12 septembre 2019
Cour d'appel de Versailles
RG n° 18/01097

3e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 57B



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 SEPTEMBRE 2019



N° RG 18/01097 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SFZQ



AFFAIRE :



Société d'assurance mutuelle à cotisations fixes MMA IARD Assurances Mutuelles



C/

[K] [U]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 14/12013



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS



Me Rémi BAROUSSE de la SELASU TISIAS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



1/ Société d'assurance mutuelle à cotisations fixes MMA IARD Assurances Mutuelles

N° SIRET : 775 652 126

[Adresse 1]

[Adresse 1]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



2/ SA MMA IARD

N° SIRET : 440 048 882

[Adresse 1]

[Adresse 1]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



venant aux droits de la SA COVEA RISKS suite à une décision de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution du 22 octobre 2015 portant approbation de transferts partiels et de transferts par voie de fusion-absorption de portefeuilles de contrats de sociétés d'assurances



Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 019657

Représentant : Me Delphine MABEAU, Plaidant, avocat substituant Me Matthieu PATRIMONIO de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0133



APPELANTES





****************





Madame [K] [U]

née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Rémi BAROUSSE de la SELASU TISIAS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2156





INTIMEE

****************







Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Juin 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,






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FAITS ET PROCEDURE



Afin de bénéficier d'une réduction d'impôts sur le revenu dans le cadre du dispositif fiscal Girardin industriel, Mme [U] a souscrit à un projet monté par la société Diane pour un investissement dans des centrales photovoltaïques sur l'île de la Réunion.



En vue de procéder à de tels investissements, Mme [U] a versé en septembre 2010 à la société Diane la somme de 14 562 euros. En contrepartie du versement de cette somme, elle a bénéficié d'une réduction d'impôt sur ses revenus de l'année 2010 à hauteur de 15 240 euros.



Toutefois, l'administration fiscale a estimé qu'une installation dans le secteur photovoltaïque devait être considérée comme constitutive d'un investissement réalisé, ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B précité, à compter de sa date de raccordement au réseau électrique ou, au minimum, à compter du dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement auprès d'EDF. Pour ces motifs, l'administration fiscale a engagé le 30 mai 2013 une procédure de rectification à l'encontre de Mme [U] à hauteur de 17 936 euros, incluant le montant de l'avantage fiscal, les intérêts de retard et les majorations.



Par jugement du 24 juillet 2014, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Diane. Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par un jugement du 19 août 2014.



Estimant avoir subi un préjudice du fait des sociétés Gesdom et Diane, Mme [U] a saisi, par acte d'huissier du 15 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice financier et moral par la société Covea Risks, assureur de ces sociétés, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles (les MMA).



Par jugement du 12 janvier 2018, le tribunal a :



- reçu l'intervention volontaire des sociétés MMA,



- condamné solidairement les sociétés MMA à payer à Mme [U] la somme de 16 086 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, dans la limite du plafond de garantie de 4 000 000 euros, applicable de façon globale pour l'ensemble des réclamants de la société Gesdom,



- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement,



- dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 15 octobre 2014 produiront eux-mêmes intérêts à compter du 15 octobre 2015



- désigné la caisse des dépôts et consignation comme séquestre, avec pour mission de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les réclamations formées à l'encontre de la société Gesdom,



- condamné in solidum les sociétés défenderesses au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- ordonné l'exécution provisoire,



- condamné in solidum les sociétés défenderesses aux dépens



- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.



Par acte du 16 février 2018, les MMA ont interjeté appel et demandent à la cour, par dernières écritures du 21 mai 2019, de :



à titre liminaire,



- déclarer la demande de sursis à statuer irrecevable et, à tout le moins, mal fondée,



- rejeter la demande de sursis à statuer,



à titre principal,



- réformer le jugement entrepris,



- juger que l'intimée ne rapporte pas la preuve ni d'une faute ni d'un préjudice réparable tant dans son principe que dans son quantum,



- juger que l'intimée ne rapporte pas, ainsi, la preuve d'une créance de responsabilité civile à l'encontre de la société Diane ni de la société Gesdom,



- juger sans objet la demande de condamnation formée à l'encontre des sociétés MMA, es qualité d'assureurs de la société Diane,



- débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes,



à titre subsidiaire,



- juger que le contrat souscrit par la CNCIF auprès de Covea Risks n'a nullement vocation à s'appliquer dans le cas présent, ni la société Diane, ni la société Gesdom n'ayant exercé une activité de conseiller en investissements financiers,



- juger que le contrat souscrit par la société Diane auprès de Covea Risks n'a nullement vocation à s'appliquer



à titre infiniment subsidiaire,



au titre du contrat CNCIF



- constater que les sociétés MMA assurent la responsabilité civile professionnelle de la société Diane et/ou de la société Gesdom au titre du contrat CNCIF dans la limite globale de 3 000 000 euros dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation que [T] a montés et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA au titre des autres réclamations répondant de ces deux sinistres distincts,



- désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission qui n'excédera pas une période de 5 ans de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Diane et/ou Gesdom concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés,



- juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 15 000 euros, à la charge de la société Diane et/ou Gesdom, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des sociétés MMA dans le cas où la cour devrait retenir la responsabilité de la société Diane et si la cour ne retenait pas l'existence d'un sinistre sériel,



au titre du contrat souscrit directement par la société Diane,



- constater que les sociétés MMA assurent la responsabilité civile professionnelle de la société Diane dans la limite globale de 1 250 000 euros dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation que [T] a montés et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA au titre des autres réclamations répondant de ces deux sinistres distincts,



- désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission qui n'excédera pas une période de 5 ans de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Diane concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés



- juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 20 000 euros, à la charge de la société Diane, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée contre la société Covea Risks, dans le cas où la cour devrait retenir la responsabilité de la société Diane et si elle ne retenait pas l'existence d'un sinistre sériel,



au titre du contrat souscrit par la société Gesdom



- constater que les sociétés MMA assurent la responsabilité civile professionnelle de la société Gesdom dans la limite globale de 4 000 000 euros dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation qu'elle a commercialisés, et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA au titre des autres réclamations répondant du même sinistre,



- désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission qui n'excédera pas une période de 5 ans de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Gesdom concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés,



- juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 20 000 euros, à la charge de la société Gesdom, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des sociétés MMA, dans le cas où la cour devrait retenir la responsabilité de la société Gesdom et si elle ne retenait pas l'existence d'un sinistre sériel,



en tout état de cause,



- débouter l'intimée de son appel incident, et de l'ensemble de ses demandes.



Par dernières écritures du 17 mai 2019, Mme [U] demande à la cour de :



- ordonner le sursis à statuer dans l'attente des décisions de la Cour de cassation sur les pourvois n° E1916226 et n° D1916225,



à titre subsidiaire,



- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'elle dispose d'une créance de responsabilité à l'encontre des sociétés Diane et Gesdom,



- le réformer sur le montant des préjudices subis, et, statuant à nouveau, fixer les dommages subis par elle à :




préjudice matériel 17 936 euros

préjudice immatériel 3 000 euros




- le confirmer en ce qu'il a condamné les sociétés MMA à garantir la responsabilité civile de la société Gesdom et de la société Diane au titre de la police CNCIF n° 112.788.909 et la responsabilité de la société Gesdom au titre de la police Gesdom n° 114.247.742, et, y ajoutant,



- condamner les sociétés MMA à garantir la responsabilité civile de la société Diane également au titre de la police [T] n° 120.137.363,



- le confirmer en ce qu'il a jugé qu'aucune franchise individuelle ne lui est opposable



- le réformer en ce qui concerne les modalités d'application de la franchise, et statuant à nouveau,



- dire que, s'agissant d'un sinistre sériel, une seule franchise et un seul plafond de garantie sont applicables à l'ensemble des sinistres, par police d'assurance et par année,



- condamner solidairement les sociétés MMA à lui payer la somme de 17 936 euros pour le préjudice matériel et celle de 3 000 euros pour le préjudice immatériel avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation de l'assureur, soit le 15 octobre 2014, et capitalisation des intérêts par année entière,



- le confirmer en ce qu'il a jugé que la police CNCIF n° 112.788.909 ne comporte pas de plafond opposable à Mme [U] pour les activités d'ingénierie financière et d'assistance à la déclaration fiscale,



- le confirmer en ce qu'il a refusé d'ordonner un séquestre pour la police CNCIF n° 112.788.909, et le réformer en ce qu'il a ordonné un séquestre pour la police Gesdom n°114.247.742,



- dire n'y avoir lieu à séquestre pour aucune police, et, à titre subsidiaire, dire que la somme séquestrée portera intérêts au profit de Mme [U] ,



- condamner in solidum les sociétés MMA à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,



- condamner in solidum les sociétés MMA à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner in solidum les sociétés MMA à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,



- condamner in solidum les sociétés MMA aux dépens avec recouvrement direct.



La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.





L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2019.




SUR QUOI LA COUR



- SUR LA DEMANDE DE SURSIS



Mme [U] rappelle que la présente affaire fait partie d'une série de dossiers sur lesquels la cour d'appel de Versailles s'est déjà prononcée en condamnant l'assureur à indemniser mais en ordonnant le séquestre de l'indemnité allouée pendant cinq ans afin d'assurer la répartition proportionnelle des plafonds de garantie. La cour d'appel de Paris, désormais territorialement compétente du fait de l'absorption de Covéa Risks par les MMA, saisie de nombreuses demandes indemnitaires identiques à celle de la présente affaire, condamne également l'assureur mais n'ordonne pas le séquestre.



Mme [U] soutient que les investisseurs dont l'affaire a été jugée par la cour d'appel de Paris seront immédiatement indemnisés et vont épuiser au fur et à mesure les plafonds de garantie.



Les derniers investisseurs dont l'affaire a été jugée par la cour d'appel de Versailles en janvier 2019 ont formé le 9 mai 2019 un pourvoi en cassation pour contester le bien fondé du séquestre ordonné et la Cour de cassation va également être amenée à trancher la question de l'existence d'un plafond de garantie opposable aux investisseurs au titre de la police CNCIF n° 112.788.909.



Mme [U] affirme qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice qu'il soit sursis à statuer dans l'attente des arrêts de la Cour de cassation.



Les MMA font tout d'abord valoir que la demande formée par Mme [U] tendant à ce qu'il soit sursis à statuer est irrecevable devant la cour par application des articles 771 et 907 du code de procédure civile.



Subsidiairement, elles soutiennent que les décisions que la Cour de cassation va rendre dans le cadre des pourvois formés contre deux arrêts rendus le 10 janvier 2019 concernent deux autres investisseurs elles soutiennent que les décisions que la Cour de cassation va rendre à l'encontre de deux arrêts rendus le 10 janvier 2019 concernent deux autres investisseurs et ne servent pas de base à la procédure qui occupe présentement la cour. Elles ajoutent que, par application de l'article 5 du code civil, les arrêts de la Cour de cassation n'ont pas force de loi.





* * *



Il ne ressort pas des dispositions combinées des articles 771 et 914 du code de procédure civile que la décision de sursis à statuer, fondée sur une bonne administration de la justice, relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état. La demande formée par Mme [U] est donc recevable.



Il n'est pas d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de deux pourvois formés très récemment par deux investisseurs alors que la cour s'est déjà prononcée dans plusieurs affaires de même nature.



- AU FOND



Le tribunal a jugé pour l'essentiel :



- si Mme [U] ne versait pas aux débats son bulletin de souscription, il y avait lieu d'observer que les MMA ne contestaient pas l'existence d'un engagement entre la société Diane et Mme [U], laquelle versait aux débats le dossier 'de souscription type' du portefeuille des SEP Sunra correspondant à son investissement, qu'il y avait lieu de prendre en compte pour définir les obligations des différents intervenants à l'opération à défaut de pièce contraire.



- les sociétés Diane et Gesdom étaient chargées de la réalisation et du suivi de l'opération en métropole et il leur appartenait donc de vérifier que la condition essentielle à l'avantage fiscal était présumée acquise avant de faire souscrire à Mme [U] un apport éligible à sa déclaration de revenus pour l'année 2010 ; elles devaient s'assurer de la réalisation de l'investissement, au sens de la doctrine fiscale ancienne et constante en vigueur qu'elles ne pouvaient ni ne devaient ignorer ; elles devaient donc non seulement contrôler la matérialité des travaux, mais également s'assurer qu'une demande de raccordement avait été déposée auprès d'EDF avant le 31 décembre de l'année en cours et, à défaut, informer l'investisseur de ce qu'il ne pourrait prétendre à la réduction d'impôt escomptée. Enfin, le cabinet Diane devait s'assurer de la constitution de l'investissement au 31 décembre 2010. Les deux sociétés ont donc manqué à leurs obligations contractuelles



- Mme [U] justifie avoir investi la somme de 14 562 euros en contrepartie de laquelle elle pouvait espérer une réduction d'impôt de 18 669 euros. Elle a obtenu cette réduction, puis a subi un redressement. Son préjudice financier correspond en conséquence à la somme définitivement investie non remboursable, soit 14 562 euros et 1524 euros au titre de la majoration fiscale, en lien avec les manquements précédemment retenus, majorée des intérêts légaux à compter du jugement.



- les tracas et démarches afférents à la procédure relèvent des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ne constituent pas un préjudice moral



- le montage proposé par les sociétés Diane et Gesdom à Mme [U] est couvert par les deux polices souscrites auprès des MMA qui sont mal fondées à opposer des exclusions de garantie



- le plafond de la police n°112 788 909 souscrite par la CNCIF n'est pas opposable à Mme [U] à la différence de la police n°114 247 742 souscrite par la société Gesdom qui prévoit un plafond de garantie pour l'activité de commercialisation de produits de défiscalisation dans les DOM TOM d'un montant non contesté de 4 000 000 euros.



- il convient donc d'appliquer ce plafond de garantie aux conséquences de la responsabilité de la société Gesdom à l'ensemble des réclamants et de dire qu'une répartition au marc le franc devra avoir lieu et qu'un séquestre sera désigné.



Les MMA soulignent que si Mme [U] a communiqué différents documents démontrant que la société Diane et elles étaient engagées dans le cadre de conventions synallagmatiques, seule la lecture des contrats aurait pu permettre de définir l'étendue exacte des obligations de la société Diane vis-à-vis de l'investisseur.



Elles indiquent ensuite que s'agissant de la faute contractuelle reprochée à la société Diane, elles s'en rapportent à l'appréciation de la cour.



S'agissant de la société Gesdom, elles soutiennent qu'elle n'a contracté aucune obligation envers la souscriptrice, peu important le fait que les pièces du dossier de souscription portent son nom en tête du document, dés lors qu'elle n'était pas en charge du suivi de l'investissement, ne gérait pas les sociétés véhicules de la défiscalisation (les SEP), n'était pas en charge du dépôt du dossier de raccordement et ne délivrait pas les attestations fiscales.



Les appelantes demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la perte de l'avantage fiscal escompté n'est pas un préjudice indemnisable, pas plus que les intérêts de retard. Elles reprochent en revanche au tribunal d'avoir indemnisé Mme [U] du montant de la somme investie, affirmant que si la réduction d'impôt n'avait pu être obtenue dès lors que le produit n'était pas éligible au dispositif de la loi Girardin, rien ne démontrait que le montant de l'investissement ait été réellement perdu, ce préjudice ne pouvant dés lors s'analyser que sous l'angle de la perte de chance. Selon les appelantes, Mme [U] ne pouvait pas non plus être indemnisée pour les majorations alors que celles-ci ne sont que la conséquence de la position adoptée par le redevable de l'impôt.



Subsidiairement, les assureurs reprochent au tribunal d'avoir retenu leur garantie au titre de l'activité exercée alors que la société Diane n'est pas intervenue auprès de Mme [U] en qualité de conseil en investissements financiers (CIF) et que la police contractée par la chambre nationale des CIF n'a pas vocation à s'appliquer lorsque la société Diane crée elle même un produit fiscal. Ils soulignent qu'il en va de même pour la société Gesdom. Si ce contrat devait être jugé applicable, les assureurs s'estiment fondés à opposer à Mme [U] les exclusions de garantie qu'ils auraient pu opposer à leur assurée, qui tiennent à l'obligation de performance fiscale, aux conséquences du retard dans l'exécution de la prestation, aux dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive et à l'exclusion des frais honoraires et facturations.



Les assureurs indiquent ensuite de façon sibylline : ' les moyens soulevés par la Compagnie MMA relatifs aux exclusions de garantie ayant été systématiquement rejetés par les juridictions saisies, elle n'entend pas qu'il lui soit reproché de résister, que ce soit au titre de la police n°112.788.909 ou de la police n°114.247.742".



Après avoir exposé les motifs qui, selon elle, conduisent à retenir la responsabilité des deux sociétés, Mme [U] fait valoir que le manquement de celles-ci à leurs obligations a été à l'origine pour elle d'une perte définitive caractérisée par l'investissement effectué en vain puisque non compensé par la réduction d'impôt escomptée, par les frais, les majorations, les intérêts de retard. Mme [U] affirme avoir également subi un manque à gagner qui représente la différence entre, d'une part, l'investissement et les frais y afférents, et, d'autre part, la réduction d'impôt obtenue puis reprise, qui ne s'analyse pas en une perte de chance mais en un préjudice entièrement consommé. S'y ajoute un préjudice immatériel résultant des désagréments générés par la procédure de rectification fiscale



* * *



- Sur les manquements allégués



S'il est exact que Mme [U] n'est pas en mesure de verser aux débats le bulletin de souscription qu'elle a signé, il est établi, ce que ne contestent pas les MMA, qu'elle a souscrit, comme de nombreux autres investisseurs, à l'investissement litigieux, ce qui implique nécessairement qu'elle a contracté dans les mêmes conditions et sur la base des documents types qu'elle soumet à la cour, utilisés par les sociétés Gesdom et Diane. De surcroît, Mme [U] verse aux débats une attestation de la société Diane en date du 17 mai 2011, débutant en ces termes ' vous avez souscrit en 2010 à une opération d'investissement Gesdom dans le cadre du dispositif Girardin Industriel pour un montant de 14562 euros vous donnant droit à une réduction d'impôt sur le revenu d'un montant de 18 669,24 euros' et à laquelle était jointe l'attestation fiscale (pièce n°1 de l'intimée').



Le tribunal sera donc approuvé d'avoir pris en compte ces divers documents pour définir les obligations des divers intervenants à l'opération.



Il est constant qu'avant que leurs relations ne se gâtent en 2011, entraînant la mise en cause de Gesdom par [T] devant le tribunal de commerce de Nanterre pour des faits de concurrence déloyale, les deux sociétés ont commercialisé et mis en oeuvre un montage utilisant comme sociétés de portage des SNC et des SEP qu'elles ont constituées. Ce montage complexe est le fruit d'un partenariat entre les deux sociétés permettant d'offrir en métropole un produit de défiscalisation et outre mer de proposer des revenus tirés de la vente de l'électricité produite par les centrales photovoltaïques.



Gesdom a commercialisé le montage. Dans la brochure commerciale qu'elle a éditée en janvier 2010, elle évoque à plusieurs reprises qu'il s'agit de son montage. Le dossier de souscription fait apparaître en couverture son nom et au pied de chaque page sont mentionnés son nom, son activité (CIF), son appartenance à la Chambre Nationale des CIF ainsi que son numéro de RCS et son siège social.



La commercialisation d'un produit financier complexe comme celui en cause implique que Gesdom soit tenue à l'égard de l'investisseur de s'assurer que le montage est bien conforme à ce qui était attendu et décrit. L'obligation de Gesdom ne s'arrête donc pas au jour de la souscription du contrat.



Il en résulte que nonobstant le fait que le produit ait été proposé à Mme [U] par la société Diane, également conseil en gestion de patrimoine, la société Gesdom doit répondre envers les investisseurs de ce que le produit qu'elle a commercialisé était conforme aux conditions posées par la réglementation fiscale pour bénéficier de l'avantage fiscal annoncé et qui était la motivation première des investisseurs.



Le dispositif de défiscalisation institué à l'article 199 undecies B du code général des impôts, connu sous le nom du dispositif "Loi Girardin Industriel", autorise les contribuables à bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des "investissements productifs neufs" réalisés dans les départements d'outre-mer, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, à charge pour l'investisseur de souscrire au capital de différentes sociétés transparentes fiscalement, investissant dans des matériels industriels, installés et exploités outre mer. Les investisseurs sont regroupés dans des sociétés de portage, le plus souvent des SNC, qui acquièrent des biens grâce à des prêts bancaires, donnés à bail à des entreprises locales. Les loyers qu'elles versent servent à rembourser les emprunts. Les investisseurs perdent le capital investi mais bénéficient, dès l'année de souscription, d'une réduction d'impôt.



Le dossier de souscription se réfère explicitement aux avantages fiscaux offerts par les dispositions précitées et il ne peut être mis en doute qu'en investissant dans les programmes qui lui étaient présentés, au cas présent des centrales photovoltaïques, Mme [U] recherchait pour l'essentiel un avantage fiscal, mis en avant par la société Diane, cabinet de conseil en investissement financier notamment spécialisée dans l'élaboration et la mise en 'uvre de stratégies patrimoniales et la société Gesdom, société de conseil en ingénierie industrielle spécialisée dans le financement de matériels devant être exploités dans les départements et collectivités d'outre-mer.



Il n'est nullement démontré que l'attention de l'investisseur ait été attirée sur le fait que l'avantage fiscal recherché pouvait être remis en cause si la mise en production de l'équipement photovoltaïque acquis n'était pas effective au 31 décembre de l'année concernée et que cette mise en production nécessitait le raccordement de la centrale au réseau de distribution EDF. Bien au contraire, cet avantage fiscal a été présenté comme certain.



La notice annexée au dossier de souscription comporte une rubrique intitulée ''avertissement', ainsi rédigée : 'cet investissement, comme tout investissement à caractère financier, comporte un risque pouvant engendrer la perte de tout ou partie du capital investi et, en cas d'aléas, générer des frais connexes. Il est important de souligner que la société en nom collectif est une société transparente et que les associés sont responsables des engagements de toute nature pris par la société. Il est à noter également que la défaillance d'un partenaire, d'un exploitant ou de tout autre intervenant à l'opération peut annuler ou mettre en cause la ou les destinations de l'opération'. La cour observe qu'il n'y est nullement fait état de ce que l'avantage fiscal pourrait ne pas être atteint même si les investisseurs ont respecté les obligations qui sont les leurs, comme la domiciliation en France ou la conservation des parts de la SNC durant cinq ans.



Il ne saurait être tiré argument d'un revirement de l'administration fiscale quant aux conditions d'éligibilité de l'avantage fiscal. En effet, l'article 199 undecies B se réfère expressément aux 'investissements productifs neufs' et l'instruction du 30 janvier 2007 vient préciser 'que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail'.



Par décisions du 26 avril 2017, le Conseil d'Etat a jugé qu'il " résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la date à retenir était celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date". Le Conseil d'Etat a jugé que l'instruction du 30 janvier 2007 ne donnait pas une interprétation nouvelle du dispositif légal prévu à l'article 199 undecies B s'agissant du fait générateur de l'impôt.



Il incombait aux sociétés Diane et Gesdom de s'assurer de l'effectivité des installations photovoltaïques et de leur raccordement. A tout le moins, il leur appartenait de mettre en évidence sur les dossiers de souscriptions les conditions requises par la législation fiscale pour bénéficier de la réduction d'impôt annoncée et surtout les risques de perdre l'avantage ou de faire face à un redressement si la condition de raccordement et par suite de productivité de la centrale n'était pas remplie.



Il y a lieu de juger qu'en présentant comme certaine l'obtention d'une réduction d'impôt alors que les conditions d'octroi de cet avantage fiscal n'étaient pas réunies, en délivrant, s'agissant de [T], une attestation fiscale erronée, les deux sociétés ont fourni à Mme [U] des informations inexactes qui ont été de nature à la déterminer à souscrire, cette faute ne pouvant être excusée par les connaissances réelles ou alléguées de l'investisseur en la matière.



- Sur les préjudices subis



Mme [U] fait à raison valoir que les fautes des deux sociétés ont entraîné pour elle une perte qui réside dans l'investissement effectué en vain, l'opération ne prévoyant pas le remboursement de l'investissement, lequel était consommé par l'achat du matériel et les frais de montage.



Au cas présent, Mme [U] a investi en pure perte puisqu'elle n'a pas eu en contrepartie la réduction d'impôt escomptée. Cette perte est définitive et il ne saurait être soutenu qu'elle pourrait être compensée par la détention des parts sociales des sociétés de portage dépourvues de valeur.



Le préjudice de Mme [U] au titre de la perte de son investissement s'élève donc à la somme de 14 562 euros, étant observé qu'il n'est réclamé aucune somme au titre des frais de dossier.



Constitue un préjudice entièrement consommé le préjudice subi par Mme [U] du fait des majorations et intérêts de retard (1524 et 1172 euros) résultant du redressement, étant observé que Mme [U] n'a pas bénéficié d'un avantage financier procuré par la conservation dans son patrimoine du montant de l'impôt dû puisqu'elle les avait investis dans les opérations critiquées.



Il est de principe constant qu'aucun préjudice ne peut résulter du paiement auquel un contribuable est légalement tenu, le paiement d'un impôt mis à sa charge à la suite d'un redressement fiscal ne constituant pas un dommage indemnisable. Il est toutefois admis qu'un professionnel du droit peut être condamné à prendre en charge les conséquences financières d'un redressement fiscal s'il est établi que, dûment informé, le client n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre. Mme [U] échoue à faire cette démonstration. Elle a en revanche subi une perte de chance de bénéficier du gain fiscal espéré, dés lors que l'investissement dépendait de divers paramètres créant un aléa, ce que Mme [U] qualifie de 'manque à gagner' et qu'elle évalue à la somme de 678 euros ( soit la différence entre l'investissement réalisé et la réduction obtenue puis reprise) . Sachant que l'opération devait lui permettre de réaliser ce gain de 678 euros, cette perte de chance sera évaluée à 500 euros.



Il n'est pas justifié en l'espèce d'un préjudice immatériel dont Mme [U] serait fondée à demander réparation et le tribunal sera approuvé d'avoir rejeté ce chef de demande.



Les préjudices matériels s'élèvent ainsi à la somme de 17 758 euros (14562 + 1524 + 1172 + 500 ) et le jugement sera donc infirmé sur ce point.



Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2018, date du jugement, et les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.



Sur la garantie des MMA



C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a jugé que la police n° 112 788 909 souscrite par la Chambre nationale des conseillers en investissements financiers au profit de ses membres auprès de la société Covea Risks avait vocation à s'appliquer, étant observé que la société Gesdom comme la société Diane avaient la qualité de CIF.



Le fait pour Mme [U] de se prévaloir devant la cour d'autres contrats d'assurance souscrits auprès de Covea Risks par [T] et Gesdom ne peut s'analyser en une demande nouvelle, dés lors qu'il s'agit simplement pour elle de fonder désormais ses demandes indemnitaires inchangées sur plusieurs polices d'assurances connues de l'assureur.



La police n° 120.137.363 souscrite par la société Diane à effet du 1er janvier 2011 est applicable, puisqu'il s'agit d'une police " base réclamation" et que par application de l'article L. 124-5 du code des assurances, elle est mobilisable dés lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai maximum de cinq ans à compter de sa date de résiliation ou d'expiration.



La police souscrite par Gesdom en 2 008 et portant le numéro n ° 114.247.742 a également vocation à s'appliquer.



Il convient de rappeler qu'en application de l'article L 112-6 du code des assurances l'assureur peut opposer au tiers qui invoque le bénéfice de la police les exceptions opposables au souscripteur originaire.



S'agissant de la clause excluant la garantie de l'assureur pour les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive, la cour observe que pour inacceptable qu'elle soit au cas présent, la faute résultant du manquement à un devoir de conseil et d'information et la prise de risque que la grande négligence des sociétés Diane et Gesdom ont fait peser sur les investisseurs ne permettent pas de caractériser l'intention dolosive de ces dernières qui serait exclusive de tout aléa. La divergence d'interprétation entre les assurées et l'administration fiscale ne peut, à elle seule, suffire à établir la réalité d'un dol ou d'une faute intentionnelle, la clause d'exclusion alléguée visant une malveillance particulière ou une incompétence telle qu'elle lui serait assimilable.



La clause excluant de la garantie "les dommages découlant d'une obligation de performances financières, fiscales ou commerciales, des produits ou services rendus, sur laquelle l'assuré se sera engagé expressément" n'a pas vocation à s'appliquer dès lors que le contrat de souscription conclu avec Mme [U] ne contient pas d'engagement chiffré sur le montant de la réduction d'impôt susceptible d'être obtenue et que la responsabilité de [T] et de Gesdom ne résulte pas du non-respect d'une obligation de performance mais d'une faute commise à l'occasion de l'interprétation des textes applicables.



La clause excluant la garantie de l'assureur des "conséquences de retards dans l'exécution des prestations" est par trop imprécise pour pouvoir être valablement invoquée à l'encontre de Mme [U].



S'agissant de la clause relative à l'existence d'un litige afférent aux frais, honoraires et facturations, le tribunal a à raison observé que Mme [U] ne réclamait pas de frais de dossier



Aux termes de l'article L124-1-1 du code des assurances, constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique.



Le plafond de garantie, opposable à Mme [U] est alors appliqué de façon globale pour l'ensemble des tiers lésés.



Mme [U] soutient, s'agissant de la police 112.788.909, qu'aucun plafond de garantie n'est stipulé pour les activités exercées par [T] à savoir l'ingénierie financière et l'assistance à la déclaration de revenus.



Cette analyse du contrat est inexacte. En effet, dans la description des activités assurées (page 3), l'activité d'ingénierie financière est associée à celle de conseil financier. Or, le plafond de garantie stipulé au contrat d'assurance de responsabilité civile est fixé à 2 500 000 euros 'par sinistre', s'agissant notamment de l'activité de conseiller en investissement financier (page 7 de la police), qui inclut donc celle d'ingénierie financière. D'ailleurs, l'attestation d'assurance délivrée le 17 février 2011 fait état de ce que la société Diane a souscrit la police 112.788.909 aux termes de laquelle la garantie accordée pour les activités de conseil en gestion de patrimoine et activités annexes telles que démarchage en produits bancaires ou financiers, intermédiaires en produits bancaires ou financiers, intermédiation en opérations de banque, conseils en investissements financiers /CIF, agent ou intermédiaire immobilier (sans maniement et détention de fonds) est plafonnée à 3 000 000 euros par sinistre, sans limite par an.



Chacune des trois polices ici en cause contient une disposition rappelant que constitue un seul et même sinistre (sinistre sériel), l'ensemble des réclamations résultant soit d'un même événement, soit de plusieurs événements, même successifs, trouvant leur origine dans une même cause, et prévoyant qu'en ce cas, "la date du sinistre est celle de la première réclamation ou du premier événement de la série ; les conditions de garanties, les montants de garanties et des franchises sont ceux en vigueur à cette date".



Il résulte clairement de cette clause que le plafond de garantie applicable est celui en vigueur au jour de la première réclamation, qu'il est unique en sorte que la demande tendant à appliquer un plafond de garantie chaque année est mal fondée.



L'article L124-3 dispose que l'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré.



Il en résulte qu'un assureur, qui a connaissance de la pluralité de victimes disposant de droits sur l'indemnité d'assurance et alors qu'il existe un risque réel de dépassements de garantie en raison du cumul des demandes, ne peut payer un tiers lésé avant un autre et que le paiement se fait alors au marc l'euro et non 'au prix de la course'.



Il est constant que les MMA font l'objet de très nombreuses procédures conduites par des investisseurs se considérant comme victimes des agissements des sociétés Gesdom et Diane. Si ces demandes devaient aboutir il est possible que le plafond de garantie soit dépassé et qu'une répartition au marc l'euro doive être effectuée.



Il y a lieu en conséquence de désigner un séquestre pour l'ensemble des sommes allouées à Mme [U], dues par les MMA au titre des trois polices d'assurance, selon les modalités précisées au dispositif de l'arrêt.



S'agissant d'un sinistre sériel, une seule franchise doit être appliquée à l'ensemble des sinistres et aucune franchise contractuelle ne saurait être appliquée individuellement à Mme [U].



Mme [U] n'est pas fondée à demander que les intérêts des sommes séquestrées lui bénéficient dés lors que, dépossédées des fonds remis au séquestre, les MMA ne sont plus redevables des intérêts, lesquels cessent de courir.



Pour des raisons de meilleure compréhension, le jugement sera infirmé en sa disposition relative aux sommes allouées ainsi qu'en toutes celles s'y rattachant.



Il n'est pas établi que les MMA aient manqué, de mauvaise foi, à leurs obligations et la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive sera rejetée.



L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, étant précisé que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.



Mme [U] est mal fondée à soutenir que les appelantes auraient commis un abus en interjetant appel du jugement et sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif.



Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité de procédure et aux dépens.







En remboursement de ses frais irrépétibles d'appel, il sera alloué à Mme [U] la somme de 3 000 euros.



Les MMA, qui succombent, seront condamnées aux dépens d'appel avec recouvrement direct.





PAR CES MOTIFS,



La cour,



Déclare recevable la demande de sursis à statuer formée par Mme [U] et la rejette,



Confirme le jugement en ce qu'il a condamné les MMA à verser à Mme [U] une indemnité de procédure de 4000 euros ainsi qu'aux dépens,



L'infirme pour le surplus,



Statuant à nouveau,



Dit que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles sont tenues à garantie au titre des polices souscrites par la Chambre nationale des conseillers en investissements financiers (police n° 112 788 909 ), par la société Diane (police n° 120.137.363) et la société Gesdom (n° 114.247.742),



Dit que les plafonds de garantie contenus dans ces trois polices sont opposables à Mme [U] et appliqués de façon globale pour l'ensemble des tiers lésés par les sociétés Gesdom et Diane,



Dit qu'une seule franchise doit être appliquée à l'ensemble des sinistres et qu'aucune franchise contractuelle ne sera appliquée individuellement à Mme [U],



Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à Mme [U] la somme de 17 758 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2018, les intérêts étant capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,



Désigne la Caisse des dépôts et consignations comme séquestre, avec pour mission de conserver les fonds alloués à Mme [U] et garantis par les assureurs au titre des trois polices dans l'attente des décisions définitives tranchant les réclamations formées à l'encontre des sociétés Diane et Gesdom dans lesquelles le dommage a la même cause, sans que cette conservation ne puisse excéder 5 ans à compter de la date à laquelle le présent arrêt deviendra définitif,



Rejette les autres demandes formées par Mme [U]



Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à Mme [U] la somme de 3000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.



Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier,Le Président,

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