13 novembre 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/16453

Pôle 1 - Chambre 1

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 13 NOVEMBRE 2018



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/16453 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3UZA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 juin 2014 rendu par le tribunal de commerce de Paris infirmé par l'arrêt du 4 février 2016 de la cour d'appel de Paris.

Par arrêt du 15 juin 2017 la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses disp



APPELANT



Monsieur [P] [U] [M] né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] [Localité 2]



[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté et assisté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050





INTIMEE



Société RIETUMU BANKA

prise en la personne de ses représentants légaux



dont le siège est situé à :

[Adresse 2]

LETTONIE



représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0075

assistée de Me Thomas LAMBARD substituant Me Charles -Henri BOERINGER, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : K112







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 11 octobre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre

Mme Anne BEAUVOIS, présidente

M. Jean LECAROZ, conseiller



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.







Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE





ARRET :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Dominique GUIHAL, présidente de chambre et par Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.








M. [M], dirigeant et actionnaire unique de la société Green +, a cédé les parts qu'il détenait dans celle-ci à une société tierce pour la somme de 10 000 euros, après avoir transféré le solde du compte courant de la société cédée, d'un montant de 1 400 000 euros, sur un compte personnel qu'il avait ouvert dans les livres de la société lettone RIETUMU BANKA (la banque). Soutenant qu'il avait subi des menaces de poursuites pénales pour abus de bien social de la part des représentants ou mandataires de celle-ci, de sorte qu'il avait dû effectuer un virement en retour au profit de la société Green +, il a assigné la banque devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme ainsi restituée, sur le fondement du mandat apparent et de la faute quasi délictuelle. La banque a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit des juridictions lettones.



Par jugement du 26 juin 2014, le tribunal de commerce de Paris a rejeté la demande de nullité de l'assignation, s'est déclaré compétent, rejeté l'ensemble des demandes de M. [M], condamné celui-ci à payer à la banque la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



M. [M] a fait appel de cette décision le 23 juillet 2014.



Par un arrêt du 4 février 2016, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent, rejeté les demandes de M. [M], dit que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître du litige opposant M. [M] à la banque, et condamné M. [M] à payer à la banque la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [M] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.



Par un arrêt rendu le 15 juin 2017, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt de cette cour du 4 février 2016 aux motifs suivants :



« Sur le premier moyen :



Vu l'article 5, § 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable en la cause ;



Attendu que, pour accueillir l'exception de procédure, l'arrêt retient que rien ne justifie que le bureau de représentation ouvert par la banque à [Localité 1] ait une personnalité morale distincte de celle de son siège, ni que l'ordre de virement signé en France par M. [M] ait été exécuté sur le territoire français, de sorte que la prestation incriminée est présumée avoir été exécutée sur les lieux où la banque exerce son activité bancaire en Lettonie ;



Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, le lieu où le fait dommageable s'était produit, alors que l'action introduite par M. [M] avait notamment pour fondement l'article 1382, devenu 1240 du code civil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;



Et sur le quatrième moyen :



Vu les articles 96 et 562 du code de procédure civile ;



Attendu qu'une cour d'appel qui se déclare incompétente pour connaître de l'action dont elle est saisie, excède ses pouvoirs en statuant au fond ;



Attendu qu'après avoir déclaré la juridiction française incompétente et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt rejette toutes autres demandes ;



Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ; »



M. [M] a saisi cette cour par déclaration du 29 juin 2017.




Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 septembre 2018, M. [M] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité et d'incompétence opposées par la banque, d'infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner la banque à lui payer la somme de 1 484 000 euros avec intérêts de droit à compter du 9 mai 2011, celle de 750 000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires et celle de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction, et de dire que l'arrêt à intervenir sera opposable à la Caisse des dépôts et consignations (M. [M] soutenant que la banque « a été condamnée sur le plan pénal à séquestrer à titre de caution la somme de 90 millions d'euros à la Caisse des dépôts et consignation »).



Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er octobre 2018, la banque demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître des demandes de M. [M], et statuant à nouveau, de se déclarer incompétente pour connaître ces demandes, de confirmer le jugement en qu'il rejeté les demandes de M. [M], de le condamner à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.




SUR QUOI,



Sur la compétence territoriale



Considérant que la banque soutient que la Cour de cassation a fait une appréciation erronée des demandes de M. [M] lequel ne peut pas invoquer la responsabilité délictuelle de la banque, que le bureau de représentation de la banque à [Localité 1] ne peut être qualifié d'établissement au sens de l'article 5, § 5 du règlement n°44/2001 et que l'article 5, § 1 a) du même règlement est applicable au virement bancaire litigieux ;



Mais considérant que l'article 5, § 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable en la cause, dispose que :



« Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :

[']

3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ;

[...] »



Considérant que l'action introduite par M. [M] a notamment pour fondement l'article 1382, devenu 1240 du code civil ; qu'il invoque en tant que faits dommageables, les man'uvres frauduleuses de M. [Y] lors de rencontres à l'hôtel [Établissement 1] à [Localité 1] et dans les locaux de la banque RIETUMU BANKA situés à Paris ainsi que la signature de l'ordre de virement effectuée à Paris ;



Considérant que ces faits dommageables, qualifiés par M. [M] de man'uvres frauduleuses et invoqués par lui à l'appui de ses demandes d'indemnisation dirigées contre la banque sur le fondement de la responsabilité délictuelle de cette dernière, se sont produit à [Localité 1] ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner si la banque avait un établissement en France au sens de l'article 5, § 5 du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 ni déterminer le lieu d'exécution du virement litigieux au regard de l'article 5 § 1 a) du même texte, il y a lieu de dire que le tribunal de commerce de Paris était territorialement compétent ; que le jugement du 26 juin 2014 est donc confirmé sur ce point ;



Sur les demandes de M. [M]



Considérant que pour imputer une faute à la banque, M. [M] soutient qu'il a été victime des man'uvres frauduleuses commises par M. [Y], représentant ou mandataire apparent de la banque, orchestrées dans le but de lui faire signer un ordre de virement ;



Mais considérant que, préalablement à la cession de ses parts sociales de la société GREEN +, M. [M], actionnaire unique et administrateur de cette société a, selon ses termes, « recueilli le montant des actifs constitués des bénéfices » de cette société pour un montant total de 1 947 000 euros ; que M. [M] a notamment effectué trois virements du compte bancaire de la société GREEN + vers un compte bancaire ouvert à son nom dans les livres de la banque pour un montant de 1 484 000 euros entre le 14 février et le 6 mars 2011 ; que le 18 mars 2011, M. [M] a cédé la totalité de ses parts dans la société GREEN + au groupe GALAXY pour la somme de 10 000 euros ;



Que cependant, le nouvel administrateur de la société GREEN + a fait le reproche à M. [M] d'avoir retiré ces sommes des comptes de la société et lui a demandé de les réintégrer ainsi qu'il résulte du « protocole transactionnel sous seing privé de dommages et intérêts » ; que si ce document est non daté, il porte la signature de M. [M] contrairement à ce que celui-ci affirme ; que pour mettre fin au conflit l'opposant à la société GREEN +, M. [M] s'est engagé par le protocole transactionnel à payer à cette société la somme de 500 000 euros ;



Qu'il en résulte que, contrairement aux affirmations de Me Donato, avocat au barreau de Milan, il n'était pas établi que M. [M] pouvait avant la cession « vider la société de ses actifs et de ses liquidités » ; qu'il ne peut donc être imputé aucune faute à la banque dans un litige et sa résolution par le protocole transactionnel conclu entre M. [M] et le cessionnaire de la société GREEN + ; qu'à supposer que la banque ait conseillé à M. [M] de procéder à cet ordre de virement litigieux, elle ne peut se voir imputer une faute dès lors qu'elle a rempli ses obligations à l'égard de son client ; qu'en effet, il ne peut pas lui être reproché une faute pour avoir mis en garde son client contre les risques qui s'attachaient à ce qui pouvait être regardé comme un détournement des actifs de la société GREEN + ;



Que le jugement est donc confirmé ;



Sur les autres demandes



Considérant que M. [M] n'établissant aucune faute commise par la banque, sa demande en dommages-intérêts est rejetée ;



Qu'il serait inéquitable de laisser à la banque la totalité des frais qu'elle a engagés dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens ; que M. [M] est condamné à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Que succombant à l'instance, M. [M] est condamné aux dépens avec distraction ;



PAR CES MOTIFS,



Confirme le jugement,



Rejette les demandes de M. [M],



Y ajoutant,



Condamne M. [M] à payer à la société RIETUMU BANKA la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [M] aux dépens avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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