3 avril 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/21462

Pôle 5 - Chambre 3

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 03 AVRIL 2019



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21462 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QEI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 17/00124





APPELANTE



Société civile A D-TREZEL agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PONTOISE sous le numéro 444 253 975

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Me Françoise MATHEU DE LA BEAUJARDIÈRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1544, avocat plaidant







INTIMÉE



Madame [J] [D] [V] née [W]

née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 1] (ALGERIE)

exploitant la PHARMACIE EMRIK

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 304 969 736

[Adresse 3]

[Adresse 4]



Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Assistée de Me Charles-édouard BRAULT de l'AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J082, avocat plaidant







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré,





un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.





Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE







ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.






*****



FAITS ET PROCÉDURE :



Par acte du 16 septembre 2008, la société SIS WAGRAM aux droits de laquelle vient la société A D-TREZEL a donné en bail en renouvellement à Mme [J] [W] un local à usage de pharmacie situé [Adresse 3], pour une durée de neuf années rétroactivement à compter du 1er janvier 2006 moyennant un loyer annuel en principal de 17.431,24 euros et hors charges.



Par acte extrajudiciaire en date du 27 mai 2016, Mme [W] a sollicité le renouvellement de son bail à compter du 1er juillet suivant.



Par acte d'huissier de justice du 22 août 2016, la société bailleresse a accepté le principe du renouvellement et sollicité la fixation du prix du bail renouvelé à la somme de 99.000 euros en principal.



Par un mémoire en demande du 20 octobre 2016 régulièrement notifié, Mme [W] a sollicité la fixation du prix du bail renouvelé en application des règles du plafonnement, soit à la somme de 20.348,34 euros par an en principal.



Par acte d'huissier de justice du 12 décembre 2016, Mme [J] [W] a assigné la société A D-TREZEL devant le juge des loyers commerciaux de Paris afin de voir pour l'essentiel fixer le prix du bail renouvelé au 1er juillet 2016 à la somme annuelle en principal de 20.348,34 euros hors taxes et charges en application des règles du plafonnement.



Par jugement du 17 octobre 2017, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de PARIS a :



- constaté, par l'effet de la demande de renouvellement du 27 mai 2016 délivrée par Mme [W] à la société AD-TREZEL, le principe du renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2016,

- rejeté la demande la société AD-TREZEL en déplafonnement du prix du bail renouvelé du chef de la réalisation par la locataire de travaux ayant modifié les caractéristiques des lieux loués ou les ayant améliorés,

- rejeté la demande de la société AD-TREZEL en déplafonnement du prix du bail renouvelé du chef de la modification par la locataire de la destination des lieux loués,



- rejeté la demande de la société AD-TREZEL en déplafonnement du prix du bail renouvelé du chef de l'application au bail renouvelé par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014,

- et avant dire droit sur le prix du bail renouvelé, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigné en qualité d'expert:

[L] [G] (...) avec mission notamment de :(...)

- donner tous éléments permettant de déterminer s'il y a lieu, au cours du bail expiré, une modification des facteurs locaux de commercialité, au sens des articles L145-33 et R145-6 du code de commerce,

- rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 1er juillet 2016 au regard des dispositions des articles L145-33 et R145-2 et suivants du code de commerce

- donner son avis sur le montant du loyer plafonné à la date du 1er juillet 2016, suivant les indices applicables en précisant les termes et modalités de son calcul;(...)

Fixé le loyer provisionnel dû à compter du 1er juillet 2016 à la somme annuelle de 20.348,34 euros hors taxes et charges et ce pour toute la durée de l'instance.

(...)

Réservé les dépens.



Par déclaration du 22 novembre 2017, la société A D-TREZEL a interjeté un appel limité de ce jugement.

Cet appel tend à la 'réformation de la décision entreprise en ce qu'elle :

- n'examine pas la demande principale de non-application de la loi n°2014-626 de la loi du 18 juin 2014 et ses décrets d'application au bail en renouvellement sur plusieurs fondements;

- rejette la demande de la société AD-TREZEL en déplafonnement du prix du bail renouvelé du chef de modification par la locataire des caractéristiques des locaux loués tant du fait de travaux réalisés au titre du bail écoulé que du bail précédent au sens de l'article L145-33 du code de commerce,

- rejette la demande de la société AD-TREZEL en déplafonnement du prix du bail renouvelé du chef de la modification par la locataire de la destination des lieux loués au sens de l'article L145-33 du code de commerce ;

- rejette la demande faite à titre subsidiaire de la société AD-TREZE en déplafonnement du prix du bail renouvelé du chef de l'application au bail renouvelé des obligations des parties nées de l'application de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et de ses décrets d'application (modifications des obligations des parties nées de l'application de la loi n°2014-626du 18 juin 2014 et de ses décrets d'application);

- fixe le loyer provisionnel dû à compter rétroactivement du 1er juillet 2016 à la somme annuelle de 20.348,34 euros hors taxes et charges (ce qui constitue une baisse de loyer) et ce pour toute la durée de l'instance.




Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 19 novembre 2018, la société AD-TREZEL demande à la cour de :



Voir réformer le jugement du 17 octobre 2017,



I - A titre principal

Vu l'article 1er, al. 1, du protocole additionnel n°1 à la Convention Européenne de Sauvegarde

des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales,

Vu les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

prévoit, Vu l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958

Vu les articles 2 et 1134 du Code civil,

Vu les principes de non rétroactivité de la loi civile, d'équilibre contractuel et de liberté contractuelle,



Dire et juger que la Loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et son décret d'application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 ne peuvent s'appliquer au renouvellement du bail commercial au 1 er juillet 2016 entre la Société AD TREZEL et Madame [W] en application du principe de non rétroactivité de la loi civile, d'impossibilité de bouleverser l'équilibre contractuel né de négociations libres entre le Bailleur et le Preneur, du principe



de liberté contractuelle, et du fait de la nullité de l'indice des loyers commerciaux de référence du 3ème trimestre 2005 né postérieurement à la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 sans qu'une nouvelle loi ne soit promulguée pour l'instaurer.



Subsidiairement dire et juger que les articles 7, 8, 9 ,11, 13 de la Loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et les articles 6 et 8 de son décret d'application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 ne peuvent s'appliquer au renouvellement du bail commercial au 1er juillet 2016 entre la Société AD TREZEL et Madame [W] en application du principe de non rétroactivité de la loi civile, d'impossibilité de bouleverser l'équilibre contractuel né de négociations libres entre le Bailleur et le Preneur, du principe de liberté contractuelle, et du fait de la nullité de l'indice des loyers commerciaux de référence du 3 ème trimestre 2005 né postérieurement à la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 sans qu'une nouvelle loi ne soit promulguée pour l'instaurer.



II - A titre principal

Vu l'article L 145-33 du code de commerce :

Vu l'article L 145-34 du Code de commerce modifié par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012

Vu les articles R 145-3, R 145-4, R 145-6, R 145-8 du code de commerce,



A titre subsidiaire



Vu les articles R 145-3, R 145-4, R 145-6, R 145-8 du code de commerce,

Vu l'article L145-34 modifié par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 - art. 9 et 11

Vu l'article L 145-33 du code de commerce :



2.1.Sur le 1 er motif de déplafonnement : Modifications des caractéristiques des locaux loués

2.11. Elément d'équipement climatisation

A titre principal

Voir dire et juger que l'installation d'un équipement de climatisation en infraction du bail au cours du bail expiré par le Preneur constitue une modification par le Preneur des éléments propres du local au sens de l'article R 145-3 du Code de commerce alinéa 5 justifiant le déplafonnement du loyer en renouvellement



Voir fixer le loyer au 1er juillet 2016 à la valeur locative.



A titre subsidiaire

Voir dire et juger que l'installation d'un équipement de climatisation par le Preneur en cachette du bailleur au cours du bail précédent celui expiré (entre 1984 et 2006) a constitué une amélioration des locaux justifiant le déplafonnement du loyer lors du second renouvellement du bail au sens de l'article R 145-8 du Code de commerce à la valeur locative déplafonnée.



A titre très subsidiaire

Si la Cour de céans si elle s'estime insuffisamment informée

Voir désigner tel expert qu'il plaira à la Cour pour vérifier et rechercher s'il y a eu au cours du bail expiré et au cours de celui précédent le bail expiré la pose d'une climatisation et ou la modification de la climatisation existante en obtenant du preneur tous éléments comptables, devis, factures, marchés, procès-verbaux de réception, comptes rendus de chantier nécessaires à l'accomplissement de sa mission.



2.12. Elément d'équipement de Vidéo surveillance



A titre principal



Voir dire et juger que l'installation d'une vidéo surveillance ou d'un dispositif antivol avec cellule au cours du bail expiré constitue une modification par le Preneur des éléments propres du local au sens de l'article R 145-3 du Code de commerce alinéa 5 justifiant le





déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative de 101.904 euros annuelle hors taxes et hors charges.



Subsidiairement

Voir dire et juger que l'installation par le Preneur d'un équipement de vidéo surveillance ou d'un dispositif antivol avec cellule au cours du bail précédent celui expiré constitue une amélioration des locaux, justifiant le déplafonnement du bail au sens de l'article L 145-8 du Code de commerce et sa fixation à la valeur locative.



A titre très subsidiaire et si la Cour de céans ne s'estimait pas assez informée pour statuer

Voir désigner tel expert qu'il plaira à la Cour de céans pour vérifier et rechercher, s'il y a eu au cours du bail expiré et aussi lors du le bail précédent celui expiré, la pose d'un système de vidéo surveillance ou d'un dispositif antivol avec cellule ou la modification au cours du bail écoulé de ce système en obtenant du Preneur tous éléments comptables, devis, factures, marchés, procès-verbaux de réception, comptes rendus de chantier nécessaires à l'accomplissement de sa mission.



2.13. Travaux de réfection intérieure suite à l'incendie du 20/02/2016



A titre principal



Dire et juger que les travaux de réfection intérieures réalisés entre le 20 février 2016 et le 30 juin 2016 par le Preneur en cachette du Bailleur et en infraction des obligations contractuelles constituent une modification des éléments propres du local au sens de l'article R 145-3 du Code de commerce alinéa 5° justifiant le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement du bail et sa fixation à la valeur locative.



Subsidiairement



Dire et juger que les travaux de réfection intérieurs réalisés entre le 20 février 2016 et le 30 juin 2016 par le Preneur constituent une amélioration des locaux et sont de nature à justifier le déplafonnement du bail au sens de l'article R 145-8 du Code de commerce à l'expiration du bail renouvelé le 1er juillet 2016.



Voir ordonner la production par le Preneur sous astreinte de 100 € par jour de retard des bons de commande des travaux, des procès-verbaux de réception de ces travaux, des comptes rendus de chantier et de tous les justificatifs des paiements des travaux mentionnés dans les pièces n°15 et

n°17.



A titre très subsidiaire et si la Cour de céans ne s'estimait pas assez informée pour statuer



Voir désigner tel expert qu'il plaira à la Cour de céans pour vérifier et rechercher s'il y a eu au cours du bail expiré des travaux de réfection et de modification de lieux postérieurs à l'incendie du 2 février 2016 effectués par le Preneur en obtenant de ce dernier tous éléments comptables, devis, factures, marchés, procès-verbaux de réception, comptes rendus de chantier nécessaires à l'accomplissement de sa mission.



2.14. Travaux de modification de la devanture extérieure entre le 28 février 2014 et le 30 juin 2016



A titre principal



Voir dire et juger que les travaux de réfection de la devanture effectués en infraction du bail par le Preneur et en cachette du Bailleur entre le 28 février 2014 et le 30 juin 2016 constituent une amélioration des locaux et sont de nature à justifier le déplafonnement du bail au sens de l'article R 145- 8 du Code de commerce à l'expiration du bail renouvelé le 1er juillet 2016.







Voir ordonner la production sous astreinte de 100 € par jour de retard par le Preneur des bons de commande des travaux, du procès-verbal de réception de ces travaux, des comptes rendus de chantier et de tous les justificatifs des paiements de ces mêmes travaux.



A titre très subsidiaire et si la Cour de céans ne s'estimait pas assez informée pour statuer



Voir désigner tel expert qu'il plaira à la Cour de céans comme expert pour vérifier et rechercher s'il y a eu au cours du bail expiré des travaux de réfection et de modification de la devanture extérieure entre le 28 février 2014 et le 30 juin 2016 effectués par le Preneur en obtenant de ce dernier tous éléments comptables, devis, factures, marchés, procès-verbaux de réception, comptes rendus de chantier nécessaires à l'accomplissement de sa mission.



2.15. Des travaux ayant modifié la répartition de l'espace au sous-sol entre le 28 février 2004 et le 1 er janvier 2006



A titre principal



Voir dire et juger que les travaux ayant modifié la répartition de l'espace au sous-sol au cours du bail précédent celui expiré en infraction du bail par le Preneur et en cachette du Bailleur constituent une amélioration des locaux et sont de nature à justifier le déplafonnement du bail au sens de l'article R 145- 8 du Code de commerce lors du deuxième renouvellement du bail et sa fixation à la valeur locative.



A titre subsidiaire et si la Cour de céans ne s'estimait pas assez informée pour statuer



Voir désigner tel expert qu'il plaira à la Cour de céans pour vérifier et rechercher s'il y a eu au cours du bail précédent celui expiré des travaux de modification de la répartition de l'espace en sous-sol en obtenant du Preneur tous éléments comptables, devis, factures, marchés, procès- verbaux de réception, comptes rendus de chantier nécessaires à l'accomplissement de sa mission.



2.2. A titre principal. Deuxième motif de déplafonnement : Changement d'usage/destination de l'espace au sous-sol entre le 28 février 2004 et le 1er janvier 2006



A titre principal



Vu l'article L 145-33 deuxième alinéa



Voir dire et juger que la modification par le locataire de la destination/usage d'une partie des locaux en sous-sol au cours du bail précédent celui expiré constitue une amélioration des locaux justifiant le déplafonnement du bail au sens de l'article R 145-8 du Code de commerce lors du deuxième renouvellement du bail et sa fixation à la valeur locative de 101.904 euros annuelle hors taxes et hors charges.



2.2.A titre subsidiaire. Sur le 3ème motif de déplafonnement : La modification des obligations des parties (article R 145-8 du Code de commerce)



Vu la loi Pinel n°2014-626 du 18 juin 2014,

Vu le décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014,

Vu les articles L145-15, L 145-16 1 et 2, L145-33, L145-34, L 145-40-1 et 2 et R 145-8 et R145-35 du Code de commerce

Vu la baisse de loyer issue de l'application du plafonnement avec le nouvel indice des loyers commerciaux de 8,5 %,

Vu les modifications résultant de la prise en charge de charges/travaux par le Bailleur autrefois intégralement assumés par le Preneur,

Vu les modifications relatives au lissage du loyer déplafonné,

Vu les modifications relatives à l'indice applicable au calcul du loyer plafonné et révisé,

Vu la contradiction née de la coexistence des indices ICC (conventionnel) et ILC (légal),



Vu la modification des règles applicables à la solidarité, l'état des lieux, les nouvelles obligations d'informations relatives aux charges et travaux, à la solidarité pesant sur le Bailleur,



Si par extraordinaire la Cour de céans jugeait applicable aux faits de la cause la Loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et son décret d'application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014.



Dire et juger que la Loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et son décret d'application n°2014-1317 du 3 novembre 2014 modifient substantiellement et notablement les obligations du Bailleur en faveur du Preneur et justifient un déplafonnement du loyer en renouvellement et sa fixation à la valeur locative.



2.3. A titre très subsidiaire



Voir procéder à une analyse globale de chacun des critères sus-mentionnés de déplafonnement du loyer (qui pourraient ne pas avoir un caractère notable pris isolément) mais auraient nécessairement dans leur ensemble un caractère notable justifiant la fixation du loyer en renouvellement à la valeur locative.



2.4.A titre subsidiaire : Sur le 5ème motif de déplafonnement. Sur l'impossibilité de calculer le plafonnement sur l'indice des loyers commerciaux entraînant de fait le déplafonnement automatique du loyer



Vu l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958

Vu l'illégalité de l'indice des loyers commerciaux de référence à savoir celui du 3ème trimestre 2005

Vu l'inexistence de cet indice au jour de la promulgation de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014

Vu la création de cet indice par simple avis sans promulgation d'une loi

Vu la nullité de cet indice de référence



Si par extraordinaire la Cour de céans devait juger applicable la loi Pinel 2014-626 du 18 juin 2014 et son décret d'application aux faits de l'espèce,



Dire et juger que l'indice de référence du 3ème trimestre 2005 des loyers commerciaux est illégal et nul car il ne peut rétroagir à une situation légale sans loi qui le crée.



En conséquence dire et juger que le plafonnement du loyer ne pouvant être calculé le renouvellement du bail doit être fait automatiquement sans plafonnement impossible à calculer et être fixé à la valeur locative.



3.3.- A titre principal

Réformant le jugement entrepris

Vu la valeur locative

Voir fixer pendant toute la durée de l'instance le loyer provisionnel dû par Madame [W] à la Société AD TREZEL à la somme annuelle de 50.000 € H.T. et H.C. et ce à compter rétroactivement du 1er juillet 2016.



Dire que le loyer provisionnel sera réévalué tous les trois ans sur l'indice du coût de la construction comme cela est prévu au bail, la première fois le 1 er juillet 2019 avec comme indice de référence le dernier indice publié au 1e r /07/2016.



3.4. En tout état de cause



Voir condamner Madame [W] à payer à la Société AD TREZEL la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance dont distraction au profit de Me MATHEU ' DE LA BEAUJARDIERE et ceux d'appel au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES.



Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 24 octobre 2018, Mme [J] [W] épouse [V] demande à la cour de :





Vu les dispositions des articles L.145-33 et L.145-34, R.145-3, R.145-6 et R.145-8 du Code de commerce,



- Déclarer la Société A D-TREZEL mal fondée en son appel, l'en débouter.



- Dire Madame [J] [W] recevable en ses conclusions d'intimée et la déclarant bien fondée,



- Confirmer, au besoin par substitution de motifs, le jugement rendu par le Juge des loyers le 17 octobre 2017 en toutes ses dispositions,



- Dire la société A.D-TREZEL irrecevable et mal fondée en ses demandes et l'en débouter,



- Condamner la Société A.D-TREZEL au paiement de la somme de 8.000 € (HUIT MILLE EUROS) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entier dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître TAZÉ-BERNARD conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 décembre 2018.






MOTIFS DE LA DÉCISION



La bailleresse reproche tout d'abord au juge des loyers commerciaux d'avoir tenu pour acquis que la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 (dite loi PINEL) et son décret d'application s'appliquaient en l'espèce, alors que ces textes ne sont pas applicables en vertu du principe de non rétroactivité de la loi civile, d'impossibilité de bouleverser l'équilibre contractuel né de négociations libres entre le bailleur et le preneur, du principe de liberté contractuelle, et du fait de la nullité de l'indice des loyers commerciaux de référence du 3ème trimestre 2005 né postérieurement à la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 sans qu'une nouvelle loi ne soit promulguée pour l'instaurer.



La cour relève qu'ainsi que le fait remarquer à juste titre la locataire, la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 étant composée de 73 articles, et certains n'ayant aucun rapport avec les baux commerciaux, la bailleresse ne peut dans une demande générale contester l'application au présent litige de la totalité des dispositions de cette loi.



A titre subsidiaire, la société bailleresse demande de dire et juger que les articles 7, 8, 9,11, 13 de la Loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et les articles 6 et 8 de son décret d'application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 ne peuvent s'appliquer au renouvellement du bail commercial au 1er juillet 2016 entre la société AD TREZEL et Mme [W] en application du principe de non rétroactivité de la loi civile, d'impossibilité de bouleverser l'équilibre contractuel né de négociations libres entre le bailleur et le Preneur, du principe de liberté contractuelle, et du fait de la nullité de l'indice des loyers commerciaux de référence du 3 ème trimestre 2005 né postérieurement à la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 sans qu'une nouvelle loi ne soit promulguée pour l'instaurer.



Il convient de rappeler que l'article 7 et l'article 8 de la loi insèrent dans le code de commerce les articles L. 145-16-1 et L. 145-16-2, relatifs aux clauses contractuelles de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, créent un droit d'information pour le preneur et limitent leur durée.



L'article 9 supprime dans les articles L145-34 et L145-38 du code de commerce toute référence à l'indice trimestriel du coût de la construction pour le calcul de l'indexation du loyer.



L'article 11 modifie la rédaction des articles L145-34, L145-38 et L145-39 du code de commerce en ce que la variation du loyer qui découle de la fixation de celui-ci à la valeur locative 'ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente'



L'article 13, créée après la section 6 du chapitre V du titre IV du livre Ier du même code, une section 6 bis relative à l'état des lieux, aux charges locatives et aux impôts et insère dans le code de commerce l'article L. 145-40-1, relatif à l'établissement d'un état des lieux 'Lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion d'un bail, de cession du droit au bail, de cession ou de mutation à titre gratuit du fonds et lors de la restitution des locaux' et dispose que « Le bailleur qui n'a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l'état des lieux ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du code civil' ; l'article L. 145-40-2, relatif aux charges, impôts et travaux récupérables sur le locataire et indique qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article et précise que ' II.-Pour les baux conclus avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'article L. 145-40-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la présente loi, s'applique à toute restitution d'un local dès lors qu'un état des lieux a été établi lors de la prise de possession'.



Le décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 , pris en application de la loi susvisée, dispose en son article 6, qu'est ajouté au chapitre V du titre IV du livre Ier de la partie réglementaire, une section 5 intitulée :« Des charges locatives, impôts, taxes, redevances et travaux', comprenant un article R. 145-35 relatif aux travaux, charges et impôts ; un article R. 145-36 relatif à la communication de l'état récapitulatif annuel ; un article R. 145-37 relatif à l'information du locataire sur les charges et les travaux.



L'article 8 dudit décret précise ses dispositions d'application transitoires.



La cour rappelle que l'article 21 de la n°2014-626 du 18 juin 2014 (dite loi PINEL) fixe les dispositions d'application transitoire de la loi. En application de ce texte :

'II. - Les articles 3, 9 et 11 de la présente loi ainsi que l'article L. 145-40-2 du code de commerce, tel qu'il résulte de l'article 13 de la même loi, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de ladite loi.'



L'article 8 du décret d'application de la loi dite PINEL, dispose que :

'Les dispositions des articles R. 145-1-1, R. 145-5, D. 145-18 et R. 145-20 du code de commerce, dans leur rédaction résultant respectivement des articles 2 à 5 du présent décret, sont applicables aux contrats en cours à la date de publication du présent décret.

Les dispositions des articles R. 145-35 à R. 145-37 du même code, dans leur rédaction résultant de l'article 6 du présent décret, sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du présent décret. (...)'



En l'espèce les parties s'accordent à reconnaître que le bail les liant est renouvelé à compter du 1er juillet 2016.



La cour rappelle qu'en application de l'article L145-12, du code de commerce:

'La durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue.

(...)

Le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le premier jour du trimestre civil qui suit cette demande.

(...)'



En conséquence, le bail renouvelé est bien un nouveau bail.



Dans ces conditions, le bail dont s'agit ayant été renouvelé le 1er juillet 2016, lui sont



applicables selon l'article 21 II de la loi , l'article 9 ( supprimant dans les articles L. 145-34 et L145-38 du même code, les références à l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction) ; 11 (qui établit un système de lissage des augmentations de loyers en cas de retour à la valeur locative du montant du loyer du bail renouvelé); 13 mais seulement en ce qui concerne l'application de l'article L. 145-40-2 relatif aux charges, travaux et impôts récupérables sur les locataires ainsi que les articles R145-35 à R145-37 du code de commerce pris en application de l'article L145-40-2 dudit code.



Certes, ainsi que le soutient la société bailleresse l'application de ces textes au bail renouvelé vient modifier les clauses du bail initialement signé par les parties puisqu'il est admis que le renouvellement d'un contrat de bail commercial s'opère aux clauses et conditions du bail expiré



Cependant, il est également admis que lorsque les effets du contrat résultent de la loi et non de la volonté des parties, la loi nouvelle régit immédiatement les effets des situations juridiques non définitivement réalisées. Si bien que le principe posé par l'article 2 du code civil, de survie de la loi ancienne, doit être écarté dans cette hypothèse.



Pour contester l'application de ces textes au bail renouvelé, la société bailleresse soutient également qu'elle serait contraire aux articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et à l'article 34 de la constitution de 1958, sans pour autant demander à la cour de poser une question prioritaire de constitutionnalité, alors même qu'il n'appartient pas à la cour d'appel d'exercer ce contrôle.



Elle soutient encore que l'application de ces textes au bail renouvelé serait contraire à l'article 1er alinéa 1 du protocole additionnel n°1 à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de L'Homme et des Libertés Fondamentales, car elle serait de nature à créer un bouleversement fondamental et inéquitable de l'équilibre contractuel, au profit du seul preneur, contraire notamment au respect du droit de propriété du bailleur.



La cour relève qu'il ne peut être contesté que l'application de ces textes, conduit à ce que, en cas de plafonnement compte tenu du changement de l'indice applicable, le montant du loyer plafond, puisse être inférieur à celui résultant de la variation des indices stipulés au bail expiré, que la règle du lissage de l'augmentation du loyer en cas de retour à la valeur locative peut conduire à différer les effets du retour à la valeur locative dans des conditions très importantes, que la limitation de la durée de la clause de garantie s'effectue au détriment du bailleur, que l'introduction d'une réglementation en matière de charges, impôts, travaux et état des lieux, alors qu'auparavant les parties jouissaient d'une pleine liberté contractuelle, est de nature à modifier les obligations des parties.



Cependant, ces dispositions prises par le législateur, qui ont pour but légitime de protéger les commerçants et leur outil de travail, et réalisent un juste équilibre entre les intérêts généraux et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, en ce qui concerne le droit de propriété des bailleurs, ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne, les parties restant libres de s'accorder sur le montant du loyer du bail renouvelé, en prenant notamment en compte les nouvelles dispositions impératives quant au transfert des charges, impôts et des travaux.



Le bouleversement éventuel de l'économie du contrat, en raison de l'application de la nouvelle loi, ne rend pas ces dispositions inapplicables au contrat renouvelé. Elles sont susceptibles sous les réserves énoncées ci-dessous d'être prises en compte, en ce qui concerne les modalités de fixation du montant du loyer du bail renouvelé.



Sur la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative.



La cour rappelle que selon l'article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. Cependant, l'article L145-34 du dit code instaure un plafonnement du montant du loyer du bail renouvelé qui ne peut excéder les variations de l'indice prévu à cet article, sauf les cas dérogatoires qu'il





précise, relatifs notamment à la modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L145-33 permettant de déterminer la valeur locative.



Selon l'article R145-2 du code de commerce les éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L145-33 dudit code s'apprécient dans les conditions fixées aux articles R145-3 à R 145-11.



Sur la modification des caractéristiques des locaux loués et sur les améliorations



La société bailleresse se prévaut des travaux suivants réalisés dans les lieux par le preneur et aux frais de ce dernier : installation d'une climatisation, d'un système de vidéo surveillance ou d'un dispositif antivol avec cellule, qu'elle qualifie de modification et subsidiairement d'amélioration, des travaux de réfection intérieure à la suite de l'incendie du 20 février 2016, qu'elle qualifie de modification, des travaux relatifs à la devanture entre le 28 février 2014 et le 30 juin 2016, qu'elle qualifie d'amélioration, des travaux ayant modifié l'espace au sous sol entre le 28 février 2004 et le 1er janvier 2006 qu'elle qualifie d'amélioration, susceptibles selon elle d'entraîner le déplafonnement du loyer du bail renouvelé ou à défaut celui du bail renouvelé à l'expiration du bail renouvelé le 1er juillet 2016. Elle soutient qu'il existe une cause de déplafonnement liée à la réalisation par le preneur desdits travaux en cachette du bailleur et sans autorisation de celui-ci ni surveillance par son architecte. Elle allègue que la clause contractuelle relative à l'accession permet une accession en fin de bail. La locataire s'oppose aux prétentions de la société bailleresse.



La société bailleresse fonde ses demandes, en ce qui concerne la modification des caractéristiques des locaux loués sur l'article R145-3 du code de commerce qui dispose que : "les caractéristiques propres du local s'apprécient en considération :(...) 5° de la nature des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire"

et en ce qui concerne les travaux d'amélioration sur l'article R145-8 du code de commerce qui dispose que '(...) Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.(...)'



La cour rappelle que la réalisation de travaux par le preneur à l'insu du bailleur a pour seul effet de permettre à ce dernier de s'en prévaloir sans être tenu d'établir leur date exacte de réalisation, mais qu'elle ne constitue pas en soi un motif de déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé.



Par ailleurs, lorsque les travaux entraînent une modification notable des caractéristiques des locaux loués, ils sont pris en compte pour déterminer la valeur locative lors du premier renouvellement du bail, sous réserve qu'ils soient intervenus pendant le cours du bail à renouveler.



S'ils sont qualifiés de travaux d'amélioration, ils ne sont pris en compte lorsqu'ils ont été réalisés aux frais du preneur que si ils ont fait accession en fin de bail au bailleur.



Il appartient en conséquence au juge de vérifier si le bailleur a participé au financement des dits travaux et s'ils ont fait accession au bailleur qui s'en prévaut.



La cour relève que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que les travaux relatifs à la mise en place d'une climatisation et d'un système de vidéo-surveillance ne pouvaient être qualifiées de travaux de nature à modifier notablement les caractéristiques du local.

La bailleresse à titre subsidiaire soutient qu'il s'agit d'améliorations.



De même, les travaux réalisés par la locataire dans les lieux loués à la suite de l'incendie ayant affectés les locaux en février 2016, qui ont portés selon la bailleresse sur le remplacement du faux plafond sur 105m², sur la réfection de l'installation électrique en ce compris l'installation de l'électricité pour alimenter le laboratoire, et la réfection des peintures intérieures, quand bien même auraient-ils excédé la simple réfection des seules



parties endommagées par l'incendie, ne constituent pas des travaux modifiant les caractéristiques des lieux loués. La bailleresse à titre subsidiaire soutient qu'il s'agit d'améliorations.



Les travaux de réfection de la peinture de la devanture, de modification de son code couleur et des enseignes effectués par la locataire, selon la bailleresse entre le 28 février 2014 et le 30 juin 2016, constituent selon la bailleresse des améliorations.



Les travaux ayant modifié la répartition de l'espace du sous-sol entre le 28 février 2004 et le 1er janvier 2006, constituent selon la bailleresse des améliorations.



A supposer que ces travaux puissent être qualifiés d'améliorations, il convient de rechercher s'ils ont fait accession à la bailleresse.



En l'espèce, la clause c) 'entretien-travaux' 2 du bail liant les parties stipule que :

'le preneur ne pourra faire, ni faire faire, dans les lieux loués aucun aménagement, aucune amélioration ou travaux sans avoir obtenu l'accord préalable et exprès du bailleur, lequel aura la possibilité de faire surveiller lesdits travaux par une personne de son choix, aux frais risques et périls du preneur, qui restera seul responsable des conséquences dommageables pouvant résulter desdits travaux.

Tous les travaux, embellissements, améliorations et installations exécutés et laissés en place après déménagement par le preneur resteront la propriété du bailleur sans indemnité de sa part, à moins que celui-ci ne préfère demander le rétablissement, aux frais du preneur, des lieux loués dans leur état primitif'.



La cour relève que la clause étant ambigue, il convient de l'interpréter en recherchant la commune intention des parties lors de sa conclusion : le renouvellement du bail étant incompatible avec la remise des lieux dans leur état primitif, la clause d'accession ne peut jouer qu'à la fin des relations contractuelles.



Dans ces conditions, la société bailleresse ne peut se prévaloir des travaux qu'elle qualifie d'améliorations, effectués par la locataire dans les lieux locaux loués, pendant le bail expiré et le bail qui l'a précédé, pour obtenir le déplafonnement du loyer du bail renouvelé ou le déplafonnement du loyer du bail suivant l'expiration du bail renouvelé le 1er juillet 2016.



Sur le changement d'usage/destination de l'espace au sous-sol entre le 28 février 2004 et le 1er janvier 2006



La bailleresse se prévalant de l'article L145-33 2° alinéa, soutient que la modification par la locataire de la destination/usage d'une partie des locaux en sous-sol au cours du bail précédant le bail expiré constitue une amélioration des locaux justifiant un déplafonnement du bail au sens de l'article R145-8 du code de commerce lors du deuxième renouvellement du bail et sa fixation à la valeur locative. Elle argue du fait que le bail du 28 février 2004, se référant au bail initial du 28 février 1984, mentionne dans la clause de désignation

'Au sous-sol : une réserve et deux compartiments dans la cave d'une superficie de 37m²' ; ce qui signifie selon elle qu'ils existaient alors trois espaces, dont l'un seulement avait une vocation plus commercial de réserve, alors que les deux autres étaient seulement affectés à usage de cave, et que dans sa note M. [S], a annexé un plan du sous-sol sur lequel ne figurent plus que deux espaces 'réserve 1" et 'réserve 2", si bien que la locataire a modifié la destination/usage du sous sol.



La cour relève qu'il résulte du plan du sous-sol figurant dans la note établie par M. [S], expert judiciaire désigné le 22 février 2007 par le juge des loyers commerciaux lors du précédent renouvellement en date du 1er janvier 2006, que celui-ci d'une surface utile totale de 40,75m² est divisé en deux espaces, communiquant entre eux, d'une superficie respective de 15,25m² (réserve 2) et de 25,50m² (réserve 1).



Outre le fait, qu'ainsi que le fait remarquer la locataire, la clause du bail ci-dessus reproduite, n'est pas relative à la destination des lieux mais à leur désignation, il résulte de son libellé, ambigu et susceptible d'interprétation, qu'il s'agissait à l'origine d'une cave dont une partie était expressément à usage de réserve, aucun usage précis n'étant indiqué pour le reste de l'espace, divisé non en locaux distincts mais en deux 'compartiments', si bien que la modification de la destination des locaux du sous-sol n'est pas établie et ne peut entraîner un déplafonnement du loyer du bail renouvelé.



Sur la modification des obligations des parties



La société bailleresse demande à la cour de dire et juger que la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et son décret d'application n°2014-1317 du 3 novembre 2014 modifient substantiellement et notablement les obligations du bailleur en faveur du preneur et justifient un déplafonnement du loyer en renouvellement et sa fixation à la valeur locative au visa de l'article R 145-8 du code de commerce ; de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014,

du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014, des articles L145-15, L 145-16 1 et 2, L145-33, L145-34, L 145-40-1 et 2 et R 145-8 et R145-35 du code de commerce, de la baisse de loyer issue de l'application du plafonnement avec le nouvel indice des loyers commerciaux de 8,5 %, des modifications résultant de la prise en charge de charges/travaux par le bailleur autrefois intégralement assumés par le preneur, des modifications relatives au lissage du loyer déplafonné, des modifications relatives à l'indice applicable au calcul du loyer plafonné et révisé, de la contradiction née de la coexistence des indices ICC (conventionnel) et ILC (légal), de la modification des règles applicables à la solidarité, l'état des lieux, les nouvelles obligations d'informations relatives aux charges et travaux, à la solidarité pesant sur le bailleur.



Sur les modifications affectant les charges et les travaux



La locataire soutient que la modification des obligations des parties découlant de la loi relative à la charge des grosses réparations de l'article 606 du code civile, n'est pas susceptible d'entraîner un déplafonnement du loyer car elle n'est pas intervenue au cours du bail expiré ; à titre subsidiaire, elle soutient que cette modification, n'est pas en l'espèce notable et ne peut de ce fait entraîner un déplafonnement du montant du loyer.



La cour rappelle que l'article 145-34 du code de commerce, vise comme motif de déplafonnement la 'modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L145-33 ' ; que l'article L145-33 vise dans son alinéa 3° 'les obligations respectives des parties' ; que selon l'article R145-8 du code de commerce en son alinéa 2 : 'Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.'



Par ailleurs, il ne peut être contesté que jusqu'à l'application de cette réforme législative, les parties étaient libres de fixer comme elles l'entendaient la répartition des charges et des travaux entre elles, et d'en transférer au preneur la charge finale quand bien même celle-ci incomberait normalement au bailleur ; que le montant du loyer initial était fixé en tenant compte de cette répartition ; qu'il en était de même lors de la fixation de la valeur locative lors des renouvellements successifs, hormis les cas où le montant du loyer du bail revouvelé restait fixé au loyer plafonné.



Le bail renouvelé est, en l'espèce, soumis aux dispositions nouvelles en ce qui concerne la charge des travaux et la répartition des charges et notamment de l'article R. 145-35 qui dispose que:

'Ne peuvent être imputés au locataire :

« 1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

« 2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ;

« 3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la



taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;

« 4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ;

« 5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.

« La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l'ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.

« Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l'identique.



Dans ces conditions, il y a bien eu une modification, au sens de l'article R145-8 du code de commerce des obligations découlant de la loi et génératrice de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du loyer, le bailleur ne pouvant plus comme auparavant transférer au preneur la totalité de ses obligations.



Il est objecté par la locataire que cette modification n'est pas intervenue au cours du bail expiré, mais il convient de relever que l'article R145-8 du code de commerce, ne précise pas sur ce point que la modification doit être intervenue au cours du bail expiré, alors même qu'il le précise en ce qui concerne la prise en compte des travaux d'amélioration. Par ailleurs, il est admis que s'agissant d'un déplafonnement en raison de la modification d'un élément de la valeur locative en application de l'article L145-34 du code de commerce, la modification doit être intervenue au plus tard au moment de la prise d'effet du nouveau bail, car la valeur locative doit s'apprécier à la date du renouvellement.



Dans ces conditions, les modifications apportées par la loi aux clauses du bail renouvelé, quant à la charge des travaux sont de nature à entraîner un déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé, si elles présentent un caractère notable.



En l'espèce, par des motifs que la cour adopte, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que compte tenu des clauses du bail, la modification résultant de l'application de ce texte, en ce qui concerne la charge des travaux, n'était pas suffisamment notable pour entraîner un déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé.



Sur les autres motifs de déplafonnement liés à l'application des nouvelles dispositions légales.



La bailleresse soutient que la modification de l'indice de référence du loyer indexé plafonné, le lissage des loyers en cas de déplafonnement, l'établissement d'un état des lieux, ou de la réduction de la durée de la solidarité entre cédant et cessionnaire à trois ans, résultant de l'application de la loi nouvelle au bail renouvelé, constitueraient selon elle des motifs de déplafonnement, en ce qu'elles affectent les obligations respectives des parties.



La cour relève que l'article R145-8 du code de commerce invite à prendre en considération les obligations découlant de la loi et génératrice de charges.



Il s'ensuit que les motifs invoqués relatifs à la modification de l'indice de référence du loyer indexé plafonné, au lissage des augmentations de loyers en cas de déplafonnement, à l'établissement d'un état des lieux, ou à la réduction de la durée de la solidarité entre cédant et cessionnaire à trois ans, ne sont pas de nature à entraîner un déplafonnement du loyer, dans la mesure où les modification législatives alléguées, ne sont pas génératrices de charges nouvelles pour le bailleur et n'affectent pas un des éléments à prendre en compte pour fixer la valeur locative.



Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé présentée de ce chef.



Sur le déplafonnement automatique du montant du loyer du bail renouvelé résultant de l'impossibilité de calculer le montant du loyer plafonné avec l'indice des loyers commerciaux



La bailleresse soutient que les indices des loyers commerciaux, créés postérieurement à la loi dont s'agit et publiés le 20 novembre 2014, sous la forme d'un simple avis sans qu'une loi ne soit promulguée au mépris de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, sont nuls et ne peuvent recevoir effet.



Ainsi que le rappelle la locataire, le décret n° 2008-1139 du 4 novembre 2008 relatif à l'indice national trimestriel des loyers commerciaux, pris en application de la loi du 4 août 2008, créant l'indice des loyers commerciaux, prévoit en son article 2 IV que :' Le calcul de l'indice trimestriel des loyers commerciaux est basé sur les valeurs de ses trois composantes contenues dans la dernière publication disponible à la date de calcul de l'indice trimestriel des loyers commerciaux. Si l'une des composantes est modifiée postérieurement à la publication d'un indice un trimestre donné, ces modifications ne seront pas prises en compte pour rectifier l'indice déjà publié. Les indices relatifs aux trimestres antérieurs à la première publication sont aussi calculés à partir de l'ensemble des dernières valeurs connues des différentes composantes, à la date de la première publication'.



Dans ces conditions, cet indice ayant été institué par un texte de loi et ses modalités de calcul ayant été précisées par son décret d'application, la publication par simple avis des indices calculés en application de ces textes, pour les trimestres antérieurs à la première publication, rend ceux-ci applicables au calcul du montant du loyer du bail renouvelé.



Le calcul du loyer plafonné, selon l'indice des loyers commerciaux étant réalisable, il s'ensuit que le motif allégué de ce chef de fixation du montant du loyer à la valeur locative, doit être rejeté.



Sur le loyer provisionnel



La bailleresse conteste la fixation du montant du loyer provisionnel pendant la durée de l'instance à la somme de 20.348,34 euros et demande sa fixation à la somme de 50.000 euros HT et HC et ce à compter du 1er juillet 2016, avec indexation tous les trois ans conformément aux variations de l'indice du coût de la construction. La locataire, qui souligne que le rapport d'expertise judiciaire de M. [D] déposé devant le premier juge conclut à l'absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité, conclut au débouté de la société bailleresse.



La cour rappelle que le juge des loyers commerciaux, lorsqu'il institue une mesure d'expertise, fixe à titre provisionnel le montant du loyer ainsi qu'il le juge approprié au cas qui lui est soumis.



En l'espèce, la cour confirme la décision entreprise, qui a à juste titre fixé à titre provisionnel le montant du loyer provisionnel à la somme de 20.348,34 euros HC et HT correspondant au montant indexé.



Sur les mesures accessoires



La société bailleresse succombant en son appel sera condamnée aux dépens de l'appel. Elle devra en outre en application de l'article 700 du code de procédure civile, verser la somme de 5000 euros à Mme [W].





PAR CES MOTIFS



La cour statuant contradictoirement, dans les limites de l'appel partiel,



Confirme la décision entreprise,



y ajoutant,



Dit que les articles 7, 8, 9 ,11, 13 de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 et les articles 6 et 8 de son décret d'application n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 sont applicables au renouvellement du bail commercial au 1er juillet 2016 entre la société AD-TREZEL et Mme [J] [W] épouse [V] ;



Rejette la demande la société AD-TREZEL en déplafonnement du prix du bail renouvelé en raison de l'impossibilité alléguée de calculer le montant du loyer plafond ,



Déboute pour le surplus de ses demandes la société AD-TREZEL ;



Condamne la société AD-TREZEL à payer à Mme [J] [W] épouse [V] une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société AD-TREZEL aux entiers dépens de l'appel avec distraction au bénéfice de l'avocat postulant en application de l'article 699 du code de procédure civile.









LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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