30 novembre 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/11756

Pôle 4 - Chambre 1

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2018



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/11756 - N° Portalis 35L7-V-B67-BWPCO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 11/10586





APPELANTS



Monsieur Stéphane, Fabrice X...

né le [...] à Tarare (69170)

Et

Madame Y..., Chistelle BEAUVOIS

née le [...] à La ROCHELLE (17000)



Demeurant



Représentée et assistée de Me Elodie DENIS de la SCP MARIE-SAINT GERMAIN DENIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0199







INTIMÉES



SA ENEDIS - anciennement dénommée SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF) - SA A DIRECTOIRE ET CONSEIL DE SURVEILLANCE

[...]

SIRET N° : 444 608 442 13631



Représentée et assistée de Me Patrice LEHEUZEY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1390



SCI ART ET COMMUNICATION

[...]

SIRET N° : 440 286 805 00021



Représentée par Me Isabelle Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : E1647



SCI CIKSA SPACE , INTERVENANTE VOLONTAIRE

Prise en la personne de ses représentants légaux

[...]

SIRET N° : 809 561 053 00012



Représentée par Me Laurent A... de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau du Val-de-Marne, toque : PC427

Assisté de Me Charlotte B..., avocat au barreau de Paris, toque : D490







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Claude CRETON, Président, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Claude CRETON, Président

Mme Christine BARBEROT, Conseillère

M. Dominique GILLES, Conseiller





Greffière lors des débats : Mme Sarah-Lisa GILBERT









ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par M. Claude CRETON, Président et par Mme Nadia TRIKI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***



FAITS & PROCÉDURE



Par acte du 12 décembre 2008, M. et Mme X... ont acheté à la SCI AEC-Art et communication le lot numéro 2 d'un immeuble en copropriété situé [...].



Ayant constaté lors de la réalisation de travaux qu'un câble électrique alimentant le lot de la SCI AEC-Art et communication traversait leur volume privatif, M. et Mme X... ont assigné celle-ci ainsi que la société ERDF, devenue la société Enedis. Ils ont sollicité la condamnation de la SCI AEC-Art et communication, sur le fondement du dol, subsidiairement de la garantie des vices cachés, en paiement de la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice et, in solidum avec la société ERDF, en paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.



Par jugement du 27 mars 2015, le tribunal de grande instance de Créteil a rejeté ces demandes et condamné M. et Mme X... en paiement, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de la somme de 1 500 euros à la SCI AEC-Art et communication et à la société ERDF.



Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu, d'une part que l'intention dolosive de la SCI AEC-Art et communication n'était pas établie, d'autre part que l'acte de vente contient une clause exonérant le vendeur de la garantie des vices cachés et qu'aucun élément ne démontre que la SCI AEC-Art et communication était un vendeur professionnel.



M. et Mme X... ont interjeté appel de cette décision.



Ils soutiennent qu'à la suite de la subdivision de la parcelle dont elle était propriétaire, il incombait à la SCI AEC-Art et communication de réaliser des travaux afin d'assurer l'autonomie des lots créés en matière de fourniture d'énergie ou de stipuler dans l'acte de vente du lot numéro 2 une servitude de passage. Ils ajoutent que, selon l'expert, le passage dans leur lot du câble électrique, non conforme à la norme C14-100 applicable, 'était forcément connu' de sorte que la clause excluant la garantie des vices cachés ne leur est pas opposable alors qu'en outre la SCI AEC-Art et communication est réputée avoir connaissance de ce vice en sa qualité de vendeur professionnel, son objet étant de percevoir des loyers et de réaliser toute opération financière se rapportant à la propriété des immeubles qu'elle acquiert. Ils concluent à l'existence d'un vice caché diminuant tellement l'usage auquel était destiné le bien qu'ils en auraient donné un moindre prix s'ils en avaient eu connaissance. Ils sollicitent en conséquence la condamnation de la SCI AEC-Art et communication à leur payer la somme de 28960 euros correspondant au coût de la suppression du câble et de la mise en place d'un nouveau raccordement.



A titre subsidiaire, ils demandent à la cour d'ordonner avant dire droit une expertise.



Ils réclament enfin la condamnation de la SCI AEC-Art et communication à leur payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



M. et Mme X... ont ensuite assigné en intervention forcée la société Ciska space qui a acquis la parcelle [...] alimentée par le câble litigieux et demande à la cour de l'enjoindre de permettre l'accès par toute entreprise de son choix à son local technique électrique pour la réalisation des travaux de dévoiement du câble litigieux.



La SCI AEC-Art et communication conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. et Mme X... de la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour 'résistance abusive' et à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Ils font d'abord valoir qu'il n'est pas démontré qu'elle est propriétaire du câble litigieux.



Ils ajoutent que ce câble était encastré dans un faux plafond, qu'elle en ignorait l'existence et que ce n'est qu'à l'occasion de travaux qu'il a été découvert.



Ils expliquent qu'il ne s'agit pas d'un câble haute tension comme l'ont affirmé M. et Mme X..., mais d'un câble de forte section dont il n'est pas démontré que sa présence serait dangereuse.



Ils soutiennent ensuite que M. et Mme X... ont l'obligation de supporter toutes les servitudes occultes ou apparentes ainsi que le prévoit l'acte de vente.



A titre subsidiaire, elle invoque la clause de l'acte de vente qui stipule que les acquéreurs prendront le bien dans l'état où il se trouve sans garantie des vices apparents ou cachés dont il peuvent être affectés et conteste avoir la qualité de vendeur professionnel dès lors qu'elle a été constituée pour permettre à ses associés de résider sur place et d'exercer leurs activités et que ce n'est qu'à la suite d'un conflit d'associés qu'elle a décidé de vendre le bien plusieurs années après son acquisition, par lots dont la vente a été séparée par plus de six ans et demi.



Elle conteste enfin l'existence du préjudice allégué, M. et Mme X... ayant souhaité déplacer le câble alors que sa dangerosité et sa non-conformité ne sont pas établies.







La société Enedis a formé un appel incident et réclame la condamnation de M. et Mme X... à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La société Ciska space conclut à l'irrecevabilité comme nouvelle de la demandes formulée à son encontre puisque qu'il n'existe aucune demande formulée en première instance contre la SCI AEC-Art et communication et la société Enedis en rapport avec l'injonction de donner accès à son local technique.



A titre subsidiaire, elle conclut au mal fondé des demandes de M. et Mme X... et, à titre encore plus subsidiaire, elle demande à être garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par la SCI AEC-Art et communication.



Elle réclame enfin la condamnation de M. et Mme X... à leur payer la somme de 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.




SUR CE, LA COUR



Attendu que dans leurs dernières conclusions, M. et Mme X... ne formulent aucune demande à l'encontre de la société Enedis; qu'il convient en conséquence de la mettre hors de cause;



Attendu que l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol; qu'en l'espèce, la société Enedis ne rapporte pas la preuve d'une telle faute de M. et Mme X... et sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts;



Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Enedis;



Attendu que la parcelle section [...] ayant été vendue à la société Ciska space, M. et Mme X... sont recevables à appeler celle-ci en intervention forcéedès lors que la demande de suppression et de dévoiement du câble litigieux impose l'accès au tableau électrique situé dans le lot de cette société;



Attendu qu'il est constant que la parcelle cadastrée section [...] appartenait à la SCI AEC-Art et communication avant d'être divisée en deux parcelles, la parcelle n° I 173 et la parcelle [...]; que la parcelle n° I 173 a ensuite été mise en copropriété et divisée en cinq lots, les lots 2 et 4 ayant été acquis par M. et Mme X...; qu'il est également constant qu'un câble destiné à alimenter en électricité la parcelle n° I 174 restée propriété de la société Art et communication, traverse dans un faux plafond le lot privatif de M. et Mme X...;



Attendu que contrairement à ce que soutient la SCI AEC-Art et communication, cet aménagement, réalisé avant la division de l'ancienne parcelle [...] par cette dernière ou par son auteur, ne constitue pas une servitude, qu'il conviendrait de qualifier de servitude par destination du père de famille; que compte tenu de sa nature, excluant son caractère permanent, cet aménagement a été réalisé avec l'intention d'établir une simple commodité personnelle; que dès lors, la société Art et communication ne peut se prévaloir de l'existence d'une servitude opposable à M. et Mme X...; qu'en conséquence, en raison de l'atteinte à leur droit de propriété, ceux-ci sont fondés à exiger la condamnation de la société Art et communication à supporter le coût des travaux permettant de remédier à cette situation par la suppression du passage du câble litigieux dans leur lot privatif et son déplacement;



Attendu qu'avant dire droit, il convient d'ordonner une expertise afin de déterminer la nature et le coût de ces travaux;



Attendu que les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés;



PAR CES MOTIFS :



Infirme le jugement en toutes ses dispositionset, statuant à nouveau:



Met hors de cause la société Enedis;



Déclare recevable l'intervention forcée de la société Ciska spaceet la demande formée à son encontre par M. Et Mme X... ;



Condamne la SCI AEC-Art et communication au paiement du coût des travaux nécessaires au déplacement du câble électrique, destiné à l'alimentation de la parcelle [...], passant actuellement dans le lot privatif de M. Et Mme X... ;



Avant dire-droit, désigne en qualité d'expert:



M. C... Jean-Pierre

[...]

Tél : [...]

Port. : [...]

Email : [...]



avec pour mission, les parties régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant, de:



- Se rendre sur les lieux, après y avoir convoqué les parties ;



- Examiner les désordres constitués par le passage dans le lot privatif de M. et Mme X... du câble électrique alimentant le lot ayant appartenu à la société AEC-Art et communication et appartenant actuellement à la société Ciska space;



- Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à supprimer et déplacer le passage de ce câble et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d'un maître d'oeuvre, le coût de ces travaux;





- Fournir toutes les indications sur la durée prévisible des travaux ainsi que sur les préjudices accessoires qu'ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance



- Evaluer les différents troubles de jouissance subis allégués par les parties



Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport en un exemplaire original au greffe de la cour d'appel de Paris, service du contrôle des expertises, dans le délai de quatre mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle,



Dit que l'expert devra, dès réception de l'avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l'expiration d'un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera a une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d'éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu'à l'issue de cette première réunion il adressera un compte-rendu aux parties et au juge chargé du contrôle,



Dit que, sauf accord contraire des parties, l'expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l'ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction,



Dit que l'expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l'article 276 du code de procédure civile et rappelons qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ;



Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d'instruction et statuer sur tous incidents ;



Dit que l'expert devra rendre compte à ce magistrat de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;



Fixe à la somme de 2500 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par la partie demanderesse entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour dans le délai maximum de six semaines à compter de la présente ordonnance, sans autre avis ;



Dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société Enedis de sa demande ;



Condamne M. Et Mme X... aux dépens de l'instance concernant la société Enedis et dit ceux-ci pourront être recouvrés directement par Maître Leheuzey conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



Réserve les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.







LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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