12 septembre 2019
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 16/02822

Chambre Commerciale

Texte de la décision

N° RG 16/02822 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IRFU





MPB



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL CDMF AVOCATS



la SCP CHAPUIS CHANTELOVE GUILLET-LHOMAT



la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2019







Appel d'un jugement (N° RG 10/05532)

rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE

en date du 26 mai 2016, suivant déclaration d'appel du 10 Juin 2016





APPELANTE :



SAS SIMCAD

S.A.S. au capital de 5 008 000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de ROMANS sous le n° 378.336.143, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 8]

[Localité 2]



Représentée par Me Jean-luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE







INTIMÉS :



Monsieur [N] [A]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 3]





SARL CABINET [M] & [A]

S.A.R.L au capital de 50000 € immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° B 424 195 477 dont le siège social est Cabinet d'Expertise Comptable, prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 3]





SARL CABINET [N] [A]

S.A.R.L au capital de 12000.00 € immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 448.673.137 prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 3]



Représentés par Me Roselyne CHANTELOVE de la SCP CHAPUIS CHANTELOVE GUILLET-LHOMAT, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Me NABETH, avocat au barreau de PARIS, plaidant













SARL CECIE

Cabinet d'Expertise Comptable de l'Isère,

SARL au capital de 45735 €, immatriculée au RCS de Grenoble sous le numéro B 330 138 975, agissant par son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Anne EYANGO, avocat au barreau de GRENOBLE





COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Président de chambre,

Madame Fabienne PAGES, Conseiller,

Madame Marie Pascale BLANCHARD, Conseiller,



Assistées lors des débats de Monsieur Frédéric STICKER, Greffier.





DÉBATS :



A l'audience publique du 06 Juin 2019



Madame BLANCHARD, conseiller, a été entendue en son rapport,




Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,



Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,



------0------



Par acte sous seing privé du 30 janvier 2008, la SAS SIMCAD a fait l'acquisition moyennant un prix global de 1.200.000 €, de la totalité des actions détenues par les consorts [P] de la SAS AGENCE IMMOBILIERE [P] exploitant une activité principale de transaction immobilière et de la SAS ID GESTION dont l'objet principal est la gestion immobilière, cette dernière détenant la totalité du capital social d'une SCI IDG.



Les comptes annuels de ces sociétés au titre de l'exercice clos le 30 juin 2007 pour la SAS AGENCE IMMOBILIERE [P], clos le 30 septembre 2007 pour la SAS ID GESTION et clos le 31 décembre 2007 pour la SCI IDG ont été révisés et présentés par le cabinet d'expertise comptable SARL CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE DE L'ISERE - CECIE (la SARL CECIE) et approuvés par l'assemblée générale annuelle des associés.



En vue de cette cession, les associés ont également décidé la transformation de leur forme sociale de SARL en SAS et désigné M [N] [A] en qualité de commissaire à la transformation, qui a établi deux rapports le 26 décembre 2007.



Se prévalant d'anomalies comptables découvertes en 2008 et par acte d'huissier du 23 novembre 2010, la SAS SIMCAD a fait assigner la SARL CABINET [M] & [A], la SARL CABINET [N] [A] et la SARL CECIE devant le tribunal de grande instance de Grenoble

Elle a également fait assigner M [N] [A], commissaire aux comptes, par acte d'huissier du 2 mars 2012.



Par jugement du 26 mai 2016, le tribunal de grande instance de Grenoble a:

- déclaré irrecevable l'action de la SAS SIMCAD à l'encontre de la SARL CABINET [M] & [A] et de la SARL CABINET [N] [A] ;

- déclaré prescrite l'action de la SAS SIMCAD à l'égard de M [N] [A] ;

- rejeté toutes les demandes de la SAS SIMCAD à l'encontre de la SARL CECIE ;

- condamné la SAS SIMCAD à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2.000 € à la SARL CECIE et de 1.000 € chacun à M [N] [A], à la SARL CABINET [M] & [A] et à la SARL CABINET [N] [A] ;

- condamné la SAS SIMCAD aux entiers dépens lesquels seront distraits au profit de la SELARL DELAFON, LIGAS RAYMOND, PETIT, FAVET.





Par déclaration au greffe du 10 juin 2016, la SAS SIMCAD a relevé appel de cette décision.





Au terme de ses conclusions n°2 notifiées le 15 février 2017, la société SIMCAD demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que l'action à l'encontre du commissaire à la transformation se prescrit par 5 ans et non 3 ans ;

- dire et juger recevable l'action engagée par la société SIMCAD ;

- dire et juger qu'en établissant un bilan erroné tant sur le chiffre d'affaires que sur les charges, la SARL CECIE a commis une faute engageant sa responsabilité ;

- dire et juger qu'en certifiant de la continuité de l'exploitation en reposant sa démonstration sur des éléments de comptabilité erronés, le commissaire à la transformation a commis une faute engageant également sa propre responsabilité ;

- condamner, in solidum, la S.A.R.L. CABINET [M] & [A], la S.AR.L. CABINET [N] [A], M [N] [A] et la S.A.R.L. CECIE à payer à la société SIMCAD S.A.S., la somme de 481 178 € outre intérêts au taux légal à compter du 27 Juillet 2009 ;

- condamner les mêmes, in solidum, à payer à la société SIMCAD, la somme de 15 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum, la S.A.R.L. CABINET [M] & [A], la S.AR.L. CABINET [N] [A], M [N] [A] et la S.A.R.L. CECIE aux entiers dépens.



La société SIMCAD soutient que son action en responsabilité à l'encontre du commissaire à la transformation est soumise au délai de prescription de droit commun de 5 ans et non de 3 ans, comme retenu à tort par les premiers juges, délai qui n'a commencé à courir qu'à partir du jour où elle a eu connaissance du dommage, soit le 22 avril 2009, date à laquelle elle en a été informé par courrier de l'expert amiable [X].



Elle relève que le rapport de M [A] en sa qualité de commissaire à la transformation a été établi sur papier à entête de sa société d'expertise comptable, engageant la responsabilité de cette dernière dont l'assignation a interrompu le délai à l'égard de M [A].









A l'encontre du cabinet comptable CECIE, la société SIMCAD se prévaut des conclusions du rapport de l'expert judiciaire [B] qui a considéré que':

- la comptabilisation des produits n'avait pas été faite conformément aux règles comptables (pb de comptabilisation en produit de commissions sur des compromis qui n'ont pas donné lieu à des ventes fermes, sans annulation ultérieure)

- des charges et rétrocessions n'ont pas été provisionnées (factures d'agents commerciaux non intégrées au bilan)

- il existait des insuffisances dans la présentation des comptes et dans la qualité de leur audit'.



A l'égard du commissaire à la transformation, elle rappelle que sa prestation n'est pas de certifier les comptes, mais d'apprécier la valeur des biens composant l'actif social et les avantages particuliers et d'attester que le montant des capitaux est au moins égal au capital social ; que le régime de responsabilité découlant de ces missions est différent.



Elle fait valoir que':

- 'd'une part, le rapport à la transformation présente des comptes erronés, notamment un chiffre d'affaires surestimé et des charges incomplètes ce qui conduit à fausser le résultat d'exploitation ;

- d'autre part, l'avis du commissaire aux comptes sur la continuité d'exploitation est contraire à la réalité.



Elle considère que les fautes commises par les deux professionnels du chiffre ont conduit à une valorisation des deux sociétés en fonction du chiffre d'affaires de l'année 2006 erroné et ont généré un préjudice définitif de 481.178 euros tel que déterminé par l'expert judiciaire.



Elle conteste que ce préjudice soit constitué d'une simple perte de chance et qu'elle en ait été indemnisée au titre de la garantie de passif sollicitée de ses cédants.





Suivant leurs conclusions n°2 notifiées le 18 avril 2017, les sociétés CABINET [M] & [A], CABINET [N] [A] et M [N] [A] entendent voir :

- à titre principal :

- confirmer le jugement entrepris,

- dire et juger irrecevable l'action engagée par la société SIMCAD à l'encontre des sociétés CABINET [M] & [A] et CABINET [N] [A], ainsi qu'à l'encontre de M [N] [A],

- débouter la société SIMCAD de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à leur encontre ;

- à titre subsidiaire :

- dire et juger que la société SIMCAD ne rapporte pas la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité à l'encontre des sociétés CABINET [M] & [A] et CABINET [N] [A], ainsi qu'à l'encontre de M [N] [A],

- débouter la société SIMCAD de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à leur encontre ;

- en tout état de cause :

- condamner la société SIMCAD à payer à chacun des concluants la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi que les entiers dépens de l'instance.



Les sociétés CABINET [M] & [A] et CABINET [N] [A] soutiennent que l'action est irrecevable à leur encontre en raison de leur défaut de qualité pour défendre, contestant toute qualité de commissaire aux comptes, seul M [A] ayant à titre personnel cette



qualité et ayant pu à ce titre intervenir en qualité de commissaire à la transformation pour établir les rapports critiqués, la circonstance que ces documents aient été imprimés sur du papier à en-tête du CABINET [M] & [A] étant inopérante, M [A] en étant par ailleurs le seul signataire.



M [N] [A] se prévaut de la prescription de l'action dirigée à son encontre, le délai pour agir résultant de la combinaison des articles L. 822-18 et L. 225-254 du code de commerce étant de 3 ans à compter du fait dommageable ou de sa révélation s'il a été dissimulé, étant applicable à toutes les interventions légales de contrôle d'un commissaire aux comptes et ayant expiré le 27 décembre 2010.

Il considère qu'en l'absence de démonstration d'une dissimulation du fait dommageable, la société SINCAD ne peut se prévaloir d'aucun report du point de départ de cette prescription et qu'il n'existe en l'espèce aucune cause d'interruption.



M [A] soutient qu'en sa qualité de commissaire à la transformation, il était tenu d'analyser la situation de la société par rapport à des critères d'ordre financier et d'exploitation, de vérifier sa solvabilité et de déterminer l'éventuelle existence d'éléments de nature à compromettre la continuité de l'exploitation ; que cette mission n'incluait ni le contrôle, ni la certification des comptes et plus particulièrement du montant du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation et qu'il n'était débiteur que d'une obligation de moyen.

Il souligne que pour mener à bien sa mission de commissaire à la transformation, il a été amené à s'appuyer sur les travaux de l'expert-comptable et considère n'avoir commis aucun manquement au titre de la mission limitée qui lui avait été confiée.

Il considère que les griefs soulevés par la société SIMCAD ne concernent pas son second rapport sur l'actif social et les avantages particuliers.



M [A] fait valoir que le préjudice invoqué par la société SIMCAD correspond à une réduction du prix de cession qui n'est pas indemnisable et que le quantum de sa réclamation se fonde sur des éléments inexploitables, s'agissant de rapports aux conclusions divergentes.



Enfin, il conteste le lien de causalité entre les fautes reprochées et le préjudice dès lors qu'il n'est pas démontré que les charges non comptabilisées et le niveau des fonds propres des deux sociétés cédées ont été un élément déterminant de la fixation de leur prix de cession, la méthode de valorisation retenue par les parties étant, selon les termes du protocole de cession, uniquement fondée sur le montant des honoraires facturés par les sociétés.





Par conclusions notifiées le 10 octobre 2016, la société CECIE demande à la cour de :

- dire et juger que la société SIMCAD ne fait pas la démonstration de la commission de manquements de la SARL CECIE ni d'un lien de causalité entre les dits manquements et le préjudice subi, qui n'est en outre également nullement démontré ;

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- condamner la société SIMCAD à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL LIGAS-RAYMOND [I] sur son affirmation de droit.



La société CECIE conteste la pertinence de l'avis du cabinet comptable [X] et des conclusions de l'expert judiciaire, relevant que le premier n'a pas été établi de manière contradictoire, qu'elle n'a pas été partie à







l'expertise judiciaire et que la mission confiée à M [B] était de rechercher l'existence de tout supplément de passif ou de toute insuffisance d'actif non révélés dans les comptes susceptibles de mobiliser la garantie de passif souscrite par les consorts [P].



Elle conteste que les documents annexés au rapport de synthèse du cabinet [X] soient de nature à expliquer le calcul des anomalies relevées par ce dernier concernant les charges salariales et les commissions non provisionnées, comme à justifier le grief d'absence de provisions suffisantes au titre des rétrocessions sur chiffre d'affaires entre la société IMMOBILIÈRE [P] et la société ID GESTION.



Elle soutient que la comptabilité de la société IMMOBILIÈRE [P] a toujours été établie en comptabilisant les produits et commissions sur ventes dès les compromis et non les actes définitifs, les annulations s'opérant par compensation de fait d'un exercice sur l'autre qu'il n'y a donc aucune volonté de dissimulation, ni man'uvre destinée à gonfler artificiellement le chiffre d'affaires de l'exercice 2007 en vue de la cession.



Elle rappelle que la mission comptable qui lui était confiée se limitait à la révision des comptes, que n'ayant pas participé aux opérations de cession des parts sociales, elle n'a pas été en mesure d'informer le cessionnaire de la méthode comptable habituellement utilisée.



Elle considère qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les manquements reprochés et le préjudice invoqué et à ce titre, elle relève d'une part que la société SIMCAD se prévaut d'erreurs comptables au titre de l'exercice 2007 alors que le protocole de cession du 30 janvier 2008 vise les honoraires de l'exercice 2006 au titre de la méthode de valorisation des sociétés utilisée pour déterminer le prix de cession; d'autre part que cette méthode de valorisation retenue par les parties était exclusivement fondée sur le montant des honoraires facturés.

Elle estime qu'il n'est apporté la preuve ni de l'existence, ni de l'évaluation du préjudice et fait valoir que la société SIMCAD a déjà été indemnisée par le jeu de la garantie de passif à laquelle s'étaient obligés M [G] [P], Mme [V] [P] et M [D] [P].





La clôture de la procédure est intervenue le 21 février 2019.






MOTIFS DE LA DECISION :





1°) sur la recevabilité de l'action à l'encontre des sociétés CABINET [M] & [A] et CABINET [N] [A] :



La société SIMCAD recherche la responsabilité du commissaire à la transformation dans l'exécution de ses missions définies par les articles L.223-43 et L.224-3 du code de commerce à l'occasion de la transformation en sociétés anonymes des SARL ID GESTION et AGENCE IMMOBILIERE [P].



Les procès verbaux des assemblées générales de ces deux sociétés tenues le 31 octobre 2007 font tous deux état de la désignation de M [N] [A], commissaire aux comptes et associé du CABINET [M] & [A], en qualité de commissaire à la transformation.









Ce ne sont donc pas les sociétés CABINET [M] & [A] et CABINET [N] [A], au demeurant dépourvues de la qualité de commissaire aux comptes, qui se sont vues confier les missions d'établir le rapport sur la situation de chacune des sociétés et d'apprécier la valeur des biens composant leur actif social et les avantages particuliers pouvant exister au profit d'associés ou de tiers.



En conséquence, seul M [A], personne physique, a pu engager sa responsabilité personnelle dans l'exécution de ces missions.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en responsabilité engagée par la société SIMCAD à l'encontre des sociétés CABINET [M] & [A] et CABINET [N] [A].





2°) sur la recevabilité de l'action à l'encontre de M [N] [A] :



L'article L.822-18 du code de commerce dispose que les actions en responsabilité contre les commissaires aux comptes se prescrivent dans le délai de 3 ans prévu à l'article L.225-254 du même code, à compter du fait dommageable ou de sa révélation, s'il a été dissimulé.



C'est en sa qualité de commissaire aux comptes que M [N] [A] a été désigné commissaire à la transformation pour remplir les missions obligatoires de contrôle prévues par les articles L.223-43 et L.224-3 du code de commerce.



Le régime dérogatoire de la prescription triennale devant s'appliquer à l'action en responsabilité engagée à l'encontre des commissaires aux comptes à l'occasion de toute mission légale de contrôle et la société SEMCAD se fondant sur le caractère erroné des éléments chiffrés figurant dans les rapports établis par M [A], son action devait être introduite dans le délai de trois ans à compter du fait dommageable que constitue la rédaction des rapports le 26 décembre 2007, sans que la société SIMCAD puisse prétendre à un report du point de départ de la prescription en l'absence de dissimulation démontrée du fait dommageable.



Or, M [A] n'a été assigné que le 2 mars 2012 et l'assignation précédemment délivrée le 23 novembre 2010 aux sociétés CABINET [M] & [A] et CABINET [N] [A] n'a pu avoir aucun effet interruptif de la prescription à son égard.



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite l'action dirigée à l'encontre de M [N] [A].





3°) sur la responsabilité de la société CECIE :



Suivant lettres de mission des 3 et 19 décembre 2002, la société d'expertise comptable CECIE s'est vue confier une mission de révision et de présentation des comptes annuels, ainsi que l'établissement des déclarations fiscales correspondantes pour les sociétés ID GESTION et AGENCE IMMOBILIÈRE [P].



La société SIMCAD reproche à la société CECIE l'établissement de comptes non conformes aux règles comptables au titre du dernier exercice clos au 30 juin 2007 pour la société AGENCE IMMOBILIÈRE [P], et au 30 septembre 2007 pour la société IDG, notamment, en intégrant au chiffre d'affaires, les commissions au titre de compromis ultérieurement annulés, et en omettant de provisionner des charges et rétrocessions sur le chiffre d'affaires.



Si les conclusions de M [X], expert comptable missionné par la société SIMCAD, n'ont pas été établi au contradictoire de la société CECIE et si cette dernière n'a pas non plus été partie à l'expertise judiciaire confiée à M [B], les constatations et avis de l'un comme de l'autre, lui sont néanmoins opposables pour avoir été régulièrement versés aux débats et ainsi soumis à sa contradiction, ce d'autant qu'elle a assisté les consorts [P] dans les opérations d'expertise de M [B].



Dans une synthèse très succincte, M [X] a chiffré le montant des charges non provisionnées au bilan de la société AGENCE IMMOBILIÈRE [P] à la somme de 863.157,36 €.

Pour sa part, l'expert [B] a constaté dans les comptes annuels de cette société arrêtés au 30 juin 2007, que des commissions sur ventes avaient été comptabilisées avant la date d'arrêté des comptes, dès la signature des compromis alors que conformément aux normes professionnelles, elles auraient du l'être après la levée des conditions suspensives et que ces compromis avaient été annulés postérieurement ; que par ailleurs, des coûts (salaires,commissions, factures d'agents commerciaux) liés à ces produits, n'étaient pas toujours comptabilisés au moins sous forme de provisions, que des factures d'honoraires de transaction de la société ID GESTION également relatives à ces produits, comptabilisées sur l'exercice 2007/2008, avaient fait l'objet d'une provision insuffisante au 30 juin 2007.

Concernant la société ID GESTION, l'expert [B] a également relevé des postes de charges non provisionnés à l'arrêté des comptes au 30 septembre 2007 ainsi que des produits non comptabilisés à cette date alors qu'ils correspondaient à des ventes antérieures.

L'expert a tiré le constat d'une surévaluation des produits et une minoration des charges affectant le résultat de l'exercice pour la société AGENCE IMMOBILIÈRE [P] et à l'inverse d'une minoration des produits et d'une majoration des charges pour la société ID GESTION.

Il a chiffré le solde total des régularisations opérées à la somme de 481.178 euros.

Par ailleurs, l'expert [B] a conclu à une mauvaise tenue des comptes, leur absence de fiabilité, le non respect des règles comptables et une grande insuffisance du travail de révision de ces comptes.



Selon les termes des lettres de mission, la société CECIE s'était engagée à assurer la révision des comptes et avait la charge et la responsabilité d'attester de leur régularité et de leur sincérité, notamment en vérifiant leur cohérence et le respect des règles comptables.

Comme elle le reconnaît dans ses propres écritures et ainsi que cela transparaît du rapport de l'expert, la société CECIE avait connaissance de la comptabilisation irrégulière des commissions sur vente. Or, elle n'a pas émis de réserves dans l'approbation des comptes alors qu'elle ne pouvait se contenter d'entériner les opérations effectuées par le service comptable de ses clientes.



Il résulte des constatations de l'expert [B] que la société CECIE a manqué à ses obligations et commis une faute en établissant et certifiant des comptes de résultat dont elle connaissait les irrégularités.



Contrairement à ce que prétend la société SIMCAD, qui ne s'explique guère sur la nature du préjudice allégué, celui ci ne peut correspondre aux régularisations comptables opérées par l'expert, puisqu'il s'agit de charges et de produits affectant les patrimoines des sociétés AGENCE IMMOBILIÈRE [P] et ID GESTION, distincts du sien.

Ainsi, les charges non provisionnées sont demeurées des dettes propres aux sociétés dont elle a pris le contrôle par l'acquisition des parts sociales, qui ont été payées par ces dernières et non par elle, comme elle le soutient.







La cour relèvera par ailleurs que la société SIMCAD a mis en oeuvre la garantie de passif et d'actif consentie par les consorts [P] à hauteur

de 280.000 euros, que c'est dans le cadre de cette garantie que l'expertise de M [B] a été diligentée et que la société SIMCAD ne fournit aucune indication sur les suites de cette garantie.



Ces régularisations comptables ne peuvent avoir affecté le propre patrimoine de la société SIMCAD qu'en ce qu'elles amoindrissent la valeur des sociétés concernées et donc de leurs parts sociales. Or, l'analyse de l'expert n'a nullement porté sur ce point. Si le préjudice peut résulter de la majoration du prix de cession fixé sur une valorisation erronée des sociétés dès lors qu'elle a été calculée sur les chiffres d'affaires de chacune d'elles, il résulte du protocole d'acquisition du 30 janvier 2008 que la valorisation des sociétés du groupe [P] a été déterminée sur les chiffres d'affaires réalisés au titre de l'exercice clos en 2006 et non celui clos en juin et septembre 2007, dont seuls les comptes sont critiqués et ont été examinés par l'expert [B].



En conséquence, les éléments produits par la société SIMCAD sont insuffisants à établir l'existence et le montant du préjudice qu'elle allègue à l'encontre de la société CECIE et le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses prétentions indemnitaires.





PAR CES MOTIFS':



La Cour



Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,



CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble en date du 26 mai 2016 en toutes ses dispositions';



Y ajoutant';



CONDAMNE la SAS SIMCAD à verser au titre de l'instance d'appel la somme complémentaire de 1000 euros à la SARL CECIE et celle de 1000 euros indivisément à M [N] [A], à la SARL CABINET [M] & [A] et à la SARL CABINET [N] [A], ce en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la SAS SIMCAD aux entiers dépens de l'instance d'appel et autorise la SELARL [F], [S], [I], [L] à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance.





SIGNE par Madame BLANCHARD, Conseiller, pour le Président empêché et par Monsieur STICKER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le GreffierLe Président

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