2 mai 2019
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 18/05169

Chambre 4-5

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5



ARRÊT AU FOND

DU 02 MAI 2019



N° 2019/





TL







Rôle N°18/05169

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCFFI







[E] [F]





C/



SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE

























Copie exécutoire délivrée

le : 02/05/2019

à :



- Me Christelle VALDAJOS-SARTI, avocat au barreau de GRASSE



- Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS

































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 22 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01377.





APPELANT



Monsieur [E] [F], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Christelle VALDAJOS-SARTI, avocat au barreau de GRASSE





INTIMEE



SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Fabrice LAFFON, avocat au barreau de PARIS







*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller



Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019.



ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2019



Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***

FAITS ET PROCEDURE



Monsieur [E] [F] a été engagé par la société Konica Minolta Business Solutions France (KMBSF) en qualité d'ingénieur commercial, à compter du 7 janvier 2013 jusqu'au 20 mars 2015, suivant contrats à durée déterminée, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 9 579,37 €, en remplacement d'un salarié absent pour maladie.



Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.



La société KMBSF employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.



La rupture de la relation contractuelle de travail est intervenue le 20 mars 2015.



[E] [F] a saisi le 15 décembre 2016 la juridiction prud'homale afin d'obtenir, selon le dernier état de sa demande, la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et la condamnation de la société KMBSF au paiement des sommes suivantes :



- 9579,37 euros d'indemnité de requalification

- 6226,59 euros d'indemnité de licenciement

- 19 158,74 d'indemnité conventionnelle de préavis outre 1915,87 euros de congés payés y afférents

- 80 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 500 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche

- 10 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire

- 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







Par jugement rendu le 22 février 2018, le conseil de prud'hommes de Nice a :

* dit que les conditions d'embauche et de remplacement de Monsieur [C] par [E] [F] relèvent bien de la qualification contrat à durée déterminée du contrat de remplacement,

* débouté [E] [F] de ses demandes,

* débouté la société KMBSF de sa demande reconventionnelle

* dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et partagé les dépens par moitié.



[E] [F] a interjeté appel de cette décision le 21 mars 2018 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.




MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 3 mai 2018, [E] [F], appelant soutient que les contrats à durée déterminée doivent être requalifiés en un contrat à durée indéterminée car les contrats conclus ne comprenaient pas de clause de renouvellement et que les avenants de renouvellement de plusieurs des contrats à durée déterminée ont été conclus postérieurement au terme du contrat précédent.



Il fait valoir qu'il en est ainsi pour le premier, deuxième, quatrième, cinquième, sixième, neuvième et dixième contrats.



Il affirme que de plus, chaque contrat à durée déterminée lui a été remis tardivement en dehors du délai légal comme le démontre l'absence de signature des contrats par la société et surtout l'absence de pièce jointe au mail du 12 mars par lequel la société indique avoir envoyé la prolongation de son contrat de travail pour la période du 13 mars au 20 mars 2015 alors que l'exemplaire du contrat produit par la société porte également la mention fait et remis le 19 mars 2015.



Il soutient que la société KMBSF ne lui a pas proposé de contrat à durée indéterminée.



Il précise que les contrats à durée déterminée étant requalifiés en un contrat à durée indéterminée, il a subi un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Il affirme qu'il a subi un préjudice du fait du retard dans la visite médicale d'embauche puis de l'absence de visite périodique.



Il fait valoir que la rupture est vexatoire car il a été remplacé par une personne embauchée en contrat à durée indéterminée.



[E] [F] demande en conséquence d'infirmer le jugement et de :

- dire et juger la relation contractuelle entre [E] [F] et la société KMBSF à durée indéterminée

- dire et juger la rupture de la relation contractuelle intervenue à l'initiative de la société KMBSF brutale, vexatoire et dépourvue de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société KMBSF au paiement des sommes suivantes :

- 9579,37 euros d'indemnité de requalification

- 6226,59 euros d'indemnité de licenciement

- 19 158,74 d'indemnité conventionnelle de préavis outre 1915,87 euros de congés payés y afférents

- 80 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 500 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche

- 10 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire

- 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Aux termes de ses dernières écritures transmises le 14 mai 2018, la société KMBSF, intimée fait valoir que les règles en matière de renouvellement des contrats de travail à durée déterminée ont toujours été respectées.



Elle soutient que les contrats ont tous été régularisés par les deux parties et étaient tous datés du jour de l'embauche sauf le dernier contrat à durée déterminée conclu pour la période du 13 au 20 mars qui cependant lui a été transmis par courrier dans le délai légal.



Elle affirme que [E] [F] ne justifie d'aucun préjudice pour le retard de la visite médicale d'embauche et qu'aucune autre visite ne s'imposait avant un délai de trois ans



La société KMBSF demande en conséquence de confirmer le jugement, de débouter [E] [F] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner en outre à lui payer une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.



Par ordonnance du 3 avril 2018, l'affaire a été fixée à bref délai.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.




MOTIFS DE LA DECISION



Sur les demandes relatives à la requalification des contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée



L'article L 1243-13 du code du travail en vigueur au moment des faits dispose : ' Le contrat à durée déterminée est renouvelable une fois pour une durée déterminée (...) Les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l'objet d'un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu (...)'.



L'article L 1242-13 du code du travail en vigueur au moment des faits dispose : 'Le contrat de travail est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l'embauche'.



L'article L1245-1 du code du travail en vigueur au moment des faits dispose : ' Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L1243-13...'.



La société produit l'ensemble des contrats de travail et des avenants signés par les deux parties ainsi qu'un mail en date du 12 mars 2015 adressé à [E] [F] par Madame [E] qui indique ' comme évoqué par téléphone, tu trouveras ci-joint la prolongation de ton contrat jusqu'au 20 mars 2015 inclus. En parallèle, les deux originaux t'ont été adressés par courrier à ton domicile '.



Il ressort des pièces produites que la relation de travail entre [E] [F] et la société KMBSF s'est poursuivie sans interruption du 7 janvier 2013 au 20 mars 2015 et que l'ensemble des contrats et des avenants ont été signés par les deux parties.



Il n'est pas contesté que le service de ressources humaines était situé en région parisienne et qu'en conséquence, l'ensemble des contrats étaient adressés dans les délais légaux pour être signés par [E] [F] le jour d'entrée en vigueur du nouveau contrat ou de l'avenant sans interruption.



Les conditions de renouvellement stipulées dans les avenants étaient soumis avant le terme initialement prévus à [E] [F] car chaque avenant était établi antérieurement à la date de la signature.



Le mail en date du 12 mars 2015 prouve que la société KMBSF a adressé avant l'expiration du contrat précédent le contrat du 13 au 20 mars 2015, qui est le seul contrat non signé à la date de prise de fonctions par [E] [F].



En conséquence, [E] [F] sera débouté de sa demande de requalification.



La rupture s'analysant comme une rupture de fin de contrat à durée déterminée, [E] [F] ne peut prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement, et sera débouté du surplus de ses prétentions d'indemnisation mal fondées compte tenu de l'issue de l'appel.







Sur le retard de visite médicale d'embauche et l'absence de visite périodique



[E] [F] ne justifie d'aucun préjudice et sera donc débouté de sa demande à ce titre.



Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct



En application de l'article 1382 devenu 1240, du code civil, des articles 1134 et 1147 du code civil [E] [F] sollicite la condamnation de la société KMBSF à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts compte tenu du caractère abusif et vexatoire de la rupture de la relation contractuelle.



Il précise que la relation contractuelle a été rompue alors que le salarié qu'il remplaçait n'avait pas repris son travail ce qui constituait la cause de son contrat à durée déterminée et que de plus, il a lui même été remplacé par un autre salarié sous contrat à durée indéterminée.



Il produit l'attestation de son nouvel employeur du 1er septembre 2017 qui précise qu'il avait souhaité embaucher [E] [F] mais que celui-ci avait refusé car il était dans l'attente de signer un contrat à durée indéterminée avec la société KMBSF et que quelques mois plus tard n'ayant pas eu le contrat à durée indéterminée qu'il attendait il l'a embauché.



La société KMBSF produit un échange de mails en date du 4 mars 2015 qui indique qu'elle a proposé un contrat à durée indéterminée à [E] [F] mais que celui-ci a décliné cette offre ce qui a conduit le directeur des ressources humaines à la demande du directeur des marchés production à lancer une procédure de recrutement à la fois interne et externe.



La société transmet la fiche Linkedin de [E] [F] qui précise qu'il travaille comme directeur stratégie et développement des publications groupement médias pour les petites affiches depuis mars 2015.



Il ressort de ces éléments que la rupture liée à la fin du contrat à durée déterminée n'est pas vexatoire car la société KMBSF bien que tardivement a proposé avant le 4 mars 2015 un contrat à durée indéterminée à [E] [F] avant le terme de son contrat à durée déterminée.



Sur les dépens et les frais non-répétibles



Nonobstant l'issue de l'appel, l'équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.



[E] [F] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de l'avocat de la société KMBSF en ce qui concerne les dépens de la procédure d'appel qui est jugée suivant la procédure avec représentation obligatoire.

PAR CES MOTIFS



La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions



Y ajoutant,



Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles par elle exposés,



Condamne, [E] [F] aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction des dépens de la procédure d'appel au profit de l'avocat de la société KMBSF,



Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.



LE GREFFIERLE PRESIDENT

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