20 juin 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/26956

Pôle 6 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 20 JUIN 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/26956 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ZWA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2018 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG n° 18/06550





APPELANT



SYNDICAT DES PILOTES D'AIR FRANCE (SPAF)

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Charles-hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029, avocat postulant

Représenté par Me Laurent PARLEANI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0036, avocat plaidant





INTIMEES



SA SOCIETE AIR FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux

N° SIRET : 420 495 178

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée par Me Christine SEVERE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372, avocat plaidant



SAS TRANSAVIA FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux

N° SIRET : 492 791 306

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03, substitué par Me Aurélien BOULANGER; avocat postulant et plaidant











COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant



Monsieur François LEPLAT, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur François LEPLAT, Président

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

Madame Monique CHAULET, Conseiller



GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats



ARRET :



- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François LEPLAT, Président et par Madame FOULON, Greffier.




************



EXPOSÉ DU LITIGE



Par actes délivrés le 29 mai 2018 et le 7 juin 2018, le syndicat des pilotes d'Air France, ci-après désigné le SPAF, a fait assigner la société anonyme Air France et la société par actions simplifiée Transavia France devant le tribunal de grande instance de Bobigny, dans le cadre de la procédure à jour fixe, en exposant que :

- des pilotes de la société Air France sont détachés au sein de la société Transavia France;

- ceux-ci n'ont pas accès, dans les locaux de la société Transavia France, à la communication syndicale du syndicat des pilotes d'Air France (SPAF), alors pourtant qu'ils devraient y avoir accès puisqu'ils demeurent des salariés de la société Air France. A défaut, il y aurait, notamment, une rupture d'égalité de traitement.



Par dernières conclusions le SPAF demandait de :

- Dire que les pilotes d'Air France détachés à Transavia France pourront prendre connaissance via leurs boîtes mails individuelles professionnelles qui leur sont attribuées à titre de casiers, des tracts et publications syndicales que le Syndicat des pilotes d'Air France met à leur disposition dans la GED de Transavia France, ainsi que sur des présentoirs dédiés dans les locaux de Transavia France.

- Dire que les élus titulaires ou suppléants sur des listes du SPAF d'Air France, ainsi que les délégués syndicaux du SPAF d'Air France, auront accès aux locaux de Transavia France, pour déposer les publications et tracts syndicaux sur les présentoirs dédiés,

- Dire qu'en cas d'opposition de la société Air France et/ou de la société Transavia France, ces deux sociétés seront condamnées solidairement à une astreinte de 3.000 euros par infraction constatée,

- Dire que le tribunal se réservera de liquider l'astreinte,

- Condamner solidairement la société Air France et la société Transavia France à payer au SPAF la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et dire que Maître Laurent Parleani, avocat, bénéficierait des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- Ordonner l'exécution provisoire.



Par dernières conclusions, la société Air France demandait au tribunal de :

A titre principal,

Vu l'article 117 du Code de procédure civile et les statuts du SPAF et particulièrement son article 16-1,

- Constater que le SPAF ne produit pas la délibération spéciale prise par le Conseil Syndical Elargi d'engager l'action en justice,

- Constater que le SPAF ne justifie pas du pouvoir donné à son Président d'engager l'action;

- Dire irrégulière l'action engagée par le SPAF, et nulle son assignation ;

Vu l'article 788 alinéa 2 du Code de procédure civile,

- Dire irrecevables toutes demandes nouvelles par voie de conclusions du SPAF distinctes de celles présentées au terme de sa requête à jour fixe et de son assignation ;

A titre subsidiaire,

- Constater que la société Air France n'est pas concernée par les demandes du SPAF et la mettre hors de cause ;

- Dire et juger que la société Air France, entité juridique distincte, n'est pas habilitée juridiquement à autoriser ou à interdire un accès quelconque chez Transavia France ou un usage de ses outils de communication, et n'a pris aucun engagement contractuel ou conventionnel à cet égard ;

- Constater que les pilotes Air France détachés au sein de Transavia France ont accès à l'information des syndicats d'Air France chez Air France ;

- Dire le SPAF mal fondé en ses demandes et l'en débouter ;

A titre très subsidiaire,

- Dire que l'astreinte prononcée la première fois ne peut être que provisoire et limitée dans le temps ;

En tout état de cause,

- Débouter le SPAF de toutes ses demandes ;

- Le condamner à verser à la société Air France une indemnité de 2.000 euros pour procédure abusive sur le fondement des articles 1240 du Code civil, et 32-1 du Code de procédure civile,

- Ainsi qu'une indemnité de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Et le condamner en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Christine Sévère, avocat associée de l'AARPI Dentons Europe.



Par dernières conclusions, la société Transavia France demandait au tribunal de :

A titre principal,

- Dire irrecevables toutes conclusions du SPAF

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que le SPAF est mal fondé en ses demandes.

- L'en débouter.

En tout état de cause,

- Le condamner à payer à la société Transavia France la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Le condamner aux dépens pouvant être recouvrés par Maître Boulanger en application de l'article 699 du code de procédure civile.



Par jugement entrepris du 18 octobre 2018 le tribunal de grande instance de Bobigny a :



Rejeté la demande de mise hors de cause formulée par la société Air France ;

Déclaré irrecevable la demande formée par le Syndicat des pilotes d'Air France (SPAF) tendant à ce qu'il soit dit que les pilotes d'Air France détachés à Transavia France pourront prendre connaissance via leurs boîtes mails individuelles professionnelles qui leur sont attribuées à titre de casiers, des tracts et publications syndicales que le Syndicat des Pilotes d'Air France met à leur disposition dans la GED de Transavia France, ainsi que sur des présentoirs dédiés dans les locaux de Transavia France ;

Rejeté l'ensemble des autres demandes formées par le Syndicat des pilotes d'Air France (SPAF) ;

Rejeté la demande formée par la société Air France tendant à la condamnation du Syndicat des pilotes d'Air France (SPAF) pour procédure abusive ;

Condamné le Syndicat des pilotes d'Air France (SPAF) à payer à la société Air France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné le Syndicat des pilotes d'Air France (SPAF) à payer à la société Air France (sic) la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné le Syndicat des pilotes d'Air France (SPAF) aux dépens.




PRÉTENTIONS DES PARTIES



Vu l'appel interjeté le 22 novembre 2018 par le SPAF ;



Vu les dernières écritures signifiées le 5 avril 2019 par lesquelles le SPAF demande à la cour de :



Vu l'article 4 du Code de procédure civile

Vu l'article L.2132-3 du Code du Travail,

Vu le principe d'égalité de traitement en droit du travail,



Déclarer le SPAF recevable et bien fondé en son appel,

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Air France,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Air France de sa demande de condamnation du SPAF pour procédure abusive,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par le Syndicat des pilotes d'Air France (SPAF) tendant à ce qu'il soit dit que les pilotes d'Air France détachés à Transavia France pourront prendre connaissance via leurs boîtes mails individuelles professionnelles qui leur sont attribuées à titre de casiers, des tracts et publications syndicales que le SPAF met à leur disposition dans la GED de Transavia France, ainsi que sur des présentoirs dédiés dans les locaux de Transavia France ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des autres demandes formées par le SPAF ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné le SPAF à payer aux sociétés Air France et Transavia France, chacune, 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Et statuant à nouveau,

Dire que les pilotes d'Air France détachés à Transavia France pourront prendre connaissance via leurs boîtes mails individuelles professionnelles qui leur sont attribuées à titre de casiers, des tracts et publications syndicales que le SPAF met à leur disposition dans la GED de Transavia France, ainsi que sur des présentoirs dédiés dans les locaux de Transavia France, Dire que les élus titulaires ou suppléants sur des listes du SPAF d'Air France, ainsi que les délégués syndicaux du SPAF d'Air France, auront accès aux locaux de Transavia France, pour déposer les publications et tracts syndicaux sur les présentoirs dédiés,

Dire qu'en cas d'opposition de la SA Air France et/ou de Transavia France, ces deux sociétés seront condamnées solidairement à une astreinte de 3.000 euros par infraction constatée,

Dire que la Cour se réservera de liquider l'astreinte,

Condamner solidairement la SA Air France et la SAS Transavia France à payer au SPAF la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et dire que Maître Laurent Parleani, Avocat, bénéficiera des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Vu les dernières écritures signifiées le 4 avril 2019 au terme desquelles la société Air France demande à la cour de :



Vu le jugement dont appel du Tribunal de Grande Instance de Bobigny en date du 18 octobre 2018 (RG n°18/06550 Chambre 9/Section 1),

Vu l'article 788 alinéa 2 du Code de procédure civile,



A titre principal,

Confirmer le jugement et dire irrecevables toutes demandes nouvelles par voie de conclusions du Syndicat des pilotes d'Air France distinctes de celles présentées au terme de sa requête à jour fixe et de son assignation ;

Dire et juger que le Syndicat des pilotes d'Air France a bien modifié ses demandes et présenté des demandes nouvelles postérieurement à sa requête à jour fixe et à son assignation dans son intérêt propre en vue des élections de février 2019 au sein de la société Air France et non dans l'intérêt des pilotes ;

Le dire irrecevable ;

Vu le principe « Nul ne plaide par procureur »,

Dire et juger le Syndicat des pilotes d'Air France irrecevable à agir sur le fondement de

l'article L.2132-3 alinéa 2 du Code du travail et sur le fondement des articles L.1265-1 et 1262-1 du code du travail ;

Le dire irrecevable ;

Vu les élections professionnelles des CSE Air France du 11 mars 2019,

Dire et juger que l'action du Syndicat des pilotes d'Air France est désormais sans objet ;

A titre subsidiaire, infirmant le jugement,

Constater que la société Air France n'est pas concernée par les demandes du SPAF et la mettre hors de cause ;

En tout état de cause,

Vu les articles L.2141-9, L.2142-3 et suivants et L.2142-6 du Code du travail ;

Dire et juger que la société Air France, entité juridique distincte, n'est pas habilitée à autoriser ou à interdire un accès quelconque au sein de la société Transavia France ou un usage des outils de communication de la société Transavia France, et n'a pris aucun engagement contractuel ou conventionnel à cet égard ;

Constater que le SPAF est présent chez Air France mais ne fait pas partie des organisations

syndicales présentes dans l'entreprise Transavia France ;

Constater qu'il n'y a pas de présentoirs dédiés aux publications et tracts du SPAF Air France dans les locaux de la société Transavia France ;

Dire et juger que les élus sur les listes du SPAF d'Air France et les délégués syndicaux du SPAF d'Air France ne peuvent accéder aux locaux de la société Transavia France pour y déposer des publications et tracts sur des présentoirs ;

Constater que les pilotes d'Air France détachés au sein de la société Transavia France ont accès à l'information des syndicats d'Air France, dont le SPAF Air France, chez Air France;

En conséquence,

Dire le Syndicat des pilotes d'Air France mal fondé en ses demandes et l'en débouter ;

A titre très subsidiaire, dire que l'astreinte prononcée la première fois ne peut être que provisoire et limitée dans le temps ;

En tout état de cause,

Débouter le Syndicat des pilotes d'Air France de toutes ses demandes ;

Infirmant le jugement, condamner le Syndicat des pilotes d'Air France à verser à la société

Air France une indemnité de 4.000 euros pour procédure abusive sur le fondement des articles 1240 du Code civil, et 32-1 du Code de procédure civile ;

Ajoutant au jugement,

Ajouter à l'indemnité de 5.000 euros accordée par le Tribunal à la société Air France au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité de 8.000 euros sur ce même fondement et condamner le Syndicat des Pilotes d'Air France au paiement ;

Condamner le Syndicat des pilotes d'Air France en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Christine Sévère, avocat associée de l'AARPI Dentons Europe sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.



Vu les dernières écritures signifiées le 18 janvier 2019 par lesquelles la société Transavia France demande à la cour de :



Confirmer le jugement entrepris

Débouter le SPAF de ses demandes ;

Condamner le SPAF à payer à la société Transavia France la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner le SPAF aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Maître Herman dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.



Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont déposées et au jugement déféré.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la recevabilité de la demande principale du SPAF :



Ayant saisi le tribunal de grande instance de Bobigny selon la procédure à jour fixe, le SPAF se voit reprocher par la société Air France et la société Transavia France d'avoir modifié sa demande principale entre l'assignation et ses conclusions postérieures.



L'assignation délivrée le 28 mai 2018 visait ainsi à :



"Dire que le syndicat des pilotes d'Air France pourra déposer ses publications et tracts syndicaux dans les boîtes emails professionnelles individuelles des pilotes d'Air France détachés au sein de Transavia France qui leur sont attribués à titre de casier dans les locaux de Transavia France, et sur des présentoirs dédiés dans les locaux de Transavia France",



alors que, par ses conclusions du 21 juin 2018, il demandait au tribunal de :



"Dire que les pilotes d'Air France détachés à Transavia France pourront prendre connaissance via leurs boîtes emails individuelles professionnelles qui leur sont attribués à titre de casier, des tracts et publications syndicales du Syndicat des Pilotes d'Air France mis à leur disposition dans la GED de Transavia France, ainsi que sur des présentoirs dédiés dans les locaux de Transavia France."



Les intimées considèrent que la demande figurant dans l'assignation était formée au nom du SPAF, qu'elle a ensuite été changée et formulée au nom des pilotes, sans nécessité de répondre à leurs conclusions, et sans pouvoir prétendre valablement agir dans l'intérêt de la profession de pilote, puisque sa demande d'information syndicale ne vise que les pilotes qui sont détachés chez la société Transavia France.



Le SPAF se défend d'avoir modifié l'objet de sa demande et affirme en avoir seulement précisé les modalités, la reformulant en réponse aux conclusions des sociétés défenderesses qui l'auraient informé de ce que les salariés de la société Transavia France avaient accès à l'information syndicale via la GED (gestion électronique des documents). Il dit n'avoir agi que pour défendre l'intérêt collectif de la profession, sur le fondement de l'article L.2132-3 du code du travail, en l'espèce pour revendiquer une égalité de traitement entre pilotes.



Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la cour constate que l'objet de la demande du SPAF porte sur l'information syndicale des pilotes de la société Air France détachés auprès de la société Transavia France et que cet objet n'a pas varié entre l'assignation et les dernières conclusions du SPAF malgré son changement de libellé ; qu'il n'y a donc aucun désistement du SPAF quant à sa demande initiale ; que cette demande s'inscrit bien dans le cadre de la défense de l'intérêt collectif d'un groupe non nominatif de pilotes placé dans cette situation ; que la demande de prise de connaissance de l'information syndicale à partir de la GED est bien une reformulation de la demande initiale en réponse aux conclusions de la société Air France du 3 juillet 2018 qui indiquait que les syndicats ne pouvaient adresser directement des messages par emails aux salariés, mais devaient déposer leurs messages sur la GED, ensuite consultables par les salariés à leur initiative ; que la demande de diffusion de l'information syndicale sur des présentoirs dédiés chez la société Transavia France est, quant à elle, demeurée inchangée entre l'assignation et les dernières conclusions du SPAF ; que les prescriptions de l'article 788 du code de procédure civile relatives à l'intangibilité de l'objet de la demande à jour fixe ont donc été respectées.



Infirmant le jugement entrepris la cour déclarera ainsi recevable la demande du SPAF.



Sur la perte d'objet de la demande du SPAF :



Considérant que les élections professionnelles des comités sociaux et économiques d'Air France ont eu lieu le 11 mars 2019, la société Air France demande à la cour de dire l'action de le SPAF désormais sans objet.



Mais il ne ressort pas des termes de l'action intentée par le SPAF, en amont des élections professionnelles, que le droit à l'information syndicale se réduise à la seule organisation de celles-ci et il n'y a donc pas lieu de la dire sans objet, demande que la cour rejettera donc.



Sur la mise hors de cause de la société Air France :



Affirmant que les demandes du SPAF visent uniquement ses pilotes détachés chez la société Transavia France, société tierce, la société Air France demande sa mise hors de cause, considérant n'avoir aucun pouvoir pour accéder à ces demandes, n'avoir pris aucun engagement à cet effet dans l'accord de détachement, ni dans celui relatif à l'exercice du droit syndical.



Le premier juge a retenu la société Air France dans la cause car des demandes étaient formulées contre elle et qu'elle demeure l'employeur des pilotes détachés chez la société Transavia France.



Mais le fait de demander condamnation de la société Air France ne suffit pas à lui seul à la maintenir dans la cause et il apparaît clairement que bien que demeurant l'employeur des pilotes détachés chez la société Transavia France, entreprise appartenant au même groupe, la société Air France ne détient cependant aucun pouvoir pour contraindre cette dernière, société autonome, à procéder d'une manière quelconque à la diffusion d'une information syndicale en son sein, quels que soient les écrits qu'elle ait pu commettre à ce sujet.



Infirmant le jugement de ce chef, la cour mettra la société Air France hors de cause.



Sur la diffusion de l'information syndicale sollicitée par le SPAF :



Le tribunal a débouté le SPAF de sa demande relative à l'autorisation d'accès des élus titulaires ou suppléants sur des listes du SPAF d'Air France, ainsi que les délégués syndicaux du SPAF d'Air France, aux locaux de Transavia France, pour déposer les publications et tracts syndicaux sur les présentoirs dédiés, considérant qu'elle est la conséquence de la demande principale, déclarée irrecevable.



Le SPAF revendique cette même autorisation en cause d'appel, comme celle de prise de connaissance par les pilotes d'Air France détachés à Transavia France via leurs boîtes mails individuelles professionnelles qui leur sont attribuées à titre de casiers, des tracts et publications syndicales que le SPAF met à leur disposition dans la GED de Transavia France.



Mais les intimées rappellent à bon droit que l'affichage et la diffusion des informations syndicales s'opèrent dans le cadre des dispositions des articles L.2142-3 et suivants du code du travail, figurant à la section IV du chapitre II du titre IV du Livre premier de la Deuxième partie du code du travail, relative à la section syndicale, dispositions dont bénéficient, selon l'article L.2141-9 du même code, les seuls syndicats représentatifs dans l'entreprise.



Or, il est constant qu'à la différence du SNPL (Syndicat national des pilotes de ligne), le SPAF n'a pas constitué de section syndicale au sein de la société Transavia France, entreprise auprès de laquelle il ne revendique aucune représentativité.



Il est par ailleurs non contesté que les pilotes d'Air France détachés auprès de la société Transavia France ont, selon l'accord de détachement mis aux débats, un double lien contractuel avec la société Air France et la société Transavia France.



Si l'information syndicale est un droit légalement reconnu aux salariés, celui-ci s'exerce cependant dans le cadre légal et contractuel qui l'organise. En l'espèce, faute pour le SPAF d'avoir constitué une section syndicale au sein de la société Air France, il ne peut utilement revendiquer les prérogatives qui découlent de cette constitution et se verra donc débouté de ses demandes visant à organiser, sous astreinte, l'affichage et la diffusion des informations syndicales au sein de la société Transavia France.



Sur le caractère abusif de la procédure :



La société Air France forme une demande indemnitaire à hauteur de 4.000 euros à l'encontre de le SPAF pour procédure abusive.



L'article 32-1 du code de procédure civile édicte que : Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.



Le droit d'ester en justice ne trouve sa limite que dans l'abus fait de celui-ci, avec malice, mauvaise foi ou bien lorsqu'il résulte d'une erreur équipollente au dol.



En l'espèce, la société Air France ne caractérise pas de la part de le SPAF, qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits à revendiquer au profit des pilotes de cette société, détachés auprès de sa filiale, la société Transavia France, l'affichage et la diffusion des informations syndicales au sein de cette dernière et à leur destination, des agissements constitutifs d'un abus de droit.



La société Air France verra donc rejetée sa demande de dommages et intérêts formulée de ce chef, la cour confirmant le jugement sur ce point.



Sur l'article 700 du code de procédure civile :



Il est équitable de confirmer les sommes allouées par le tribunal sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à rectifier l'erreur matérielle du dispositif qui a accordé deux fois une indemnité de 5.000 euros à la société Air France, au lieu d'accorder, suivant en cela la motivation, 5.000 euros à la société Air France et 5.000 euros à la société Transavia France.



Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



Dit que le dispositif du jugement doit être rectifié en ce qu'il a condamné une deuxième fois le syndicat des pilotes d'Air France à payer à la société anonyme Air France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors que cette deuxième condamnation était au profit de la société par actions simplifiée Transavia France,



Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société anonyme Air France de sa demande indemnitaire au titre de la procédure abusive et a statué sur les frais de procédure, sous la réserve sus-énoncée, et les dépens de première instance,



Et statuant à nouveau,



Déclare recevable l'action du syndicat des pilotes d'Air France,



Dit que l'action du syndicat des pilotes d'Air France n'est pas sans objet,



Met hors de cause la société anonyme Air France,



Rejette les demandes du syndicat des pilotes d'Air France,



Et y ajoutant,



Rejette toutes autres demandes,



Condamne le syndicat des pilotes d'Air France aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.







LE GREFFIER LE PRESIDENT

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