17 mai 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/06796

Pôle 5 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 17 MAI 2019



(n°84, 5 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 18/06796 - n° Portalis 35L7-V-B7C-B5NIO



Décision déférée à la Cour : jugement du 26 janvier 2018 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 3ème section- RG n°16/12385







APPELANTE





S.A.S. AFFAIRES A FAIRE, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 492 719 612



Représentée par Me Philippe GALLAND de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L 0010

Assistée de Me Frédéric GOLAB, avocat au barreau de PARIS, toque K 134







INTIMEE





S.A.R.L. CHLOELINA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Immatriculée au rcs de Beauvais sous le numéro 448 629 014



Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque C 1050

Assistée de Myriam WITUKIEWICZ SEBBAN, avocat au barreau de PARIS, toque E 510

















COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne-Marie GABER, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère



Mmes Anne-Marie GABER et Laurence LEHMANN ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Anne-Marie GABER, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère





Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT







ARRET :





Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.













Vu le jugement contradictoire du 26 janvier 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,



Vu l'appel interjeté le 30 mars 2018 par la société Affaires à Faire,




Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 2 juillet 2018, de la société Affaires à Faire, appelante,



Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique, le 15 octobre 2018, de la société Chloelina, intimée et incidemment appelante,



Vu l'ordonnance de clôture du 24 janvier 2019,






SUR CE, LA COUR,





Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.







Il sera simplement rappelé que la société Affaires à Faire, immatriculée le 10 novembre 2006, exploite des magasins sous l'enseigne Maxxilots, et qu'elle est titulaire de la marque française verbale Maxxilots n°3797125 déposée le 13 janvier 2011, désignant divers produits des classes 20, 21, 25, 28, 29 et 30.



La société Chloelina, créée le 12 février 2004, exploite des magasins sous l'enseigne et le nom commercial Maxxilot. Elle est titulaire de la marque semi-figurative Maxxilot n°419899, déposée le 30 octobre 2014 pour divers produits et services en classes 35, 41 et 42.



Les deux sociétés ont entretenu des relations commerciales jusqu'en 2010.



Par acte du 18 mars 2015, la société Chloelina, a assigné la société Affaires à Faire devant le tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la concurrence déloyale et de l'usurpation d'enseigne et de nom commercial. Par jugement du 23 octobre 2017, ses demandes ont été jugées prescrites, l'affaire étant actuellement pendante devant la chambre 5-1 de la cour d'appel de Paris.



Estimant que la marque Maxxilots n° 3797125 de la société Affaires à Faire n'a jamais été exploitée pour les produits et services qu'elle désigne, la société Chloelina, après une mise en demeure du 19 mai 2016 demeurée infructueuse, l'a assignée par acte du 4 août 2016, en déchéance de marque devant le tribunal de grande instance de Paris.



Par jugement du 26 janvier 2018, dont appel, les premiers juges, entre autres dispositions, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, ont :

- déclaré recevable la société Chloelina à agir en déchéance de la marque française verbale n°3797125 Maxxilots, et constaté la déchéance des droits de la société Affaires à Faire, à compter du 04 août 2011, sur la marque française verbale Maxxilots n°3797125, pour l'intégralité des produits et services qui y sont visés, en classes 20, 21, 24, 25, 28, 29 et 30,

- débouté la société Affaires à Faire de ses demandes de nullité de la marque française verbale Maxxilot n°419899, et de dommages-intérêts pour procédure abusive.





Sur la recevabilité de la demande de déchéance de marque



La société Affaires à Faire soutient que le tribunal a considéré à tort que les deux sociétés opèrent sur un même secteur d'activités, alors que la société Chloelina indique elle-même dans ses écritures que la marque litigieuse ne relève pas de la même catégorie de produits et services, de sorte qu'elle a ainsi admis n'avoir aucun intérêt à agir en déchéance de la marque litigieuse.



La société Chloelina fait valoir que l'intérêt à agir ne saurait être confondu avec le principe de spécialité du droit des marques, qu'elle est titulaire de divers droits antérieurs (enseigne, nom commercial, nom de domaine) incluant la dénomination Maxxilot, et que du fait de ses projets de développement sur le territoire national, elle a intérêt à voir prononcer la déchéance de la marque Maxxilots, puisque les deux parties opèrent sur le même secteur d'activités.



En application de l'article L.714-5 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle, la demande en déchéance peut être formée en justice par toute personne intéressée, c'est à dire justifiant, en application de l'article 31 du code de procédure civile, d'un intérêt à agir.



En l'espèce la marque Maxxilots n°3797125, dont la déchéance est sollicitée, désigne divers produits des classes 20, 21, 24, 25, 28, 29 et 30, et notamment des tissus et linge de maison, des vêtements, des jouets, des fruits et légumes conservés, des conserves de viandes ou de poisson, du café et des gâteaux.







Il résulte des pièces produites, et notamment des tickets de caisse, des factures, des dépliants publicitaires et des procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 15 et 16 septembre 2016 (pièces 14, 15 et 18), que la société Chloelina exploite au moins depuis 2005, sous l'enseigne et le nom commercial 'Maxxilot', des magasins dans lesquels sont vendus à bas prix une large gamme de produits, et notamment des textiles, du linge de maison, des jouets, et des produits d'alimentation tels que des produits frais, des conserves, des gâteaux et du café.



Il résulte de ces éléments que la société Chloelina qui exploite depuis 2005 un réseau de magasins sous le nom commercial et l'enseigne 'Maxxilot' dans lesquels sont vendus des produits identiques à ceux pour lesquels la marque litigieuse 'Maxxilots' a été déposée, justifie d'un intérêt à agir en déchéance de la marque Maxxilots dont la société Affaires à Faire est titulaire. Sa demande est donc recevable. Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé de ce chef.





Sur la demande de déchéance de marque



La société Affaires à Faire soutient que la présente action s'inscrit dans le prolongement d'une action en concurrence déloyale initiée par la société Chloelina devant le tribunal de commerce, qu'elle est donc fondée à se prévaloir d'un motif légitime justifiant le non-usage de sa marque puisque l'exercice d'une action en concurrence déloyale contre le titulaire de la marque constitue un obstacle juridique à l'exploitation de ladite marque. Elle critique le jugement en ce qu'il a considéré que la menace de procédure judiciaire devrait porter exclusivement sur la marque à l'exclusion de l'enseigne et du nom commercial, et conclut qu'elle justifie d'une impossibilité d'exploiter la marque indépendante de sa volonté.



La société Chloelina prétend que la société Affaires à Faire n'a jamais exploité ce signe à titre de marque, mais uniquement à titre d'enseigne, qu'elle n'a pas été en mesure de démontrer un quelconque usage de la marque en cause, et que la procédure judiciaire devant le tribunal de commerce ne constitue nullement un empêchement légitime en ce qu'il n'est pas en lien direct avec la marque litigieuse, outre que cette procédure a été initiée le 18 mars 2015 soit près de 4 ans après l'enregistrement de la marque dont s'agit.



En application de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, 'Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes, motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.(...)' .



La société Affaires à Faire, qui ne produit aucune preuve d'usage de la marque litigieuse, prétend que la procédure judiciaire en concurrence déloyale engagée par la société Chloelina devant le tribunal de commerce le 18 mars 2015 constitue un juste motif l'ayant empêchée d'exploiter sa marque.



Un obstacle à l'exploitation de la marque ne peut toutefois constituer un juste motif au sens de l'article L. 714-5 précité, que si les trois conditions suivantes sont réunies :

- l'obstacles doit présenter une relation directe avec la marque,

- il doit être indépendant de la volonté du titulaire de la marque,

- il doit rendre l'usage de celle-ci impossible ou déraisonnable.



S'il est constant que la société Chloelina a assigné la société Affaires à Faire par acte introductif du 18 mars 2015 devant le tribunal de commerce de Paris, ladite action, fondée sur la concurrence déloyale et l'usurpation d'enseigne, porte exclusivement, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, sur l'atteinte à l'enseigne et au nom commercial de la société Chloelina, et non sur la marque litigieuse. Cette action judiciaire, qui n'a donc pas trait à l'usage de la marque pour désigner les produits pour lesquels elle est enregistrée, ne rend pas ledit usage impossible ou déraisonnable, de sorte que la société Affaires à Faire échoue à démontrer que l'existence de cette procédure constitue un juste motif de non exploitation de sa marque. Elle doit dès lors être déchue de ses droits sur la marque Maxxilots pour la totalité des produits et services visés. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.





Sur les demandes reconventionnelles en nullité de la marque et pour procédure abusive



La société Affaires à Faire demande à titre reconventionnel la nullité de la marque Maxxilot n°419899 comme portant atteinte à sa marque antérieure, ainsi que des dommages-intérêts pour procédure abusive.



La société Affaires à Faire ayant été déchue de ses droits sur sa marque Maxxilots n°3797125 , elle n'a pas d'antériorité à opposer, comme l'ont jugé à juste titre les premiers juges, de sorte que sa demande reconventionnelle en nullité sera rejetée.



La société Chloélina ayant prospéré dans sa demande en déchéance, la procédure ne peut être qualifiée d'abusive. Le jugement sera également confirmé sur ces points.







PAR CES MOTIFS,





Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,



Condamne la société Affaires à Faire, et vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à la société Chloelina à ce titre pour les frais irrépétibles d'appel une somme complémentaire de 2 500 euros.





La Greffière La Présidente

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