26 octobre 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/00611

Pôle 4 - Chambre 1

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2018



(n° 18/332 , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00611 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2LOU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 14/05720





APPELANTE



Madame [Z] [M]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée et assistée de Me Henri GERPHAGNON, avocat au barreau de MEAUX, toque : D3479





INTIME



COMMUNE DE MONTEVRAIN

Siège social : [Adresse 2]

[Localité 2]



Représenté par Me Alain SEGERS, du cabinet FIDAL avocat au barreau de MEAUX, toque : 18, avocat postulant

Substitué à l'audience par Me Mylène BERNARDON, du cabinet FIDAL, avocat au barreau de MEAUX, même toque





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Claude CRETON, Président

Mme Christine BARBEROT, Conseillère

M. Dominique GILLES, Conseiller



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur M. Creton Claude président de la chambre dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Mme Léna ETIENNE









ARRÊT : CONTRADICTOIRE



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par M. Claude CRETON, Président et par Mme Nadia TRIKI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***



FAITS & PROCÉDURE





Mme [M] était propriétaire à [Localité 3] d'un pavillon d'habitation qui a été détruit par un incendie survenu le 18 juin 2006.



Souhaitant procéder à la reconstruction du pavillon, elle a déposé une demande de permis de construire pour un bâtiment identique. Par décision du 7 septembre 2007, la commune a rejeté sa demande au motif que la construction projetée était située dans une zone rouge du plan d'exposition aux risques (PER) dans laquelle toute construction est interdite.



Mme [M] ayant tout de même entrepris la construction projetée, la commune de Montevrain l'a assignée aux fins de voir ordonner sa démolition.



Par jugement du 24 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Meaux a rejeté l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut d'habilitation de la commune à agir en justice, dit n'y avoir lieu à poser une question préjudicielle tenant à la légalité de la décision de refus du permis de construire, ordonné la démolition, sous astreinte, de la construction litigieuse et rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.



Pour écarter l'exception tirée du défaut d'habilitation de la commune, le tribunal a constaté que le 30 mars 2014, le conseil municipal a approuvé un procès-verbal du 27 février 2014 qui a délégué au maire les décisions d'intenter au nom de la commune les actions en justice 'pour tous les contentieux et devant toutes les juridictions'. Il a ajouté qu'en tout état de cause le défaut d'habilitation invoqué par Mme [M] s'analyse en une nullité de fond tenant à un défaut de pouvoir qui aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état.



Le tribunal a ajouté que ni les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ni celles du plan d'occupation des sols, n'avaient pour effet de dispenser Mme [M] de demander un permis de construire. Il a ensuite retenu qu'il n'y avait pas lieu de poser la question préjudicielle de la légalité de la décision de refus de délivrance du permis de construire, cette décision étant devenue définitive.



Enfin, pour écarter toute disproportion entre la mesure de destruction de la construction litigieuse et le droit au respect de la vie privée familiale et du domicile de Mme [M], le tribunal a constaté d'une part que celle-ci, qui se borne à indiquer qu'elle a trois enfants, ne donne aucune explication sur sa situation personnelle, familiale et financière, d'autre part que sa situation résulte de son choix de ne pas contester les trois refus de permis de construire qui lui ont été notifiés et de passer outre en procédant à la reconstruction de sa maison.



Mme [M] a interjeté appel de cette décision.





Elle fait valoir que le contrôle de proportionnalité entre la sanction prononcée et son droit au respect de la vie privée familiale et de son domicile doit s'effectuer au regard de la légalité de la décision de refus du permis de construire, des dispositions du PPRI applicable et de sa situation personnelle.



Elle soutient d'abord qu'à la suite du sinistre qui a détruit sa maison, elle disposait d'un droit à reconstruction à l'identique en application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable aux faits qui dispose que 'la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si (...) le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié'. Elle explique que le PLU applicable à la date des demandes de permis de construire ne prévoyait aucune interdiction de reconstruction à l'identique et que ce n'est que dans une version postérieure, issue de la loi du 12 juillet 2010, que l'article L. 111-3 a été modifié pour prévoir une limitation fondée sur un éventuel plan de prévention des risques naturels prévisibles. Elle en déduit que la décision de refus de délivrance du permis de construire était illégale.



Elle ajoute que, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, l'autorité compétente peut refuser le permis de construire pour reconstruire un bâtiment dont les occupants seraient exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité, notamment lorsque c'est la réalisation d'un tel risque qui a été à l'origine de la destruction du bâtiment. Elle fait valoir que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le pavillon litigieux se trouve dans une zone pavillonaire totalement construite, en bordure de la Marne et n'est située qu'en deuxième rang par rapport à la Marne, de sorte qu'il ne peut être soutenu que l'ensemble des pavillons sont exposés à un risque pour la sécurité des personnes et des biens.



Mme [M] soutient en outre que le plan de prévention des risques prévisibles d'inondation, arrêté par le préfet de Seine-et-Marne le 27 novembre 2009, ne s'oppose pas à une reconstruction à l'identique d'un pavillon existant, la zone rouge dans laquelle se situe le pavillon litigieux interdisant les constructions nouvelles mais non la reconstruction à l'identique après sinistre.



Mme [M] explique enfin que le pavillon litigieux est son domicile et celui de sa famille composée de trois enfants mineurs et qu'elle perçoit le RSA et des allocations familiales, de sorte que la mesure de démolition aurait des conséquences graves sur sa vie privée et familiale.



Elle réclame enfin la condamnation de la commune de Montevrain à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La commune de Montevrain conclut à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de Mme [M] à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle explique que la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est soumise à l'obtention d'un permis de construire et que la décision rejetant la demande de permis de construire est devenue définitive en l'absence de recours dans le délai légal.




SUR CE :



Attendu, d'une part, que l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la reconstruction litigieuse, ne dispense pas la personne désirant procéder à la reconstruction de son bâtiment détruit par un sinistre de solliciter un permis de construire ; que la demande de permis de construire présentée par Mme [M] a été rejeté le 7 septembre 2007 au motif, notamment, que la construction se situait en zone rouge du plan d'exposition aux risques naturels ; qu'en l'absence de recours formé contre cette décision par Mme [M] dans le délai prescrit, cette décision est devenue définitive, de sorte que la commune de Montevrain est fondée à réclamer la démolition de l'ouvrage construit sans autorisation conformément aux dispositions de l'article 480-14 du code de l'urbanisme ;



Attendu que si cette mesure porte atteinte au droit au respect du domicile et de la vie familiale, il n'en résulte aucune disproportion dans la mesure où Mme [M], pour imposer à la commune une construction réalisée illégalement dans une zone inondable présentant des risques pour ses occupants, s'est volontairement placée dans la situation de risquer la démolition ;



Attendu qu'il convient en conséquence d'ordonner la démolition ;



Attendu, enfin, qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;





PAR CES MOTIFS :





Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les différentes demandes ;



Condamne Mme [M] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Pinson Segers Daveau conformément à l'article 699 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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