8 novembre 2018
Cour d'appel de Versailles
RG n° 17/01325

5e Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80H



5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 NOVEMBRE 2018



N° RG 17/01325



AFFAIRE :



SA PAGESJAUNES





C/

[E] [C]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° chambre :

N° Section : E

N° RG : F 15/01935



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrée à :



la SELARL LUSIS AVOCATS,



Me Juliette MASCART,





Le :



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



SA PAGES JAUNES

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Hortense GEBEL de la SELARL LUSIS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0081





APPELANTE

****************





Monsieur [E] [C]

né le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Juliette MASCART, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1125







INTIME

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Septembre 2018, Madame Carine TASMADJIAN, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :



Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice président placée,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS

























Suivant contrat à durée indéterminée du 10 octobre 2005, M. [E] [C] a été engagé par la société Pages Jaunes en qualité de télévendeur prospect.



Sept avenants ont modifié son contrat de travail initial de sorte que, en dernier lieu, au regard de celui signé le 3 novembre 2010, il occupait un poste de ' conseiller commercial - force de vente locale  sous le statut de voyageur-représentant-placier (ci-après désigné 'VRP').



Sa rémunération mensuelle était constituée d'une partie fixe d'un montant de 1 759 euros et d'une partie variable composée de commissions calculées sur le chiffre d'affaires réalisé et de primes sur objectifs.



La société Pages Jaunes est une filiale détenue à 100 % par le groupe Solocal, lui-même composé de plusieurs entreprises intervenant principalement dans le secteur d'activité de la publicité. Elle assure trois métiers principaux : l'édition de contenu et de services locaux, le média local et le conseil en communication locale.



La Société intervient, d'une part, sur le marché de la publicité sur les supports de presse, magazines, télévision, radio, cinéma et affichage (dit 'marché offline') et, d'autre part, sur le marché de la publicité sur internet fixe et mobile pour les annonceurs locaux et nationaux (dit 'marché online'). Elle emploie plus de 4 000 salariés.



L'activité de la société Pages Jaunes la fait relever de la convention collective nationale de la publicité française mais elle applique également celle des VRP pour les personnels concernés ainsi qu'une convention d'entreprise dite ' Pages Jaunes .



A compter du 2 février 2013, la société Pages Jaunes a initié un processus d'information et de consultation de son comité d'entreprise au sujet de la transformation envisagée de son modèle économique. Elle souhaitait, notamment, modifier les critères d'attribution des portefeuilles clients, modifier les systèmes de rémunération des commerciaux, représentant environ 1 645 salariés, et procéder à 22 licenciements. La négociation portait, d'une part, sur la conclusion d'un accord de méthode et de moyens en application de l'article L. 1233-21 du code du travail et, d'autre part, sur la conclusion d'un accord de mesures sociales d'accompagnement déterminant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi (aussi désigné 'PSE').



Le 2 juillet 2013, la Société a engagé une négociation avec les instances représentatives du personnel, laquelle aboutissait à la signature, le 20 novembre 2013, par trois des cinq organisations syndicales, la CFE-CGC, le Syndicat autonome et Force Ouvrière, d'un accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi (ci-après désigné PSE).



Le 1er décembre 2013, la société Pages Jaunes a adressé ce plan à la DIRECCTE qui le validait par décision du 2 janvier 2014. Cette réorganisation engendrait, au final, 281 licenciements économiques, de nombreux salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail.



C'est dans ce contexte que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 2014, la Société a proposé à M. [C] un nouveau contrat de travail qui prévoyait, notamment :

- la poursuite de l'exercice de ses fonctions commerciales au sein de l'agence de [Localité 7] sous l'intitulé de poste « conseiller communication digitale » ;

- le bénéfice du statut de cadre, catégorie 3, niveau 2, tel que prévu par les dispositions de la convention collective de la publicité ;

- une rémunération composée d'un salaire fixe mensuel de 2 350,20 euros et d'une prime variable représentant, à objectifs atteints, 45% de sa rémunération annuelle fixe, soit la somme de 12 691 euros bruts ;

- et une durée annuelle de 210 jours travaillés. 



Elle lui adressait, dans le même temps, une fiche explicative de cette nouvelle fonction, laquelle reprenait également les principaux éléments du contrat de travail proposé ainsi qu'un comparatif entre les statuts de VRP et de cadre.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2014, M. [C] a indiqué à la société Pages Jaunes qu'il refusait la modification de son contrat de travail.





La Société l'a alors informé de l'ouverture, pour une durée de deux mois à compter du 11 février 2014, d'une phase destinée à la recherche de solutions de reclassement en interne (Pages Jaunes et groupe SoLocal) et sur le territoire français, M. [C] n'ayant pas donné son accord pour recevoir d'offres à l'étranger.



Au cours de cette période, M. [C] a été dispensé de toute activité professionnelle et a perçu une rémunération moyenne mensuelle de 2 894,39 euros.



Par deux courriers des 20 février et 31 mars 2014, plusieurs postes de reclassement au sein de la société Pages Jaunes ont été proposés à M. [C], lequel ne donnait suite à aucun d'eux.



Entre temps, par une requête du 3 mars 2014, un salarié protégé de la société Pages Jaunes a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aux fins d'obtenir l'annulation du PSE signé le 20 novembre 2013, invoquant l'absence de caractère majoritaire de l'accord. Son recours sera rejeté par décision du 22 mai 2014.



En l'absence de possibilité de reclassement, la société Pages Jaunes a notifié à M. [C], par lettre recommandée du 30 avril 2014, son licenciement pour motif économique.



Le 6 mai 2014, M. [C] a accepté le congé de reclassement, prévu pour une durée de 12 mois à compter du 14 mai 2014. Une convention était signée en ce sens le 22 juillet 2014, laquelle prévoyait, entre autres clauses, une indemnisation mensuelle de 2 894,39 euros pendant la durée du préavis puis de 2 315,51 euros pour la période au delà.



Par courrier du 5 juin 2014, M. [C] a informé la Société qu'il souhaitait finalement accepter la modification de son contrat de travail et accepter le poste de conseiller commercial digital qui lui avait été proposé.




Le 21 juillet suivant, il revenait sur sa décision et sollicitait la suspension de son congé de reclassement, expliquant à son employeur qu'il avait trouvé un nouvel emploi.



Par courrier du 23 septembre 2014, M. [C] sollicitait la reprise de son congé de reclassement, indiquant que la période d'essai de son nouvel emploi n'avait pas été concluante. La Société acceptait sa demande par courrier du 5 novembre 2014.



Lors de la rupture du contrat de travail, M. [C] était âgé de 32 ans et bénéficiait d'une ancienneté dans l'entreprise de plus de huit ans. Son salaire brut moyen mensuel, au regard des trois derniers mois travaillés, s'élevait, selon le salarié, à la somme de 2 895,91 euros, celui au regard des 12 derniers mois, à la somme de 3 091,23 euros. La Société retient pour sa part un salaire moyen d'un montant de 2 894,39 euros.



Par arrêt du 22 octobre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé la décision du 2 janvier 2014 de la DIRECCTE ainsi que le jugement du 22 mai 2014 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, considérant que le caractère majoritaire de l'accord du 20 novembre 2013 n'était pas établi puisque le signataire au nom du syndicat Force Ouvrière n'avait pas été formellement désigné en qualité de délégué syndical central.



Deux recours ont alors été déposés devant le Conseil d'Etat à l'encontre de cet arrêt, le premier à l'initiative de la Société Pages Jaunes, le 10 novembre 2014 et, le second, par le ministère du travail, le 16 décembre 2014. Par décision du 10 mars 2015, la Société était déboutée de sa demande de suspension de l'exécution provisoire de l'arrêt contesté.



Par décision du 22 juillet 2015, le Conseil d'Etat a confirmé l'arrêt rendu le 22 octobre 2014 par la cour administrative d'appel de Versailles.



Contestant la validité ainsi que le caractère réel et sérieux de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 9 novembre 2015 afin d'obtenir la condamnation de la société Pages Jaunes à lui verser, en retenant un salaire brut moyen mensuel de 3 091,24 euros, les sommes suivantes :

. 34 750,92 euros d'indemnité pour nullité du licenciement (12 mois de salaire) ;

. 28 959,10 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 3 724,37 euros de complément d'indemnité conventionnelle en application de la convention collective nationale de la publicité ;

. 6 964,80 euros de rappel de salaire à 100% sur congé de reclassement ou, subsidiairement, en retenant un taux de 65%, la somme de 4 527,12 euros ;

. 696,48 euros de congés payés afférents ou, subsidiairement, la somme de 452,71 euros ;

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par arrêt du 24 mars 2016, la Cour de cassation a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L. 1235-16 du code du travail qui lui avait été soumise par le conseil de prud'hommes de Troyes sur demande de la Société Pages Jaunes.



Par jugement du 21 février 2017, le conseil de prud'hommes a fait partiellement droit aux demandes de M. [C] et, retenant un salaire de 3 091,24 euros, a condamné la société Pages Jaunes à lui verser les sommes suivantes :

. 22 000 euros bruts d'indemnité au titre de l'article L. 1235-16 du code du travail ;

. 3 724,37 euros bruts à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes portant intérêts légaux conformément aux dispositions de l'article L. 1153-1 du code civil ;

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a en outre ordonné à la société Pages Jaunes la remise, à M. [C], d'un certificat de travail, d'une attestation pour le Pôle Emploi et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes aux dispositions de son jugement et dit qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire au-delà des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail. Il a enfin condamné la Société aux dépens.



La société Pages Jaunes a interjeté appel partiel de cette décision par acte du 14 mars 2017 et les parties ont été convoquées à l'audience du 3 juillet 2018 pour clôture de la mise en état, puis renvoyées à l'audience du 13 septembre 2018 pour plaidoirie.




Reprenant oralement ses écritures, la société Pages Jaunes, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le salaire mensuel de M. [C] à la somme de 3 091,23 euros et en ce qu'il l'a condamnée à lui verser les sommes suivantes :

. 22 000 euros bruts d'indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-16 du code du travail ;

. 3 724,37 euros bruts de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société demande à la cour, statuant à nouveau de ces chefs et à titre principal de :

- fixer le salaire mensuel de M. [C] à la somme de 2 894,39 euros bruts ;

- juger les demandes de celui-ci sur le fondement des articles L. 1235-10, 11 et 16 du code du travail irrecevables du fait de l'acquisition de la prescription prévue par l'article L.1235-7 du code du travail ;

- de rejeter l'appel incident de M. [C] et de le débouter de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire, la Société demande à la cour de limiter les indemnités qui seraient allouées à M. [C] aux sommes suivantes :

. 16 803,65 euros en application de l'article L. 1235-16 du code du travail, soit le plancher légal de six mois ;

. 2 852,81 euros au titre du rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement.

En tout état de cause, la Société demande à la cour de condamner M. [C] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Christophe Debray, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Pour sa part, reprenant oralement ses écritures, M. [C], relevant appel incident, demande à la cour de rejeter les exceptions et fins de non recevoir soulevées par la Société et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé sa rémunération habituelle à la somme de 3 091,23 euros et en ce qu'elle lui a accordé :

. 3 724,37  euros de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement au visa de la convention collective de la publicité ;

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande par contre à la cour d'infirmer cette décision pour le surplus de ses dispositions, c'est-à-dire en ce qu'elle a :

- jugé son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- refusé l'application des dispositions des articles L. 1235-10 et L. 1235-11 du code du travail ;

- rejeté sa demande d'indemnité au titre des rémunérations omises pendant son congé de reclassement ;

- et limité à la somme de 22 000 euros le quantum de l'indemnité prononcée au visa de l'article L. 1235-16 du code du travail.

M. [C] demande en conséquence à la cour, statuant à nouveau, de:

- dire que son licenciement est nul et dépourvu de cause économique réelle ni sérieuse ; (en gras comme dans les conclusions)

- condamner la société Pages Jaunes à lui verser les sommes suivantes :

. a minima, 34 750,92 euros d'indemnité consécutive à l'annulation de la décision de validation du PSE (12 mois) ;

. 28 959,10 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ou pour préjudice complémentaire ;

. 3 724,37 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de la publicité ;

. 6 964,80 euros de rappel de salaire à 100% sur congé de reclassement ou, à titre subsidiaire, en retenant un taux de 65%, la somme de 4 527,12 euros ;

. 696,48 euros de congés payés afférents ou, subsidiairement, la somme de 452,71 euros ;

. 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la remise d'une attestation destinée à Pôle emploi mentionnant les rémunérations réellement perçues au cours et au titre de la période de référence, incluant les commissions perçues postérieurement à la dispense d'activité, mais s'y rapportant, et sans abattement d'assiette pour les VRP, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard passé un délai de 30 jours suivant la notification, et s'en réserver la liquidation ;

- et de condamner la Société aux entiers dépens en ce compris les frais d'exécution forcée.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.




MOTIFS DE LA COUR



Sur la prescription



La société Pages Jaunes soulève la prescription de l'action de M. [C] au motif qu'elle a été intentée au delà du délai d'un an prévu par l'article L. 1237-7 du code du travail. Elle explique que la loi du 14 juin 2013 a réformé le dispositif des licenciements économiques en attribuant exclusivement à l'autorité administrative le contentieux de l'homologation et de la validation des plans de sauvegarde de l'emploi, et a, en conséquence, redéfini les règles de contestation ainsi que les sanctions attachées aux irrégularités du licenciement, qu'il a laissées au juge judiciaire. La Société soutient que le législateur a maintenu le principe selon lequel chaque salarié licencié disposait du droit à contester la validité ou la régularité de son licenciement pour motif économique, y compris avec validation du PSE par l'administration, mais a entendu limiter à 12 mois à compter de la date de notification du licenciement son délai d'action.



Pour sa part, M. [C] estime que le bref délai prévu à l'article L. 1235-7 du code du travail est inapplicable aux actions particulières et nouvelles découlant des articles L. 1235-10, 11 et 16 du même code qui demeurent soumises soit à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 1304 du code civil propre à la nullité relative soit à celle biennale prévu à l'article L. 1471-1du code du travail aux termes duquel toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. M. [C], qui entend que cette prescription ne s'applique pas à son cas d'espèce, se réfère à une jurisprudence de la Cour de cassation qui restreint l'usage du délai de prescription de 12 mois aux seules contestations de nature à entraîner la nullité d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique. Au contraire, elle est inapplicable dès lors que le salarié conteste également la cause économique réelle et sérieuse de son licenciement. Ayant saisi le conseil de prud'hommes le 9 novembre 2015, il estime que ses demandes ne sont pas prescrites.



Sur ce,



La cour rappelle au préalable que l'action tendant à voir prononcer la nullité du licenciement et celle tendant à le juger sans cause réelle et sérieuse sont deux actions distinctes, fondées sur des textes différents. Il convient donc d'examiner leur recevabilité au regard des textes spécifiques qui les régissent.



Aux termes de l'article L. 1235-7 du code du travail, applicable aux procédures de licenciement collectif pour motif économique imposant l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, tels qu'issus de la loi du 14 juin 2013 en vigueur au moment du litige



Toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement.



Sans qu'il y ait lieu de répondre à l'argumentation très détaillée de chacune des parties sur la jurisprudence antérieure afférente à l'article L. 1235-7 du code du travail, considéré dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013, ni sur les effets d'une circulaire, dépourvue de valeur normative, la cour relève que les décisions invoquées portent sur des litiges antérieurs à la promulgation de la loi du 14 juin 2013 qui n'avaient écarté son application que pour les contestations limitées à la cause réelle et sérieuse. Elles avaient toujours considéré que le délai de prescription de 12 mois s'appliquait non seulement aux actions mettant en cause la régularité de la procédure relative au PSE mais également à celles susceptibles d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance du plan.



La loi du 14 juin 2013, qui a prévu désormais qu'un PSE devait, avant sa mise en oeuvre, être soumis à une validation ou une homologation par l'autorité administrative, a néanmoins maintenu le droit individuel de chaque salarié à contester la validité ou la régularité de son licenciement pour motif économique et a conservé la brève prescription de 12 mois qui débute à la date de notification de son licenciement.



Il sera par ailleurs relevé que les articles L. 1235-7 à L. 1235-16 du code du travail sont intégrés dans un chapitre spécifique consacré aux contestations et sanctions, et sont regroupés dans une seule et même section, la section II, intitulée « Licenciement pour motif économique », de sorte que, contrairement aux allégations de M. [C], l'article litigieux n'est ni devenu obsolète avec la promulgation de la loi de 2013, ni autonome des licenciements prononcés sur une cause économique.



C'est d'ailleurs à tort que le salarié entend que soit écartée l'application de ce texte au profit du premier alinéa de l'article L. 1471-1 du code du travail aux motifs que la décision de l'autorité administrative d'annuler l'accord du 20 novembre 2013 ne résulte ni de l'absence ni de l'insuffisance du PSE, l'article L. 1237-7 ne faisant aucune différence entre les motifs de l'annulation mais se référant uniquement à la nature de la contestation. Dès lors qu'il s'agit de contester la régularité de la procédure des licenciements prononcés en vertu d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou d'engager une action susceptible d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement soit en raison de l'absence ou de l'insuffisance du plan soit en raison d'une décision d'homologation ou de validation d'un PSE ultérieurement annulée par le juge administratif, la prescription est limitée à 12 mois.



Contrairement enfin à l'argumentation développée par M. [C], le point de départ du délai de la prescription annale n'a pas à être reporté à l'expiration des recours contentieux devant le juge administratif, les actions judiciaires et administratives étant autonomes l'une de l'autre, et les articles L. 1235-10 et 11 n'exigeant nullement, pour leur recevabilité, une décision irrévocable d'annulation de l'administration. Rien n'empêche, en effet, le salarié de contester la régularité ou la validité du plan dès son adoption, événement qui marque la date à laquelle il a été mis en mesure d'en avoir connaissance. La seule exigence imposée par l'article L. 1235-7 du code du travail pour faire courir le délai de prescription est qu'il en ait été fait mention dans la lettre de licenciement, ce qui est le cas en l'espèce, le salarié étant alors nécessairement informé des éléments pouvant entacher la régularité de son congédiement.

Enfin, la cour relève que l'ensemble des recours administratifs, pourvoi inclus, est enserré dans de courts délais et qu'en l'espèce, la décision d'annulation de l'accord collectif du 20 novembre 2013 a été connue le 22 octobre 2014, c'est-à-dire dans le délai de la prescription annale.



M. [C] sollicite la nullité de son licenciement pour motif économique en raison de l'annulation de la décision de validation du plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par l'accord collectif du 20 novembre 2013. Il invoque d'ailleurs l'application des articles L.1235-10 et L.1235-16 du code du travail relatif au PSE. Par conséquent, son action est soumise à la prescription de 12 mois.



En l'espèce, M. [C] a été informé de l'existence du délai de prescription de 12 mois qui lui était ouvert pour contester la régularité ou la validité de son licenciement dans la lettre de licenciement du 30 mai 2014 et dont il a eu connaissance le 6 mai suivant, comme en atteste le courrier en réponse qu'il a adressé à son employeur afin de lui retourner signé le coupon d'adhésion au congé de reclassement qui était joint à la lettre de licenciement. Il a saisi la juridiction prud'homale le 9 novembre 2015, soit au delà des 12 mois.



En conséquence, la cour juge irrecevable parce que prescrite la demande de M. [C] visant à faire reconnaître la nullité et l'irrégularité de son licenciement au visa des articles L.1235-10, L.1235-11 et L.1235-16 du code du travail et à obtenir les indemnités subséquentes.



Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.



Sur la réalité des motifs économiques



Si l'action de M. [C] tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement n'est plus recevable, il n'en est pas de même pour celle tendant à voir reconnaître celui-ci comme étant sans cause réelle et sérieuse dès lors que, comme en l'espèce, elle a été engagée dans les deux ans de la notification du licenciement conformément aux dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail.



M. [C] soutient que son licenciement ne serait nullement justifié par des raisons économiques mais reposerait uniquement sur la recherche d'une rentabilité permettant à la Société d'augmenter sa marge bénéficiaire. Il estime que le constat de la situation économique fait par la Société est mensonger et qu'il n'existe pas d'éléments pertinents confirmant la réalité de la menace pesant sur sa compétitivité. Il en veut pour preuve que la Société évoque des « mutations » du marché (digitalisation, médias numériques et mobiles, attentes clients) et les effets de la crise de 2007 ce qui, à l'évidence, ne peut être considéré comme nouveau en 2014. Il rappelle également que, déjà, en 2002, près de 1 000 contrats de travail de « conseillers commerciaux » avaient été modifiés pour « adapter ces contrats à un contexte concurrentiel nouveau », c'est-à-dire pour un motif identique à celui évoqué aujourd'hui. En outre, M. [C] estime que la Société n'évoque qu'une baisse structurelle de parts de marché et de marge opérationnelle, ce qui ne suffit pas à caractériser une menace pesant sur la pérennité de l'entreprise d'autant plus que ces difficultés étaient communes à l'ensemble des sociétés intervenant sur le marché de la publicité. Il prétend enfin que l'employeur a commis une faute de gestion à l'origine de l'affaiblissement de l'entreprise rendant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.



L'employeur réplique que la réorganisation mise en oeuvre au sein de la SA Pages Jaunes était nécessaire pour remédier à la menace pesant sur sa compétitivité, et en conséquence sur celle du groupe, et que la dette contractée par les actionnaires, réelle, est totalement étrangère à la décision de réorganisation. Il indique que les documents financiers qu'il produit démontrent la diminution constante de son chiffre d'affaires depuis plusieurs années en raison d'une structure de son service commercial devenu inadaptée aux demandes des annonceurs.



Sur ce,



Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.



Il résulte de ce texte qu'une réorganisation de l'entreprise, même lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi.



La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats, et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de la concurrence ne caractérise pas une cause économique de licenciement.



Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la Société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.



Le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en 'uvre de la réorganisation.



La rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, imposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement économique.



Le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement mais il peut être tenu compte d'éléments postérieurs à cette date permettant au juge de vérifier si la réorganisation était nécessaire ou non à la sauvegarde de la compétitivité.



En l'espèce, la lettre de licenciement, à la lecture de laquelle il est renvoyé pour plus amples précisions, énonce essentiellement :

- une compétitivité menacée face aux mutations du marché et aux nouveaux besoins des clients ;

- un recul de la performance sur le marché de la publicité ;

- un modèle de société déconnecté des besoins du marché ;

- une mise en péril de sa pérennité.



L'examen des pièces produites aux débats permet effectivement de constater que le groupe Pages Jaunes (dont la SA Pages Jaunes est une filiale à 100%) supportait, au moment de l'engagement du licenciement de M. [C], un important endettement. En effet, au cours de l'année 2006, la société France Télécom avait cédé à la société Médiannuaire 54 % du capital qu'elle détenait dans le groupe Pages Jaunes. En 2013, cette dernière, actionnaire majoritaire, a obtenu l'accord de ses prêteurs sur un projet de restructuration financière consistant en un apurement total de son endettement par, notamment, un remboursement partiel en titres Pages Jaunes Groupe, la Société conservant néanmoins 19% du capital social à l'issue de l'opération prévue le 27 mars 2013. Jusque là, Pages Jaunes Groupe, devenu Solocal, était contrôlé par un consortium de fonds d'investissement dont 80 % était géré par KKR Europe II Limited et KKR millenium Limited et 20 % par la division « principal Investment Area » du groupe Goldman Sachs. A compter du 27 mars 2013, les anciens prêteurs de Médiannuaire devenaient actionnaires de Solocal groupe à hauteur de 36 % du capital social.



L'analyse contenue dans le rapport de l'expert comptable présenté au comité d'entreprise de la SA Pages Jaunes à l'occasion du projet de réorganisation contesté, indique effectivement, comme le relève M. [C], que l'endettement Pages Jaunes Groupe, est lié à une distribution exceptionnelle d'actions pour un montant de 2,5 milliards d'euros. L'expert précise que cette distribution a été financée par la trésorerie de Pages Jaunes Groupe et par une dette de 1,95 milliard d'euros, intitulée « dette senior », contractée auprès d'un pool bancaire suivant convention du 24 octobre 2006, et remboursable en totalité à l'échéance de sept ans. Cette convention prévoyait également une ligne de crédit revolving d'un montant maximum de 400 millions d'euros pour les besoins de trésorerie de Pages Jaunes Groupe. En outre, en 2006, le groupe avait souscrit deux emprunts auprès de sa filiale SA Pages Jaunes pour un montant total de 580 millions d'euros d'une durée de deux ans. Début 2012, Pages Jaunes Groupe disposait donc d'un financement bancaire d'un montant total de 1 900 millions d'euros, composé :

- d'un emprunt à moyen terme de 1 600 millions d'euros en deux tranches 638 millions d'euros, remboursables en novembre 2013 et 962 millions d'euros remboursables en septembre 2015 ;

- et d'une ligne de crédit révolving d'environ 300 millions d'euros.



Néanmoins, sur cette même période (2008-2012), l'ensemble des pièces financières versées aux débats par les parties démontrent que le chiffre d'affaire du groupe Solocal avait diminué de 10 %, représentant 126,6 millions d'euros, baisse concernant à la fois la SA Pages Jaunes et ses autres filiales. Le chiffre d'affaires du groupe, d'un montant de 799,9 millions d'euros au 30 septembre 2012 n'était plus que de 794,4 millions d'euros au 30 septembre 2013, soit une baisse de 6,31 %. La marge brute opérationnelle, sur la même période, subissait une diminution de 15,8 %. Au 31 décembre 2012, l'endettement net du groupe Solocal s'élevait à 1 742 millions d'euros.



Pour sa part, indépendamment de la dette du groupe, la SA Pages Jaunes subissait, à partir de l'année 2008, un ralentissement significatif de son activité économique faisant chuter, sur quatre exercices consécutifs, ses revenus et sa marge brute opérationnelle. Son chiffre d'affaires, de 985 millions d'euros en 2012 revenait ainsi à un niveau proche de celui qu'elle réalisait en 2005 (959 millions d'euros), représentant une diminution de 2,9 % par an. Nullement liée à la question de l'endettement du groupe, cette situation apparaissait due au ralentissement de la croissance des revenus liés au segment internet et à une diminution de l'activité liée aux annuaires imprimés.

L'expert comptable du comité d'entreprise évoque d'ailleurs, s'agissant de la SA Pages Jaunes « un business modèle du marché de la publicité dans lequel opère Pages Jaunes SA qui a évolué au profit d'acteurs spécialisés » et « un marché publicitaire en crise ». Il dresse également un état des lieux très critique des structures de l'entreprise, notant que « le modèle opérationnel de Pages Jaunes SA ne lui permet pas de mener toutes les actions nécessaires pour assurer sa pérennité ». Plus précisément, l'expert souligne que :

- l'organisation généraliste ne lui donne pas les moyens nécessaires pour répondre aux besoins du marché de la publicité ;

- le service client n'est plus adapté aux nouveaux besoins du marché dans un contexte où l'expérience est un élément de fidélisation ;

- les processus centralisés sont éloignés des exigences des annonceurs ;

- la performance opérationnelle et l'amélioration des conditions de travail sont limitées par le cadre contractuel et par des modalités de rémunération inappropriés ; (souligné par la cour)

- et que les horaires de télé-ventes sont devenus inadaptés à la clientèle.



Au regard des diverses pièces financières produites, il peut effectivement être relevé qu'au moment de la présentation du projet de réorganisation :

- le nombre de clients était en baisse de 17%, représentant environ 3 000 clients et un chiffre d'affaires de 13,9 millions d'euros ;

- le chiffre d'affaires généré par les nouveaux clients passait de 53 millions d'euros à 41 millions d'euros en quatre ans (soit 17 millions de pertes) ;

- et que le taux de renouvellement de la clientèle était négatif.



Les éléments fournis par M. [C] pour contester l'absence de difficultés économiques réelles (notamment une croissance du chiffre d'affaires Internet entre + 5 % et + 10 %, un résultat net attendu stable par rapport à 2014) ou de perte de compétitivité ne permettent pas de remettre en cause ces observations puisqu'ils proviennent essentiellement de documents établis pour l'année 2015, soit postérieurement à la réorganisation, ce qui tendrait d'ailleurs à confirmer le bien-fondé et la pertinence de celle-ci. De même, aucun de ces éléments n'est en faveur de fautes de gestion qui serait à l'origine de la perte de compétitivité.



S'il existe bien une dette importante contractée par le groupe Solocal, il est également constant que le chiffre d'affaires de la SA Pages Jaunes était en constante diminution depuis 2008, son chiffre d'affaires passant de 1 053 millions d'euros en 2010 à 870,5 millions d'euros en 2014. En conséquence, c'est bien le modèle économique de la Société qui devait évoluer, ce qui rend en outre inopérant l'allégation du salarié selon laquelle Pages Jaunes évoquerait une cause économique structurelle qui préexistait à son embauche.



Il ressort de l'ensemble de ces observations que l'endettement du groupe n'est pas à l'origine de la réorganisation envisagée en novembre 2013 de la SA Pages Jaunes, la cour relevant que le licenciement de M. [C] a bien été motivé en considération de la nécessité de s'adapter au marché.



S'agissant de l'opportunité de la réorganisation, contrairement à ce qui est plaidé par le salarié, il résulte des pièces produites, notamment des communications d'entreprise, des rapports d'experts ainsi que de la presse spécialisée, que la compétitivité de la société Pages Jaunes, qui n'était jusqu'à présent en concurrence qu'avec les annonceurs de presse quotidienne régionale ou locale, était désormais menacée par l'apparition de nouveaux acteurs sur le marché de la publicité sur internet et par de nouveaux modes de communication tournés presque exclusivement vers le digital. De même, si depuis plusieurs années, le marché de la publicité évoluait vers les supports internet et les nouvelles technologies (marché «online») au détriment des médias traditionnels (marché «offline») sur lequel intervenait traditionnellement Pages Jaunes, cette évolution s'accompagnait en outre d'une diversification des usages des utilisateurs et de la multiplication des alternatives publicitaires proposées aux annonceurs, notamment le recours aux moteurs de recherche, à l'affichage sur internet en fonction des centres d'intérêt des internautes et aux sites de petites annonces. Naturellement, cette évolution a fait apparaître de nouveaux comportements des utilisateurs qui ont recherché non seulement des solutions de plus en plus personnalisées afin de faire leur choix parmi une multiplicité d'offres disponibles mais également des contenus spécialisés (notamment dans les domaines des voyages, de l'hôtellerie et de la restauration) proposant une géo localisation. L'évolution des comportements des utilisateurs a elle-même modifié les besoins des annonceurs, clients de la société Pages Jaunes, qui ont alors recherché des solutions spécifiques leur permettant de s'adapter à cette demande et d'ajuster à tout moment le support de communication internet aux promotions proposées ou à leur actualité. Ces annonceurs exigeaient ainsi des solutions souples et évolutives qui, seules, leur permettaient d'obtenir un retour sur investissement rapide.

Or, l'organisation de la Société autour de représentants effectuant ponctuellement des prospections physiques sur un périmètre géographique pré défini n'était plus adaptée à une prospection personnalisée et digitalisée. La rencontre avec un commercial était de plus en plus délaissée par les annonceurs qui s'orientaient vers l'internet, plus adapté à leurs calendriers ou leurs besoins, notamment lorsqu'ils souhaitaient proposer des promotions ou des opportunités ponctuelles voire de dernière minute. Il n'est pas contestable que, comme le relève justement la Société, « l'organisation de la société Pages Jaunes, héritée des besoins de l'annuaire imprimé, et fondée sur une approche généraliste tant au niveau marketing qu'au niveau de ses forces commerciales, ne permet(tait) pas de répondre à la nouvelle configuration du marché, et notamment à son besoin de spécialisation ». Il est en effet évident qu'une prospection physique limite les possibilités de suivi des clients et ne permet pas de proposer des solutions publicitaires ponctuelles. De même, une organisation fondée sur des agences ne permet aucune souplesse dans l'affectation du portefeuille.



Dans le rapport destiné au comité d'entreprise, l'expert comptable relève d'ailleurs que « le groupe n'est plus en phase avec son écosystème et se fait sévèrement malmené (...) (') A périmètre constant, son avenir est fortement compromis si rien ne bouge à court terme (...). Sa transformation pour une meilleure adéquation du marché est une condition qui s'impose pour ne pas devenir Kodak le monopoleur en faillite », même s'il ajoutait que « si l'organisation est assurément un point crucial du changement, elle n'est pas le seul élément de la réussite car quid des produits, des services, des innovations, des ajustements culturels ou identitaires ». Cette situation ne pouvait qu'entraîner une baisse constante de résultats ce qui imposait une réorganisation interne favorisant la recherche et la fidélisation de nouveaux clients plus ciblés, plus rapide et plus conforme aux attentes de ces derniers.

Il apparaît, au vu des pièces produites, que c'est bien en tenant compte de ces observations que la SA Pages Jaunes a présenté un projet d'évolution de son modèle économique et de son organisation, comme le lui permet les dispositions de l'article L. 2323-6 du code du travail, en invoquant une mutation du marché, de nouveaux besoins des utilisateurs, la présence d'acteurs de plus en plus nombreux et spécialisés et une concurrence accrue. Le projet prévoyait ainsi une organisation commerciale et marketing spécialisée par secteur d'activité, ainsi qu'une modification des conditions contractuelles d'intervention des représentants pour permettre une réactivité et une fidélisation.



Enfin, M. [C] ne peut davantage soutenir que la Société à entendu modifier son organisation afin de faire des économies au préjudice des salariés alors qu'au jour de la présente audience, est versé aux débats le rapport de l'expert comptable du comité d'entreprise établi à l'occasion de la consultation annuelle 2016 (soit postérieurement au licenciement) sur la politique sociale de l'entreprise, qui enseigne que sa masse salariale a augmenté de manière significative en 2013 et en 2014 et que la part fixe des rémunérations a doublé entre 2013 et 2015 passant de 40 815 000 euros à 81 530 000 euros. La cour relève d'ailleurs que depuis 2002, le montant de la masse salariale n'avait cessé d'évoluer, pour atteindre 335 828 155 d'euros en 2014 contre 196 226 653 d'euros en 2002. L'expert comptable témoigne de la progression des salaires dans les termes suivants : « On note cependant une évolution de près de 5% du salaire moyen des cadres commerciaux et vendeurs terrains. La tendance est moins marquée pour les télévendeurs, alors que les managers commerciaux bénéficient entre 2013 et 2015 d'une progression de 11% à 14% ».

De même, il doit être rappelé à M. [C], qu'à l'origine, le projet ne prévoyait que la suppression de 22 postes dont il ne faisait pas partie et la création de 48 postes.





Il résulte des éléments qui précèdent que la SA Pages Jaunes justifie de la nécessité de se réorganiser pour répondre à l'évolution du secteur dans lequel elle intervient, pour maintenir sa compétitivité, et enrayer la chute chronique de son chiffre d'affaires.

Les modifications du contrat de travail proposé à M. [C] s'inscrivent incontestablement dans le cadre de cette réorganisation.



Les pièces produites par la société Pages Jaunes, notamment le contrat de travail en cours du salarié et celui qui lui était proposé, démontrent que ce dernier n'entraînait ni un changement de la nature de ses activités ni une baisse de sa rémunération. Ayant confirmé son refus d'accepter la modification de son contrat de travail, la SA Pages Jaunes a donc engagé une procédure de licenciement, débutant par une phase de reclassement interne et elle lui a fait des propositions de postes de reclassement qu'il n'a pas acceptées.



C'est donc à juste titre que la société a notifié à M. [C] son licenciement pour motif économique. Par la suite, il n'est pas contesté qu'il a bénéficié d'un congé de reclassement d'une durée de 12 mois de sorte que l'employeur a satisfait à toutes ses obligations, notamment de reclassement.



En conséquence, le licenciement prononcé à la suite de son refus de toute modification du contrat de travail est bien fondé sur une cause économique réelle et sérieuse et M. [C] sera débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.



Le jugement est confirmé sur ce point.



Sur le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement



La Société conteste la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a fait application de la convention collective de la publicité. Elle estime que seule la convention collective des VRP est applicable puisque c'est celle qui régit les relations entre les parties conformément au contrat de travail de l'intéressé. Elle indique par ailleurs que la convention collective de la publicité n'a pas entendu que ses dispositions soient applicables aux VRP et que l'accord d'entreprise ne s'applique qu'aux personnels sédentaires de l'entreprise.

Sur les modalités de calcul, la Société estime que l'indemnité doit correspondre à la rémunération du salarié au titre d'une période de travail effectif, ce qui exclut non seulement la période de dispense d'activité antérieure à l'engagement de la procédure de licenciement mais également celle correspondant au congé de reclassement. Elle affirme enfin que les frais professionnels doivent être exclus de l'assiette des rémunérations, frais qui ont été contractuellement fixés à 30 % des commissions.



M. [C] au contraire revendique l'application des dispositions de la convention collective de la publicité. Elle soutient que lorsque l'employeur est assujetti à une convention collective, en l'occurrence celle de la publicité, et sous réserve que celle-ci n'exclut pas expressément les VRP, ceux-ci peuvent toujours prétendre à une indemnité au moins égale à celle à laquelle ils auraient eu droit si, bénéficiant de la convention, ils avaient été licenciés. Il affirme, en tout état de cause, que la convention collective de la publicité doit s'appliquer au regard de l'accord d'entreprise conclu le 1er janvier 2004. Enfin, il affirme qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne permettait à la Société de retrancher du salaire de référence, un abattement de 30% au titre des frais professionnels ni même de retenir une période autre que celles des 12 mois précédant l'envoi de la lettre de licenciement.



Sur ce,



La cour rappelle que la convention collective applicable se détermine par référence à l'activité principale de l'entreprise lorsque ses autres activités, relevant de conventions différentes, ne constituent pas des activités autonomes auxquels on puisse appliquer distributivement des conventions dont elles relèveraient exclusivement. La convention collective correspondant à l'activité principale doit s'appliquer à l'ensemble des activités et accessoires de l'entreprise.



Par ailleurs, l'accord ou la convention de droit privé prime sur la convention choisie pour toutes ses dispositions plus favorables. Dès lors qu'elle constitue un avantage non prévu par la loi, la convention collective est totalement libre d'en fixer les conditions. Au contraire, en cas de concours entre des dispositions légales ou conventionnelles et les avantages prévus par ces dernières, aucun cumul n'est possible, sauf dispositions contraires. Les comparaisons s'effectuent individuellement et pour chaque avantage.



Il sera également rappelé qu'un accord de niveau inférieur (convention de branche ou accord professionnel ou interprofessionnel) peut déroger à un accord de niveau supérieur tant s'agissant du champ territorial que s'agissant du champ professionnel, dès lors que les signataires de l'accord n'ont pas expressément exclu cette possibilité. Il appartient donc aux signataires de celui-ci de déterminer, clause par clause, quelle est la portée de cet accord par rapport à celle du niveau inférieur. En cas de silence, les nouvelles clauses ont un caractère supplétif. Il en est de même pour les adaptations des normes de rang inférieur aux évolutions de celle de rang supérieur.



Enfin, au regard de l'article L. 2253-3 du code du travail, en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires mentionnées à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, de prévention de la pénibilité prévue au titre VI du livre Ier de la quatrième partie, d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionnée à l'article L. 2241-3 et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ne peut comporter de clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels. Dans les autres matières, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d'une convention ou d'un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement.



En l'espèce, il est constant que la société Pages Jaunes applique deux conventions collectives, celle des VRP et celle de la Publicité et qu'elle dispose par ailleurs, depuis le 1er janvier 2004, d'un accord d'entreprise particulier.



La convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française du 22 avril 1955 telle que modifiée par additif du 14 mars 1975 et étendue par arrêté du 17 juillet 1975, dispose, en son article premier



La présente convention nationale a pour objet de régler les conditions générales de travail et les rapports entre les employeurs et les cadres, techniciens, agents de maîtrise et employés des entreprises de la publicité et assimilées, telles que définies aux groupes 77-10 et 77-11 des nomenclatures d'activités et de produits, établies par l'INSEE, décret du 9 novembre 1973, et ressortissant aux organisations syndicales ci-dessus énoncées (1).

Elle ne peut être l'occasion de restrictions aux avantages acquis antérieurement, de quelque nature qu'ils soient.



Aux termes de son article 2, modifié par avenant n° 10 du 7 juin 1974 et en vigueur étendu par arrêté du 17 juillet 1975



Le personnel administratif employé des organismes ressortissant à la confédération de la publicité française et aux parties signataires de la présente convention bénéficiera de la présente convention.

Les salariés des différentes professions étrangères à la publicité qui exercent leur activité à temps complet dans les entreprises de publicité et assimilées, ressortissant aux organisations syndicales ci-dessus énoncées, bénéficieront de la présente convention, sans que leur rémunération puisse être inférieure à celle que leur assuraient les conventions régissant leurs professions.

Exception est faite pour les entreprises appliquant à une partie de leur personnel les dispositions d'autres conventions collectives. La direction précisera, par écrit et à l'embauche, à chacun des membres de son personnel, de quelle convention il relève. (Souligné par la cour)



Pour sa part, aux termes du 3° du préambule de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, étendu par arrêté du 20 juin 1977 et élargi par arrêté du 28 juin 1989



Considérant que l'article L. 751-9 (dernier alinéa) du code du travail ouvre aux représentants de commerce le droit à une indemnité conventionnelle de licenciement ou de mise à la retraite, décident, en conséquence, d'instaurer ces indemnités par la présente convention collective qui sera seule applicable aux représentants de commerce, sauf dans le cas où une autre convention collective liant l'entreprise comporterait des dispositions plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce (gras et souligné par la cour),







dispositions qui sont également reprises à l'article 19 qui dispose



La présente convention collective s'applique aux contrats de travail conclus entre les employeurs et les représentants de commerce visés et s'impose aux rapports nés de ces contrats, sauf dispositions conventionnelles plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce. (gras et souligné par la cour)



Il se déduit de ces dispositions que la convention collective des VRP doit s'appliquer aux contrats de travail conclus entre les employeurs et les représentants de commerce et qu'elle s'impose aux rapports nés de ces contrats, sauf dispositions conventionnelles plus favorables expressément applicables aux représentants de commerce. Or, les dispositions de la convention collective de la publicité, telles que rappelées ci-dessus, sont sans ambiguïté ni contradiction en ce qu'elles ne prévoient pas son applicabilité aux représentants ayant le statut de VRP lesquels relèvent de la convention collective des VRP.



D'ailleurs, le contrat de travail de M. [C], employé comme VRP, ainsi que les bulletins de salaire qui lui ont été délivrés, font expressément mention de l'application, à la relation de travail, de cette dernière convention, ce qu'il n'a jamais contesté en son temps.



C'est à tort que M. [C] invoque plusieurs arrêts de la Cour de cassation ayant écarté la convention collective des représentants au profit d'autres conventions collectives, ces arrêts étant relatifs soit à des accords qui n'excluaient pas leur application aux salariés relevant d'autres dispositions conventionnelles, ce qui n'est pas le cas de celle de la publicité, soit à des salariés qui se trouvaient hors du champ de la convention collective des VRP et de l'ANI (souvent car non prévu au contrat de travail), ce qui n'est pas non plus le cas en l'espèce.



En conséquence, M. [C] ne peut revendiquer l'application de la convention collective de la publicité et le jugement entrepris sera réformé en ce sens.



Par contre, la convention d'entreprise du 1er janvier 2004 prévoit spécifiquement une indemnité conventionnelle de rupture pour les bénéficiaires de l'accord interprofessionnel VRP. C'est ainsi que



Sauf licenciement pour insuffisance ou faute professionnelles, l'indemnité conventionnelle de rupture prévue par l'accord national interprofessionnel des VRP donne lieu à un double calcul :

a) celui défini en son article 13,

b) celui dont l'assiette et constituée par la moyenne mensuelle de la meilleure des cinq années civiles précédant le départ, sous déduction des frais professionnels, après revalorisation selon l'évolution de l'indice INSEE,

le montant le plus favorable étant retenu.



Aux termes des dispositions de l'article 13 de la convention collective des VRP



Lorsque, après 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise, le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévus à l'article L. 751-9, alinéas 1er et 2, du code du travail (1) alors qu'il est âgé de moins de 65 ans et qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 15 du présent accord, l'indemnité à laquelle l'intéressé peut prétendre en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 751-9 précité est fixée comme suit, dans la limite d'un maximum de 6 mois et demi (2):

- pour les années comprises entre 0 et 3 ans d'ancienneté : 0,15 mois par année entière ;

- pour les années comprises entre 3 et 10 ans d'ancienneté : 0,20 mois par année entière ;

- pour les années comprises entre 10 et 15 ans d'ancienneté : 0,25 mois par année entière ;

- pour les années au-delà de 15 ans d'ancienneté : 0,30 mois par année entière.

Cette indemnité conventionnelle de rupture, qui n'est cumulable ni avec l'indemnité légale de licenciement ni avec l'indemnité de clientèle, sera calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des douze derniers mois, déduction faite des frais professionnels.

Toutefois, cette indemnité sera calculée sur la seule partie fixe convenue de cette rémunération lorsque l'intéressé bénéficiera également de l'indemnité spéciale de rupture prévue à l'article 14 ci-dessous. (Souligné par la cour)



Pour sa part, l'article L. 7313-17 du code du travail prévoit



Lorsque l'employeur est assujetti à une convention ou accord collectif de travail ou à une décision unilatérale de sa part ou d'un groupement d'employeurs, le voyageur, représentant ou placier peut, dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux articles L. 7313-13 et L. 7313-14, bénéficier d'une indemnité.

L'indemnité est égale à celle à laquelle le voyageur, représentant ou placier aurait pu prétendre si, bénéficiant de la convention ou du règlement il avait, selon son âge, été licencié ou mis à la retraite.

Cette indemnité n'est pas cumulable avec l'indemnité de clientèle. Seule la plus élevée est due.



Les pièces produites aux débats permettent donc bien de retenir les dispositions de la convention collective des VRP comme étant celles les plus favorables pour M. [C].



Au regard des dispositions applicables, et contrairement à ce que soutient l'employeur, il doit être retenu, à défaut de dispositions légales ou conventionnelles dérogatoires plus favorables, pour déterminer le salaire de base sur lequel est calculée l'indemnité de licenciement, la période de rémunération correspondant aux 12 mois précédant l'envoi de la lettre de licenciement, en dehors de toute période de suspension du contrat de travail.

Si par lettre du 11 février 2014, l'employeur a notifié à M. [C] qu'il entrait dans une période consacrée à la recherche de solutions de reclassement interne, qu'il était dispensé d'activité, tout en demeurant intégralement rémunéré, il n'en demeure pas moins que le contrat de travail n'étant pas suspendu, la période durant laquelle il a été dispensé de travailler, mais rémunéré, rentre dans l'assiette de calcul servant à la détermination du salaire de base pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement. La période de référence est donc celle débutant le 1er mai 2013 et se terminant le 30 avril 2014.



S'agissant du salaire de référence, ne doivent être totalisés que les éléments correspondant à la notion de salaire, c'est-à-dire ceux qui sont la contrepartie d'un travail effectif ou assimilé comme tel. Doivent ainsi être incluses :

- toutes les primes perçues par le salarié au cours des 12 derniers mois ;

- les heures supplémentaires ;

- les indemnités de congés payés versées par l'employeur ou par des caisses de congés payés ;

- ainsi que la part de rappel de salaire correspondant à la période de référence au titre de laquelle l'employeur a été condamné.

Doivent à l'inverse être exclus :

- le remboursement des frais professionnels réellement exposés pour l'exécution du travail (qu'ils soient définis forfaitairement ou au réel) ;

- l'indemnité compensatrice de congés payés, qui n'est pas un élément de salaire se rapportant à la période de référence ;

- les commissions et l'intéressement perçus pendant la période de référence mais relatifs à des affaires antérieures ;

- et les sommes correspondant à l'indemnisation du congé de reclassement dès lors qu'elles n'ont pas été versées en remplacement ou en complément du salaire habituellement perçu par le salarié.



En l'espèce, sur la période de référence retenue, aucun élément ne permet de considérer qu'une partie des commissions dues à M. [C] n'aurait pas été prise en compte. Au contraire, les bulletins de salaire de l'intéressé font apparaître qu'elles ont été versées chaque mois, y compris durant la période de dispense d'activité et celle du congé de reclassement. D'ailleurs, aucune des parties ne démontre, ni ne chiffre, quelles seraient les commissions qui relèveraient d'une autre période que celle de référence, et qui devraient donc être exclues du salaire de référence, ni celles qui n'auraient pas été intégrées.

De même, la cour constate que les parties n'ont formulé aucune remarque sur la nature des diverses primes perçues par le salarié au cours de la relation de travail de sorte qu'elles seront considérées comme étant la contrepartie d'un travail effectif et intégrées au salaire de référence.



Aux termes de l'article 13 de la convention collective applicable, l'indemnité conventionnelle de rupture est calculée sur la base de la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois après déduction des frais professionnels évalués forfaitairement à 30% si le VRP ne percevait aucun remboursement de frais ou sans tenir compte de ces remboursements dans le cas contraire. En l'occurrence, le contrat de travail de M. [C] ne prévoit pas l'intégration des frais professionnels aux commissions versées et l'examen de ses bulletins de salaire démontre qu'il a été remboursé de ces frais, mensuellement, au réel. Dés lors, il y a lieu de calculer le montant de l'indemnité conventionnelle de rupture en procédant non à l'abattement prévu à la convention collective mais à la déduction des seuls frais effectivement remboursés.



La rémunération perçue par M. [C] sur la période de référence, incluant l'indemnisation de ses frais professionnels, s'est élevée à la somme de 34 750,97 euros. Une fois ces frais retranchés (310 euros), sa rémunération annuelle brute s'est élevée à la somme de 34 440 euros ce qui représente une moyenne mensuelle de 2 870 euros. Pour autant, la cour, tenue par les prétentions des parties, constate que la société Pages Jaunes a entendu retenir un salaire moyen de 2 894,39 euros. Cette somme étant plus favorable pour le salarié, elle sera donc retenue pour le calcul de l'indemnité de licenciement.



Enfin, s'agissant de l'ancienneté à retenir, à défaut de stipulations conventionnelles dérogatoires, il convient de faire application de l'article L. 1233-72 alinéa 2 du code du travail'qui dispose



Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement.



de sorte que, embauché le 10 octobre 2005 et le contrat de travail ayant pris fin le 14 mai 2015 à la fin du congé de reclassement, M. [C] justifiait d'une ancienneté de huit ans, sept mois et quatre jours.



La cour constate que M. [C], qui revendiquait l'application de la convention collective de la publicité, n'a fait aucune observation sur les modalités de calcul de l'indemnité de licenciement au visa de la convention collective des VRP.

Au regard de ce qui précède, l'indemnité de licenciement doit s'établir ainsi

- pour la période d'ancienneté entre 0 et 3 ans (0,15%) : 1 302,47 euros ;

- pour la période d'ancienneté entre 3 et 10 ans, soit cinq ans, sept mois et quatre jours (0,20%) : 2 894,39 euros + 337,67 euros + 6,43 euros = 3 238,49 euros ;

soit un montant total de 4 540,96 euros.



La société Pages Jaunes, bien que retenant une période et un salaire de référence erronés, a versé à M. [C] la somme de 5 581 euros, de sorte que celui-ci a été rempli de ses droits, la cour constatant que la Société ne sollicite pas le remboursement de la différence.



Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.



Sur le maintien de la rémunération pendant la période de reclassement



M. [C] soutient que l'accord du 20 novembre 2013, insusceptible d'organiser la rupture collective de contrats de travail, ne pouvait donc pas davantage supprimer ou réduire la rémunération des salariés durant les périodes de suspension imposées par l'employeur dans le cadre d'une procédure nulle. De surcroît, il estime que la Société ne pouvait verser aux salariés placés en congé de reclassement une allocation inférieure à 65 % de leur rémunération mensuelle brute moyenne, ni omettre, au titre des frais professionnels, plus de 7 600 euros par an et par salarié.

Il relève enfin que l'accord ne pouvait pas déroger aux dispositions législatives et réglementaires, ni modifier ou réviser, sans l'accord unanime des signataires, un accord collectif antérieur non dénoncé prévoyant des dispositions plus avantageuses pour les salariés en formation. Dès lors, il estime avoir droit au maintien à 100% de sa rémunération sur toutes les périodes de reclassement imposées par la Société.



La société Pages Jaunes sollicite la confirmation de la décision entreprise estimant qu'elle a fait une juste application des dispositions du PSE prévoyant le congé de reclassement. Elle conteste avoir procédé de manière irrégulière ou erronée au calcul de la rémunération de M. [C] et affirme qu'il a perçu un salaire ne contrevenant ni à la loi ni au plan.



Sur ce,



La cour doit rappeler que l'accord collectif prévoyant un PSE a été annulé par la cour administrative d'appel de Versailles, de sorte que celui-ci ne peut plus recevoir application. Le congé de reclassement prévu par le plan est en conséquence nul comme n'ayant plus de cause conformément aux dispositions de l'article 1131 du code civil dans sa version applicable au litige, qui dispose que ' L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet . De même, ni le salarié ni l'employeur ne peuvent invoquer l'existence d'un engagement unilatéral pour maintenir son application, celui-ci n'ayant pas davantage de cause.



Au regard de la combinaison des dispositions de l'article L. 1233-7-2 du code du travail selon lequel ' le salarié qui accepte un congé de reclassement bénéficie d'un préavis qu'il est dispensé d'exécuter et perçoit pendant sa durée le montant de sa rémunération , des dispositions de l'article R. 1233-22 selon lequel ' lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement et en raison du fait que l'annulation du congé de reclassement n'entraîne pas une rupture anticipée du contrat de travail (le salarié restant sous l'autorité et à la disposition de l'employeur), M. [C] doit percevoir, pour la période du congé de reclassement, le salaire auquel il pouvait prétendre s'il avait effectivement travaillé, la cour relevant qu'aucune demande de rappel de salaire chiffrée n'a été formée au titre de la période correspondant à la dispense d'activité antérieure au licenciement.



En l'espèce, M. [C] a bénéficié d'un préavis de trois mois et d'un congé de reclassement de 12 mois. Il a donc droit au maintien de son salaire pour toute cette période.



Le salaire moyen de M. [C], calculé conformément aux règles ci-dessus rappelées, s'est élevé à la somme de 3 091,23 euros correspondant à la moyenne des trois derniers mois travaillés (contre 2 894,39 euros en retenant la moyenne des 12 derniers mois).



Il résulte des pièces produites, et non contestées, que M. [C] a perçu :

- pour la période du congé de reclassement correspondant au préavis, soit de mai à août 2014, la somme totale de 8 683,17 euros ;

- pour la partie excédant le préavis, soit du 3 août jusqu'à la suspension du congé, la somme totale de 12 621,86 euros, ainsi que 5 622 euros d'indemnité différentielle de salaire versée entre juillet 2015 et mars 2016 ;

- à l'issue de son congé de reclassement, la somme de 2 000 euros d'indemnité de retour à l'emploi.



Pour la période du préavis, il aurait dû percevoir la somme de 9 273,69 euros, soit un manque de 590,62 euros.

Pour la période excédant le préavis, la cour constate que M. [C] a bénéficié d'absences non payées et de périodes de suspension de son congé de reclassement dont le décompte exact n'est pas produit. La cour, qui n'est pas mise en mesure de connaître la durée de ces périodes, ne peut, en conséquence, pas apprécier si l'indemnisation reçue au cours des périodes de présence était au moins égale au salaire habituel, étant relevé que cette difficulté est accrue par le fait que M. [C] ne propose aucun calcul pour justifier sa demande de rappel.

Il échoue donc à démontrer que la somme qu'il a perçue au cours de la période litigieuse est inférieure à celle qu'il aurait dû percevoir si sa rémunération avait été maintenue.



Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de M. [C] mais de limiter ses prétentions à la somme de 590,62 euros, seul préjudice démontré, outre 59,06 euros de congés payés afférents, s'agissant de créances salariales. En tant que telles, ces sommes seront soumises à cotisations sociales.



Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.



Sur la remise des documents de fin de contrat



Les termes du présent arrêt modifiant les éléments ayant présidé à l'établissement des documents de fin de contrat, il convient d'ordonner à la société Pages Jaunes, la remise, à M. [C], d'un certificat de travail, d'une attestation destinée au Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, notamment s'agissant de la période de référence et du salaire, sans qu'il ne soit nécessaire de recourir à une astreinte.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



M. [C], qui succombe pour l'essentiel à l'instance, doit supporter les dépens et il sera débouté de la demande qu'il a formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ailleurs, la cour ne fera pas droit à la demande de distraction des dépens au profit de Maître Christophe Debray, avocat, la société Pages Jaunes ne justifiant pas que son conseil aurait fait l'avance de frais non compris dans les dépens et dont il n'aurait pas reçu provision.







PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,



Infirme le jugement rendu le 21 février 2017 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt sauf en ce qu'il a fixé le salaire moyen de M. [E] [C] à la somme de 3 091,24 euros, en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a alloué à ce dernier la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Déclare irrecevables, comme prescrites, l'action de M. [C] sur le fondement des articles L. 1235-10, L. 1235-11 et L. 1235-16 du contrat de travail et ses demandes indemnitaires subséquentes ;



Décide que la relation de travail est soumise aux dispositions de la convention collective des VRP ;



Déboute M. [C] de sa demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;



Condamne la société Pages Jaunes SA à verser à M. [C] les sommes suivantes :

. 590,62 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du congé de reclassement ;

. 59,06 euros bruts de congés payés afférents ;



Rappelle que les sommes ayant un caractère de salaire sont soumises à cotisations sociales et bénéficient des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;



Ordonne à la SA Pages Jaunes de délivrer à M. [C], une attestation destinée au Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paye récapitulatif conformes au présent arrêt ;



Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;



Déboute M. [C] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;



Le condamne aux dépens d'appel ;



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.





Le GREFFIER Le PRESIDENT

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