13 septembre 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/05937

Pôle 6 - Chambre 13

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 13 Septembre 2019



(n° , 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/05937 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYUYI



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mars 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'AUXERRE RG n° R13-375



APPELANTE

URSSAF DE BOURGOGNE venant aux droits de l'URSSAF DE L'YONNE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par M. [Z] [D] en vertu d'un pouvoir spécial



INTIMÉE

Association ALEFPA

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Gaelle HEINTZ, avocat au barreau de LILLE



Communauté D'AGGLOMERATION DE L'AUXERROIS prise en la personne de son Président en exercice, [J] [X]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 3],

représentée par Mme [B] [B] en vertu d'un pouvoir spécial,





Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 5]

[Localité 4]

avisé - non comparant





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller



Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats









ARRÊT :

- contradictoire

- délibéré du 21 juin 2019 prorogé au 5 juillet 2019 puis au 13 septembre 2019, prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Vénusia DAMPIERRE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'URSSAF de Bourgogne venant aux droits de l'URSSAF de l'Yonne, ci-après "l'URSSAF", à l'encontre d'un jugement rendu le 22 mars 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'AUXERRE dans un litige l'opposant à l'association ALEFPA et à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE L'AUXERROIS.



L'affaire est enregistrée sous le numéro RG 16/05937, les parties ont été entendues à l'audience du 25 mars 2019 et la décision est mise à disposition, après prorogations, à la date du 13 septembre 2019.






FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES



Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .



Il suffit de rappeler que l'URSSAF a adressé à l'association ALEFPA deux mises en demeure datées du 12 juin 2013:

- une première pour 12 962 euros de cotisations et 1143 euros de majorations de retard, soit un total de 14 105 euros,

- une seconde pour 4432 euros de cotisations et 389 euros de majorations de retard, soit un total de 4821 euros.



Ces deux mises en demeure portent sur la période courant du 1er janvier 2011 au 30 avril 2013.



Par lettre du 8 juillet 2013, l'association ALEFPA a saisi en contestation de ces mises en demeure la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours par décision du 21 octobre 2013.



L'association ALEFPA a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'AUXERRE par lettre du 6 décembre 2013.



Ce tribunal, par jugement du 22 mars 2016, a :

- annulé les deux mises en demeure,

- condamné l'URSSAF à rembourser à l'association ALEFPA la somme de 18 926 euros et à lui verser la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



L'URSSAF a relevé appel de ce jugement par lettre datée du 7 avril 2016.



La cour a demandé à l'URSSAF d'appeler en la cause la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE L'AUXERROIS en sa qualité d'autorité organisatrice des transports.



L'URSSAF fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions par lesquelles elle invite la cour:

à titre principal,

- à infirmer le jugement entrepris,

A titre principal,

- à valider les deux mises en demeure pour leur entier montant, soit la somme totale de 18 926 euros,

- à confirmer la décision de la commission de recours amiable,

- à débouter l'association ALEFPA de l'ensemble de ses demandes, y compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- à infirmer le jugement entrepris,

- à valider les deux mises en demeure pour les mois de janvier à avril 2013, pour les sommes de 1951 euros et 665 euros,

- à confirmer en ce sens la décision de la commission de recours amiable,

- à débouter l'association ALEFPA de l'ensemble de ses demandes.



Elle soutient que les deux mises en demeure litigieuses, qui concernent le versement transport, étaient motivées et mentionnaient bien les informations exigées par les articles L. 244-2 et R.244-1 du code de la sécurité sociale; que l'association ALEFPA ne pouvait pas avoir de doute sur la nature de ce prélèvement obligatoire; qu'a minima les mises en demeure doivent être validées pour les mois de janvier à avril 2013, le tribunal ayant lui-même reconnu qu'elles étaient pour cette période clairement motivées; que l'association ALEFPA est bien assujettie au versement transport car elle ne justifie pas d'une décision expresse d'exonération émanant de l'autorité organisatrice des transports, qui lui a demandé de procéder à des régularisations, qu'il ne peut pas exister d'accord tacite au sens de l'article R 243-59 puisqu'il n'y a pas eu de nouveau contrôle d'assiette, et que ce versement est légal.



Elle ajoute qu'elle n'a fait que se conformer à la demande de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE L'AUXERROIS et qu'aucune équité ne justifie sa condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que ce soit en première instance ou en appel.



L'association ALEFPA renonce à l'audience à son moyen tiré de la péremption de l'instance, et fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour:

à titre principal,

- à confirmer le jugement entrepris,

- à prononcer la nullité des mises en demeure,

- à déclarer l'ALEFPA éligible à l'exonération du versement transport,

- à annuler le "redressement" de l'URSSAF et ordonner le remboursement de la somme de 18 926 euros,

- à condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.



Elle fait valoir que les mises en demeure ne lui permettaient pas d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, et qu'elles sont nulles; sur le fond elle prétend pouvoir bénéficier d'une exonération en tant qu'association d'utilité publique, à but non lucratif et à caractère social; A titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater l'existence d'un accord tacite.



La COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE L'AUXERROIS fait déposer et soutenir oralement par son représentant, dont le mandat est parvenu à la cour le 4 avril 2019, conformément à l'autorisation donnée à l'audience, des conclusions invitant la cour à débouter l'association ALEFPA de l'ensemble de ses demandes.



Elle expose qu'elle a informé l'association de son obligation de participer au versement transport, que celle-ci ne lui a pas transmis les éléments permettant d'apprécier les conditions d'une éventuelle exonération et qu'elle a donc saisi l'URSSAF pour opérer le recouvrement du versement transport à compter de l'année 2009; elle ajoute que l'association ALEFPA est bien assujettie au versement transport, que les conditions cumulatives d'exonération déterminées par l'article L 2333-64 du code général des collectivités territoriales ne sont pas toutes remplies, que le caractère social des établissements s'apprécie non pas en fonction de la nature de son objet social mais au regard des modalités d'exercice de cette activité, que son activité est financée par des deniers publics et que son personnel est presque exclusivement salarié.



Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .




SUR CE ,



L'URSSAF a interjeté appel dans les formes et délais légaux: son appel est donc recevable.



La contribution due au titre du versement transport a été créé par la loi du 12 juillet 1971 afin que les employeurs publics et privés contribuent au financement des transports collectifs urbains.



Il s'agit d'un prélèvement obligatoire de nature fiscale pour lequel l'autorité organisatrice des transports (AOT), en l'espèce la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE L'AUXERROIS, dispose seule du pouvoir de décision. L'URSSAF agit pour le compte de l'AOT en procédant au recouvrement.



- Sur la régularité des mises en demeure:



La mise en demeure visée aux articles L 244-2 et R 244-1 du code de la sécurité sociale est une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, effectuée par lettre recommandée avec avis de réception; elle doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent, sous peine de nullité.



En l'espèce, ces mises en demeure sont consécutives à une demande adressée à l'organisme de recouvrement par l'AOT.



Avant cette procédure de recouvrement, la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE L'AUXERROIS a adressé à l'association ALEFPA :



- deux lettres recommandées datées du 21 août 2012 et adressées à ses deux établissements situés dans l'Yonne, lui notifiant qu'elle était redevable du versement transport, et l'invitant en cas de contestation à lui faire parvenir les éléments lui permettant d'analyser sa situation,



- une lettre recommandée datée du 8 février 2013, mettant l'association ALEFPA en demeure de lui communiquer sous 15 jours les éléments lui permettant d'apprécier son assujettissement au versement transport, en précisant qu'en l'absence de transmission, "nous demanderons à l'URSSAF 89 de procéder au recouvrement des sommes dues",



- une lettre recommandée du 24 mai 2013, suite à un entretien téléphonique avec le directeur de l'ALEFPA, constatant que les éléments permettant d'apprécier l'assujettissement au versement transport ne lui étaient pas parvenus, et informant l'association du recouvrement, en ces termes: " nous demandons à l'URSSAF de l'Yonne de bien vouloir opérer la régularisation à compter du 1er janvier 2009 ".



Mandatée par la COMMUNAUTE DE L'AUXERROIS, l'URSSAF a envoyé deux mises en demeure le 12 juin 2013 qui contiennent les mentions suivantes:

- motif de mise en recouvrement : mise en demeure récapitulative,

- nature des cotisations: régime général,

- motif pour les années 2011 et 2012: régularisation annuelle,

- motif pour les mois de janvier à avril 2013 inclus: régularisation suite à assujettissement au versement transport.



Ces deux mises en demeure ne font pas référence aux lettres adressées par la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DE L'AUXERROIS à l'association ALEFPA.



L'association ALEFPA fait valoir le fait, matériellement exact à l'examen des mises en demeure, que la nature du prélèvement obligatoire appelé n'apparaît pas pour les années 2011 et 2012, pour lesquels figure la seule formule " régularisation annuelle".



L'association ALEFPA ne pouvait donc pas identifier à la seule lecture des mises en demeure émises par l'URSSAF, la cause et la nature de son obligation pour les années 2011 et 2012.



Les mises en demeures encourent en conséquence la nullité par application de l'article R 244-1 précité.



Cette irrégularité n'est pas rétroactivement couverte par les termes de la lettre de saisine de la commission de recours amiable, qui laissent penser que l'association ALEFPA avait parfaitement compris que les dites mises en demeure concernaient uniquement le versement transport.



De plus, les mises en demeure sont nulles pour le tout, de sorte que la demande subsidiaire de l'URSSAF de reconnaissance de leur régularité pour les seuls mois de janvier à avril 2013 ne peut qu'être rejetée.



L'annulation pure et simple des deux mises en demeure entraîne le remboursement par l'URSSAF à l'association ALEFPA des sommes éventuellement versées.



Le jugement déféré sera donc confirmé.



- Sur les autres demandes de l'association ALEFPA:



L'association ALEFPA soutient qu'elle remplit toutes les conditions d'exonération du versement transport définies par l'article L 2333-64 du code général des collectivité territoriales. Elle demande à la cour "d'annuler le redressement de l'URSSAF" et de la déclarer éligible à l'exonération du versement transport.



L'article L 2333-64 précité, dans sa rédaction applicable au litige, dispose:

" en dehors de la région d'Ile de France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social , peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés :

1° dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants,

2° ou dans le ressort d'un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'organisation des transports urbains, lorsque la population de l'ensemble des communes membres de l'établissement atteint le seuil indiqué".



La décision implicite d'assujétissement au versement transport peut être soumise à l'examen du juge.



L'association ALEFPA soutient qu'elle remplit toutes les conditions définies par l'article L.2333-64 précité pour ne pas être assujettie au versement transport. Ainsi, elle est bien une association reconnue d'utilité publique et son but n'est pas lucratif.



Cependant son caractère social, au sens de ce texte, est discuté. L'ALEFPA possède dans le département de l'Yonne deux structures, la maison Georges Aulon et un centre éducatif renforcé (CER ), qui ont pour vocation de répondre aux personnes en difficulté sociale, et plus particulièrement de prendre en charge des enfants et adolescents.



Plusieurs critères permettent d'écarter ou de retenir le caractère social d'une association ou d'une fondation:



- l'exercice d'une activité dans un secteur non concurrentiel: si d'autres associations exercent la même activité sociale, accorder une exonération du versement transport à certaines et pas à d'autre ne peut que créer une distorsion. En l'espèce, il n'est pas démontré que les deux établissements n'ont pas d'équivalent dans le secteur public, et il existe dans le secteur associatif d'autres structures tout à fait comparables qui assurent par exemple la prise en charge de mineurs confiés par l'aide sociale à l'enfance départementale ou les juges des enfants;



- le financement : les deux établissements poursuivent leurs missions dans le cadre des articles L 221-1, L222-3 et L222-5 du code de l'action sociale et des familles, et dépendent du conseil départemental ou de la protection judiciaire de la jeunesse, selon la nature juridique de la prise en charge du mineur, mais leur budget est assuré par un "prix de journée", versé par l'Etat ou les collectivités territoriales. Il s'agit donc d'un financement public destiné à assurer la prise en charge de l'ensemble des dépenses afférentes aux frais d'accueil, de soins et de suivi éducatif des personnes accueillies, justifié par l'exercice d'une mission de service public, qu'ils assurent comme d'autres établissements publics ou privés;



- l'intervention de bénévoles par l'ALEFPA est uniquement évoquée par l'association pour ses administrateurs, dont l'activité ne se limite pas aux deux établissements concernés. Il n'est pas indiqué par l'association que des bénévoles interviendraient effectivement dans ces deux établissements pour contribuer à leur fonctionnement quotidien.



Il résulte de l'ensemble de ces éléments que même si elle ne recherche aucun profit et remplit une mission importante de service public, l'association ALEFPA ne peut prétendre remplir la condition de caractère social de l'activité de ses deux établissements qu'ils exercent dans les mêmes conditions que toutes les autres institutions accueillant des jeunes en difficulté, avec un personnel quasi exclusivement salarié et un financement public.



La demande d'exonération formée par l'association ALEFPA sera donc rejetée.



-Sur l'existence d'un accord tacite :



Très subsidiairement, l'association ALEFPA soutient qu'il existerait un accord tacite d'exonération, en affirmant que l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale serait applicable, par référence à un contrôle opéré par l'URSSAF en 2011, portant sur les années 2008 à 2010 et qui n'a donné lieu à aucun redressement du chef du versement transport.



Cependant, l'article R. 243-59 n'est pas applicable puisque l'URSSAF, qui agit à la demande de l'AOT, n'est pas intervenue dans le cadre d'un nouveau contrôle d'assiette, et n'a opéré aucun redressement matérialisé par l'envoi d'une lettre d'observations qui contiendrait un point de régularisation au titre du versement transport.



Ces demandes de l'association ALEFPA doivent être rejetées.



Il ne paraît pas équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni en appel ni en première instance, mais il y a lieu de condamner l'URSSAF au paiement qui succombe aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



LA COUR ,



DECLARE RECEVABLE mais non fondé l'appel interjeté par l'URSSAF de Bourgogne venant aux droits de l'URSSAF de l'Yonne,



CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



DEBOUTE l'association ALEFPA de ses demandes portant sur l'annulation d'un redressement opéré par l'URSSAF, sur son éligibilité à l'exonération du versement transport, sur l'existence d'un accord tacite de l'URSSAF, ainsi que de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et devant la cour,



CONDAMNE l'URSSAF de Bourgogne venant aux droits de l'URSSAF de l'Yonne aux dépens d'appel.





La greffièreLa présidente

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