.



Au soutien elle expose que de 2008 à 2012 elle a exercé ses fonctions dans des conditions stressantes et humiliantes : trop de clients en attente alors qu'elle se trouvait seule à devoir traiter leurs demandes - matériel insuffisant - dégradations des conditions matérielles de travail - accès interdit à son ordinateur ;



s'agissant du licenciement elle expose que les griefs qui sont développés pour fonder la mesure sont couverts par la prescription prévue par l'article L. 1332-4 du code du travail ou ne sont pas établis.



Par conclusions du 27 septembre 2018 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause, des prétentions et des moyens des parties reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne demande à la cour de débouter X... Y... de ses demandes et de la condamner à lui payer 4 000, 00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Elle expose que le licenciement de la salariée repose sur un comportement d'insubordination et conflictuel récurent établi, annoncé par une première procédure disciplinaire et caractérisé par des agressions verbales répétées et un refus de se soumettre aux décisions de sa hiérarchie.




SUR QUOI



LA COUR



sur la demande de nullité du blâme notifié le 4 janvier 2011,



la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne soulève l'irrecevabilité de cette demande nouvelle devant la cour d'appel ;



Il résulte des dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail , dans sa version applicable au litige, que toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seules instance ; la demande de nullité du blâme notifié le 4 janvier 2011 à X... Y... est donc recevable.



Par lettre du 4 janvier 2011 l'employeur a prononcé un blâme à l'encontre de la salariée motivé par le refus de cette dernière d'exécuter la mission qui lui était demandée et d'avoir réagi très violemment contre l'injonction de la responsable adjointe du centre des Ulis ; sans contester la matérialité des faits qui lui étaient reprochés X... Y... prétend qu'elle se trouvait à cette époque sous le régime d'un travail à mi temps thérapeutique ;



S'il ressort de l'avis d'arrêt de travail versé au débat par X... Y... qu'elle a repris son activité à temps partiel à compter du 1er octobre 2010 pendant 1 mois, aucun élément ne démontre que cette situation médicale l'empêchait d'accomplir le service qui lui était demandé le 28 octobre 2010 ;



dans ces conditions, la demande de nullité de la sanction est mal fondée et doit être rejetée ainsi que la demande de dommages et intérêts afférente.



Sur l'existence d'un harcèlement moral,



il résulte des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



X... Y... invoque une surcharge de travail et une désorganisation du service dont elle était en charge, la non prise en considération de ses doléances, la non prise en compte de la perte de ses clefs, la dégradation de ses conditions matérielles de travail, le déficit de formation et fait état des difficultés de santé qu'elle a rencontrées à partir de juillet 2010 ; elle verse au débat des messages adressés à sa hiérarchie en février 2008, des attestations faisant état de son engagement professionnel et de son dévouement, des arrêts de travail pour déstabilisation en rapport avec l'ALD ;



l'ensemble de ces éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il convient de rechercher si la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne démontre que ses décisions à l'égard de X... Y... sont fondées sur des éléments objectifs et étrangères à tout harcèlement.



S'agissant des doléances de X... Y... quant à la surcharge de travail en 2008, les listes de clients en attente ne constituent pas un élément de preuve de la mauvaise organisation du travail et les commentaires de la salariée dans son évaluation ne comportent aucune mention relative à une telle surcharge, la salariée se déclarant au contraire satisfaite de l'évolution favorable de ses conditions de travail dans son rapport d'évaluation de 2009.



Concernant la dégradations de ses conditions de travail la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne justifie avoir demandé à la salariée de changer de bureau, ce qu'elle a accepté, en raison de la nécessité d'aménager un poste de travail pour un agent victime d'un accident du travail, et justifie également de la prise en compte de la requête de X... Y... s'agissant de l'emplacement de son imprimante ;



Concernant les difficultés de santé de X... Y... la cour relève qu'antérieurement aux événements du 6 décembre 2012 X... Y... a bénéficié d'un arrêt de travail le 7 juillet 2010 pour déstabilisation en rapport avec l' ALD, le praticien déclarant qu'il était souhaitable de la faire bénéficier d'un arrêt de travail pour lui permettre de décompresser ; cet arrêt de travail a été prolongé jusqu'au 20 juillet suivant et suivi d'un nouvel arrêt de travail le 20 septembre 2010 avec reprise à temps partiel pendant 1 mois le 1er octobre 2010 ; ces documents médicaux ne font mention d'une souffrance au travail qu'en la qualifiant de 'ressenti' de la patiente, sans apporter aucun élément permettant d'établir un lien entre les difficultés de santé présentées par X... Y... et une situation de harcèlement dans son milieu de travail ;



postérieurement au 6 décembre 2012, les documents médicaux mentionnent un 'syndrome anxieux - harcèlement moral' sans que le praticien n'apporte à cette indication aucune démonstration pertinente et objective, relevant de son domaine d'expertise, d'un lien entre ses constations médicales et une situation de harcèlement ;



D'où il suit que le harcèlement moral invoqué par X... Y... ne se trouve pas établi par les éléments du dossier et que les demandes présentées par X... Y... tendant à obtenir des dommages et intérêts et la nullité du licenciement doivent être rejetées.





Sur la rupture du contrat de travail,



Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement, que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.



L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve alors même que l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, et le doute profite au salarié.



Aux termes de la lettre de licenciement notifiée à X... Y... le 16 janvier 2013 il est reproché à la salariée d'avoir adopté un comportement d'insubordination caractérisé par des rapport conflictuels avec sa hiérarchie et plus particulièrement le refus de rejoindre le poste d'affectation qui lui était fixé le 6 décembre 2012 ;



il y a lieu de relever que les faits visés dans la lettre de licenciement datent de moins de 2 mois avant la procédure de licenciement, la référence aux années passées s'inscrivant dans le contexte de récurrence invoqué par l'employeur sans constituer un motif de licenciement ;



en ce qui concerne le comportement conflictuel reproché à X... Y... il ressort du rapport dressé le 12 décembre 2012 par madame C..., responsable adjointe du centre dans lequel la salariée exerçait son activité, que le 4 décembre 2012 X... Y..., arrivée en retard, a pris à parti à plusieurs reprises une de ses collègues de travail de manière agressive ; les attestions de mesdames D... et X..., collègues de travail de X... Y... indiquent que le comportement d'opposition permanente et d'intolérance manifesté par leur collègue était devenu insupportable.



S'agissant des faits qui se sont déroulés le 6 décembre 2012, il ressort de l'attestation de madame C... que la consigne a été donnée le 4 décembre 2012 à X... Y... de rejoindre son poste de travail au centre de Massy le 6 décembre suivant et que la salariée a déclaré qu'elle ne s'y rendrait pas ; il est démontré par ce qui précède que la clause de mobilité qui autorise l'employeur à procéder à cette affectation a été mise en oeuvre pour parer aux difficultés d'ordre relationnel entre X... Y... et ses collègues de travail, élément objectif qui trouve son origine dans l'attitude adoptée par la salariée ;



Il est démontré par les attestations versées au débat par X... Y... elle-même qu'elle a refusé cette consigne de travail en se maintenant à son poste au centre des Ulis ;

les perturbations du service décrites pas les témoins, clients de la caisse s'étant présentés à l'accueil du centre des Ulis le 6 décembre, trouvant leur origine dans le refus de la salariée de respecter la consigne de mobilité que lui avait donnée sa hiérarchie et ne peut être analysée, contrairement à ce qu'allègue X... Y..., comme les manifestations de brimades de la part de son employeur ;



l'insubordination qui lui est reprochée est ainsi démontrée ; dans la mesure où cette insubordination fait suite à un comportement d'opposition à sa hiérarchie manifestée antérieurement par X... Y... de manière récurrente, la réitération d'un comportement sur lequel l'employeur avait attiré son attention à plusieurs reprises et sur lequel la salariée a affiché son intention de ne pas revenir rend nécessaire la rupture immédiate et sans préavis du contrat de travail ;



la faute grave se trouvant ainsi établie les demandes de X... Y... afférentes à la rupture du contrat de travail doivent être rejetées ; le jugement sera réformé de ce chef.



Sur la demande de remboursement des frais de voyage,



cette demande fondée sur l'annulation d'un voyage par X... Y... qui n'apporte pas d'élément permettant de retenir que cette décision trouve son origine dans un comportement fautif de son employeur doit être rejetée ; le jugement sera réformé de ce chef.



Sur la demande reconventionnelle en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



des considérations d'équité conduisent la cour à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, X... Y... devant supporter les dépens de première instance et d'appel.



PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,



REFORME le jugement en toutes ses dispositions,



statuant de nouveau :



DECLARE recevable la demande d'annulation du blâme,



F... X... Y... de toutes ses demandes à l'encontre de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne,



E... X... Y... aux dépens de première instance et d'appel,



REJETTE la demande reconventionnelle en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.







LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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