20 décembre 2018
Cour d'appel de Versailles
RG n° 18/01967

14e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59B



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 DÉCEMBRE 2018



N° RG 18/01967 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SINA



AFFAIRE :



Société AREVA société anonyme à conseil d'administration agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

...



C/

Jean-Marc X... ...







Décision déférée à la cour: Ordonnance rendue le 06 Février 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° RG : 16/11570



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Mélina Y...



Me Marie-laure Z...



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:



Société AREVA société anonyme à conseil d'administration agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 305 207 169

[...]

Représentée par Me Mélina Y..., ès qualité d'administratrice provisoire du cabinet de Me Pierre A..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626

assistée de Me Jean B... de la SELARL B... N... TORRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0030 -





Société AREVA NC prise en la personne de son représentant légal et désormais dénommée, depuis le 1er février 2018, la société ORANO CYCLE domicilié [...]

Représentée par Me Mélina Y..., ès qualité d'administratrice provisoire du cabinet de Me Pierre A..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626

assistée de Me Jean B... de la SELARL B... N... TORRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0030 -





APPELANTES

****************





Monsieur Jean-Marc X...

né le [...] à PHILIPPEVILLE (ALGÉRIE)

de nationalité française

[...]

Représenté par Me Marie-laure Z..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 443 - N° du dossier GADOULL

assisté de Me Bérenger C... de la SELARL TOURNE & BONNIEU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0085 -





Monsieur Ahmada AG BIBI Monsieur AG BIBI demeurant BP 9 D... M... élisant domicile chez Monsieur Xavier E..., Avocat au Barreau de Paris, [...]

né [...] à BOURESSA D... (M...)

de nationalité malienne

BP 9

D... - M...

Représenté par Me Marie-laure Z..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 443 - N° du dossier GADOULL

assisté de Me Xavier E..., avocat au barreau de PARIS, vestiaire: E1437

















SARL OPÉRATIONS ET ORGANISATIONS SPECIALES (OPOS) prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

N° SIRET : 660 .2. 571 .0113

[...]

Représentée par Me Marie-laure Z..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 443 - N° du dossier GADOULL

assistée de Me Bérenger C... de la SELARL TOURNE & BONNIEU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0085 -





INTIMES

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 novembre 2018, Madame Odette-Luce BOUVIER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :



Madame Odette-Luce BOUVIER, président,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, conseiller,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE




EXPOSE DU LITIGE



Dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010, MM. F..., G..., H..., I... et J..., salariés de la société Sogea-Satom, appartenant au groupe Vinci, ainsi que M. et Mme K..., salariés de la SA Areva, ont été enlevés sur le site minier d'Arlit dans le nord du Niger.



L'organisation terroriste Al-Quaïda au Maghreb islamique (AQMI) a revendiqué l'enlèvement le 22 septembre 2010.



Pour tenter d'obtenir la libération des otages, la société Sogea Satom a notamment décidé de recourir aux services de X..., ancien colonel de l'armée française et du service d'action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et dirigeant successivement de la société Global D, radiée en 2012 et de la SARL Opérations et organisations spéciales (Opos).



M. X... a mobilisé son réseau de touaregs et constitué une équipe opérationnelle, dirigée par M. Ag Bibi, pour pouvoir entrer en contact avec le chef d'AQMI, Abou L....



Trois otages ont été libérés le 24 février 2011, grâce à l'entremise de M. X... et de M. Ag Bibi, qui ont obtenu le paiement des honoraires prévus pour leurs services.





Puis quatre autres otages, dont un employé de la société Areva, ont été libérés le 29 octobre 2013.



M. X... et M. Ag Bibi affirment n'avoir obtenu aucun paiement de prestations pour cette seconde libération.



Alléguant avoir oeuvré, avec l'aide de son réseau de touaregs, à la libération des derniers otages et avoir tenté en vain d'obtenir le paiement de ses services, M. X... a, par acte du 6 octobre 2016, assigné, en son nom propre, la société Areva NC, devenue la société Orano Cycle, en paiement devant le tribunal de grande instance de Nanterre de la somme de 1 596 000 euros avec intérêts courant à compter du 27 mars 2014 et de celle de 500 000 euros de dommages- intérêts, avant d'attraire la société Areva SA en intervention forcée.



La société Areva NC a, par conclusions aux fins d'incident du 1er mars 2017, soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance de Nanterre au profit d'une juridiction arbitrale ou, à titre subsidiaire, du tribunal de commerce de Nanterre.



La SARL Opos est intervenue volontairement à l'instance aux côtés de M X... par conclusions du 24 avril 2017.



Le 28 mars 2017 le ministère public a émis son avis sur le litige, estimant le tribunal de grande

instance de Nanterre incompétent pour en juger.



M. X... a présenté quant à lui, devant le juge de la mise en état, une demande d'enquête ordinaire, prétention soutenue par M. Ag Bibi, intervenant volontaire à l'instance.



A l'issue des débats devant lui, le juge de la mise en état a proposé aux parties une mesure de médiation judiciaire conformément aux articles 131-1 et suivants du code de procédure civile.

Le conseil de M. X... et de la société Opos et celui de M. Ag Bibi ont indiqué, dans le délai imparti, être favorables à une mesure de médiation judiciaire, les sociétés Areva SA et Orano Cycle indiquant être quant à elles favorables à une telle mesure, judiciaire ou conventionnelle, avec M. X... et la société Opos mais pas avec M. Ag Bibi.



Par ordonnance contradictoire rendue le 6 février 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a :



- dit le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître du litige opposant M. X..., la société Opos, M. Ag Bibi, la société Areva et la société Areva NC,



- proposé aux parties le recours à une mesure de médiation judiciaire aux fins de résoudre le litige qui les oppose,



- ordonné qu'il soit sursis à statuer sur la demande d'enquête ordinaire présentée par X... et M.Ag Bibi dans l'attente d'une réponse de l'ensemble des parties à l'instance sur la proposition de médiation présentée lors de l'audience d'incident et encore aujourd'hui,



- condamné la société Areva et la société Areva NC aux dépens de l'instance incidente,





- condamné la société Areva et la société Areva NC à payer à M. X... et à la société Opos la somme de 5 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles,



- condamné la société Areva et la société Areva NC à payer à M. Ag Bibi la somme de 3 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles,



- dit que l'affaire sera appelée en mise en état le 15 mars 2017 pour réponse des parties à la proposition de médiation judiciaire.



Par acte du 20 mars 2018, la société Areva SA et la société Orano Cyle (ancienne société Areva NC ) ont formé appel de la décision en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence, 'accueilli une demande d'enquête ordinaire', 'ordonné qu'il soit sursis à statuer sur la demande d'enquête ordinaire présentée par X... et M.Ag Bibi dans l'attente d'une réponse de l'ensemble des parties à l'instance sur la proposition de médiation présentée lors de l'audience d'incident et encore aujourd'hui', les a condamnées aux dépens de l'instance incidente et à payer à M. X... et à la société Opos la somme de 5 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles et à M. Ag Bibi la somme de 3 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles.




Dans leurs conclusions transmises le 7 novembre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Areva SA et Orano Cycle, appelantes, demandent à la cour de :



-'constater que' l'appel des ordonnances de la mise en état statuant sur la procédure relève de l'article 776 du code de procédure civile et aucunement de l'appel-compétence,



-'constater que' les sociétés Orano Cycle et Areva ont interjeté appel dans les délais

impartis,



A titre subsidiaire,



-'constater que' M. X..., la société Opos et M. Ag Bibi ne prouvent aucun grief de l'irrégularité prétendue,



En conséquence :



- déclarer que l'appel des sociétés Areva et Orano Cycle enregistré le 20 mars 2018 est

recevable,



- débouter MM. X...t, Ag Bibi et la société Opos de leur demande d'irrecevabilité de

la déclaration d'appel des sociétés Orano Cycle et Areva,



Sur la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre à l'égard de M. Jean-Marc X... et la société Opos,



- infirmer la décision rendue le 6 février 2018 par le juge de la mise en état près le tribunal de grande instance de Nanterre ayant retenu sa compétence,



Et statuant à nouveau,



-'constater que' le contrat d'assistance technique du 1 er octobre 2011 conclu entre la société

Opos et Areva contient une clause compromissoire au profit de la chambre internationale de commerce de Genève,



-'constater que' ce contrat d'assistance technique s'applique aux demandes formées par M.Jean-Marc X... et la société Opos, lesquels sollicitent le paiement de sommes qui ont été facturées par la société Opos à Areva en exécution dudit contrat,



-'constater' qu'aucun autre engagement contractuel n'a été formalisé entre les sociétés Opos et Areva à l'exception du contrat du 1 er octobre 2011 qui constitue le seul cadre juridique de leurs relations contractuelles,



En conséquence,



- 'dire et juger' que le litige relève de la compétence arbitrale en vertu d'une clause compromissoire figurant à l'article 11 du contrat d'assistance technique,



- 'dire et juger' le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent pour connaître de ce litige,



- renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant la chambre de commerce internationale

selon une procédure arbitrale ayant pour siège Genève,



Sur la compétence du Tribunal de grande instance de Nanterre à l'égard de Monsieur Ahmada Ag Bibi,



-infirmer la décision rendue le 6 février 2018 par le juge de la mise en état près le tribunal

de grande instance de Nanterre ayant retenu sa compétence,



Et statuant à nouveau,

- 'dire et juger' que la clause compromissoire contenue dans le contrat entre la société Opos et la société Areva doit être étendue à M. Ag Bibi puisque ce dernier revendique activement avoir participé à l'exécution de la mission pour laquelle le contrat a été signé,



En conséquence,



- renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant la chambre de commerce internationale

selon une procédure arbitrale ayant pour siège Genève,



A titre subsidiaire, toujours sur la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre:



- 'constater que' l'objet du litige porte sur le règlement d'une facture du 27 mars 2014 émise par une société commerciale, Opos, à l'attention d'une autre société commerciale, Areva,

En conséquence,



- 'dire et juger' que le litige relève de la compétence matérielle exclusive du tribunal de

commerce de Nanterre,



- renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de Nanterre,



- 'constater' que le juge de la mise en état a entendu les parties alors que les sociétés Areva et Orano Cycle n'avaient pas conclu au fond, matérialisant une atteinte au principe du

contradictoire,



- 'constater que' le juge de la mise en état a sursis à prononcer son délibéré, tout en exposant dans ses motifs que la demande d'enquête ordinaire était recevable et utile, matérialisant une seconde atteinte au principe du contradictoire,



En conséquence,



- infirmer la décision rendue de ce chef et, statuant à nouveau,



- renvoyer l'examen de la demande d'enquête ordinaire devant le juge dont la compétence sera

retenue,



Sur la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- infirmer la décision entreprise,



Statuant à nouveau et en tout état de cause,



- débouter M. Jean-Marc X..., la société Opos et M. Ag Bibi de toutes demandes, fins et conclusions,



- condamner solidairement M. Jean-Marc X... et la société Opos à leur payer la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner solidairement M. Jean-Marc X... et la société Opos aux entiers dépens de l'instance.



Au soutien de leurs demandes, elles font valoir notamment :



- qu'en premier lieu, depuis le décret du 6 mai 2017, le seul recours contre les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de compétence demeure celui prévu par l'article 776 du code de procédure civile et non celui de l'appel compétence ; qu'elles n'avaient donc pas à saisir sur requête, dans les quinze jours, le premier président de la cour d'appel afin d'être autorisées à assigner à jour fixe, sur le fondement de l'article 84 du code de procédure civile ;



- qu'elles ont interjeté appel dans les délais impartis, l'ordonnance du 6 février 2018 ayant été notifiée par le greffe du tribunal de grande instance de Nanterre le 15 mai 2018 à la société Orano Cycle et le 4 juin 2018 à la société Areva SA, soit environ deux mois après leur déclaration d'appel ;



- que les intimés ne justifient au demeurant d'aucun grief au soutien de leurs demandes de caducité et d'irrecevabilité de l'appel ;



- que par ailleurs, le juge de la mise en état , outre qu'il a déclaré le tribunal de grande instance compétent, a ordonné qu'il soit sursis à statuer sur le demande d'enquête ordinaire, mesure d'ores et déjà retenue ; qu'or, en application de l'article 776 du code de procédure civile, il est expressément prévu que les ordonnances du juge de la mise en état en matière de sursis à statuer sont susceptible d'appel ; cela démontre que la procédure d'appel suivie par les société Orano Cycle et Areva SA est recevable ;



- que les appelantes ont fondé à bon droit leur procédure d'appel sur la procédure 'classique' de l'article 776.



Dans leurs conclusions transmises le 14 novembre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, X... et la société Opos, intimés, demandent à la cour de :



- les recevoir en leurs conclusions in limine litis d'incident et conclusions au fond,



- les dire bien fondés,



Sur l'incident,



-'constater que' l'ordonnance du juge de la mise en état de la 7ème chambre du tribunal de grande instance de Nanterre du 6 février 2018 déférée devant la cour d'appel statue exclusivement sur la compétence,



-'constater que' la déclaration d'appel des sociétés Areva et Orano Cycle a été enregistrée le 20 mars 2018,



-'constater que' la déclaration d'appel des sociétés Areva et Orano Cycle ne précise pas qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence,



-'constater que' la déclaration d'appel n'est pas non plus motivée,



-'dire et juger' dès lors la déclaration d'appel irrecevable,



-'constater que' l'ordonnance a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 15 mai 2018,



-'constater que' les sociétés Areva et Orano Cycle n'ont ni formé appel-compétence, ni saisi le premier président de la cour d'appel afin d'être autorisé à assigner à jour fixe les parties dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance,



-'dire et juger' dès lors que l'appel des sociétés Areva et Orano Cycle est caduc,



- déclarer par conséquent l'appel des sociétés Areva et Orano Cycle enregistrée le 20 mars 2018 irrecevable,







Sur la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre :



- confirmer purement et simplement l'ordonnance querellée.



En tout état de cause,



- condamner solidairement les sociétés Areva et Orano Cycle à leur verser la somme de 15 000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner les sociétés Areva et Orano Cycle aux entiers dépens.



Au soutien de leurs demandes, ils font valoir en substance :



- que l'ordonnance enterprise se prononce exclusivement sur la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre sans statuer sur le fond du litige opposant les parties ;



- que l'appel - compétence s'applique quelle que soit la nature de la décision déférée devant la cour ; que la société Areva n'a pas déclaré appel dans le délai de 15 jours à compter de la notification par lettre recommandée avec avis de la réception de l'ordonnance le 18 mai 2018 conformément à l'article 84 alinéa, 1er, du code de procédure civile ; que la société Areva n'a pas saisi sur requête, dans ce même délai, le premier président de la cour d'appel afin d'être autorisée à assigner à jour fixe les parties et enfin, que la déclaration d'appel n'est pas recevable puisqu'elle ne précise pas expressément qu'elle est dirigée contre un jugement statuant exclusivement sur la compétence ;



- qu'il ne saurait être fait grief à l'ordonnance d'avoir également 'manifestement ' accueilli la demande d'enquête provisoire formée par les intimés et porté ainsi 'atteinte au principe du contradictoire' alors que celle-ci n'a fait que surseoir à statuer sur cette demande.



Dans ses conclusions transmises le 19 novembre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M.Ag Bibi, intimé, demande à la cour de :



- le recevoir en ses prétentions, moyens et fins,



- les dire bien fondés,



In limine litis,



- le recevoir en ses conclusions in limine litis d'incident,



En conséquence,



-'constater que' l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre du 6 février 2018 déférée devant la cour d'appel statue exclusivement sur la compétence,



-'constater que' la déclaration d'appel des sociétés Areva et Orano Cycle a été enregistrée le 20 mars 2018,



-'constater que' la déclaration d'appel des sociétés Areva et Orano Cycle ne précise pas qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence,



'constater que' les sociétés Areva et Orano Cycle n'ont ni formé appel-compétence, ni saisi le premier président de la cour d'appel afin d'être autorisées à assigner à jour fixe les parties dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance,



- déclarer par conséquent l'appel des sociétés Areva et Orano Cycle enregistrée le 20 mars 2018 irrecevable,



En conséquence,



- confirmer purement et simplement l'ordonnance querellée,



En tout état de cause,



- condamner solidairement les sociétés Areva et Orano Cyle à lui verser la somme de 8 000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner les sociétés Areva et Orano Cyle aux entiers dépens.



M. Ag Bibi soutient essentiellement :



- que l'ordonnance contestée par la société Areva se prononce exclusivement sur la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre sans statuer sur le fond du litige opposant les parties ;



- que la société Areva n'a pas interjeté appel dans le délai de 15 jours à compter de la notification par lettre recommandée avec avis de réception de l'ordonnance le 18 mai 2018 conformément à l'article 84 alinéa 1er du code de procédure civile ; qu'en effet, elle n'a pas saisi sur requête, dans ce même délai, le premier président de la cour d'appel afin d'être autorisée à assigner à jour fixe les parties et enfin, la déclaration d'appel de la société Areva ne précise pas expressément qu'elle est dirigée contre un jugement statuant la compétence.



*******



La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 novembre 2018.



L'audience de plaidoirie a été fixée au 21 novembre 2018.






MOTIFS DE LA DECISION



La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.





Sur la caducité de la déclaration d'appel :



En application de l'article 771 1° du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance, les parties n'étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.



Selon l'article 776 du code de procédure :



'Les ordonnances du juge de la mise en état ne sont pas susceptibles d'opposition.



Elles ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond.



Toutefois, elles sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer.



Elles le sont également, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsque :



1° Elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l'extinction ;



2° Elles statuent sur une exception de procédure ;



3° Elles ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ;



4° Dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, elles ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.'.



Il résulte de ces dispositions que les ordonnances du juge de la mise en état sont susceptibles d'appel immédiat, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, parmi lesquelles figurent les exceptions d'incompétence.



En ce qui concerne l'appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence, le contredit de compétence, voie de recours prévue en application de l'article 80 du code de procédure civile à l'encontre de la décision par laquelle le juge se prononçait sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, est supprimé par les dispositions du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, applicables aux appels formés à compter du 1er septembre 2017.



L'article 83, modifié par le décret du 6 mai 2017, prévoit désormais, dans la section I du chapitre II, relative aux exceptions de procédure que sont les exceptions de compétence, que :



'Lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.



La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d'appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d'instruction ou une mesure provisoire.'.



L'article 84 du même code précise que :



'Le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.



En cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.'.



Selon l'article 85 du code de procédure civile, modifié, prévoit enfin que :



'Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.



Nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.'.



La cour rappelle que le terme 'jugement', utilisé dans les articles 84 et 85 sus visés, est générique et s'applique dès lors à l'ensemble des décisions, y compris les ordonnances du juge des référés ou du juge de la mise en état, par lesquelles le juge se prononce sur la compétence.



S'il est constant qu'avant la réforme introduite par le décret du 6 mai 2017 sus visé, l'article 905 du code de procédure civile prévoyait expressément une procédure d'appel à bref délai pour les ordonnances du juge des référés et celles du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de compétence visées à l'article 2° de l'article 776 du même code, que la voie du contredit était dès lors interdite à l'encontre des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure, la réforme instituée par le décret du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile tend à l'unification, par les dispositions spéciales des articles 83 et suivants du code de procédure civile, de l'appel-compétence.



C'est ainsi que, 'nonobstant toute disposition contraire', la procédure désormais applicable à l'appel d'une décision se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige est celle de l'assignation à jour fixe sur autorisation accordée par le premier président de la cour, si la procédure d'appel impose la constitution d'avocat ou, dans le cas contraire, pour les procédures d'appel sans représentation obligatoire, la fixation prioritaire prévue à l'article 948 du code de procédure civile.





Il résulte dès lors de l'esprit et de la lettre des dispositions spéciales issues de la réforme que, dérogeant à la procédure d'appel à bref délai désormais soumise, en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile, à des délais impératifs, la procédure d'appel avec représentation obligatoire d'une décision statuant exclusivement sur la compétence, en ce comprise celle du juge de la mise en état, est celle, plus souple et sans instruction de l'affaire, de la requête à jour fixe, l'appelant devant toutefois, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai de quinze jours prévu à l'article 84, le premier président en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe.



L'article 776 2° du code de procédure civile, s'il est demeuré inchangé, ne pose en effet que le principe de la voie de l'appel immédiat ouverte à l'encontre d'une ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure et les dispositions spéciales de l'appel- compétence, portant suppression du contredit de compétence et unification de la procédure d'appel applicable, doivent désormais prévaloir sur les dispositions générales de la procédure à bref délai prévue à l'article 905.



En l'espèce, l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du 6 février 2018 du juge de la mise en état vise expressément le chef de décision statuant sur l'exception d'incompétence et le sursis à statuer sur la demande d'enquête ordinaire dans l'attente de la réponse des parties sur la mesure de médiation judiciaire proposée.



Contrairement à ce que soutiennent les parties appelantes, le juge de la mise en état a uniquement statué, dans le dispositif de sa décision, sur l'exception de compétence et non sur la demande d'enquête ordinaire sur laquelle il a sursis à statuer dans l'attente de la réponse des parties sur la proposition de médiation judiciaire, étant relevé par la cour qu'en tout état de cause, un sursis à statuer prononcé par le juge de la mise en état ne peut faire l'objet d'un appel immédiat que sur autorisation du premier président de la cour, saisi en la forme des référés, sur le fondement de l'article 380 du même code et qu'une décision ordonnant une médiation judiciaire n'est pas susceptible d'appel en application de l'article 131-15 dudit code.



Il résulte de ces constatations qu'est caduque la déclaration d'appel des sociétés Areva et Orano Cycle portant sur une décision du juge de la mise en état se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, les appelantes n'ayant pas sollicité par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés, conformément aux dispositions combinées de l'alinéa 2 de l'article 83 et de l'article 84, applicables au présent appel, formé postérieurement au 1er septembre 2017.



La cour rappelle enfin que les intimés n'ont pas à justifier d'un grief dès lors que la caducité de l'appel est encourue au titre non pas d'un vice de forme mais du non-respect des modalités procédurales respectivement fixées par l'article 84 modifié du code de procédure civile.



En conséquence de la caducité de la déclaration de l'appel, il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes visant le sursis à statuer prononcé d'office par le juge de la mise en état et la proposition de médiation.









Sur les demandes accessoires :



L'équité commande de faire droit à la demande des intimés présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; les appelantes sont condamnées à leur verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.



Parties perdantes, les appelantes ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doivent supporter les dépens.





PAR CES MOTIFS LA COUR



Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort



DÉCLARE caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance rendue le 6 février 2018 par le juge de la mise en état en ce qu'elle vise le chef de décision disant le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître du litige opposant X..., la société Opos, M.Ag Bibi, la SA Areva et la société Areva NC devenue la société Orano Cycle,



DIT n'y avoir lieu ,en conséquence, à statuer sur les prétentions portant sur le sursis à statuer sur la demande d'enquête ordinaire présentée par X... et M.Ag Bibi dans l'attente d'une réponse des parties sur la proposition de médiation,



CONDAMNE in solidum la SA Areva et la société Oran Cycle à verser à chacun des intimés, M. X... et la SARL Opos, la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE in solidum la SA Areva et la société Oran Cycle à verser à M. Ag Bibi la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



REJETTE la demande de la SA Areva et de la société Oran Cycle formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE in solidum la SA Areva et la société Oran Cycle aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier,Le président,

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