29 novembre 2018
Cour d'appel de Pau
RG n° 17/00811

Chambre sociale

Texte de la décision

MHD/SL



Numéro 18/04514





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 29/11/2018







Dossier : N° RG 17/00811







Nature affaire :



Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit









Affaire :



SAS ETS BIASON



C/



URSSAF AQUITAINE































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Novembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.









* * * * *







APRES DÉBATS



à l'audience publique tenue le 10 Septembre 2018, devant :



Madame DIXIMIER, magistrat chargé du rapport,



assistée de Madame LAUBIE, greffière.





Madame DIXIMIER, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :



Madame THEATE, Présidente

Madame COQUERELLE, Conseiller

Madame DIXIMIER, Conseiller





qui en ont délibéré conformément à la loi.



















dans l'affaire opposant :









APPELANTE :



SAS ETS BIASON

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée de Maître DUALE de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU











INTIMEE :



URSSAF AQUITAINE, prise en la personne de son Directeur

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée de Maître PILLET de la SCP CB2P AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX























sur appel de la décision

en date du 30 JANVIER 2017

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE PAU

RG numéro : 20160197














































FAITS ET PROCEDURE :



À l'issue du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS diligenté par L'URSSAF AQUITAINE auprès de la SAS ETS BIASON sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'organisme de recouvrement a notifié à cette dernière, par courrier recommandé du 30 juillet 2015, une lettre d'observations portant sur la réintégration dans l'assiette des cotisations des sommes attribuées aux salariés en exécution de l'accord de participation conclu le 28 octobre 2010 pour le compte 62 11 54 646 au titre des années 2012, 2013 et 2014 et pour le compte 62 24 79 752 au titre des années 2012 et 2013.



Le 28 septembre 2015, la société BIASON a contesté les observations qui lui avaient été notifiées.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2015, l'URSSAF a maintenu le redressement d'un montant totale de 57 808€ outre les majorations de retard d'un montant de 8956€.



Par décision du 25 février 2016, la commission de recours amiable de l'URSSAF AQUITAINE, saisi par la société BIASON le 7 octobre 2015 a maintenu la dette et a validé les mises en demeure du 12 novembre 2015, d'un montant total pour la première de 27 269€ - dont 23 628€ en cotisations et 3641€ en majorations de retard - et pour la seconde de 39 495 € - dont 34 180 € en cotisations et 5315 € en majorations de retard -.



Par courrier en date du 21 avril 2016, reçu le 25 avril 2016, la société BIASON a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau à l'encontre de cette décision.



Par jugement en date du 30 janvier 2017, le tribunal a :



- déclaré irrecevable la demande formée par la société au titre de la nullité de la procédure de contrôle pour violation du principe du contradictoire,



- déclaré pour le surplus le recours de la société recevable,



- débouté au fond la société de l'ensemble de ses demandes,



- confirmé la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF Aquitaine du 25 février 2016,



- rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile formée par l'URSSAF Aquitaine.



Par déclaration en date du 27 février 2017, la société SAS ETS BIASON a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 9 février 2017.






PRETENTIONS DES PARTIES :



Par conclusions en date 16 octobre 2017, reprises oralement sur l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société SA ETS BIASON demande à la Cour de :



- réformer en toutes ses dispositions la décision attaquée,



- à titre principal, annuler les opérations de contrôle effectuées par l'URSSAF en ce qu'elles ont donné lieu au redressement afférent à l'exonération des cotisations relatives à la participation et à la réduction patronale FILLON pour non respect du contradictoire stipulé à l'article R 243'59 du code du travail,



- en conséquence, annuler le redressement ayant donné lieu à la mise en demeure du 12 novembre 2015 pour la somme totale principale de 66 764 € et celle de 8956 € au titre de majorations de retard,



- à titre subsidiaire, dire et juger n'y avoir lieu au redressement afférent à l'exonération des cotisations relatives à la participation et à la réduction patronale FILLON,



- condamner l'URSSAF à lui régler une somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.



**********



Par conclusions en date du 15 février 2018, reprises oralement sur l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l'URSSAF Aquitaine demande à la Cour de :



- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

- y ajoutant,

- condamner la société BIASON au paiement des sommes suivantes :



- 27 269 € en cotisations et majorations de retard arrêtées au 10 novembre 2015 pour son établissement 62 11 54 646,



- 39 495€ en cotisations et majorations de retard arrêtées au 10 novembre 2015 pour son établissement 62 24 79 752,



- débouter la société BIASON de l'ensemble de ses demandes comme étant non fondées, ni justifiées,



- condamner la société BIASON au paiement de la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.






SUR QUOI



I - SUR LA NULLITE DE LA PROCEDURE DE CONTROLE :



A - Sur la recevabilité du moyen tiré du défaut du respect du principe du contradictoire :



Si le cotisant qui entend contester une décision d'un organisme de sécurité sociale doit obligatoirement saisir la commission de recours amiable, il est acquis qu'il n'est pas tenu de motiver son recours et qu'il n'est pas lié par la motivation qu'il formule devant ladite commission notamment lorsqu'il s'agit de faire valoir une disposition d'ordre public.



En l'espèce, la société BIASON soutient que même si devant la commission de recours amiable de l'URSSAF elle n'a pas invoqué la nullité du contrôle mené par l'organisme social, elle est recevable néanmoins à la soulever devant le TASS dans la mesure où l'URSSAF - en recueillant directement des renseignements auprès de la DIRECCTE - n'a pas respecté le principe du contradictoire à son égard.



L'URSSAF s'en défend en soutenant que la société BIASON s'est contentée de contester dans son courrier de saisine de la commission le bien fondé du chef de redressement numéro 1 : participation - délai de conclusion de l'accord et formalité de dépôt - à l'exception de toute demande de nullité des opérations de contrôle relatives au point contesté pour défaut de respect du contradictoire.



Elle en conclut que de ce fait, la société cotisante est irrecevable à la soulever pour la première fois devant le tribunal.







Cependant, en application tant des dispositions sus rappelées que des principes généraux du droit, l'assurée est parfaitement recevable à soulever le défaut de respect du principe du contradictoire imputable à L'URSSAF dès lors que ce principe d'ordre public s'impose à tous et peut être soulevé en tout état de cause.



Aucune fin de non recevoir ne peut être opposée de ce chef à la cotisante.



La demande tendant à la nullité de la procédure de redressement de l'URSSAF AQUITAINE pour défaut de respect du principe du contradictoire est donc recevable.



En conséquence, le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.



**********



En application de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, la personne contrôlée est tenue de mettre à la disposition des agents chargés du contrôle tout document et de permettre l'accès à tous supports d'information qui lui sont demandés dès lors qu'ils sont nécessaires à l'exercice du contrôle.



Il en résulte que les opérations de contrôle et de redressement des cotisations et contributions fondées, en tout ou partie, sur des renseignements et informations recueillis auprès de tiers qui n'entrent pas dans ceux visés à l'article L. 114-19 du code de sécurité sociale sont frappées d'une nullité absolue dans la mesure où les dispositions pré-citées étant d'interprétation stricte, l'agent de contrôle n'est pas autorisé, sur leur fondement, à solliciter un organisme tiers pour obtenir des informations sur la situation du cotisant au cours de la procédure de contrôle.



En l'espèce, la société cotisante reproche à l'URSSAF d'avoir directement interrogé les services de la DIRECCTE afin de savoir si elle avait régulièrement déposé l'accord de participation qu'elle avait conclu le 28 octobre 2010 et qui lui ouvre droit à une exonération des cotisations relatives à la participation et à la réduction patronale FILLON.



Elle en conclut que le redressement est entaché de nullité pour défaut du caractère contradictoire des démarches faites auprès de la DIRECCTE.



L'organisme de recouvrement s'en défend.



Cependant, soutenir qu'il n'est pas établi que l'entreprise n'ait pas été informée de son interrogation de la DIRECCTE est inopérant dans la mesure où ni la lettre d'observation, ni les contestations de la cotisante, ni le courrier de maintien du redressement ne portent mention de la connaissance préalable que pouvait avoir eue la cotisante de la demande formée par l'agent de recouvrement de L'URSSAF auprès de la direction régionale.



De même, prétendre encore que la demande n'avait aucun caractère comptable susceptible d'affecter les modalités de calcul du redressement est tout aussi inopérant dans la mesure où si cette interrogation n'avait effectivement aucun caractère comptable, il n'en demeure pas moins qu'elle était essentielle car de la réponse obtenue dépendait la remise en cause ou non des exonérations de cotisations pour les droits à participation attribués antérieurement au dépôt de l'accord.



Enfin, s'appuyer surtout, pour s'exonérer de reproche sur le fait que la société n'était pas en mesure de communiquer à l'inspecteur l'accusé de réception du dépôt de l'accord, est tout aussi inefficient dans la mesure où le seul défaut de communication de l'accusé de réception du dépôt de l'accord auprès de la DIRECCTE par la société n'autorisait pas l'URSSAF à s'exonérer du respect du principe du contradictoire en se renseignant directement auprès de l'administration du travail à l'insu de l'employeur dans des conditions indéterminées et en se bornant à résumer le résultat de ses investigations par la simple phrase ' cette dernière - à savoir la DIRECCTE - n'a pas trouvé trace dans ses archives de l'accord susvisé '.



En effet, même si :







* les explications données par la cotisante à l'agent de recouvrement ' selon lesquelles l'accord de participation avait été réalisé par des spécialistes externes à ses services parmi lesquels la banque CIC et le cabinet Paie et RH Solutions, et avait été ensuite soumis à ses instances internes, - comité d'entreprise, représentants du personnel -, signé conjointement par ces derniers et le mandataire social, et pour finir avait été envoyé le 2 novembre 2010 à la DIRECCTE par le cabinet Paie et RH solutions,



* l'attestation du directeur de Paie et RH Solutions précisant que le dépôt avait été fait



* la copie de la lettre d'envoi datée du 2 novembre 2010,



poussaient L'URSSAF à procéder à des investigations directement auprès de la DIRECCTE pour cerner au plus juste la situation, elles ne l'empêchaient pas de recueillir ces renseignements en toute transparence et de les porter à la connaissance préalable de la société en lui précisant les coordonnées du service et de la personne physique qui l'avaient renseignée afin que ladite société puisse répondre éventuellement et apporter tout justificatif qu'elle estimait utile.



Il en résulte que ce faisant, l'URSSAF n'a pas respecté le principe du contradictoire.



En conséquence, au vu des principes sus énoncés, la procédure de contrôle est entachée de nullité et de ce fait, le redressement qui a donné lieu aux deux mises en demeure du 12 novembre 2015 est également nul.



II - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :



Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,



Infirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 30 janvier 2017 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de PAU,



Statuant à nouveau,



Déclare recevable le moyen tiré du non respect du principe du contradictoire dans la procédure de contrôle et invoqué pour la première devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale,



Prononce la nullité du redressement ayant donné lieu aux deux mises en demeure du 12 novembre 2015 pour les sommes de 66 764€ à titre principal et de 8 956€ au titre des majorations de retard,



Y ajoutant,



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et à dépens.



Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

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