14 novembre 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/15645

Pôle 6 - Chambre 9

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 14 Novembre 2018

(n° , 17 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/15645 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2HMP





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 14/06504





APPELANTE



Mme [T] [N] épouse [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1977 à

représentée par Me Jérôme POUGET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0381 substitué par Me Charlène COLOMBAIN, avocat au barreau de GRASSE



INTIME



M. [X] [A]

[Adresse 3]

[Adresse 3] / FRANCE

né le [Date naissance 5] 1921 à [Localité 6]

représenté par Me Vanessa SEBBAN-BOHBOT de l'AARPI GRINAL KLUGMAN AUMONT, avocat au barreau de PARIS





COMPOSITION DE LA COUR :





L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sandra ORUS, Président

Séverine TECHER, Vice-Président Placé

Carole CHEGARAY, Conseiller

qui en ont délibéré



Greffier : Caroline GAUTIER, lors des débats



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Sandra ORUS, Président et par Madame Fanny MARTIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.












EXPOSE DU LITIGE



Au terme d'un contrat écrit du 10 novembre 2010, Mme [N] a été embauchée par M. [A] en qualité d'aide ménagère et gouvernante, moyennant un salaire mensuel de 1500 euros pour une durée de travail de 35 heures par semaine.



En dernier lieu de la relation contractuelle, Mme [N] percevait un salaire brut mensuel moyen de 1950,84 euros outre l'hébergement et la nourriture qualifiés d'avantages en nature dans le contrat de travail. Mme [N] était rémunérée par chèque emploi service universel (CESU).



La relation de travail était régie par la convention collective des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999.



Par lettre du 28 janvier 2014, M. [A] a convoqué Mme [N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le le 6 février 2014. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre du 11 février 2014.



Contestant la rupture de son contrat de travail , Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 7 mai 2014 de demandes en indemnisation au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.



Par jugement rendu le 18 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de Paris ,statuant en formation de départage, a :



- requalifié le contrat de travail en contrat à durée indéterminé à temps plein de 40h à compter du 01/10/2009;

-dit que le licenciement intervenu le 11/02/2014 à son encontre comme nul pour violation du statut protecteur de la salariée enceinte et en conséquence, a condamné M. [A] à verser à Mme [N] les sommes de :

13 665,88 € à titre d'indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement;

8 530,25 € à titre de paiement des salaires pendant la période de protection;

853,05 € à titre de CP afférents;

1 723,29 € à titre d'indemnité de licenciement;

943,95 € à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire;

94,40 €à titre de CP afférents;

3 901,68 €à titre d'indemnité de préavis;

390,17 € à titre d'indemnité compensatrice de CP;

1 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour absence de fixation par écrit du jour de repos hebdomadaire dans le contrat de travail;

3 000 € à titre d'indemnité pour absence de visites médicales d'embauche et périodique.

-ordonné à M. [A] de remettre à Mme [N] les bulletins de paie du 01/10/2009 au 11/02/2014 , une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés et mentionnant une date d'embauche au 01/10/2009;

-ordonné à M. [A] de remettre à Mme [N] les bulletins de paie du 01/10/2009 au 11/02/2014 mentionnant l'évaluation des avantages en nature repas ' 286,11 € par mois et logement ' 71 € par mois;

-dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile;

-dit laisser à chacune des parties la charge de ses dépens;

-débouté Mme [N] du surplus de ses demandes;

-débouté M.[A] de sa demande reconventionnelle.



Par déclaration du 14 décembre 2016 , Mme [N] a interjeté appel de ce jugement.




Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2018, M. [A] demande à la cour de prononcer une fin de non-recevoir relative à l'assignation forcée de Mme [A], en conséquence d'ordonner la mise hors de cause de cette dernière; de déclarer irrecevable sa demande nouvelle de réintégration pour licenciement nul;



M.[A] demande en outre à la cour de débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes notamment celles formées au stade de l'appel et ainsi:



- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a :



ordonné la remise par M.[A] des bulletins de paie du 1er octobre 2009 au 11 février 2014 mentionnant l'évaluation des avantages en nature à 286,11 euros par mois pour les repas et 71 euros par mois pour le logement;

ordonné la remise par M.[A] à Mme [N] d'une attestation Pôle emploi et un certificat de travail mentionnant une date d'embauche au 1er octobre 2009;

requalifié la relation de travail à temps complet soit 40 heures de travail par semaine;

condamné M. [A] à verser à Mme [N] la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de fixation du jour de repos hebdomadaire;

condamné M. [A] à verser à Mme [N] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et périodique;



- de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté Mme [N] de ses demandes:



de rappels de salaires, de présence de nuit responsable et de dommages et intérêts relatifs à la violation de la durée maximale du travail de nuit;

d'indemnisation relatives à une différence de traitement avec M.[H];

de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

d'indemnisation en conséquence du travail dissimulé ;



- de condamner Mme [N] à verser à M. [A] la somme de :

50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, financier et de réputation subi par lui;

10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

17 555,56 euros au titre du remboursement des sommes payées au titre de l'exécution provisoire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir;



de condamner Mme [N] aux entiers dépens au profit de la SELARL 2H AVOCATS, en la personne de Maître Patricia HARDOUIN conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 juin 2018 .



Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 juillet 2018, Mme [N] demande à la cour, à titre préliminaire, de révoquer l'ordonnance de clôture du 27 juin 2018 et de



-dire la demande d'intervention forcée recevable et rendre commun l'arrêt à intervenir aux époux [A] au vu de la solidarité des dettes ménagères. A titre très subsidiaire, si la cour estimait que la solidarité ne pouvait jouer avant le mariage des époux, elle prononcera une condamnation solidaire pour toutes les sommes dues à partir du [Date mariage 4] 2011 (date du mariage) et toutes les indemnités relatives à la rupture du contrat intervenue pendant le mariage;

-constater que l'instance devant le conseil des prud'hommes de Paris a été introduite le 6 mai 2014, en conséquence la prescription quinquennale n'est pas acquise pour les rappels de salaire à compter du 1er juillet 2009 et que les mesures transitoires de l'article 21 V de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 s'appliquent.

- dire que les demandes nouvelles de Mme [N] en cause d'appel sont recevables en vertu des dispositions de l'article 8 du décret 2016-660 du 20 mai 2016, qui abroge le principe de l'unicité de l'instance qui n'est applicable qu'aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes qu'à compter du ler août 2026;



L'appelante demande également à la cour de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Paris en ce qu'il a :



débouté Monsieur [X] [A] de ses demandes reconventionnelles;

requalifié le contrat de travail liant Madame [T] [N] et Monsieur [X] [A] en contrat de travail à temps plein de 40 heures par semaine, soit 174 heures par mois, à compter du 01/07/2009;

dit que l'emploi salarié de Mme [N] a été intentionnellement dissimulé par son employeur;

dit que le licenciement intervenu le 11 février 2014 à l'encontre de Madame [T] [N] est nul pour violation du statut protecteur de la salariée enceinte;



en conséquence :



fixer l'évaluation des prestations en nature repas et logement fournies par l'employeur sur la période du 01/10/2009 au 13/01/2014 à 357,11 euros net par mois ; dire que ces prestations en nature ont été fournies à titre onéreux par l'employeur et déduites du salaire net;

fixer le salaire horaire de Madame [T] [N] à 12,25 euros net/15,93 euros brut ;

fixer le salaire mensuel brut de Madame [T] [N] pour un temps complet de 174

heures par mois à 2.771,82 euros ;

fixer l'indemnité forfaitaire de présence de nuit à 18,59 euros brut par nuit ;

majorer de 24,48% le salaire horaire et l'indemnité forfaitaire de présence de nuit de Madame [T] [N] à titre de différence de traitement illicite.





Mme [N] demande en outre à la cour de condamner solidairement Madame et Monsieur [X] [A] à lui verser les sommes suivantes :



-au titre de paiement du salaire brut résultant de la requalification du contrat de travail à temps plein :



pour l'année 2009, 16 630,92 euros brut, le net étant calculé sur une assiette de cotisations fixée à 16 630,92 euros;

pour l'année 2010, 30 220,04 euros brut, le net étant calculé sur une assiette de cotisations fixée à 30 470,18 euros;

pour l'année 2011, 12 385,99 euros brut, le net étant calculé sur une assiette de cotisations de 16 069,28 euros;

pour l'année 2012, 10 719,45 euros brut, le net étant calculé sur une assiette de cotisations de 13 630,32 euros;

pour l'année 2013, 10 827,17 euros brut, le net étant calculé sur une assiette de cotisations de 10 827,17 euros;

pour l'année 2014, 614,31 euros brut, le net étant calculé sur une assiette de cotisations de 614, 29 euros;

- au titre des congés payés sur la période du ler juillet 2009 au l1 février 2014:

. pour l'année 2009, 1663,10 euros brut au titre des congés payés afférents ;

pour l'année 2010, 3326,19 euros brut au titre des congés payés afférents ;

pour l'année 2011, 3326,19 euros brut au titre des congés payés afférents;

pour l'année 2013, 3326,19 euros brut au titre des congés payés afférents ;

pour l'année 2014, 116,24 euros brut au titre des congés payés afférents;



-au titre des heures supplémentaires sur une base de 3240,52 euros par mois entre octobre 2009 et décembre 2013 :



165 266,50 euros brut sur la période d'octobre 2009 à décembre 2013;

16 526,65 euros brut à titre des congés payés afférents;



-au titre de l'indemnité de présence de nuit sur la base de 352,75 euros par mois entre octobre 2009 et décembre 2013 :



17 993,28 euros brut sur la période d'octobre 2009 à décembre 2013;

1799,28 euros brut au titre des congés payés afférents;



-au titre de la majoration pour différence de traitement illicite sur une base de 1603,67 euros par mois entre octobre 2009 et décembre 2013 :



81 787,05 euros brut sur la période d'octobre 2009 à décembre 2013;

8178,71 euros brut au titre des congés payés afférents;



L'appelante demande également à la cour de condamner solidairement Madame et Monsieur [X] [A] à lui verser les sommes suivantes :



10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le dépassement du maximum conventionnel d'heures supplémentaires;

1000 euros net à titre de dommages et intérêts pour absence de fixation par écrit du jours de repos hebdomadaire dans le contrat de travail;

3000 euros net au titre de l'indemnité pour absence de visites médicales d'embauche et périodiques;

5000 euros net à titre de dommages et intérêts pour les dates de congés payés non fixées et congés annuels non pris;

5000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le recours irrégulier au chèque emploi-service universel;

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

47 523,42 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul;

20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les conditions ayant entouré le licenciement.



Ordonner la réintégration de Mme [N], en conséquence :



-Condamner solidairement les époux [A] à verser à Mme [N] les sommes de :

124 213,32 euros brut au titre des salaires non perçus entre le 12 février 2014 et le 11 février 2017, sauf à parfaire la date effective de réintégration;

12 421,34 euros brut au titre des congés payés afférents;



A titre subsidiaire, si la cour n'ordonnait pas la réintégration :



-condamner solidairement les époux [A] à verser à Mme [N] les sommes de :

25 187,70 euros brut au titre des salaires non perçus entre le 11 février 2014 et le 20 septembre 2014;

2518,77 euros brut au titre des congés payés afférents;

6900,74 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois);

690,07 euros brut au titre des congés payés afférents;

7271,09 au titre de l'indemnité légale de licenciement;

75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul d'une femme enceinte;

47 523,42 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé;



-dire que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de la demande en justice, soit le 6 mai 2014 et prononcer la capitalisation des intérêts;



En tout état de cause :



ordonner la remise par l'employeur des bulletins de paie du CNESU depuis le 1er juillet 2009 sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document;

condamner les époux [A] à verser à Mme [N] le paiement de 5000 euros pour la procédure en première instance et 6000 euros en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

condamner les époux [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Par conclusions régulièrement notifiées le 12 septembre 2018, M. [X] [A] et Mme [M] [A] se sont joints à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture sollicitée par l'appelante.



A l'audience du 12 septembre 2018, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture prononcée le 27 juin 2018 et accueilli les dernières conclusions de l'appelante notifiées le 9 juillet 2018.



La nouvelle clôture a été prononcée à cette audience.



En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.




MOTIFS



Sur l'assignation en intervention forcée de Mme [A].



Les articles 554 et 555 du code de procédure civile disposent que peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité, ces mêmes personnes pouvant être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause;



En l'espèce, Mme [N] appelle en intervention forcée Mme [M] [A], épouse de M. [X] [A], sur le fondement des dispositions de l'article 220 du code civil, soutenant que celle-ci est tenue solidairement aux dettes liées au contrat de travail de l'employée de maison;



Or, il est constant que M. et Mme [A] ont contracté mariage le [Date mariage 4] 2011, soit plusieurs années avant la saisine du conseil des prud'hommes par Mme [N] le 6 mai 2014, et cinq ans avant le jugement rendu; que cette situation était connue de la demanderesse en première instance et n'a donc pas été révélée postérieurement au jugement, modifiant ainsi les données du litige; que la mise en cause de Mme [A] était donc possible devant la juridiction de premier degré;



Mme [N] se contente d'alléguer, sans rapporter la preuve de ses allégations, un transfert de patrimoine en cours entre les époux lequel, en tout état de cause, ne pourrait constituer une évolution du litige au sens de l'article 155 précité;



De même, l'introduction d'une instance à l'encontre de Mme [A] devant le conseil des prud'hommes en cours de procédure de première instance, pour laquelle cette dernière a d'ailleurs sollicité la radiation de l'affaire, ne constitue pas davantage une modification des données juridiques du litige;



Mme [N] échoue en conséquence à démontrer une évolution du litige pour justifier de la mise en cause de Mme [M] [A];



L'intervention forcée de Mme [A] sera par suite déclarée irrecevable et Mme [A] mise hors de cause;



Sur la prescription



L'article 21 de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 qui a ramené la prescription en matière de salaire de 5 ans à 3 ans a prévu des mesures transitoires qui énoncent que « les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieures »;



Il en résulte que le nouveau délai de prescription s'applique aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure;



En l'espèce, l'intimé soulève la prescription de toutes les demandes à caractère de salaires formulées par Mme [N] sur la période du ler juillet 2009 au 10 février 2011, alors qu'au jour de la promulgation de la loi, l'appelante fait valoir à bon droit qu'il s'était écoulé 3 ans 11 mois et 16 jours et qu'il lui restait encore un délai d'un an et 14 jours pour agir;



Les demandes en paiement de salaires pour la période considérée seront en conséquence déclarées recevables;



Sur les demandes nouvelles de Mme [N] visant à obtenir sa réintégration et l'indemnisation au titre de l'utilisation irrégulière du CESU



Aux termes du décret 2016-660 du 20 mai 2016, les règles spécifiques à la procédure prud'homale relatives à l'unicité de l'instance et à la recevabilité des demandes nouvelles ont été abrogées pour toutes les instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du ler août 2016;



Il s'ensuit que pour les instances introduites avant le ler août 2016, les demandes nouvelles sont possibles en cours d'instance et en cause d'appel;



En l'espèce, il est constant que Mme [N] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 6 mai 2014 et qu'en conséquence, l'instance reste régie par la règle de l'unicité d'instance;



Dès lors, ses demandes visant à obtenir sa réintégration et l'indemnisation au titre de l'utilisation irrégulière du Cesu seront déclarées recevables;



Sur l'exécution du contrat de travail



sur la date d'embauche



C'est par des motifs pertinents et circonstanciés que la cour adopte que le premier juge a fixé au ler octobre 2009 la date d'embauche de Mme [T] [N] par M. [A];



Le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur ce point et sur la remise par l'employeur de l'attestation pôle emploi et du certificat de travail mentionnant la date d'embauche au ler octobre 2009 sans le recours à l'astreinte;



Sur le travail dissimulé



Aux termes des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche;



Le premier juge a justement rappelé les conditions dans lesquelles M. [A] avait entrepris toutes les démarches et formalités nécessaires auprès des autorités administratives pour que Mme [N] obtienne un titre de séjour, dans le but de régulariser sa situation administrative, et qu'elle puisse avoir accès à un emploi régulier, et que, s'il est acquis que celui-ci a accompli avec retard les formalités d'embauche, il ne peut être déduit de cette seule circonstance l'élément intentionnel exigé par la loi de se soustraire à la déclaration préalable d'embauche;



C'est donc à bon droit que le conseil des prud'hommes a retenu l'absence d'intention de recourir au travail dissimulé;



Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de toutes ses demandes formulées à ce titre;



Sur l'utilisation du chèque emploi service universel



Il est constant que M. [A] a employé Mme [N] dans le cadre d'un emploi à caractère familial; qu'il a utilisé le chèque emploi service pour déclarer mensuellement et de manière simplifiée l'emploi de sa salariée, alors qu'il est soulevé à bon droit par l'appelante que le nombre d'heures effectuées obligeait notamment l'employeur à rédiger un contrat de travail avec des mentions relatives à l'organisation du temps de travail; que les avantages en nature dont bénéficiait la salariée et qui ne sont pas contestés ( logement et nourriture) devaient être effectués auprès de l'URSSAF avec remise de bulletins de paye;



La cour relève en définitive que l'utilisation du chèque emploi service au regard du nombre d'heures effectuées par la salariée et la nature de son salaire, qui comprenait des avantages en nature; n'était conforme ni à la convention collective des salariés du particulier employeur ni aux textes de l'article L1271-1 et suivants du code du travail;



Toutefois, en dépit d'une déclaration des heures effectuées par la salariée sous une forme simplifiée, inadaptée à la réalité de son contrat de travail, Mme [N] ne justifie pas du préjudice personnel qu'elle aurait subi du fait du recours au chèque emploi service, qu'elle n'a d'ailleurs jamais contesté pendant la relation de travail et alors que les attestations du Cesu valant bulletins de salaire lui ont remises régulièrement;



Il en résulte que l'indemnité réclamée n'est pas justifiée et sera rejetée;



Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein



Le premier juge a justement rappelé que les dispositions de l'article L7221-2 du code du travail énoncent que ne sont pas applicables aux salariés employés de maison les dispositions légales relatives à la durée du travail et au contrat de travail à temps partiel; cependant, en l'absence d'écrit, l'emploi est présumé à temps complet, l'employeur pouvant renverser cette présomption en apportant la preuve que le salarié ne se tenait pas à sa disposition permanente;



En l'espèce, il est constant que M. [A] ne verse aux débats qu'un contrat de travail simplifié, inséré dans la demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger du 25 septembre 2010, qui mentionne un emploi d'aide ménagère /gouvernante dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, une rémunération mensuelle nette hors avantages en nature de 1 500 euros, des avantages en nature relatifs à l' hébergement et à la nourriture, et fixe la durée hebdomadaire du travail à 35 heures;



La cour relève que le conseil des prud'hommes a par des motifs pertinents et circonstanciés retenu que M. [A] n'a pas renversé la présomption de travail à temps complet concernant le contrat de Mme [N]; qu'en cause d'appel, il ne justifie pas davantage de la répartition des horaires de travail dans la semaine, puisque si le contrat de travail simplifié précisait bien effectivement que la salariée était embauchée pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures par semaine, ces horaires de travail n'étaient ni fixés avec précision, ni organisés de sorte que les changements d'horaires pouvaient intervenir à la convenance de l'employeur; qu'en tout état de cause, ni la lettre du 31 décembre 2013 de Mme [N] à son employeur qui demande à ce dernier de s'en tenir « à son horaire mensualisé de 150h par mois soit de 13h à 20h, du lundi au vendredi » ni l'attestation de M. [C] [U] qui évoque les « horaires flexibles » de Mme [N] ne suffisent à renverser la présomption qui pèse sur l'employeur;

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a requalifié la relation de travail entre Mme [N] et M. [A] en contrat de travail à temps plein et fixé la durée du temps de travail à 40 heures par semaine soit 174 heures par mois, durée conventionnelle du travail à temps plein;



Sur les rappels de salaires



Sur le salaire de Mme [N]



Mme [N] reconnaît avoir perçu depuis le début de la relation contractuelle un salaire net de 1500 euros par mois montant que confirme l'employeur, élément corroboré par les déclarations de la salariée devant les services de police qui affirmait: «  depuis octobre 2009 je suis à sa disposition tout le temps.. et je ne suis payée que 1500 euros par mois » ( main courante du 11 janvier 2014), par le contrat simplifié signé le 25 septembre 2010 qui porte mention de « 1500 euros » au titre du salaire, par la copie d'un chèque adressé par M. [A] à Mme [N] et par les déclarations de M. [A] aux services de l'URSSAF;



Il est donc établi que M. [A] a déclaré sa salariée sur la base de 1500 euros net par mois pour 35 heures par semaine soit 150 heures par mois;



En revanche, M. [A] ne justifie pas avoir intégré dans ce salaire de base, contrairement à ce qu'il affirme, les avantages en nature qu'il a consentis à sa salariée;



Il résulte de l'ensemble de ces éléments soumis à la cour que le salaire net versé à la salariée, avant la déduction des avantages en nature, est de 10 euros de l'heure, soit un salaire brut calculé par le Cesu de 1950,84 euros par mois pour 157.67 heures , soit encore 13 euros bruts de l'heure en ceux compris les 10% au titre des congés payés tels que mentionnés dans les bulletins de salaire délivrés par le Cesu ( pièce 18 au débat) ;



Il en résulte que le salaire net de Mme [N] , hors avantages en nature fixés par le premier juge à la valeur de 357,11 euros, est de 10 euros de l'heure;



Les prestations en nature repas et logement fournies à titre onéreux devront en conséquence être déduites du salaire net et portées sur les bulletins de salaire rectifiés que l'employeur devra remettre à la salariée;



La cour rappelle que l'existence d'avantages en nature oblige l'employeur à produire des bulletins de salaire , dès lors que ces avantages ne relèvent pas de la formule simplifiée proposée par le chèque emploi universel.



La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce que M. [A] devra produire des bulletins de salaires rectifiés à son ancienne salariée.



Sur les rappels de salaires à temps plein entre l'année 2009 et l'année 2014:



Au regard du montant des salaires perçus par Mme [N] depuis le ler octobre 2009, début de la relation contractuelle, la cour relève que la salariée aurait dû percevoir sur la base du taux horaire brut retenu:

13 euros x 174h x 52 mois = 117 624 euros;



Mme [N] a perçu un salaire brut 101 400 euros correspondant à :

13 euros x 150 heures x 52 mois



L'employeur lui est donc redevable de la somme de 16 224 euros brut au titre des rappels de salaire à temps plein pour la période considérée, les congés payés étant inclus;







Sur les heures supplémentaires :



En vertu des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail applicables en l'espèce,, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;



Mme [N], qui doit préalablement étayer sa demande, produit un décompte informatique des heures qu'elle estime avoir accomplies, calculé mois par mois, jour par jour, pour l'ensemble de la période considérée ( octobre 2009-février 2014) , en précisant la nature des fonctions accomplies, assistante de vie, gouvernante et aide ménagère, correspondant selon elle à un niveau 4 de la convention collective applicable, et expliquant qu'en raison de la nature de ses missions, elle devait être en permanence disponible jour et nuit ainsi que les week-end pour répondre aux besoins de son employeur;



M. [A] justifie avoir employé depuis de nombreuses années un salarié pour les tâches ménagères, M. [V] [H], fait confirmé par l'attestation précise et circonstanciée de Mme [Y] qui indique que « Mademoiselle [T] [N] bénéficiait de conditions de vie chez M. [X] [A]  d'autant plus faciles et agréables que ce dernier avait à son service un fidèle employé de maison , logé dans l'immeuble qui effectuait la quasi-totalité des tâches ménagères » de sorte que les fonctions d'aide ménagère de Mme [N] étaient nécessairement très réduites et n'excédaient pas, en tout état de cause, la durée normale de travail;



M. [A] produit encore l'attestation précise et circonstanciée de [C] [U] qui affirme avoir bien connu Mme [N] et fait valoir que celle-ci bénéficiait en sa qualité de dame de compagnie d'horaires flexibles qui lui permettaient de se lever quotidiennement aux environs de midi, de déjeuner en compagnie de M. [A] et d'avoir peu de contraintes qui lui permettaient des loisirs ( soirées cinéma et restaurant entre amis, pratique du sport en salle...);



M. [A] verse enfin un certificat médical du 29 août 2016 du docteur [P], son médecin traitant depuis plus de quinze ans, qui atteste que M. [A] n'a jamais nécessité l'aide d'une tierce personne 24h/24h, et que « son maintien à domicile n'a, à ce jour, pas posé de problème particulier » ; ce certificat contredit les affirmations de Mme [N] selon lesquelles sa présence était nécessaire à tout moment et justifiait un horaire très au-delà d'une journée normale de travail;



Toutefois, au regard des explications données de part et d'autre et des éléments objectifs soumis à la cour, notamment les horaires « flexibles » qui étaient imposés à la salariée qui vivait au domicile de son employeur, mais également la nature des activités de Mme [N] qui, selon les témoins, était beaucoup plus réduite que celle évoquée dans les écritures de l'appelante, la cour retient que celle-ci a accompli, après déduction des semaines d'absence de son employeur qu'elle a relevées dans son décompte, 585 heures supplémentaires sur la période ( années 2009-2014) lesquelles seront indemnisées sur la base du taux horaire brut majoré de 25% soit 9506,25 euros, congés payés inclus;



Sur l'indemnité de présence de nuit:



Le certificat médical produit par M. [A] écarte sans ambiguité la nécessité d'une aide d'une tierce personne 24h sur 24h, Mme [N] ne produisant pour sa part aucun élément objectif établissant que sa présence auprès de M. [A], la nuit, était indispensable;



La cour retient qu'il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté et suffisamment établi par les attestations précédemment évoquées que l'emploi Mme [N] correspondait à ce que la convention collective qualifie « d'assistante de vie niveau IV » dans des missions simples d'accompagnement et d'assistance de son employeur; que cependant, en dehors de ces tâches, Mme [N] ne justifie d'aucune des nombreuses missions qu'elle décrit au service de M. [A], au demeurant totalement incompatibles avec les déclarations des témoins selon lesquels elle avait chez M. [A] une vie agréable et des horaires flexibles qui lui permettaient de se consacrer à ses loisirs;



La cour relève de surcroit, sur la base des documents versés par la salariée, que pendant la période 2009-2014, M. [A] s'est absenté de son domicile à de très nombreuses reprises ( 105 semaines) périodes pendant lesquelles elle n'a pas travaillé à son service et ne l'accompagnait pas , démontrant ainsi que son employeur ne nécessitait pas, contrairement à ce qu'elle soutient, une présence responsable permanente la nuit;



La cour confirme en conséquence la décision des premiers juges d'écarter la demande au titre de l'indemnité de présence de nuit;



Sur les dommages-intérêts pour dépassement du maximum conventionnel d'heures supplémentaires:



La cour relève qu'au regard du nombre d'heures supplémentaires retenu, les dispositions de la convention collective du salarié du particulier employeur ne prévoient pas d'indemnisation pour dépassement du maximum conventionnel d'heures supplémentaires et qu'en conséquence Mme [N] ne peut se prévaloir d'un préjudice à ce titre;



Le jugement déféré sera confirmé sur ce point;



Sur l'indemnisation des congés payés non fixés et non pris et l'absence de mention du repos hebdomadaire:



La cour adopte les motifs pertinents du premier juge qui a fixé à 1000 euros les dommages-intérêts relatifs à l'absence de mention sur le contrat de travail du jour de repos hebdomadaire;



Le jugement déféré a par ailleurs relevé à bon droit que Mme [N] n'avait pas bénéficié du nombre de jours de congés payés auxquels elle avait droit, hormis une prise de congés au mois de septembre 2013, en décembre 2013 et en janvier 2014, ce qui l'employeur en cause d'appel n'a pas contesté;



C'est à tort que M. [A] soutient qu'en raison de ses nombreuses absences pendant l'année, Mme [N] bénéficiait de fait de congés alors que les congés n'étaient pas fixés conventionnellement, qu'il n'est donc pas démontré par l'employeur que la « flexibilité » de l'emploi du fait de ses nombreuses absences était assimilée à des congés pour la salariée;



Il convient en conséquence d'indemniser Mme [N] à hauteur de la somme de 4000 euros au titre des congés payés non fixés et non pris;



La cour confirme par l'adoption des motifs du premier juge le rejet de la demande d'indemnisation relative à la violation des dispositions conventionnelles relatives aux jours fériés et chômés, Mme [N] ne justifiant pas en appel de la preuve de la violation des dispositions conventionnelles à ce titre;



Sur le traitement discriminatoire



Le premier juge a écarté à juste titre par des motifs pertinents et précis que la cour adopte la demande de Mme [N] fondée sur un traitement salarial discriminatoire avec M. [H], employé de maison chez M. [A];



Il est notamment relevé que l'employeur établit suffisamment que les deux salariés n'étaient pas dans une situation comparable; qu'il n'existait pas d' identité de fonctions entre l'emploi de Mme [N] ( assistante de vie ) et celui de M. [H], dont il est rapporté qu'il effectuait « la quasi-totalité des tâches ménagères », ni une expérience comparable entre eux pour prétendre à un traitement discriminatoire, étant observé surabondamment que l'appelante ne justifie par aucune pièce avoir été le supérieur hiérarchique de l'autre salarié;



Sur le harcèlement moral



L'article L 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel;



Selon les dispositions de l'article L 1154-1 du même code, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utiles;



Madame [N] qui dénonce des faits de harcèlement moral de la part de son employeur fait état de l'emprise psychologique de M. [A] qui exerçait selon elle un contrôle strict de sa vie privée et qui, apprenant son état de grossesse, n'a eu de cesse d'exercer sur elle des pressions pour obtenir sa démission, provoquant chez elle un état de stress; elle étaye l'essentiel de ses affirmations en produisant le témoignage de M. [U] selon lequel les visiteurs de Mme [N] devaient obtenir l'autorisation préalable de M. [A] pour se rendre chez elle; en versant aux débats les justificatifs de l' intervention des services de police le 9 janvier 2014 au domicile de M. [A] pour séquestration, les justificatifs de sa main courante auprès des services de police le 11 janvier 2014, de l 'intervention d'un huissier de justice pour procéder à son expulsion alors qu'elle était en état de grossesse;



Ces faits permettent de présumer l'existence d'un harcèlement,



M. [A] établit pour sa part:



que Mme [N], depuis le début de la relation contractuelle, disposait de l'appartement de son employeur et ne vivait pas confinée dans sa chambre ( attestation [U]: « lorsque M. [A] s'absentait de son domicile elle avait la jouissance de son appartement et pouvait y recevoir librement ses ami(e)s les plus proches... lors de mes nombreuses visites j'ai toujours constaté que Melle [N] était libre de circuler dans l'appartement de Mr [A] et qu'elle avait accès à toutes les pièces du domicile »;

que le studio du 6ème étage avait été mis à sa disposition à titre exceptionnel pour recevoir les amis qu'il ne connaissait pas « pour une soirée »; pour accueillir son fiancé le week-end ( lettre de M. [A] à Mme [N] du 15 janvier 2014);

que le témoin [U], ami de Mme [N] pendant la relation contractuelle, fait état de la grande liberté dont jouissait Mme [N] dans l'exercice de son travail: « Elle ne s'est jamais plaint de son travail et de ses relations avec M. [A]. Bien au contraire, elle nous rappelait régulièrement, à nous ses amis qu'elle était heureuse d'occuper son poste de « Dame de compagnie » où elle avait des horaires flexibles, pouvant se lever quotidiennement aux environs de midi, de déjeuner au restaurant en compagnie de M. [A] et d'avoir peu de contraintes lui permettant des loisirs... »

que les services de police qui se sont déplacés à la demande de la salariée pour séquestration ont constaté: un simple« différend entre l'employé de maison et son employeur; différend réglé sur place » ( pièce 52); « les deux parties nous indiquent qu'ils s'arrangeront à l'amiable » ( pièce 41 de l'intimé) mais qu'aucun fait relatif à la séquestration dénoncée n'a pas été constaté;

qu'un huissier de justice a été appelé à l'initiative de l'employeur pour qu'il soit constaté les conditions dans lesquelles la salariée était hébergée et les conditions de la reprise de ses effets personnels qui a été effectuée en présence de l'époux de Mme [N];

La cour retient que les éléments objectifs établis par l'employeur sur les conditions de vie au travail de Mme [N] , sur les conditions d'intervention de la Bac, sur les conditions de l'intervention de l'huissier de justice sont étrangers à tout harcèlement de sa part; que l'existence d'une emprise de l'employeur sur la vie de sa salariée n'émane d'aucune pièce et qu'ils sont de surcroît infirmés par l'ensemble des attestations de proches de Mme [N] versés aux débats ( [B] , [O], [U]) dont aucun ne fait état de l'emprise de M. [A] sur la vie privée de la salariée mais mettent en évidence des conditions de travail conformes aux déclarations de l'employeur devant les services de police et devant l'inspection du travail; que la nécessaire restriction d'accès au domicile de Mme [N], qui était également le domicile de l'employeur, ne peut être reproché à ce dernier alors qu'il est établi surabondamment que l'employée avait une liberté totale d'accès à l'entier domicile dont elle pouvait jouir notamment pendant les très nombreuses absences de son employeur ( plus de 100 semaines d'absences relevées pendant la période 2009-2013 , pièces 36-1B à 36-7B); qu'enfin, il est observé qu'aucun certificat médical d'arrêt de travail en lien avec le stress allégué par Mme [N] du fait de ses conditions de travail n'est produit aux débats; qu'à bon droit, M. [A] réplique que sa salariée ne justifie par aucune pièce des pressions qu'il aurait pu exercer sur elle pour obtenir sa démission alors qu'il confiait son désarroi aux services de police du fait de la cessation de travail de la salariée début janvier 2014;



Il en résulte que par substitution de motifs, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande en indemnisation du préjudice subi pour harcèlement moral;



Sur l'absence de visite médicale d'embauche et périodique



Les employés de maison bénéficient des dispositions de l'article L 7221-2 du code du travail qui énoncent que tout salarié doit bénéficier d'une visite médicale d'embauche et de visites médicales périodiques tous les 24 mois;



Il est constant que M. [A] n'a pas fait effectuer cette visite ni à l'embauche ni périodiquement;



Il réplique à tort que cette visite médicale a bien eu lieu à l'occasion de la régularisation administrative de Mme [N], laquelle est cependant intervenue près d'un an après l' embauche effective de la salariée et en dehors de toute initiative de l'employeur;



Cependant, il est relevé que Mme [N] ne justifie pas du préjudice subi du fait de la négligence de M. [A];



Elle n'établit d'ailleurs pas comme elle le prétend avoir sollicité cette surveillance médicale à l'occasion de l'exercice de son droit de retrait du mois de janvier 2014;



Il a été constaté précédemment qu'elle n' a établi à aucun moment que sa santé était en danger du fait de ses conditions de travail; qu'elle ne conteste pas avoir été suivie régulièrement par son médecin traitant du fait de sa grossesse;



La cour retient en conséquence que Mme [N] ne justifie d'aucun préjudice susceptible d'être indemnisé du fait de la négligence de son employeur sur le suivi médical;



Le jugement déféré sera en conséquence infirmé sur les dispositions relatives à cette demande;



Sur le congé de maternité et le licenciement pour faute grave



Sur le congé de maternité et l'arrêt de travail du 31 janvier 2014



Aux termes de l'article L1225-4 du code du travail, aucun employeur en peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes;



Toutefois l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa;



L'article L1225-21 du code du travail précise que lorsqu'un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l'accouchement, le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l'accouchement et de quatre semaines après la date de celle-ci;



Il résulte de ces dispositions que la protection absolue contre le licenciement dont bénéficie la salariée enceinte s'étend au congé pathologique de grossesse;



L'article L 1225-71 du code du travail énonce que le licenciement prononcé en inobservation des dispositions ci-dessus est nul;



Mme [N] a été licenciée le 11 février 2014 pour faute grave;



En l'espèce, il est établi par les pièces versées aux débats que Mme [N], qui avait déclaré à son employeur son état de grossesse le 4 novembre 2013, a été en arrêt de travail du 14 janvier 2014 au 31 janvier 2014 puis en prolongation d'arrêt de travail du 31 janvier au 14 février 2014 inclus;



Or il est relevé que dans l'arrêt de travail de prolongation du 31 janvier 2014 qui mentionne « contractions utérines; fatigue » il n'est pas constaté par le médecin que cet état est lié à un état pathologique en rapport avec la grossesse, comme il ne l'a d'ailleurs pas constaté dans le certificat médical initial;



La cour relève pourtant que l' arrêt de travail mentionne expressément à l'adresse du médecin prescripteur ce renseignement médical déterminant: « sans rapport - en rapport- avec un état pathologique résultant de la grossesse » ;



En l'espèce, il est relevé que le médecin n'a pas précisé le lien entre l'état de la patiente et l'état pathologique résultant de la grossesse et que dès lors, la salariée ne pouvait s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L 1225-21 précité, pour prétendre que son licenciement est intervenu pendant une période de congés de maternité;



La production d'un avis médical postérieur, près d'un an et demi après les faits ( le 15 juin 2015), émanant du médecin prescripteur, qui affirme que « pour la période du 31 janvier au 14 février 2014 cet arrêt est en rapport avec la grossesse ( congés pathologiques de grossesse) », conduit la cour à considérer que ce document, produit pour les besoins de la cause, est dénué de toute valeur probante;



Il en résulte que l'arrêt litigieux du 31 janvier 2014 est un arrêt de travail pour maladie et que dès lors Mme [N] ne pouvait prétendre à la protection absolue liée au congé de maternité, le licenciement survenu étant étranger à sa situation de grossesse;



Le jugement déféré sera en conséquence infirmé sur cette appréciation;

Sur le licenciement



La lettre de licenciement du 11 février 2014 adressée par M. [A] à Mme [N] épouse [Z] est libellée en ces termes:

« Madame,

Par courrier recommandé en date du 28 janvier 2014 je vous ai convoquée à un entretien préalable à votre éventuel licenciement, lequel s'est tenu à mon domicile le 6 février 2014. Je vous y ai exposé l'ensemble des motifs qui m'ont amené à envisager une telle mesure à votre égard. Votre silence délibéré et l'absence totale d'explication de votre part ne m'ont évidemment pas permis de modifier mon appréciation à ce sujet: je vous informe que j'ai en conséquence décidé de vous licencier pour faute grave.

En effet, j'ai eu à déplorer de votre part les agissements suivants:

Depuis le début du mois de janvier, après votre retour de vacances, votre attitude s'est révélée brusquement injurieuse et inexplicable. C'est ainsi que vous n'avez pas hésité à prétendre être l'objet de harcèlement, puis pour tenter d'accréditer et de justifier votre abandon de poste de faire appel aux services de police, qui ont fait irruption à mon domicile le 9 janvier 2014 aux environs de 21 heures, au motif que je me serais rendu coupable à votre égard de « séquestration ». Ces allégations particulièrement choquantes s'étant révélées manifestement mensongères, l'un des agents de la BAC ( brigade anti-criminalité) sensible à mon désarroi face à une telle calomnie, a pris soin à cette occasion de me communiquer son numéro de téléphone portable, pour me permettre de l'appeler directement. Ainsi, cette fausse accusation a fait l'objet d'une déclaration de main courante effectuée le 15 janvier 2014;

Vous avez de cette manière tenté d'entacher ma réputation et ma respectabilité. Cette injure, d'une exceptionnelle gravité, est d'autant plus dommageable en raison de mon grand âge et de mon état de particulière faiblesse.

Compte tenu de la gravité de cette faute, votre maintien à mon domicile nuit au fonctionnement de ma vie familiale et s'avère impossible; le licenciement pour faute grave est privatif de toutes indemnité et prend donc effet immédiat à la date d'envoi de cette lettre.

Vous pourrez vous présenter à mon domicile pour retirer vos documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi).

Je vous informe en outre que vous avez acquis 67 heures au titre du droit individuel à la formation »;



Il résulte de cette lettre que l'employeur fait essentiellement grief à la salariée d'avoir procédé à une dénonciation calomnieuse et de mauvaise foi de faits de harcèlement moral ayant conduit à un abandon de poste sans motif; d'avoir provoqué une irruption de la police à son domicile à 21 heures pour des faits de séquestration qui n'étaient pas avérés; que ces fausses accusations ont porté gravement atteinte à son honneur et à sa réputation ;



L'employeur établit:

que la salariée a dénoncé sans aucun fondement et de manière réitérée des faits de harcèlement moral à son encontre devant les services de police et devant l'inspection du travail; que les accusations portées contre l'employeur pour des faits de harcèlement moral, par une emprise psychologique sur sa vie privée et des pressions réitérées pour la pousser à la démission, n'émanent que de ses propres attestations et de celles de son compagnon et sont contredites par les témoignages versées aux débats des personnes qui ont eu à connaître de l'activité de Mme [N] au domicile de M [A] ( [U], [Y],[O]);

que les services de police appelés par le compagnon de Mme [N], à sa demande, sont intervenus dans la soirée pour des faits de séquestration qui se sont avérés faux;

que l'exercice du droit de retrait par la salariée pour mise en danger de sa santé et de celle de son enfant n'était fondés sur aucun élément précis et circonstancié relatif à un danger grave et imminent alors qu'aucun certificat médical ne vient corroborer ses dires et que les arrêts de travail produits à partir de la mi janvier 2014 sont sans rapport avec les faits allégués; que l'intervention de l'inspection du travail auprès de M. [A] à la suite des dénonciations de Mme [N] était effectuée « sous réserve » de la véracité des faits dénoncés;



La cour conclut de ces éléments, pris en leur ensemble, que Mme [N] a dénoncé des faits inexistants à l'encontre de son employeur, constituant des accusations graves et réitérées, objectivement de nature à lui nuire; qu'elle a ainsi commis une faute grave envers son employeur envers lequel elle était tenue à un devoir de loyauté et dont elle ne pouvait ignorer l'état de faiblesse en raison de son grand âge;



Il en résulte encore que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [T] [N] pour faute grave était justifié ;



Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur de la femme enceinte ;



L'arrêt infirmatif emportant de plein droit obligation de restitution et constituant titre exécutoire, il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes versées en exécution du jugement entrepris;



Sur les demandes de Mme [N] liées aux conditions ayant entouré le licenciement:



Mme [N] qui a été licenciée pour faute grave envers son employeur ne justifie pas d'un préjudice particulier susceptible de fonder sa demande d'indemnisation liée aux conditions de son licenciement;



M. [A] a établi en effet que la gravité des fautes commises par la salariée, sans aucun lien avec son état de grossesse, rendait son maintien à domicile impossible et que les dispositions qu'il a prises pour garantir ses droits face au comportement de la salariée n'étaient constitutives ni de vexation, ni de brutalité, ni d'intention de nuire, de sorte que les demandes de Mme [N] ne sont pas fondées et seront rejetées;



Sur les demandes en dommages-intérêts pour préjudice moral, financier et de réputation;



Les dénonciations graves et réitérées portées à l'encontre de l'employeur par la salariée, sans fondement, et dans l'intention de nuire à l'employeur, tant devant les services de police que les autorités administratives, ont été la source d'un préjudice moral et de multiples tracasseries pour M. [A] qui était âgé de plus de 93 ans à l'époque des faits et donc particulièrement vulnérable,



La cour estime que le préjudice moral de M. [A] est indemnisable à hauteur de 5000 euros;



Le surplus des demandes relatives au préjudice financier n'est pas justifié et sera rejeté;



La cour relève en outre que Mme [N] ne succombe pas sur l'ensemble de son recours et que dès lors M. [A] ne peut se prévaloir d'un préjudice né d'un recours abusif ni réclamer le prononcé d'une amende civile;



Sur les autres demandes



Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties le montant de leurs frais irrépétibles;



Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.





PAR CES MOTIFS,



LA COUR,



ORDONNE la mise hors de cause de Madame [M] [A] dans le cadre de la présente instance;





DECLARE Madame [T] [N] épouse [Z] recevable en ses demandes de rappels de salaire pour la période du ler juillet 2009 au 10 février 2010;



DECLARE Madame [T] [N] épouse [Z] recevable en ses demandes relatives à sa réintégration et à l'indemnisation de l'utilisation irrégulière du Cesu;



CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [T] [N] de ses demandes en d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, condamné M. [X] [A] au paiement d'une indemnisation au titre de l'absence de visite médicale, dit le licenciement nul et condamné M. [A] aux conséquences indemnitaires de ce licenciement:



STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés:



CONDAMNE Monsieur [X] [A] à payer à Madame [T] [N] épouse [Z] à lui payer la somme de 9 506,25 euros brut, congés inclus, au titre des heures supplémentaires effectuées entre le ler octobre 2009 et le 31 décembre 2013;



DEBOUTE Madame [T] [N] épouse [Z] pour sa demande à titre d'indemnité pour absence de visites médicales d'embauche et périodiques;



DEBOUTE Madame [T] [N] épouse [Z] de toute demande indemnitaire au titre du licenciement:



Y AJOUTANT



- DEBOUTE Mme [T] [N] épouse [Z] de sa demande d'indemnisation au titre de l'emploi irrégulier du chèque emploi service universel;

- FIXE à 13 euros de l'heure le salaire brut de Mme [T] [N] épouse [Z] en ceux compris les 10% au titre des congés payés hors les avantages en nature à titre onéreux (logement et nourriture) fixés à 357,11 euros brut;

- DIT que les avantages en nature seront déduits du salaire net;

- CONDAMNE Monsieur [X] [A] à payer à Madame [T] [N] épouse [Z] la somme de 16 224 euros brut au titre des rappels de salaires consécutifs à la requalification à temps plein du contrat de travail pour la période du ler octobre 2009 au ll février 2014 en ceux compris les 10% de congés payés;

- DIT que les sommes dues, de nature salariale, porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et que les intérêts seront capitalisés;

- CONDAMNE Monsieur [X] [A] à payer à Madame [T] [N] épouse [Z] la somme de 4000 euros au titre des congés payés non fixés et non pris;

- CONDAMNE Madame [T] [N] épouse [Z] à payer à Monsieur [X] [A] la somme de 5000 euros à titre de préjudice moral;

- DEBOUTE Monsieur [X] [A] du surplus de ses demandes;

- DEBOUTE Madame [T] [N] de toute autre demande;

- DIT que chacune des partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens d'appel.



LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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