29 mai 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/08782

Pôle 6 - Chambre 6

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 29 MAI 2019



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/08782 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3UFD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/05073





APPELANT

Monsieur [G] [N]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 4] (MAROC)

Représenté par Me Marie-Gaelle MAUZE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0769







INTIMÉE

SAS ITIREMIA

[Adresse 1]

N° SIRET : 401 772 710 00042

Représentée par Me Nicolas MENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1423





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 02 Avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Mme Anne BERARD, Présidente de chambre

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.



Greffier : Mme Clémence UEHLI, greffier lors des débats



ARRÊT :



- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente et par Madame Pauline MAHEUX, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.












RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



M. [G] [X] a été embauché par la société Effia Services, aux droits de laquelle vient la société Itiremia, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 octobre 2008, à effet au 30 octobre 2008, en qualité d'agent de service, au dernier état de la relation de travail il était responsable d'équipe.



Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 août 2012 la société Itiremia notifiait à Monsieur [N] un rappel à l'ordre pour non port d'équipement de sécurité obligatoire.



Par lettre en date du 27 octobre 2014, annexée à un courriel de l'un des délégués du personnel, la direction de la société Itiremia était informée de la grève des agents du site de Paris gare du [5]. Cette grève s'est déroulée du 27 au 31 octobre 2014 inclus.



Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 octobre 2014 la société Itiremia mettait Monsieur [N] en demeure de reprendre le travail.



Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 octobre 2014 la société Itiremia convoquait Monsieur [N] à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour faute grave avec mise à pied à titre conservatoire.



Par lettre en date du 4 novembre 2014, la société Itiremia, levait la mise à pied conservatoire, suite à la demande du salarié de reprendre le travail formée le 3 novembre 2014.



Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 novembre 2014 (datée par erreur du 20 octobre 2014) la société Itiremia notifiait à M. [N] son licenciement pour faute grave.



Par ordonnance en date du 27 janvier 2015 le conseil de prud'hommes en formation de référé, sous la présidence du juge départiteur, sur assignation de M. [N] et de seize autres salariés, a dit n'y avoir lieu à référé, les sanctions décidées par l'employeur pour participation au mouvement collectif du 27 au 31 octobre 2014 ne constituant pas un trouble manifestement illicite.



Par décision en date du 23 juillet 2015, frappée d'un recours, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé les décisions implicites de rejet des recours à l'encontre des décisions de l'inspecteur du travail de refus d'autorisation de licenciement de deux délégués du personnel pour participation du 27 au 31 octobre 2014 à une grève de solidarité.



Le 28 avril 2015, M. [N], et deux autres salariés, ont saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris en annulation de leur licenciement et en réintégration, subsidiairement en contestation de son bien-fondé.



Par décision en date du 3 octobre 2016, le Conseil de Prud'hommes s'est déclaré incompétent pour connaître de la licéité de la grève, a requalifié le licenciement de M. [N] en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS Itiremia à lui payer les sommes suivantes :

- 4613,10 à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 461,31 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 2806,30 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

avec intérêts courant au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement. Il a ordonné la remise d'un certificat de travail, d'une attestation pôle emploi et d'une fiche de paye récapitulative conformes au jugement et a débouté M. [N] de ses autres demandes.



Le 22 juin 2017, M. [N] a interjeté appel de cette décision.




Dans ses dernières conclusions, transmises au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 2 mars 2009, auxquelles il est expressément fait référence, M. [N] conclut à la réformation du jugement entrepris.

Il demande à la cour de dire que son licenciement est nul et d'ordonner sa réintégration, forme les demandes suivantes à l'encontre de la société Itiremia :

- 2306,55 euros mensuels bruts du 4 novembre 2014 jusqu'au jour de sa réintégration définitive au sein de la société,

-10 % de cette somme au titre des congés payés afférents.

Subsidiairement il demande à la cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et, outre les sommes allouées en première instance, sollicite le paiement des sommes suivantes :

- 27'678,60 €à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande à la cour de fixer le point de départ de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.



Dans ses dernières conclusions, transmises au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 28 février 2019, auxquelles il est expressément fait référence, la société Itiremia demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire le licenciement de M. [N] fondé sur une faute grave, de le débouter de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement elle sollicite la confirmation de la décision déférée avec maintien de sa demande au titre des frais irrépétibles.






MOTIVATION





* Sur la nullité du licenciement prononcé pour faits de grève :





La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, reproche à M. [N] sa participation à un mouvement collectif d'arrêt de travail illicite à défaut de revendication à caractère professionnel, motivé par une volonté de solidarité envers Monsieur [J] licencié pour faute grave par lettre reçue le samedi 25 octobre 2014. Elle rappelle que M. [N] était en repos hebdomadaire les 27 et 28 octobre, mais ajoute :

' Pour autant, vous avez confirmé lors de l'entretien avoir été informé par téléphone, puis en passant sur le site dès le lundi 27 octobre 2014 de l'arrêt collectif du travail. Vous étiez donc parfaitement informé dès cet instant de la position de la Direction. Au demeurant, vous êtes signataire de la liste d'émargement des salariés engagés à cesser le travail, intitulée « Grève », en contestation du licenciement de Monsieur [J] et ce, dès le dimanche 26 octobre 2014. (...) Alors que nous escomptions que vous repreniez le travail le 29 octobre 2014 conformément à votre planning, vous vous en êtes tenu à ce que vous aviez annoncé dès le dimanche 26 octobre 2014 en contresignant la liste d'émargement des salariés amenés à cesser le travail en contestation du licenciement de Monsieur [J], et avez pris le parti de rejoindre à votre tour ce mouvement de soutien, ce alors même que vous aviez une exacte conscience de la position de la Direction et de la demande qui avait été faite à l'ensemble des salariés de reprendre immédiatement le travail. Nous n'avons eu d'autre choix que de vous adresser une lettre de mise en demeure de reprendre votre travail par courrier recommandé daté du 29 octobre 2014. Pour autant, vous étiez encore absent les 30 et 31 octobre 2014 et n'avez nullement exprimé une quelconque intention de reprendre le travail en temps utile, en sorte que nous n'avons eu d'autre choix que de vous adresser, à l'instar de vos collègues placés dans une situation analogue, une lettre de convocation à entretien préalable en date du 31 octobre 2014. Lors de votre entretien, vous avez à titre d'explication précisé que vous étiez « entré le même jour » que Monsieur [J] et que vous aviez « fait grève par solidarité, c'est tout ! ».

Cette version est totalement corroborée par votre courriel adressé à [F] [T] le 3 novembre 2014 par lequel vous demandez la levée de votre mise à pied à titre conservatoire, à réintégrer votre poste et nous informez de votre propre chef de votre engagement à ce que de tels « faits ne se reproduisent plus », expression claire et non équivoque de votre conscience du caractère injustifié de vos absences des 29,30 et 31 octobre 2014. C'est pourquoi, tenant compte de votre repentir et compte tenu des difficultés d'acheminement de courrier lié à votre déménagement (notre mise en demeure ne vous est parvenue que le 31 octobre 2014), nous avons accepté, sur la seule foi de vos explications du moment, de lever votre mise à pied à titre conservatoire par courrier du 4 novembre 2014 remis en main propre, le principe de l'entretien préalable du 12 novembre 2014 étant maintenu compte tenu de vos absences injustifiées les journées des 29,30 et 31 octobre 2014. Quelle ne fut pas notre stupéfaction d'être informé le 10 novembre 2014, que vous aviez pris le parti de saisir le juge du conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtention de la suspension de votre procédure disciplinaire (prenant ainsi le contre-pied de votre courriel explicite du 3 novembre), et de découvrir par la même occasion que vous disposeriez d'un arrêt de travail pour les journées des 29,30 et 31 octobre 2014, fait que vous vous étiez bien gardé d'évoquer à réception de votre mise en demeure, de votre lettre de convocation à entretien préalable, au terme de votre courriel du 3 novembre 2014, mais encore devant Mme [W] le 4 novembre 2014 lors de l'échange à l'issue duquel il a été accepté de lever votre mise à pied conservatoire. Nous ne nous expliquons donc pas les circonstances ayant pu vous priver de la possibilité de nous informer en temps utile, conformément aux dispositions de l'article 3 de notre règlement intérieur, que vous étiez en arrêt de travail pour les journées des 29,30 et 31 octobre 2014, situation d'autant plus incompréhensible que notre courrier de mise en demeure, puis la lettre de convocation à entretien préalable, étaient particulièrement explicites sur le fait qu'il vous était reproché votre absence injustifiée à votre poste de travail depuis le 29 octobre 2014. Dans ces conditions, deux hypothèses :

- soit la probité même de l'arrêt de travail est en cause, question que nous sommes d'autant plus légitimes à nous poser dans la mesure où :

* Votre collègue Monsieur [X] [C] a lui-même fait état d'un arrêt de travail émis par le cabinet du Dr [I] [E], couvrant une partie de ses absences injustifiées, dont il a fait état de manière aussi tardive que vous ;

* Les pièces communiquées par votre avocat (pièce K-6) comportaient également un certificat de ce même médecin ayant prescrit l'arrêt du 29 au 31 octobre 2014 concernant. Or, ce certificat est daté du 30 octobre 2014 et faisant état d'une visite du même jour...

- soit vous avez sciemment conservé ce document par-devers vous pour en faire usage après-coup dans l'hypothèse où la direction maintenait sa procédure disciplinaire à votre égard, au mépris des dispositions du règlement intérieur et des impératifs d'organisation de l'entreprise pour permettre de pallier votre absence....

Dans les deux cas de figure, nous sommes confrontés à des faits d'une particulière gravité qui ne sauraient être tolérés.

En tout état de cause, au-delà des plus expresses réserves que nous sommes amenés à émettre quant à la probité de cet arrêt de travail au regard de la chronologie des événements, ce document ne saurait justifier votre absence dès lors qu'il a été transmis de manière pour le moins tardive en contradiction avec les dispositions du règlement intérieur. Et à cet égard, vous ne nous avez pas remis le volet original nous revenant lors de l'entretien préalable du 12 novembre 2014, en sorte que nous ne sommes toujours pas en possession d'un document susceptible de constituer un justificatif d'ordre médical.

Ce défaut d'information en temps utile et de transmission de justificatifs médicaux pour les journées des 29,30 et 31 octobre 2014 est d'autant plus inexcusable et préjudiciable au regard de la situation particulière dans laquelle se trouvait le site de la Gare du [5] la semaine du 27 octobre au 2 novembre 2014, en ce qu'elle n'a pas permis à la Direction de s'organiser pour assurer au mieux votre remplacement et les prestations que vous n'auriez pas manqué de réaliser. Nous ne pouvons donc que considérer que vous avez agi sciemment et en toute connaissance de cause, sans jamais avoir pu penser-de bonne foi-que vous disposiez d'un motif légitime de cessation de votre activité les journées des 29,30 et 31 octobre 2014. (...)

Sur les manquements professionnels : Sollicité sur la non réalisation des entretiens individuels annuels (EIA) des agents placés sous votre responsabilité en votre qualité de Responsable d'équipe et dont l'échéance avait été fixée au 30 juin 2014, vous n'avez pas donné de justification à l'absence de suite donnée à la relance de votre hiérarchie sur le sujet. À ce jour seuls 2 EIA sur 6 ont été menés et transmis à votre hiérarchie malgré l'enjeu sans équivoque que cela constituait pour la qualité du management du site et pour le recueil des besoins en formation des équipes qui vous sont confiées.(...)'

La lettre de licenciement lui impute également une absence de retour régulier sur les demandes d'explications relatives à un défaut de prise en charge d'une cliente, et le silence du rapport de vacation sur cet incident, ce fait s'inscrivant dans un refus obstiné de remonter et traiter efficacement les dysfonctionnements survenus lors des vacations pour lesquelles il était responsable d'équipe.





Elle ajoute : 'Alors qu'un courriel très explicite (Rappel de quelques règles de base du 6 juin 2014) de [F] [T], directeur opérationnel, rappelait que « lorsque 2 RdE sont en poste, (..) la réalisation d'une prestation de portage est interdite pour le titulaire ». Or

le tableau de synthèse de la journée du 8 septembre 2014 laisse apparaître des prestations de portage à votre nom, ultime expression de votre propension à vous affranchir des directives de votre hiérarchie, faits d'autant plus injustifiables de la part d'un responsable d'équipe. Les explications recueillies lors de l'entretien consistant à mettre en avant a posteriori (sans que cela ne soit stipulé au rapport de vacation) une erreur de saisie ne sont pas de nature à nous convaincre.'





Liminairement il convient de rappeler qu'en application de l'article L 1411-1 du code du travail le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des litiges individuels entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient. Compétent pour connaître de l'action en annulation d'un licenciement et subsidiairement en contestation de son bien-fondé, il peut être, dans ce cadre, amené à se prononcer sur le caractère licite d'une grève ou d'un mouvement collectif d'arrêt de travail. C'est à tort que le premier juge a considéré qu'il était incompétent pour examiner ce moyen et que l'appelant dénie au juge du licenciement le droit de se prononcer sur la licéité de la grève et donc sur le caractère fautif de l'absence du salarié pour ce motif.





L'article L 2511-1 du code du travail dispose que 'l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié'. 'Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit.'





La qualification de mouvement de grève suppose que les revendications présentées, au préalable, à l'employeur soient d'ordre professionnel et collectif.





Il s'en déduit que si une grève de solidarité n'est pas nécessairement illicite, encore faut-il que cette solidarité manifeste une revendication d'ordre professionnel et collectif. C'est donc au regard du but poursuivi que la légitimité de la grève de solidarité doit être appréciée.





En l'espèce la lettre transmise à l'employeur le 27 octobre 2014 à 0h 05, qui doit seule être prise en considération pour apprécier les revendications, professionnelles ou non, préalablement portées à la connaissance de l'employeur, a pour seul objet la contestation de la décision de licenciement de M. [J] [Z] que les salariés estimaient 'abusive et déloyale'.





Or, M. [J] a été licencié pour des faits strictement personnels. Lui étaient reprochés : la falsification de l'issue d'une requête aux fins de prestation de portage de bagages, présentée comme inexécutée (no show), et donc non facturée par l'employeur, alors que les adjoints au responsable de site l'avaient vu la réaliser le 18 septembre 2014, avec un taux de requêtes'no show' de 66% contre 30% en moyenne pour le site, une mauvaise exécution d'une prestation d'assistance le 30 août 2014 avec insulte d'un chef d'escale et enfin un comportement inadapté (refus de gratuité d'une prestation de portage) envers une voyageuse ayant un problème de santé le 23 septembre 2014. Le caractère bien fondé de son licenciement pour faute grave a été définitivement retenu par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 5 décembre 2018.



Même si, dans la lettre d'information de l'employeur du mouvement collectif d'arrêt de travail en date du 27 octobre 2014, les salariés considèrent que les adjoints ayant contrôlé M. [J] le 18 septembre ont accompli un rôle 'd'espionnage' et que leurs 'méthodes' sont qualifiées de 'répressives et non dissuasives contrairement aux préconisations établies par le cabinet d'expertise dont l'intervention a abouti à la nécessité de la création d'une cellule d'écoute psychologique', ils se contentent de contester point par point les fautes imputés à M. [J] et la décision de l'employeur de le licencier. L'instrumentalisation des préconisations d'un rapport d'expertise ordonnée par le CHSCT, déposé au mois d'avril 2014, relève de l'exploitation d'éléments de langage et ne saurait mettre en doute que le seul et véritable objectif de la grève était la remise en cause de la décision de licencier M. [J] et sa réintégration.

La défense de M. [J] par les autres salariés ne se rattache à aucune revendication d'ordre collectif. Le mouvement de grève déclenché le 27 octobre 2014 qui avait pour seul but de s'opposer au licenciement de M. [J], sanctionné pour un motif strictement personnel, est illicite.



Il est à observer, qu'ainsi que l'a relevé le conseil de prud'hommes lors de l'audience de référé, le communiqué de la CFDT en date du 30 octobre 2014 intitulé 'Direction générale autiste éthique managériale bafouée'qui fait état du dialogue social rompu, de l'atteinte à la santé mentale des salariés, a pour objet de remettre en cause de façon générale les sanctions avertissements, licenciements faisant suite au mouvement de grève.



Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes de M. [N] en annulation de son licenciement, en réintégration et en paiement de salaires, et congés payés afférents, jusqu'à l'effectivité de celui-ci.



* Sur le caractère bien fondé du licenciement :



L'employeur verse aux débats un document intitulé 'Grève' comportant la mention manuscrite du nom des salariés du site de la Gare du [5], suivie ou non de leur émargement, la signature étant accompagnée de sa date, M. [N] a bien signé ce document le 26 octobre 2014.



La photocopie de l'arrêt de travail qu'il fournit, pour justifier de son absence après ses jours de repos des 27 et 28 octobre est quasiment illisible, cet arrêt concerne la période du 29 au 31 octobre 2014, comporte le cachet du Dr [E] mais n'est pas signé. Il produit également une ordonnance et un certificat médical de la remplaçante du Dr [E] qui sont datés du 30 octobre 2014.

Si un doute sérieux existe quant à la réalité d'un examen médical de M. [N] dès le 29 octobre 2014 et quant à la date véritable d'établissement de cet arrêt maladie, il est certain que M. [N] s'est gardé de l'adresser à son employeur. Il n'en fait au demeurant nullement état dans le courriel qu'il lui a envoyé le 3 novembre aux termes duquel il ne conteste nullement le caractère injustifié de son absence depuis le 29 octobre 2014, il explique simplement qu'il ignorait que la grève était illicite.



Ce manquement aux dispositions de l'article 3 du règlement intérieur quant aux modalités et délai de justification des absences auprès de l'employeur est établi. Dans le contexte du mouvement collectif d'arrêt de travail ce manquement a un caractère délibéré, concerté avec d'autres salariés comme l'observe l'employeur, et ne relève pas de la simple négligence.



S'agissant de la non réalisation de l'intégralité des entretiens annuels d'évaluation, ainsi que l'indique le salarié, le calendrier de leur réalisation a fait l'objet d'une révision au regard du retard pris. Le nouveau planning a été transmis à Monsieur [N] le 6 mai 2014, il devait en réaliser 6 entre les 24 avril et 31 mai. Le salarié ne peut invoquer la prescription de ces faits, le retard dans l'exécution et l'absence d'exécution de travaux se prolongeant au-delà de la date initialement prévue pour leur réalisation.



L'employeur établit qu'au 30 juillet quatre des six entretiens n' étaient pas réalisés. Il indique que depuis cette date M. [N] n'en a effectué aucun autre ; pour autant, aucun rappel à ce titre ne lui a été adressé, ce qui tend à démontrer le peu de sérieux de ce grief.



Par ailleurs, par courriel en date du 1 octobre 2014 l'adjoint du responsable de site adressait des demandes de renseignement à M. [N] au sujet d'un incident lors de la prise en charge d'une personne en fauteuil roulant non mentionné sur le rapport de vacation, lequel comportait par ailleurs des contradictions quant au nom de l'agent ayant assuré la prestation. Ce n'est que le 23 octobre, et après un rappel le 16 octobre 2014, que M. [N] a répondu. Ce retard, isolé, de traitement d'une demande d'explication est établi.



En revanche, les pièces produites par l'employeur ne permettent pas d'établir la réalité du dernier grief visé par la lettre de licenciement.





Dès lors, en prenant en considération l'intégralité des faits établis à l'encontre de Monsieur [N], il y a lieu de considérer que ce dernier a commis des fautes de nature à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement, en revanche leur degré de gravité n'imposait pas l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise ; en conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [N] en licenciement pour cause réelle et sérieuse.



Les indemnités de rupture et le rappel de salaire et de congés payés afférents pendant la mise à pied conservatoire ont été calculées conformément aux dispositions légales et la condamnation de l'employeur de ces chefs sera également confirmée.



En revanche, il y a lieu à réformation s'agissant du point de départ des intérêts moratoires qui courent à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 18 mai 2015, ce, en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil.





* Sur les autres demandes





M. [N] qui succombe en son appel conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.



L'équité et les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.











PAR CES MOTIFS



LA COUR,



CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il s'est déclaré incompétent et en ce qui concerne le point de départ des intérêts moratoires,



et statuant de nouveau



DIT QUE les intérêts moratoires sur les sommes allouées courent à compter du 18 mai 2015,



Y ajoutant,



DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE Monsieur [N] aux dépens d'appel.







LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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