24 janvier 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/22960

Pôle 6 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : 06/02/2019AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 24 JANVIER 2019



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/22960 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TE7



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Octobre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/57837







APPELANTS



SYNDICAT CGT DES HÔTELS DE PRESTIGE ET ECONOMIQUES (CGT-HPE)

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants



UNION SYNDICALE CGT DU COMMERCE DES SERVICES ET DE LA DISTRIBUTION DE PARIS (US-CGT)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants



Madame [C] [M] es qualité de secrétaire du Comité d'entreprise STN

[Adresse 3]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 2] (République Centre Africaine)

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants



Madame [I] [L] es qualité de déléguée du personnel [Établissement 1]

[Adresse 4]

[Localité 3]

née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 4]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants













Madame [S] [W] ès-qualité de déléguée syndicale, déléguée du personnel et membre du CHSCT STN et du CHSCT du [Établissement 1]

[Adresse 5]

[Localité 5]

née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 6]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants



Madame [Q] [V] ès-qualité de membre du comité d'entreprise STN et du CHSCT [Établissement 1]

[Adresse 3]

[Localité 1]

née le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 7]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants



Madame [T] [A] ès-qualité de membre du Comité d'entreprise STN et déléguée du personnel du [Établissement 1]

[Adresse 6]

[Localité 8]

née le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 9] (République du Congo)

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants



Madame [U] [O] ès-qualité de délégué du personnel du [Établissement 1] et secrétaire du CHSCT STN

[Adresse 7]

[Localité 10]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 11] (Sénégal)

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants



Monsieur [G] [S] ès-qualité de délégué du personnel et de membre du Comité d'entreprise et secrétaire du CHSCT du [Établissement 1]

[Adresse 8]

[Localité 12]

né le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 13]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants



Madame [F] [F] ès-qualité de membre du Comité d'entreprise STN

[Adresse 9]

[Localité 14]

née le [Date naissance 6] 1980 à [Localité 9] (République du Congo)

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148, avocat postulant, Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 et Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615, avocats plaidants

















INTIMÉES



SASU SASIH exploitant l'hôtel [Établissement 1]

[Adresse 3]

[Localité 1]

RCS de Paris n° 417 782 190

Représentée par Me Florence GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, avocat postulant et Me Pascal BATHMANABANE, avocat au barreau de PARIS, toque : J086, avocat plaidant



SAS STN TEFID

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 15]

RCS de Pontoise n° 384 343 620

Représentée par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant, et Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275, avocat plaidant







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :



Mme Mariella LUXARDO, Présidente

Mme Monique CHAULET, Conseiller

Mme Aline DELIÈRE, Conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Mariella LUXARDO, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Mme Martine JOANTAUZY





ARRÊT :



- contradictoire,



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



- signé par Mariella LUXARDO, Présidente de chambre et par Martine JOANTAUZY, Greffier, présente lors de la mise à disposition.





********



Vu l'ordonnance rendue le 12 octobre 2018 par le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé qui a :



Débouté le syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques (CGT-HPE) et l'Union syndicale CGT du commerce et des services et de la distribution de Paris, ainsi que Mmes [A] [M], [L], [W], [V], [A], [O], [F], et M. [S], de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de la SAS SASIH exploitant l'hôtel [Établissement 1] et de la SAS STN Tefid,



Rappelé à tout salarié de la SAS STN Tefid employé sur le site [Établissement 1] et participant au mouvement de grève soutenu par le syndicat CGT-HPE et l'Union syndicale CGT du commerce et des services et de la distribution de Paris, l'interdiction de faire entrave à la liberté du travail des salariés de la SAS STN Tefid ne participant pas à ce mouvement de grève et désirant rejoindre leur poste de travail sur le site ou quitter ce site en direction de la voie publique,



Ordonné à Mme [W], [V] et à M. [S], avec interdiction similaire à toute autre personne participant au mouvement de grève, avec au besoin le concours de la force publique, de cesser tout agissement d'entraves à la liberté du travail des salariés de la SAS STN Tefid ne participant pas à ce mouvement de grève et désirant rejoindre leur poste de travail sur le site, consistant notamment à empêcher toute personne de pénétrer depuis la voie publique à l'intérieur de cet hôtel ou de sortir de cet hôtel en direction de la voie publique, sous astreinte provisoire de 500 euros par personne faisant ainsi entrave à la liberté du travail, à l'expiration d'un délai de 24 heures après la signification de la présente décision à l'ensemble des parties demanderesses à la présente instance,



Réservé à la présente juridiction l'éventuel contentieux de la liquidation de cette astreinte,



Déclaré irrecevable la demande du syndicat CGT-HPE et de l'Union syndicale CGT du commerce et des services et de la distribution de Paris, ainsi que de Mmes [A] [M], [L], [W], [V], [A], [O], [F], et M. [S] tendant à faire convoquer l'ancien comité d'entreprise de la SAS STN Tefid,



Condamné solidairement le syndicat CGT-HPE et l'Union syndicale CGT du commerce et des services et de la distribution de Paris ainsi que Mmes [A] [M], [L], [W], [V], [A], [O], [F], et M. [S] à payer au profit de la SAS SASIH une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Rejeté le surplus des demandes des parties défenderesses,



Rappelé en tant que de besoin que la présente décision bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire, conformément aux dispositions de l'article 514 alinéa 2 du code de procédure civile,



Condamné solidairement le syndicat CGT-HPE et l'Union syndicale CGT du commerce et des services et de la distribution de Paris ainsi que Mmes [A] [M], [L], [W], [V], [A], [O], [F], et M. [S] aux entiers dépens de l'instance ;





Vu l'appel interjeté contre cette décision le 20 octobre 2018 par le syndicat CGT-HPE, l'Union syndicale CGT du commerce et des services et de la distribution de Paris, et Mmes [A] [M], [L], [W], [V], [A], [O], [F], et M. [S],




Vu les conclusions signifiées par les appelants par actes des 15 novembre 2018 et 20 novembre 2018 aux sociétés SASIH et STN Tefid aux fins de voir :



Infirmer l'ordonnance du 12 octobre 2018 en toutes ses dispositions,



Préalablement, faire application de l'article L 131-1 du code de procédure civile et désigner une tierce personne afin d'entendre les parties, de confronter leur point de vue pour permettre de trouver une solution au conflit en cours,







A défaut, ordonner à la SAS SASIH [Établissement 1] de laisser circuler librement au sein de l'établissement [Établissement 1] les représentants du personnel et les représentants syndicaux conformément à leur(s) mandat(s) et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider éventuellement ladite astreinte,



Ordonner à la SAS STN Tefid de réunir régulièrement et sans délai le comité d'entreprise qui, à ce jour, n'a fait l'objet d'aucune procédure de dissolution,



Condamner la SAS SASIH à payer, à titre provisionnel, aux syndicats appelants, à titre de dommages et intérêts en réparation des entraves répétées à la libre circulation des représentants du personnel et des représentants syndicaux, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail,



Condamner la SAS STN Tefid à payer, à titre provisionnel, aux syndicats appelants la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail en raison de l'atteinte portée au fonctionnement régulier du comité d'entreprise,



Condamner solidairement la SAS SASIH et la SAS STN Tefid à payer aux syndicats la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 500 euros à chacun des salariés appelants,



Condamner solidairement la SAS SASIH et la SAS STN Tefid aux entiers dépens d'instance et d'appel ;



Vu les dernières écritures notifiées par RPVA le 05 décembre 2018 par lesquelles la SAS SASIH demande à la cour de :



Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 12 octobre 2018 en ce qu'elle a :



' débouté les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;



' ordonné, sous astreinte, de cesser tout agissement d'entrave à la liberté du travail des salariés de la société STN employés au sein de la SASIH ;



' condamné solidairement les appelants à verser à la SASIH une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Infirmer ladite ordonnance en ce qu'elle a rejeté les demandes de la SASIH visant à :



' interdire aux appelants ainsi qu'à toute personne agissant de concert avec eux, sous astreinte, l'utilisation d'instruments sonores sur la voie publique en-deçà d'un périmètre de 200 mètres autour de 1'hôtel [Établissement 1],



' interdire aux appelants ainsi qu'à toute personne agissant de concert avec eux, sous astreinte, l'entrée des grévistes dans les chambres de l'hôtel [Établissement 1] sans autorisation,



' condamner le syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques(CGT-HPE) et l'Union syndicale CGT du commerce, des services et de la distribution de Paris de Paris à payer une indemnité provisionnelle ;



Y ajoutant :



En cas de désignation d'un médiateur, ordonner préalablement la cessation des nuisances sonores devant l'hôtel [Établissement 1] et toute manifestation à l'intérieur des lieux de restauration de l'hôtel [Établissement 1],



Interdire aux appelants ainsi qu'à toute personne agissant de concert avec eux, de manifester dans les bars et restaurants de l'hôtel [Établissement 1], si nécessaire avec le concours de la force publique, sous astreinte de 500 euros par manifestant contrevenant à cette interdiction et par jour,



En toute hypothèse :



Se réserver la liquidation des astreintes,



Condamner solidairement les appelants à lui verser une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance ;



Vu les dernières écritures notifiées par RPVA le 04 décembre 2018 par lesquelles la SAS STN Tefid demande à la cour de :



Dire et juger irrecevables ou à tout le moins mal fondés le syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques, l'Union syndicale CGT du commerce de services de la distribution de Paris, Mmes [A] [M], [L], [W], [V], [A], [O], [F], et M. [S],



Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,



Condamner solidairement ou in solidum les appelants à payer à la société STN Tefid la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Les condamner solidairement ou in solidum aux dépens ;



Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 mai 2018,






MOTIFS DE LA DÉCISION



A titre préalable, il sera rappelé que la SAS STN Tefid spécialisée dans l'activité de nettoyage des hôtels de luxe et de grand luxe, est titulaire d'un contrat de prestations de services signé le 1er février 2017 avec la SAS SASIH qui exploite l'hôtel de luxe [Établissement 1] situé [Adresse 3], et externalise le nettoyage des parties communes de l'hôtel et des chambres, depuis sa création en 2002.



Environ 75 salariés de la SAS STN Tefid sont affectés sur le site de l'hôtel [Établissement 1] en qualité de femmes de chambre, gouvernantes et équipiers.



Dans le cadre du régime antérieur de la représentation salariale, issu de l'ancien article L.2314-18-1 du code du travail, plusieurs salariés de la SAS STN Tefid ont été élus au sein des IRP de la SAS SASIH notamment en qualité de membres du CHSCT, et comme délégués du personnel de la SASIH.



Les nouvelles dispositions de l'article L.2314-23 du code du travail issues de l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 applicables depuis le 1er janvier 2018, ont supprimé la possibilité pour les salariés mis à disposition d'être éligibles au sein des IRP de l'entreprise utilisatrice.



En vue de la mise en place du nouveau CSE au sein de la SAS STN Tefid, un protocole d'accord préélectoral a été signé le 5 avril 2018, les élections s'étant déroulées le 2 juillet 2018.



La SAS SASIH doit organiser les élections de son propre CSE à compter de janvier 2019.







Certains élus disposent de mandats au sein des IRP des deux sociétés et en particulier au sein des CHSCT des deux sociétés. Certains salariés de STN Tefid ont été élus délégués du personnel au sein de la SAS SASIH. En outre la SAS STN Tefid a disposé d'un comité d'établissement propre au site [Établissement 1] depuis le 29 avril 2015.



Le 25 septembre 2018, des salariés employés dans leur majorité par la SAS STN Tefid, se sont mis en grève en vue de revendiquer notamment leur embauche directe au sein de l'hôtel [Établissement 1] et des augmentations de salaires, ainsi que la mise en place de plusieurs délégués de proximité.



Le 27 septembre 2018, une réunion du comité d'entreprise qui devait se tenir au sein de l'établissement, a été annulée par la SAS STN Tefid.



Les 1er et 3 octobre 2018, la SAS SASIH a restreint l'accès aux locaux de l'hôtel considérant que le mouvement social donnait lieu à des débordements.



Le 5 octobre 2018, les syndicats CGT-HPE et l'Union syndicale CGT du commerce et des services et de la distribution de Paris, ont saisi le juge des référés de Paris dans le cadre d'une assignation d'heure à heure, au motif que les représentants du personnel et les représentants syndicaux ne pouvaient pas circuler librement au sein de l'hôtel, sollicitant également la restitution de leur matériel syndical et l'organisation d'une réunion du comité d'entreprise de l'établissement [Établissement 1].



Plusieurs élus ont engagé l'action avec ces syndicats, sept d'entre eux étant salariés de la SAS STN Tefid, Mmes [A] [M], [L], [W], [V], [A], [O], et [F], alors que M. [S] est salarié de la SAS SASIH.



Les sociétés ont présenté des demandes reconventionnelles aux fins de faire constater que l'exercice du droit de grève par les salariés grévistes, était abusif.



Le premier juge a fait droit à l'essentiel des demandes des sociétés par l'ordonnance rendue le 12 octobre 2018, dont appel.





Sur la demande de désignation d'une tierce personne pour permettre de trouver une solution au conflit en cours



Les appelants sollicitent la désignation d'une tierce personne pour permettre de trouver une solution au conflit en cours, la société SASIH s'y opposant au motif que la médiation ne sera envisagée que lorsque les comportements abusifs des grévistes auront cessé. La société STN Tefid ne présente pas d'observations sur cette demande.



La cour observe que des réunions sont en cours sous l'égide de l'administration, la Direccte d'Ile de France, et que cette intervention ne peut pas dispenser l'autorité judiciaire de statuer sur les demandes des parties, le cadre juridique défini par cette décision devant en outre favoriser le règlement social du litige.



La demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 131-1 du code de procédure civile, sera donc rejetée.





Sur le bien-fondé de la demande des appelants concernant la tenue d'une réunion du comité d'établissement [Établissement 1]



Au soutien de cette demande, les appelants font valoir que la société STN Tefid a annulé de manière abusive la réunion du comité d'établissement convoqué le 19 septembre 2018, qui devait se tenir le 27 septembre 2018, au seul motif de la grève engagée le 25 septembre 2018, alors que ce comportement est constitutif d'une entrave. Ils ajoutent que contrairement à ce qui est soutenu par la société STN Tefid, ce comité n'avait pas disparu avec la désignation du CSE puisque ses membres doivent signer une convention avec la nouvelle instance en application de l'article 9 paragraphe VI alinéa 2 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 portant notamment sur la cession de ses biens, et qu'aucun accord ou décision de l'employeur n'est intervenu sur le terme des mandats qui restent donc en vigueur.



La société STN Tefid soutient en réplique que la désignation du nouveau CSE le 2 juillet 2018 a mis fin à l'existence du précédent comité d'établissement existant au sein du site ; que cette disparition résulte de l'accord signé le 15 mars 2018 avec les organisations syndicales.



Il résulte en effet de l'accord du le 15 mars 2018 relatif aux instances de représentation du personnel au sein de la société STN Tefid, signé par plusieurs organisations syndicales dont le syndicat CGT, que les parties ont convenu de mettre en place un seul CSE pour toute la société.



Cet accord est en outre conforme à la décision de la Direccte du Val d'Oise du 23 mai 2017, saisi par le RRH de la société, selon laquelle les hôtels, agences ou regroupement de ces sites, ne constituent pas un établissement distinct.



Les dispositions de l'article 9 paragraphe VI alinéa 1 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 organisent le transfert de plein droit de tous les droits et obligations des anciennes instances au profit du nouveau CSE, son alinéa 2 prévoyant la signature d'une convention portant sur les conditions du transfert des biens.



Mais concernant la durée des mandats, seules les dispositions de l'article 9 paragraphe III de l'ordonnance sont applicables et il ressort de ce texte que les instances représentatives ne peuvent pas se cumuler, de sorte que les anciens mandats ont pris fin par l'effet de l'accord du 15 mars 2018 et de l'organisation de nouvelles élections le 2 juillet 2018.



S'il ressort des pièces communiquées par les appelants que la société avait bien organisé une réunion le 27 septembre 2018 qui a été ensuite annulée, il ne peut être tiré aucune conséquence en termes d'atteinte au fonctionnement de l'ancien comité qui comme l'a justement relevé le premier juge, n'avait plus d'existence légale.



L'ordonnance du 12 octobre 2018 mérite par suite la confirmation à ce titre.





Sur le bien-fondé de la demande des appelants et les atteintes alléguées à la libre circulation des représentants du personnel et des représentants syndicaux



A l'appui de leur appel, les appelants font valoir que la SASIH a reconnu dans ses conclusions de première instance qu'elle avait restreint la liberté de circulation des représentants du personnel en vue de prévenir de nouveaux actes illicites résultant notamment de l'utilisation d'instruments sonores au sein de l'hôtel ; que le premier juge a opéré une confusion entre la liberté de circulation au sein de l'entreprise qui ne souffre d'aucune exception, et la prise de contact avec les salariés à leur poste de travail qui est conditionnée par l'absence de gêne importante dans l'accomplissement du travail.



La société SASIH fait valoir qu'elle a été contrainte d'interdire ou de limiter l'accès à l'établissement des représentants du personnel en raison des abus qui ont été constatés les 25 septembre 2018 (usage de mégaphone et montée dans les étages de l'hôtel pour interpeller les salariés non grévistes) et 30 septembre 2018 (distribution de tracts aux clients, cris et usage de sifflets, montée dans les étages de l'hôtel pour intimider les salariés non grévistes ; entrée de force dans une chambre de l'hôtel). Elle ajoute que l'absence de toutes limites à liberté de circulation des représentants du personnel est contraire aux textes et qu'à ce jour ces derniers peuvent à nouveau se déplacer en toute liberté dans l'établissement.



L'interprétation proposée par les appelants ne peut pas être retenue car elle conduirait d'une part à reconnaître une liberté qui ne souffrirait d'aucune limite ni de contrôle et d'autre part la liberté de circulation au sein de l'entreprise a pour objet de vérifier les conditions de travail des salariés et recueillir leurs observations, ce qui la rattache directement à la limite prévue par le texte de ne pas apporter une gêne importante dans l'accomplissement du travail.



S'agissant des circonstances de fait qui ont conduit la direction de l'hôtel à limiter l'accès aux représentants et délégués syndicaux, elles sont établies par les constats d'huissier versés aux débats, réalisés fin septembre 2018, dans les conditions justement relevées par le premier juge, et non sérieusement contestées par les appelants, dont il ressort que les délégués du personnel et les délégués syndicaux sont montés dans les étages aux fins d'apporter volontairement une gêne dans l'accomplissement du travail des salariés non grévistes, et une gêne aux clients, comportement contraire à la finalité reconnue à la liberté de circulation de prendre les contacts utiles auprès des salariés travaillant dans l'entreprise.



Au vu de ces éléments, l'ordonnance du 12 octobre 2018 mérite également la confirmation en ce qu'elle a rejeté les demandes des syndicats et des élus à ce titre.



Par ailleurs, la cour relève que la direction a depuis l'ordonnance organisé l'accès à l'établissement des délégués syndicaux et des élus, sous certaines conditions : entrée sans sifflets, mégaphone, ni chasubles ; contact à distance par un membre de la direction ou de la sécurité ; entrée par groupe de cinq personnes, hors cafétéria et vestiaire.



Ces aménagements sont légitimes au regard des abus qui avaient été commis en septembre 2018, et méritent d'être approuvés dès lors qu'ils rétablissent l'accès des délégués syndicaux et des élus à l'établissement, accès qui avait été totalement interdit en octobre 2018.



La cour rejette donc les demandes des appelants aux fins de faire constater l'entrave à ce titre, sauf à rappeler que les aménagements mis en place actuellement doivent rester limités dans leur durée, tant que les parties n'auront pas trouvé un accord sur le conflit qui est toujours en cours.





Sur les atteintes alléguées par la société SASIH à la liberté du travail des salariés non grévistes et l'occupation des locaux



Les appelants ne développent aucune argumentation aux fins de critiquer l'ordonnance du 12 octobre 2018 en ce qu'elle a constaté qu'il y avait eu des comportements abusifs dans l'exercice du droit de grève, et fait droit aux demandes de la société SASIH visant à faire respecter la liberté de travail des salariés non grévistes.



La décision sera également confirmée sur ce point.



Par ailleurs la société SASIH présente des demandes nouvelles en appel visant à faire interdire toute manifestation dans les lieux de restauration de l'hôtel. Elle expose que les élus et délégués syndicaux occupent les lieux de restauration de l'hôtel, bars et restaurants, habillés de chasubles et brandissant des drapeaux et des slogans, et pénètrent dans les salons privatisés de l'hôtel.



Il n'est pas soutenu d'argumentation contraire des appelants, les faits allégués se trouvant établis par les photographies et constats d'huissier versés aux débats.



Comme il a été précédemment indiqué, la liberté de circulation des élus et délégués ne doit pas être utilisée aux fins d'exercer des actions revendicatives.



En outre le droit de grève n'emporte pas celui de disposer des lieux de travail.



En l'espèce l'occupation des lieux de restauration de l'hôtel est constitutive d'un trouble manifestement illicite puisqu'elle emporte une atteinte évidente à l'image de l'hôtel à l'égard de la clientèle.



Il sera fait droit à la demande.



S'agissant de la demande visant à interdire l'entrée des grévistes dans les chambres de l'hôtel, il convient d'y faire droit sous réserve de la même limite concernant la liberté de circulation des élus et représentants syndicaux qui sera rétablie lorsque le conflit social aura pris fin, dans le seul but d'exercer leurs mandats et prendre contact avec les salariés, et non pour y exercer des actions revendicatives.



Le recours à la force publique étant autorisé pour faire respecter ces interdictions, il n'y a pas lieu de fixer des astreintes, et il sera mis fin à celles ordonnées en première instance.





Sur les nuisances sonores



La société SASIH sollicite l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté sa demande visant à faire interdire l'utilisation d'instruments sonores sur la voie publique en deçà d'un périmètre de 200 mètres de l'hôtel.



Les appelants ne développent pas d'argumentation sur ce point.



Contrairement à ce qui a été décidé par le premier juge, la compétence du juge des référés ne doit pas être écartée sur cette demande, dès lors qu'il est constaté que les grévistes font une utilisation abusive de matériels sonores aux fins notamment d'apporter une gêne aux clients.



Le recours à la force publique sera autorisé aux fins de veiller au respect de la décision qui enjoint aux grévistes de ne pas utiliser des matériels sonores en deçà d'un périmètre de 200 mètres de l'hôtel.





Sur la restitution du matériel syndical



Il n'est plus présenté de demande à ce titre en appel.





Sur les demandes provisionnelles de dommages et intérêts



Les prétentions des appelants ayant été rejetées sur les entraves, l'ordonnance du 12 octobre 2018 sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté leurs demandes provisionnelles de dommages et intérêts dirigées contre les sociétés SASIH et STN Tefid.





Sur l'article 700 du code de procédure civile



Au vu de la situation respective des parties et des circonstances du litige, les syndicats CGT-HPE et l'Union syndicale CGT du commerce et des services et de la distribution de Paris devront verser à la société SASIH une indemnité de 1.500 euros, la demande de la société STN Tefid présentée à ce titre devant être rejetée.





PAR CES MOTIFS :



La COUR,



STATUANT par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,



Confirme l'ordonnance du 12 octobre 2018 sauf en ce qu'elle a considéré que la demande reconventionnelle de la société SASIH portant sur l'interdiction d'utiliser des matériels sonores relevaient de la compétence des juridictions administratives,



Statuant à nouveau à ce titre,



Interdit aux appelants et à toute personne agissant de concert avec eux, d'utiliser des instruments sonores sur la voie publique en-deçà d'un périmètre de 200 mètres autour de 1'hôtel [Établissement 1],



Leur interdit l'entrée dans les chambres de l'hôtel [Établissement 1] sans autorisation et l'occupation des bars et restaurants de l'hôtel [Établissement 1],



Dit que la société SASIH pourra faire appel au concours de la force publique pour faire respecter ces interdictions,



Met fin aux astreintes fixées par l'ordonnance du 12 octobre 2018,



Rejette les autres demandes des parties,



Condamne solidairement les syndicats CGT-HPE et l'Union syndicale CGT du commerce et des services et de la distribution de Paris à verser à la société SASIH une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



Les condamne aux dépens d'appel.



Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour.





LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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