15 février 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/15550

Pôle 5 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 15 FEVRIER 2019



(n°17, 9 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/15550 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B34MP





Décisions déférées à la Cour : 1/ jugement du 05 février 2015 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 4ème section - RG n°13/00100 - 2/ jugement du 23 mars 2017 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 4ème section - RG n°13/00100







APPELANT





[V] [E] [Z]

[Adresse 10]

[Adresse 4]

RÉPUBLIQUE TCHÈQUE



Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque L 0050

Assisté de Me Catherine DE GOURCUFF, avocat au barreau de PARIS, toque A 067







INTIMES





[V] [J] [C], pris en sa qualité d'héritier de [V] [N]

[Adresse 3]

[Localité 7]



[V] [B] [V] [A], pris en sa qualité d'ayant droit de [V] [N]

[Adresse 11]

[Adresse 9]

SUISSE



Mme [L] [M] [A] épouse [O], prise en sa qualité d'héritière de [V] [N]

[Adresse 11]

[Adresse 9]

SUISSE



Mme [I] [M] [A] veuve [X], prise en sa qualité d'ayant droit de [V] [N]

[Adresse 6]

[Adresse 1]

[Adresse 12]

ETATS-UNIS D'AMERIQUE



ASSOCIATION POUR LA DEFENSE ET LA PORMOTION DE L'OEUVRE DE [V] [N] dite COMITE [V] [N], prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentés par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque E 280

Assistés de Me Sylviane BRANDOUY, avocat au barreau de PARIS, toque E 797







COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 décembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Marie GABER, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Véronique RENARD, Conseillère



Mmes [H] [O] et [G] [S] ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Anne-Marie GABER, Présidente

Mme Véronique RENARD, Conseillère

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère, désignée en remplacement de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, empêchée





Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT







ARRET :





Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.















Vu les jugements contradictoires des 5 février 2015 et 23 mars 2017 rendus par le tribunal de grande instance de Paris,



Vu l'appel de ces deux décisions interjeté le 28 juillet 2017 par [V] [Z],


Vu les dernières conclusions (conclusions d'appel n°3) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 22 octobre 2018 de l'appelant,



Vu les dernières conclusions (conclusions d'intimés n°3) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 13 novembre 2018 de MM. [C] et [A] et Mmes [A] épouse [O] et [A] veuve [X] (les consorts [C]-[A]), héritiers ou ayants droit de [V] [N], ainsi que de l'association pour la défense et la promotion de l'oeuvre de ce dernier dite Comité [V] [N], intimés,



Vu l'ordonnance de clôture du 15 novembre 2018,






SUR CE, LA COUR,





Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.



Il sera simplement rappelé que [V] [Z] qui demeure en République Tchèque a saisi le 25 mai 2012 le Comité [V] [N] (Comité) situé à [Localité 13] d'une demande de certification, et lui a remis à ces fins le 20 juin 2012 un tableau intitulé 'Femme nue à l'éventail' portant la signature '[V] [N][Localité 13]'.



Le Comité a estimé le 3 juillet 2012 qu'il s'agissait d'une oeuvre contrefaisante et [V] [Z] a répondu qu'il entendait défendre l'authenticité de cette oeuvre.



Les ayants droit de [V] [N] et le Comité ont fait procéder, après y avoir été autorisés par ordonnance du 29 novembre 2012, à la saisie réelle de l'oeuvre le 3 décembre 2012 puis fait assigner [V][Z] devant le tribunal de grande instance de Paris, le 27 décembre 2012.



Par le premier jugement dont appel (du 5 février 2015), le tribunal a rejeté les demandes de [V] [Z] tendant à voir déclarer la saisie irrégulière, écarté les fins de non recevoir soulevées par ce dernier, et ordonné avant dire droit une expertise aux fins en particulier que l'expert dise si à son avis la peinture est ou non de la main de [V] [N].



Par le second jugement dont appel (du 23 mars 2017), après avoir rappelé que l'expert désigné avait déposé son rapport daté du 15 avril 2016, les premiers juges, ont au fond, pour l'essentiel :

- dit que l'oeuvre n'est pas de la main de [V] [N] et constitue une oeuvre contrefaisante,

- ordonné sa remise aux consorts [C]-[A] en vue de sa destruction par huissier sauf meilleur accord entre les parties,

- débouté [V] [Z] de sa demande reconventionnelle (tendant à juger que les consorts [C]-[A] et le Comité ont engagé leur responsabilité en refusant de restituer l'oeuvre).



[V][Z], appelant, demande d'annuler les opérations de saisie contrefaçon, d'ordonner sous astreinte la restitution du tableau, subsidiairement d'ordonner la main levée de la saisie et la remise du tableau avec injonction d'y apposer la mention 'reproduction' au verso, et sollicite le paiement de 15.000 euros pour préjudice de jouissance.





Sur la saisie-contrefaçon



Les premiers juges ont pu relever, le 23 mars 2017, que le tribunal avait tranché la question de la validité des opérations de saisie contrefaçon le 5 février 2015, étant observé qu'il n'est pas prétendu que l'appel de cette décision est actuellement irrecevable.



Il n'est pas contesté que la saisie contrefaçon a été judiciairement autorisée, mais [V] [Z] maintient tout d'abord que l'ordonnance ayant autorisé la saisie est nulle faute de motivation sur l'impossibilité de suivre la voie contradictoire.



Les premiers juges ont cependant exactement retenu, le 5 février 2015, que cette ordonnance, qui vise la requête renvoie à la motivation de cette dernière, laquelle détaille les raisons de la demande.



Cette requête expose que l'oeuvre se trouve dans les locaux du Comité, que [V] [Z] savait qu il en serait sollicité la saisie, et qu'enfin la proposition amiable de ce dernier n'a pas reçu 'l'accord des ayants droit faute de garantie suffisante'.



Si l'efficacité de la mesure n'était pas nécessairement subordonnée à une procédure non contradictoire, eu égard aux échanges intervenus entre les parties les 6 juillet, 10 août et 20 septembre 2012 dûment rappelés dans la requête, il ne peut être considéré que l'absence d'autre motivation sur ce point entacherait l'ordonnance d'une irrégularité susceptible d'entraîner son annulation. Il ne peut pas plus être admis que la mesure était disproportionnée au seul motif que [V][Z] avait demandé le 19 novembre 2012 la restitution de l'oeuvre en précisant avoir décidé de la soumettre 'à une expertise professionnelle par une autorité réputée' et de procéder à sa destruction si le résultat confirmait l'avis du Comité, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il lui avait été répondu le 22 novembre 2012, antérieurement à la requête, que cette solution ne pouvait être retenue.



[V] [Z] soutient par ailleurs que la présence lors de la saisie de Mme [O] vicie les opérations de saisie.



Toutefois les premiers juges ont pu retenir que cette présence s'explique par la qualité de Mme [O] membre du Comité, dans les locaux duquel la saisie a eu lieu.



En effet, s'il ressort du procès-verbal de saisie que l'huissier a rencontré sur place Mme [O], il était clairement rappelé dans la requête que l'oeuvre se trouvait dans les locaux du Comité et que les héritiers de [V] [N], dont Mme [O], avaient constitué entre eux ce Comité.



Le tableau ayant été remis au Comité pour authentification et se trouvant dans ses locaux, une saisie dans lesdits locaux impliquait la présence d'un membre ou préposé du Comité également requérant.



Il ne peut ainsi être considéré que la présence de Mme [O], à la fois requérante et vice présidente du Comité, constitue une atteinte à une procédure équitable ou à l'égalité des armes permettant à elle seule d'invalider les opérations de saisie dont s'agit, étant observé que celles-ci se sont limitées à la présentation par Mme [O] de l'oeuvre à l'huissier, à la prise de photographies de l'oeuvre et à l'apposition de scellés par l'huissier instrumentaire lequel a conclu que 'le Comité représenté en l'état par Mme [O] est désigné gardien de l'oeuvre ainsi placée sous scellés' ce qui est conforme à l'autorisation de saisie.



L'ordonnance du 29 novembre 2012 et les opérations de saisie du 3 décembre 2012 ne sauraient dès lors être déclarées nulles et de nul effet et permettre en conséquence la restitution de l'oeuvre à [V] [Z].



Les prétentions de ces chefs seront donc rejetées, le jugement du 5 février 2015 étant confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à voir déclarer la saisie irrégulière.





Sur la recevabilité à agir



[V] [Z] critique encore cette décision en ce qu'elle a reconnu la qualité à agir du Comité. Il ne conteste pas que celui-ci ne formule aucune demande au fond, ni qu'il a été autorisé par son assemblée générale à agir en justice (procès-verbal du 20 novembre 2012), ni qu'il a qualité de tiers saisi, mais soutient qu'il n'est titulaire d'aucun droit d'auteur, d'aucune cession de droits ni d'aucun objet justifiant son intervention, et qu'il ne saurait y avoir confusion entre la recevabilité de l'action principale et la recevabilité de ses demandes reconventionnelles.



L'intérêt à agir ne saurait toutefois se confondre avec le bien fondé de l'action et il n'est pas sérieusement discuté que le Comité est une association de la loi de 1901 ayant notamment pour objet de donner un avis sur les demandes d'authentification des oeuvres de [V] [N], ce qui, au demeurant, a justifié que [V][Z] s'adresse à lui.



Le Comité est ainsi un tiers intéressé, ayant un intérêt juridique personnel, direct et actuel à intervenir aux cotés des ayants droit de l'artiste, s'agissant d'apprécier si l'oeuvre en cause est ou non de la main de celui-ci.



La fin de non recevoir opposée au Comité ne peut dès lors qu'être rejetée et la décision du 5 février 2015 confirmée en ce qu'elle a écarté les fins de non recevoir soulevées par [V][Z].





Sur la contrefaçon



Les premiers juges, après avoir rappelé (page 7 du jugement du 23 mars 2017) l'avis de l'expert figurant dans la conclusion de son rapport, ont estimé que l'histoire du tableau de [V] [Z] n'est pas suffisamment établie pour constituer un élément favorable à son authenticité et que les héritiers de [V] [N] ont suffisamment rapporté d'éléments favorables pour emporter sa conviction sur le défaut d'authenticité du tableau, retenant notamment que le caractère subjectif de l'analyse de l'expert n'était pas démontré.



[V] [Z] maintient que les consorts [C]-[A] et le Comité ne rapportent pas la preuve certaine du caractère contrefaisant de l'oeuvre, et que les conclusions de l'expert judiciaire sont empreintes de subjectivité et contredites par des éléments objectifs, de nature historique et scientifique, ne permettant pas davantage d'apporter cette preuve.



L'expert judiciaire relève que l'oeuvre litigieuse est une huile dégraissée et allongée à l'essence, signée '[V] [N][Localité 13]', sur carton de 40,9 cm, 41,6cm X 65, 9 cm, 66 cm, lequel n'est pas d'équerre. Il estime qu'il ne s'agit pas d'une variante d'un même tableau dans un format agrandi, mais d'un mauvais double, de l'oeuvre originale encre et gouache, sur papier d'emballage brun collé sur carton de 17,3 x 30,2 cm, datée et signée '1910 [V] [N] [Localité 13]' conservée au [8] .



Il sera précisé que ces oeuvres montrent, chacune, dans un encadrement peint en noir sur fond ocre, une femme nue allongée, accoudée sur le bras gauche tenant un éventail de la main droite, la jambe gauche repliée, son cou étant orné d'un collier de deux rangs, avec une large tache rouge au-dessus du corps et un pot de fleurs à proximité de son bras gauche.









L'expert après avoir examiné l'oeuvre contestée, rappelé sa provenance ainsi que les résultats de l'analyse scientifique (rapport analytique du 20 octobre 2015 du Centre d'Analyses et de recherche en Art et Archéologie communiqué par [V] [Z] en pièce 43), procédé à une étude comparative avec l'oeuvre conservée au [8] et répondu aux dires des parties, estime que l'oeuvre litigieuse est un mauvais 'double' de cette oeuvre d'origine et émet l'avis qu'elle n'est pas de la main de [V] [N].



S'il indique que le type de signature apposée sur l'oeuvre litigieuse est connu et s'il relève effectivement qu'aucun pigment ou colorant organique découvert après 1923 n'a été identifié sur cette oeuvre, quoique précisant (en répondant à un dire) que l'un des pigments (blanc de plomb) était encore commercialisé en 1998, il relève des différences de traitement entre les deux oeuvres en particulier sur la façon de peindre le pot de fleurs, l'éventail ou le visage.



Il est d'avis que l'analyse comparative montre 'l'impossibilité d'émettre l'opinion selon laquelle l'oeuvre litigieuse aurait été peinte de mémoire, les deux oeuvres étant trop proches pour que l'oeuvre litigieuse ne soit pas une copie de l'oeuvre de référence' et que l'on est 'donc devant un plagiat.'



En réponse à un dire, rappelant que [V] [N] a réalisé à plusieurs reprises des variantes d'un même tableau plus abouti et dans des formats et styles différents, l'expert précise qu'en l'espèce 'On est dans le domaine de la copie' et non de la variante stylistiquement différente. Ainsi si l'expert reconnaît que des variantes stylistiques d'une même oeuvre existent il explique que tel n'est pas le cas en l'espèce, étant observé qu'une annexe au rapport d'expertise produite par [V] [Z] montre notamment deux autres oeuvres de [V] [N] intitulées 'nu à l'éventail', de 1911, d'un style manifestement différent de l'oeuvre conservée au [8].



Tout en ne méconnaissant pas par ailleurs le fait que l'artiste a réalisé des copies, de mémoire, de certaines oeuvres qui avaient disparu de son atelier parisien l'expert souligne que [V] [N] n'avait 'apparemment, aucune raison' pour l'oeuvre en cause 'de peindre une oeuvre de façon quasiment similaire simplement en agrandissant le format ce qui lui fait perdre toute son intensité', intensité qu'il relève dans 3 autres petits formats de gouaches de l'artiste peintes, sur un papier d'emballage brun, dans son époque parisienne se situant entre 1910 et 1912, précisant que ce style particulier n'a pas duré.



L'expert estime que son analyse comparative est confirmée par l'examen du dos de l'oeuvre litigieuse. A cet égard il a noté que le carton est ancien et sale et il décrit les différents éléments y figurant, relevant des interrogations lui faisant penser à un carton de récupération. Il indique qu'en plus de certaines incohérences, ce dos présente bon nombre d'énigmes, que rarement le dos d'une oeuvre a réuni autant d'éléments hétéroclites et que sur le pourtour figurent les traces d'un papier kraft d'encadrement étayant selon lui l'hypothèse d'un dos de récupération vraisemblablement utilisé auparavant comme carton de dos d'un encadrement.



En réponse à un dire, portant notamment sur la présence d'un cachet des douanes sur ce dos de l'oeuvre, il relève ainsi que le carton a pu le recevoir dans le cadre de l'encadrement d'une oeuvre sur papier antérieurement à ce qu'il soit peint.



Il sera relevé que si [V][Z] critique l'objectivité de l'analyse stylistique opérée par l'expert il ne produit aucun avis contraire d'un technicien de l'art, ni ne sollicite un autre avis d'expert sur ce point.









Le seul fait que [V][Z] justifie, entre autres, de la réalisation par [V] [N] en 1911-1912 d'oeuvres pouvant paraître proches entre elles, telles celles intitulées 'Moi et le Village', ou d'un traitement de l'éventail par [V] [N] dans une oeuvre de 1911 intitulée 'mariée à l'éventail' paraissant comparable à celle de l'oeuvre litigieuse, et présentant également, selon lui des empâtements comme ceux relevés dans l'oeuvre contestée, ne saurait suffire à démontrer que l'analyse stylistique de l'expert, professionnel de l'art, est subjective.



De même, si la portée d'éléments figurant au dos de l'oeuvre est discutée par les parties l'expert qui s'est expliqué sur ce point relève qu'en tout état de cause il ne peut être déduit de ces éléments que l'oeuvre qui y est peinte est 'authentique', notant en particulier l'absence de catalogue ou d'archives montrant que le tableau, tel que peint, est passé par la galerie Charpentier ou peut être rattaché à une vente à Berlin.



Enfin s'il résulte des deux attestations par devant notaire des 24 juin 1970 et 2 août 2016 produites par [V][Z], que l'oeuvre a été donnée à l'occasion d'une exposition à Ostrava intitulée 'Exposition des français' en juin 1934 à son organisateur, il est admis que le catalogue de cette exposition de 1934 ne peut pas être retrouvé. Les intimés ajoutent que les compétences du donateur, critique d'art, spécialiste en particulier de l'avant garde tchèque, n'excluent pas nécessairement qu'il ait pu être abusé sur l'authenticité de l'oeuvre.



En définitive, aucun élément n'est de nature à réellement remettre en cause les conclusions suffisamment précises et circonstanciées de l'expert judiciaire qui est d'avis que l'huile sur carton litigieuse n'est pas de la main de [V] [N].



La contrefaçon, définie par la reproduction de l'oeuvre faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit, est ainsi à suffisance caractérisée et le jugement du 23 mars 2017 sera confirmé sur ce point.



En revanche, la mesure de remise du tableau aux fins de destruction présente, au regard des circonstances de la cause, un caractère disproportionné, et il convient dès lors de faire droit, dans les termes du dispositif ci-après, à la demande subsidiaire de [V] [Z] tendant à obtenir la main levée de la saisie et la remise du tableau litigieux sauf à ce qu'il soit procédé, préalablement à cette restitution du tableau à son propriétaire, à l'apposition de la mention 'REPRODUCTION' au dos du tableau, une telle disposition suffisant à garantir une éviction de ce tableau des circuits commerciaux.





Sur les autres demandes



[V][Z] prétend que le Comité a profité de sa confiance ou de sa croyance en son autorité, puis lui a laissé croire qu'une procédure de saisie serait en cours, agissant ainsi fautivement à son encontre et dévoyant le contrat de dépôt pour faciliter la confiscation du tableau, ce détournement s'apparentant à du chantage.



Il ajoute que l'existence d'un contrat d'entreprise n'exonérerait pas le Comité des obligations du dépositaire, qu'il n'a pas accepté par avance une saisie, qu'il est privé de son bien depuis juillet 2012 alors qu'il s'agit d'un héritage familial et que les consorts [C]-[A] sont solidairement responsables du préjudice par lui ainsi subi.



Le Comité réplique qu'il n'a pas vocation de garde meuble, que le contrat est un contrat de prestation, et que [V] [Z] était informé du risque de saisie avant de présenter son oeuvre.









Il ressort des pièces produites que [V][Z] a effectivement accepté le 25 mai 2012 les conditions d'établissement par le Comité d'un certificat d'authentification, lesquelles informaient (article 4-1) le dépositaire que 'dans le cas d'une opinion négative' de la part du Comité l'un des héritiers de [V] [N] pourrait demander, notamment en justice, la saisie de l'oeuvre.



Lors de la remise de l'oeuvre litigieuse le 3 juillet 1992 le déposant a, à nouveau, été informé de cette possibilité.



Lorsque le Comité a transmis son avis négatif le 6 juillet 2012 il lui a clairement été indiqué que de ce fait les héritiers de [V] [N] demandaient la saisie de l'oeuvre litigieuse pour qu'il soit procédé à sa destruction, et accordé un délai d'option de deux mois entre une destruction amiable et une procédure judiciaire.



[V] [Z] a alors répondu qu'il allait examiner rapidement toutes les possibilités de défendre l'authenticité de l'oeuvre par voie judiciaire, puis son conseil a indiqué le 20 septembre 2012 qu'il préférait trouver une solution amiable. Le conseil du Comité demandait alors le 19 octobre 2012 quelle solution amiable était envisagée.



Le 19 novembre 2012 le conseil de [V][Z] a précisé que le permis d'exportation de l'oeuvre allait expirer le 31 décembre 2012 et demandé la restitution de cette oeuvre proposant, ainsi que précédemment rappelé, de la faire expertiser.



Le conseil du Comité l'a alors informé, le 22 novembre 2012, que la solution proposée n'avait pu être retenue.



Il sera relevé que s'il était fait mention d'une décision de reprendre la procédure de saisie suspendue il était indiqué que lui serait adressée une copie de l'ordonnance du juge autorisant la saisie et la requête aux fins de saisie contrefaçon a été régularisée peu après, le 29 novembre 2012 .



Il s'en infère que manifestement dès l'origine [V][Z] a accepté en pleine connaissance de cause le risque d'une demande de saisie en cas de non authentification de l'oeuvre par le Comité, et si ensuite de l'avis négatif de celui-ci n'a pas été suspendue une procédure de saisie déjà engagée, la demande d'autorisation de saisie, qui correspondait au risque accepté lors de la remise de l'oeuvre, a bien été différée, et ce, jusqu'au 29 novembre 2012 afin de permettre d'éviter le recours à la voie judiciaire.



Il ne saurait dès lors être considéré que les quelques mois qui se sont écoulés avant que le Comité formalise cette demande, et réalise les opérations de saisie autorisées et reconnues régulières, constituent un manquement à une obligation contractuelle du Comité, ni qu'une quelconque responsabilité des ayants droit de [V] [N] serait engagée.



La demande indemnitaire formée à ce titre ne peut, en conséquence, qu'être rejetée et le jugement du 23 mars 2017 confirmé en ce qu'il a débouté [V][Z] de sa demande reconventionnelle.



L'équité commande par ailleurs de confirmer les dispositions du jugement du 23 mars 2017 relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de procédure, sans qu'il y ait lieu, pour ces derniers, d'y ajouter en cause d'appel.

















PAR CES MOTIFS,





Confirme les jugements des 5 février 2015 et 23 Mars 2017, sauf en ce que ce dernier ordonne la remise à MM. [C] et [A], Mmes [A] épouse [O] et [A] veuve [X], ou tout mandataire de leur choix de l'oeuvre contrefaisante en vue de sa destruction par huissier sauf meilleur accord entre les parties ;



Statuant à nouveau dans cette limite,



Ordonne l'apposition, de manière visible à l'oeil nu et indélébile, au dos de l'oeuvre contrefaisante de la mention 'REPRODUCTION', en présence des parties ou de tout mandataire de leur choix, aux frais de [V] [Z], par un huissier de justice qui pourra se faire assister du technicien de son choix ;



Dit que la réalisation effective de la mesure ci-dessus constitue une condition préalable à la mainlevée de la saisie et à la restitution de l'oeuvre litigieuse à [V] [Z] ordonnées sous cette condition, sauf meilleur accord entre les parties ;



Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;



Condamne [V] [Z] aux dépens d'appel et, vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées à ce titre pour les frais irrépétibles d'appel par chacune des parties.





La Greffière La Présidente

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