6 août 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/22000

Pôle 5 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 06 AOÛT 2019



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :18/22000 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6QDQ



Décision déférée à la cour : Jugement du 02 Octobre 2018 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 201846700





APPELANTE



La société ALPHA PETROVISION HOLDING AG IN LIQUIDATION - APV, société en liquidation amiable, agissant poursuites et diligences en la personne de son liquidateur amiable domicilié en cette qualité audit siège,

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

ZURICH ( SUISSE )



Représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistée de Me Patricia LE MARCHAND, avocat au barreau de PARIS, toque : L0294







INTIMÉES



La SCP [Q], en la personne de Maître [S] [R], ès-qualités de mandataire judiciaire de la SAS IPSA HOLDING,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 347 907 685

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 3]



Représentée et assistée de Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719





La SAS IPSA HOLDING, agissant poursuites et diligences en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 538 889 502

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Gilles PODEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0112





La SCP CBF ASSOCIES, agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège, prise en la personne de Maître [E] [Y] ès-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société IPSA HOLDING,

Ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 3]



Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Gilles PODEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : K0112





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2019, en audience publique, devant la cour composée de :



Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère



qui en ont délibéré.



Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Madame Marie BOUNAIX





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présent lors de la mise à disposition.






*****



FAITS ET PROCÉDURE:





La SAS Ipsa Holding a été créée en 2012 aux fins d'acquérir le 22 mars 2012 les titres de la société Ipsa, qui se trouvaient alors détenus par ACG Private Equity, qui les avaient elle-même acquis le 9 septembre 2011 d'Alpha Petrovision Holding, moyennant le prix de 1 euro, assorti d'une clause de complément de prix (earnt-out) en fonction des résultats futurs réalisés par Ipsa au cours des exercices 2012 à 2014. Par avenant tripartite du

3 juillet 2012, Ipsa Holding s'est substituée dans les droits et obligations d'

AGC Private Equity.



Elle n'a qu'une activité de holding, son seul actif étant sa filiale à 100%, la SAS Ipsa, société de gestion de portefeuille agréée par l'AMF, qui gère des participations dans plusieurs FCPI et FCPR ayant vocation à être liquidés.



Par jugement du 9 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS Ipsa Holding, qui venait d'être condamnée, par le tribunal arbitral de Zurich le 23 décembre 2016, à payer à Alpha Petrovision Holding AG in liquidation (ci-après Alpha Petrovision Holding) une somme de 3.310.399,16 euros au titre notamment du complément de prix, cette décision n'ayant pas à la date de l'ouverture de la sauvegarde encore reçu l'exequatur.



La Selasu David Lacombe, auquel a succédé la Scp CBF associés, prise en la personne de Maître [Y], a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire avec une mission de surveillance, et la Scp [Q] comme mandataire judiciaire.



La période d'observation initiale de six mois a été renouvelée le 4 juillet 2017 pour une nouvelle période d'observation de 6 mois, puis le 23 janvier 2018, à la requête du ministère public pour à nouveau 6 mois, soit jusqu'au 9 juillet 2018.



Ipsa Holding a transmis un projet de plan le 1er juin 2018. La Scp [Q] a consulté les créanciers sur les propositions d'apurement du passif le 21 juin 2018. Le projet de plan a été examiné par le tribunal à l'audience du 18 septembre 2018.



Parallèlement, le 21 août 2018, la société Alpha Petrovision a déposé une requête aux fins de voir juger que le plan n'avait pas été présenté dans les délais utiles et ordonner la clôture de la procédure de sauvegarde. Cette requête a été examinée également à l'audience du 18 septembre 2018.



Par deux jugements du 2 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a:



- d'une part, arrêté le plan de sauvegarde d'une durée de 4 ans. Alpha Petrovision Holding a formé une tierce opposition à l'encontre de ce jugement, puis un appel à l'encontre du jugement ayant rejeté son recours. Cet appel, enregistré sous le n°19-02553, fait l'objet d'une instance parallèle.



- d'autre part, débouté Alpha Petrovision Holding de sa demande de clôture de la procédure de sauvegarde.



Alpha Petrovision Holding a relevé appel du jugement du 2 octobre 2018 ayant rejeté sa demande de clôture de la procédure de sauvegarde suivant déclaration du 10 octobre 2018. ( RG 18-22000). C'est l'objet de la présente instance.




Dans ses conclusions n°2, signifiées le 4 janvier 2019, Alpha Petrovision Holding demande à la cour,



- liminairement, de surseoir à statuer en l'attente du jugement à intervenir dans l'instance en tierce opposition formée à l'encontre du jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde,



- de la juger recevable en son appel,



- à titre principal, de constater que le plan de sauvegarde a été arrêté avant qu'il ne soit statué sur sa requête aux fins de clôture de la procédure de sauvegarde, et après l'expiration de la période maximale d'observation, en conséquence, juger que le tribunal a excédé ses pouvoirs, annuler le jugement, et statuant à nouveau, dire qu'Ipsa Holding n'a pas présenté de plan de sauvegarde en temps utile et prononcer la clôture de la procédure de sauvegarde,



- subsidiairement, constater qu'Ipsa Holding n'a pas présenté son plan avant l'expiration de la période d'observation, que le mandataire judiciaire n'a pas consulté les créanciers dans un délai lui permettant de recueillir leur accord avant la fin de la période d'observation, en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a dit recevable la requête d'Alpha Petrovision Holding, l'infirmer en ce qu'il l'a dite mal fondée, l'a condamnée à 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, statuant à nouveau, dire qu'

Ipsa Holding n'a pas présenté de plan de sauvegarde en temps utile et prononcer la clôture de la procédure de sauvegarde,



- en tout état de cause, de condamner Ipsa Holding à lui payer 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.





Dans ses conclusions n°3 signifiées le 29 mars 2019, Ipsa Holding et la Scp

Caviglioli-Baron-Fourquie Associés, prise en la personne de Maître [Y], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde demande à la cour, à titre principal, de dire irrecevables la demande de sursis à statuer, l'appel, ainsi que les prétentions d'Alpha Petrovision Holding, subsidiairement, rejeter la demande de sursis, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, en tout état de cause, débouter

Alpha Petrovision Holding de l'intégralité de ses prétentions et la condamner à payer à

Ipsa Holding 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



Dans ses conclusions n°2, signifiées le 19 mars 2019, la Scp [Q], prise en la personne de Maître [R], ès qualités de mandataire judiciaire

d'Ipsa Holding, demande à la cour de dire irrecevable et sans objet la demande de sursis à statuer, juger irrecevable l'appel réformation, dire que le tribunal n'a commis aucun excès de pouvoir en rejetant la demande de clôture de la procédure de sauvegarde, juger en conséquence irrecevable l'appel aux fins d'annulation du jugement, subsidiairement, dire l'appel mal fondé, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et condamner Alpha Petrovision Holding à lui payer, ès qualités, 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



Le dossier a été visé le 29 octobre 2018 par le ministère public, qui n'a pas fait valoir d'observations.



En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyés aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes et moyens.






SUR CE



La demande de sursis à statuer en l'attente du jugement du tribunal de commerce à intervenir sur la tierce opposition formée à l'encontre du jugement arrêtant le plan de sauvegarde est devenue sans objet, le tribunal ayant rejeté ce recours le 29 janvier 2019.



- Sur la recevabilité de l'appel



Pour soutenir que l'appel est irrecevable, Ipsa Holding et le commissaire à l'exécution du plan arguent du défaut d'intérêt à agir de l'appelante dès lors qu'un plan a été adopté, de ce que la décision de clôturer ou non la procédure de sauvegarde est une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours même en cas d'excès de pouvoir et de ce que l'article L 661-6, I du code de commerce réserve au ministère public les appels de jugements relatifs à la durée de la période d'observation.



La Scp [Q], ès qualités, soulève également l'irrecevabilité de l'appel, au motif que l'article L 661-1 du code de commerce définit restrictivement les décisions susceptibles d'appel, parmi lesquelles ne figurent pas celles statuant sur la clôture de la procédure de sauvegarde.



Alpha Petrovision Holding soutient au contraire que la décision est bien susceptible d'appel, peu important que les articles L 661-1 et suivants du code de commerce ne visent pas ce type de jugement, dès lors qu'en application de l'article R662-1 du même code les règles de la procédure civile s'appliquent en matière de procédure collective, s'il n'en est pas disposé autrement, que juger le contraire revient à remettre en cause le principe général du double degré de juridiction. Elle ajoute qu'elle a bien intérêt à relever appel du jugement qui n'a pas fait droit à sa requête et que le jugement ayant arrêté le plan de sauvegarde ne lui a aucunement fait perdre cet intérêt à agir.



Il résulte de l'article R 626-18 alinéa 2 du code de commerce que lorsqu'il n'est pas présenté de plan de sauvegarde en temps utile, le tribunal peut être saisi aux fins de clôture de la procédure notamment par tout créancier. La circonstance qu'un plan a été déposé avant le dépôt de la requête aux fins de clôture de la sauvegarde ne rendait pas le créancier Alpha Petrovision Holding irrecevable à déposer une telle requête, qui précisément contestait que ce dépôt soit intervenu en temps utile.



Les décisions rendues en matière de procédure collective, qui ne sont pas visées aux articles L 661-1 à L 661-7 du code de commerce, peuvent faire l'objet d'un appel selon les règles de droit commun, dès lors qu'aucune disposition expresse, légale ou réglementaire ne les écarte.



L'article L 661-1, I du code de commerce évoque différents types de décisions propres aux procédures collectives, susceptibles d'appel ou de pourvoi parmi lesquelles ne figurent pas les décisions relatives à la clôture de la procédure de sauvegarde. Pour autant, ni cet article, ni les suivants n'excluent le droit d'appel à l'encontre d'un jugement ayant rejeté une requête aux fins de clôture de la sauvegarde.



L'article L 661-6, I, qui précise les personnes auxquelles le droit d'appel est réservé pour certaines décisions, ne vise pas davantage l'appel des jugements statuant sur la clôture de la procédure. Le 2° de cet article qui réserve au ministère public l'appel des jugements statuant sur la durée de la période d'observation, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, dès lors ce ne sont pas les jugements ayant prolongé la période d'observation qui sont l'objet du litige, mais la clôture de la procédure pour absence de présentation d'un plan dans le délai utile.



Contrairement à ce que soutient Ipsa Holding, la décision rejetant la requête d'un créancier aux fins de clôture de la sauvegarde, et partant, qui se prononce sur le dépôt en temps utile d'un plan, ne constitue pas une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.



En l'absence de dispositions spécifiques contraires, le jugement statuant sur la requête aux fins de clôture de la procédure de sauvegarde est susceptible d'appel.

Alpha Petrovision Holding, partie requérante en première instance, ayant vu rejeter sa demande de clôture de la procédure, dispose bien d'un intérêt à relever appel de cette décision, quand bien même un jugement arrêtant le plan de sauvegarde a été rendu parallèlement, cette décision ayant fait l'objet d'une tierce opposition de la part de

Alpha Petrovision Holding, puis d'un appel.



Il s'ensuit que l'appel de Alpha Petrovision Holding sera jugé recevable.

Dès lors qu'un recours est ouvert, l'appel nullité n'est pas recevable.



- Sur le fond



Alpha Petrovision Holding fait valoir qu'en dépit de la longueur de la période d'observation, Ipsa Holding n'a pas présenté de plan en délai utile, compte tenu du délai de 30 jours accordé aux créanciers pour faire connaître leur avis sur le projet de plan, que le tribunal ne pouvait arrêter le plan de sauvegarde après l'expiration de la période d'observation, sans commettre d'excès de pouvoir au regard de l'article R626-18 alinéa 1er du code de commerce.



Les intimés répliquent que le plan a bien été déposé et les intéressés convoqués avant l'expiration de la période d'observation, que le dépassement de la durée de la période d'observation n'étant pas sanctionné par les textes, il ne peut être jugé que le plan n'aurait pas été déposé en temps utile, du fait que le jugement est intervenu après l'expiration de la période d'observation.



L'article R626-17 du code de commerce, dispose que dès le dépôt au greffe du projet de plan par le débiteur, le greffier convoque, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le débiteur, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel et les contrôleurs. Le ministère public, l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire sont avisés de la date de l'audience.



Aux termes de l'article R 626-18 du même code, 'le tribunal statue avant l'expiration des délais prévus à l'article L 621-3. Lorsqu'il n'est pas présenté de plan en temps utile, le tribunal peut être saisi aux fins de clôture de la procédure par le ministère public, par tout créancier ou par les mandataires judiciaires. Il statue, le débiteur ayant été entendu ou appelé.'



La période d'observation expirait le 9 juillet 2018. Il résulte des éléments au débat, que suite au dépôt du plan au tribunal, le 7 juin 2018, le greffier, conformément à l'article R626-17 du code de commerce, a dès le 8 juin 2018 convoqué les intéressés pour l'audience du 18 septembre suivant. Ainsi, le plan a été déposé plus d'un mois avant l'expiration de la période d'observation, soit ' en temps utile' au sens de l'article

R626-18 alinéa 2 du code de commerce, les délais de circularisation du plan par le mandataire judiciaire et d'audiencement par le tribunal ne pouvant être imputés à

Ipsa Holding.



Dès lors que le plan a bien été présenté en temps utile, le tribunal a exactement jugé que la demande de clôture de la procédure pour défaut de présentation d'un plan n'était pas fondée, peu important que la décision du tribunal sur le plan soit intervenue après la fin de la période d'observation. Le moyen selon lequel le tribunal a commis un excès de pouvoir en arrêtant le plan après la période d'observation ne concerne au demeurant que le jugement arrêtant le plan et non celui dont appel.



En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.



- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Alpha Petrovision Holding partie perdante supportera les dépens de première instance et d'appel. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Alpha Petrovision au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Alpha Petrovision Holding sera condamnée au titre des frais irrépétibles exposés en appel à verser 1.500 euros à Ipsa Holding et 1.500 euros au mandataire judiciaire, ès qualités.





PAR CES MOTIFS



Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,



Dit l'appel recevable,



Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Déboute la société Alpha Petrovision Holding AG in liquidation de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la société Alpha Petrovision Holding AG in liquidation à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, 1.500 euros à Ipsa Holding et 1.500 euros à la Scp [Q], ès qualités,



Condamne la société Alpha Petrovision Holding AG in liquidation aux entiers dépens











La greffière,









Liselotte FENOUIL



La présidente,









Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

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