25 septembre 2019
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 17/22975

Chambre 2-4

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 25 SEPTEMBRE 2019

A. L G.

N° 2019/277













Rôle N° 17/22975 -

N° Portalis DBVB-V-B7B-BBWGL







[B] [A]





C/



PROCUREUR GENERAL





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Christine DIOP



Mme Isabelle POUEY, Substitut général















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 23 Novembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/11769.





APPELANT



Monsieur [B] [A]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1] (Côte d'Ivoire)

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Christine DIOP, avocat au barreau de NICE





INTIME



LE PROCUREUR GÉNÉRAL

PRÈS LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

[Adresse 2]



représenté par Madame Isabelle POUEY, Substitut général.



COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 19 Juin 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Annaick LE GOFF, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre

Mme Annie RENOU, Conseiller

Mme Annaick LE GOFF, Conseiller



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2019.





ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2019,



Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





***





Le 27 mai 2015, le greffier en chef du tribunal d'instance de Nice a dressé un procès-verbal de notification d'une décision refusant à M. [B] [A] la délivrance d'un certificat de nationalité au motif que : « Monsieur [B] [A] revendique la nationalité française par filiation paternelle. Or, faute de mariage préexistant entre ses parents, d'une reconnaissance, d'un jugement ou d'une possession d'état établie durant sa minorité, la filiation de [B] [A] à l'égard de [L] [A] n'est pas légalement établie. »




Saisi d'un recours gracieux par l'intéressé, le ministre de la justice a, par décision en date du 4 novembre 2015, confirmé ce refus.



Par exploit d'huissier en date du 23 septembre 2016, M.[A] a saisi le tribunal de grande instance de Marseille pour demander, au visa des articles 35 de la Convention de Coopération en matière judiciaire signée entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République du Sénégal du 29 mars 1974, 6 § 1 et 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, 16-11, 18, 311-1 et 311-2 du code civil et 145 du code de procédure civile, de :



- dire et juger que [B] [A], né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1] (Côte d'Ivoire), de M. [L] [A] de nationalité française, né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2] (Sénégal), et de [J] [K], est français,

- ordonner que mention en soit portée en marge de l'acte de naissance du requérant conformément à l'article 28 du code civil ;







A titre subsidiaire,



Si par extraordinaire le tribunal ne s'estimait pas suffisamment éclairé sur le lien de filiation entre M. [B] [A] et son père, M. [L] [A],





Avant dire droit,



- ordonner un examen comparé des sangs ou un test ADN de M. [B] [A] et de M. [L] [A], son père, né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2] (Sénégal), demeurant Résidence du

[Adresse 3],

- condamner le Trésor Public à payer à M. [B] [A] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Par jugement du 23 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Marseille a débouté

M. [A] de ses demandes et constaté son extranéité.



Le tribunal a relevé que, pour démontrer qu'il était issu d'un parent français, l'intéressé produisait une pièce intitulée 'copie littérale d'acte de naissance', qui n'était en réalité qu'une transcription de son acte de naissance par le ministère des affaires étrangères, ne permettant pas au tribunal d'apprécier la conformité de cet acte de naissance, ni ses mentions.

Il produisait également une copie d'acte de naissance dont le procureur contestait la fiabilité, raison pour laquelle les premiers juges ont procédé à la vérification de la conformité de cet acte aux formes usitées en Côte d'Ivoire, en application des dispositions de l'article 43 de la loi n°63-374 du 7 octobre 1964.



Si le tribunal a considéré que M. [A] bénéficiait d'un état-civil fiable au sens des dispositions de l'article 47 du code civil, il a toutefois rappelé qu'en application de l'article 311-14 du même code, le demandeur à la nationalité française devait justifier d'un lien de filiation légalement établi avec un père français, les dispositions applicables étant la loi personnelle de la mère de l'enfant au jour de sa naissance en application du droit ivoirien. L'article 19 de la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964 dispose qu'à l'égard du père, la preuve de la filiation ne peut résulter que d'une reconnaissance ou d'un jugement. Or, le premier juge a relevé que [B] [A] ne produisait ni acte de reconnaissance, ni jugement établissant le lien de filiation avec son père.



Le tribunal a, par ailleurs, rejeté la demande formée sur le fondement de la possession d'état en constatant que l'intéressé ne pouvait établir un lien de filiation avec un père non attrait à la procédure. Il était en outre observé que la possession d'état, à supposer qu'elle soit reconnue définitivement, n'avait pas d'effet rétroactif et ne pouvait, dès lors, en l'espèce, avoir aucune incidence sur la nationalité de M. [B] [A], aujourd'hui majeur. Le même raisonnement a été adopté par le premier juge pour rejeter la demande d'expertise génétique, relevant également que celle-ci ne pouvait être ordonnée que dans des cas limitativement énumérés par la loi.



Le tribunal a refusé d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil au motif que M. [A] n'était pas titulaire d'un certificat de nationalité de sorte qu'aucun acte de naissance n'avait été établi à son nom par le service central de l'état civil à ce jour, le seul acte de naissance dont l'intéressé était titulaire étant un acte de naissance ivoirien et le tribunal n'ayant pas le pouvoir d'ordonner qu'une mention soit apposée sur un acte d'état-civil étranger.





Par déclaration enregistrée au greffe le 26 décembre 2017, M. [B] [A] a interjeté appel de cette décision.




Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 19 mars 2018, M. [B] [A] demande à la cour, vu les articles 6 § 1, 14 et 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, les articles 18 et 310-3, 310, 311-1, 311-2, 311-14, 311-15, 324 et 334-8 du code civil, les articles 16 et 145 du code de procédure civile, l'article 20 al. 2 de la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964, modifiée par la loi n° 83-799 du 2 août 1983, le code de la famille du Sénégal, la loi n° 72-61 du 12 juin 1972 modifiée, de :



* A titre principal,



- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,



- constater que les formalités prévues à l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies,

- dire et juger que la filiation de [B] [A] à l'égard d'un parent français est légalement établie ;



En conséquence,



- dire et Juger que [B] [A], né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1] (Côte d'Ivoire), de [L] [A] de nationalité française, né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2] (Sénégal), et de [J] [K], est français,

- ordonner que mention en soit portée en marge de l'acte de naissance du requérant conformément à l'article 28 du code civil ;



A titre subsidiaire,



- infirmer le jugement entrepris ;



Avant dire droit,



- ordonner un examen comparé des sangs ou un test ADN de M. [B] [A] et de M. [L] [A], son père, né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2] (Sénégal), demeurant [Adresse 3]usoleil,

- condamner le Trésor Public à payer à M. [B] [A] la somme de 5.000 € pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.





M. [A] considère avoir légalement justifié de sa filiation à l'égard d'un parent français en regard des dispositions des articles 18 et 310-3 du code civil.



Il fait valoir que pour établir la filiation attributive de nationalité française, les textes précités exigent, soit la production d'un acte de naissance de l'enfant portant le nom du parent, soit un acte de reconnaissance, soit un acte de notoriété constatant la possession d'état.



En l'espèce, pour prouver sa filiation à l'égard de son père français, conformément aux dispositions précitées, M. [B] [A] indique produire les documents suivants :



- la copie littérale de son acte de naissance, transcrit par l'ambassadeur de la République du Sénégal le 21 février 2006, sous le numéro 070/ASA/2006 du registre d'état civil de l'Ambassade du Sénégal à [Localité 3] (Côte d'Ivoire),

- l'extrait de son acte de naissance délivré par le ministère des affaires étrangères du Sénégal,

- l'extrait certifié conforme de la copie intégrale de naissance, délivré par l'officier d'état civil de [Localité 1] (Côte d'Ivoire),

- un extrait de la loi sénégalaise (code de la famille : article 49),

- un extrait de la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964 modifiée (article 20),

- le certificat de nationalité française de son père [L] [A].



Le tribunal qui a convenu que M. [A] justifiait d'un état civil fiable, au sens de l'article 47 du code civil, par la production d'un acte de naissance sur lequel est mentionné le nom d'un parent français, aurait refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations.

L'appelant reproche au tribunal l'adoption de motifs discriminants en ce qu'il a considéré qu'il n'a pas légalement justifié de sa filiation à l'égard de son père. Or, l'article 310 du code civil dispose que « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d'eux. ».



En statuant comme il l'a fait, le tribunal aurait consacré une différence de traitement, en matière de filiation, entre [B] [A], enfant naturel supposé, et ses s'urs issues du même père en violation des dispositions des articles 6 § 1 et 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.



Subsidiairement, M. [A] invoque la possession d'état et la supposée loi personnelle de sa mère.





Le premier juge a fait application des dispositions de l'article 311-14 du code civil aux termes de laquelle la loi applicable est la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant. Il a donc fait application de la loi ivoirienne.



L'article 19 de la loi n° 64-377 du 7 octobre 1964 dispose qu'à l'égard du père, la preuve de la filiation ne peut résulter que d'une reconnaissance ou d'un jugement. [B] [A] ne produisant ni acte de reconnaissance, ni jugement établissant le lien de filiation avec son père, le tribunal en a conclu qu'il ne justifiait pas d'une filiation légalement établie à l'égard d'un parent français. Toutefois, [B] [A] et son père ayant tous deux leur résidence habituelle à [Localité 4] (06), c'est l'article 311-15 du code civil, dérogatoire à l'article 311-14 du même code, qui devrait, selon lui, s'appliquer.



En outre, le tribunal aurait fait une fausse application de la loi ivoirienne qu'il estime être la loi personnelle de la mère de M. [B] [A]. En effet, l'article 20 al. 2 de la loi 64-377 du 7 octobre 1964 tel que modifié par la loi n° 83-799 du 2 août 1983, dispose que: 'Toutefois l'acte de naissance portant l'indication du père vaut reconnaissance lorsqu'il est corroboré par la possession d'état'.



M. [B] [A] indique produire diverses pièces pour corroborer son titre par une possession d'état d'enfant d'un parent français conformément aux dispositions des articles 311-1, 311-2 et 334-8 du code civil.



L'appelant reproche, par ailleurs, au tribunal d'avoir tiré argument de l'absence du père à la procédure pour refuser d'examiner l'existence de la filiation par possession d'état alors que l'article 324 du code civil dispose que les jugements rendus en matière de filiation sont opposables aux personnes qui n'y ont point été parties. En vertu du même article, le tribunal aurait pu ordonner d'office la mise en cause du père.



En toute hypothèse, ce moyen aurait été soulevé d'office en violation des dispositions de l'article 16 alinéa 3 du code de procédure civile qui dispose que le juge ne peut se fonder sur des moyens de droit qu'il a soulevés d'office sans inviter les parties à présenter leurs observations.



De même, contrairement à ce qui est soutenu par le tribunal, la filiation établie par une possession d'état conforme à l'acte de naissance rétroagirait au jour de la naissance et aurait une incidence sur la nationalité française de l'enfant.



Très subsidiairement, M. [A] réclame l'instauration d'une expertise génétique, estimant que, contrairement à ce qui est soutenu par le tribunal, une filiation établie par expertise génétique a une incidence sur la nationalité, celle du parent s'appréciant au jour de la naissance de l'enfant et durant sa minorité.



Il invoque le fait que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il y a un motif légitime de ne pas y procéder. Il fait valoir l'intérêt d'ordre public s'attachant à ce que toute personne vivant habituellement en France soit pourvue d'un état civil. Or, la contestation de sa filiation à l'égard de son père tendrait à le déposséder de l'état civil dont il était pourvu jusqu'à ce jour. Il invoque, à ce titre, une jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme aux termes de laquelle le droit de connaître son ascendance fait partie intégrante de la notion de « vie privée » au sens de l'article 8 de la Convention, l'intérêt de cette connaissance ne cessant nullement avec l'âge.





Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 7 juin 2018, le procureur général demande à la cour de :



- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 23 novembre 2017,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.



Le ministère public rappelle qu'en application de l'article 30 alinéa ler du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil. L'action déclaratoire de l'appelant étant fondée sur les dispositions de l'article 18 du code civil, il lui incombe de prouver, d'une part, la nationalité française de son père au jour de sa naissance et, d'autre part, un lien de filiation légalement établi à l'égard de ce dernier et ce, avant sa majorité, afin de pouvoir produire effet en matière de nationalité, conformément aux exigences de l'article 20-1 du code civil.



Le ministère public considère que les documents produits par M. [A] ne lui permettent pas de justifier d'un état civil certain et probant au sens de l'article 47 du code civil, raison pour laquelle il ne peut se voir reconnaître la nationalité française.



En tout état de cause, le lien de filiation à l'égard d'un père français ne serait pas légalement établi durant la minorité de l'intéressé, au regard de la loi ivoirienne, applicable en l'espèce sur le fondement de l'article 311-14 du code civil.



L'appelant ne rapporterait ainsi pas la preuve d'un mariage ou d`un acte de reconnaissance établi durant sa minorité par un père français. Par ailleurs, M. [B] [A] ne pourrait invoquer les règles du code civil français sur la possession d'état, la seule loi applicable étant la loi ivoirienne, loi personnelle de la mère au jour de sa naissance.



L'article 19 de la loi ivoirienne n°64-377 du 7 octobre 1964 dispose que ' A l'égard du père, la preuve de la filiation ne peut résulter que d'une reconnaissance ou d'un jugement'. Or, la simple déclaration sur l'honneur de M. [L] [A], en date du 21 septembre 2016, par laquelle celui-ci précise avoir toujours traité [B] [A] comme son enfant et avoir pourvu comme un père à son éducation ne saurait palier l'absence de reconnaissance ou de jugement.



Si l'on devait prendre en compte la possession d'état, M. [B] [A] devrait en justifier par la production de documents datant de sa minorité, révélant son rapport de filiation avec M. [L] [A], ce qu'il ne fait pas. En toute hypothèse, la possession d'état d'enfant serait inapplicable en l'espèce alors que la père allégué n'a pas été attrait à la procédure et que les déclarations produites sont postérieures à la majorité de l'intéressé.



Concernant la demande d'expertise génétique, le ministère public relève qu'elle ne peut être ordonnée que dans les cas limitativement prévus par l'article 16-11 du code civil qui ne visent pas la nationalité. A cet égard, la Cour de cassation considère qu'une analyse génétique ne peut en elle-même servir à établir la nationalité française.



Le procureur général considère, en outre, que le tribunal a parfaitement jugé qu'une analyse génétique ne pouvait avoir vocation qu'à démontrer l'existence d'un lien de filiation lequel, s'il était établi, serait en tout état de cause postérieur à la majorité de l'intéressé et donc sans effet sur sa nationalité.



Enfin, le ministère public estime que l'appelant ne peut valablement invoquer la violation des articles 6-1, 8 et 14 de la Convention européenne des Droits de l'Homme en prétendant qu'une expertise biologique lui permettrait de 'connaître avec certitude son ascendant' s'agissant, en l'espèce, non pas d'une action en matière de filiation mais d'une action en matière de nationalité.





L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2019.





Sur ce,



A titre liminaire, il convient de constater que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies.





En application des dispositions de l'article 30 du code civil, il incombe à M. [B] [A], non titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer qu'il est français par filiation.



C'est par une analyse pertinente de la copie de l'acte de naissance de M. [B] [A] que le tribunal a considéré que, sur le fondement de cette pièce, le demandeur justifiait d'un état-civil fiable au sens de l'article 47 du code civil.



M. [B] [A] reproche au premier juge de ne pas avoir tiré toutes les conséquences de cette constatation en lui imposant de démontrer l'existence de son lien de filiation avec M. [L] [A], de nationalité française, alors que la production de sa copie d'acte de naissance serait suffisante en regard des dispositions combinées des articles 18 et 310-3 du code civil, pour lui conférer la nationalité française.



Si l'article 18 du code civil dispose qu'est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français, le premier juge a rappelé que la filiation devait, en vertu de l'article 311-14 du même code, être établie en regard de la loi personnelle de la mère au jour de la naissance du demandeur à la nationalité française. La mère de M. [B] [A] étant de nationalité ivoirienne, la loi applicable est donc la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964, modifiée par la loi n 83-799 du 2 août 1983, qui impose que la filiation hors mariage, comme en l'espèce, soit établie à l'égard du père, par jugement, par reconnaissance ou par la possession d'état lorsque l'acte de naissance porte l'indication du père.



Il résulte toutefois de l'article 311-15 du code civil que si l'enfant ou ses père et mère ou l'un d'eux ont en France leur résidence habituelle, commune ou séparée, la possession d'état produit toutes les conséquences qui en découlent selon la loi française, lors même que les autres éléments de la filiation auraient pu dépendre de la loi étrangère. En l'espèce, M. [B] [A] verse aux débats un avis d'imposition 2017 au nom de M. [L] [A], permettant d'établir que son père présumé a bien sa résidence habituelle en France et qu'il remplit donc les conditions de l'article 311-15 du code civil.





L'appelant ne produisant ni acte de reconnaissance, ni jugement permettant d'établir son lien de filiation, hors mariage, avec M. [L] [A], il convient d'examiner s'il démontre l'existence d'une possession d'état, en application de la loi française.



Sont produits aux débats :



- une déclaration sur l'honneur manuscrite établie par M. [L] [A], le 23 décembre 2016, signée devant maître [J], notaire à [Localité 4],

- une attestation manuscrite de Mme [D] [R], grand-mère de l'intéressé, en date du 3 janvier 2017,

- une attestation de M. [S] [W], oncle de l'intéressé en date du 3 janvier 2017,

- les carnet de santé de [B] [A] et de sa mère délivrés à la naissance de l'intéressé par la Direction de la Protection Maternelle et infantile du Ministère de la Santé Publique et de la Population de la République de Côte d'Ivoire, comportant le nom de M. [L] [A] en tant que père,

- la carte de vaccination de l'enfant [B] [A] (de 1982 à 1987) délivrée par le Ministère de la Santé Publique de Côte d'Ivoire ,

- la carte de vaccination de [B] [A] délivrée le 26 avril 1993,

- une fiche scolaire au nom de [B] [A] délivrée le 8 septembre 1995 par le Ministère de l'Education Nationale de Côte d'Ivoire, mentionnant M. [L] [A] en tant que père,

- le diplôme de certificat d'études primaires élémentaires délivré à [B] [A] le 31 juillet 1995,

- l'attestation de réussite au Brevet d'études du premier cycle (BEPC) en date du 19 juillet 1999 (doc. 24) ;

- l'attestation de réussite au Baccalauréat de [B] [A] (Côte d'Ivoire),

- les certificats d'inscription en première, deuxième et troisième années de génie juridique de l'intéressé,

- le diplôme de licence en génie juridique de l'intéressé,

- le diplôme en langue russe de l'intéressé,

- le passeport sénégalais de M. [B] [A],

- sa carte d'identité sénégalaise.



Le tribunal a rejeté la demande formée sur le fondement de la possession d'état en constatant que l'intéressé ne pouvait établir un lien de filiation avec son père qui n'avait pas été attrait à la procédure, alors que la possession d'état, à supposer qu'elle soit reconnue définitivement, n'a pas d'effet rétroactif et n'aurait dès lors aucune incidence sur la nationalité de M. [B] [A], celui-ci étant majeur. Le même raisonnement a été adopté par le tribunal pour rejeter la demande d'expertise génétique formée par le demandeur.





L'absence aux débats de M. [L] [A] ne fait pas obstacle à ce que la cour examine les éléments invoqués par M. [B] [A] sur le fondement de la possession d'état d'enfant dans le cadre d'une action en nationalité.



Si la copie littérale d'acte de naissance, l'extrait d'acte de naissance, le carnet de santé, outre une fiche scolaire en date du 8 septembre 1995 mentionnent que le père de M. [B] [A] est M. [L] [A], ces éléments sont insuffisants, à eux seuls, à démontrer l'existence d'une possession d'état d'enfant au sens des dispositions de l'article 311-1 du code civil qui exige la réunion suffisante de faits révélant le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir, à savoir :

1°) que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ;

2°) que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien et à son installation;

3°) que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;

4°) qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ;

5°) qu'elle porte le nom de celui ou de ceux dont on la dit issue.



Les pièces précitées permettent uniquement de démontrer que M. [B] [A] porte depuis sa naissance le nom de celui dont il se dit issu, sans que cela ne constitue une réunion suffisante de faits révélant l'existence d'une lien de filiation, au sens de la loi française.



S'agissant des déclarations sur l'honneur aux termes desquelles M. [L] [A], Mme [D] [R] et M. [S] [W] affirment que M. [B] [A] a toujours été considéré comme le fils de M. [L] [A], elles ont toutes été établies courant 2017 alors que l'appelant, né le [Date naissance 1] 1982, était déjà majeur. Or, en application des dispositions de l'article 20-1 du code civil, la filiation n'a d'effet sur la nationalité que si elle est établie durant la minorité.



Par conséquent, la possession d'état, fut-elle établie par la réunion des documents précités et des attestations susvisées, ne saurait avoir aucun effet sur la nationalité de M. [B] [A].



M. [B] [A] invoque, par ailleurs, les dispostions de l'article 310 du code civil ainsi que celles des articles 6 § 1 et 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales pour voir considérer que le tribunal a fait une différence de traitement, en matière de filiation, entre lui-même, enfant naturel supposé, et ses s'urs issues du même père. Comme rappelé par l'appelant lui-même, l'article 310 du code civil fait référence à l'égalité de droits et de devoirs qui doit prévaloir entre les enfants issus des mêmes père et mère, principe auquel le tribunal n'a nullement porté atteinte dans la mesure où le droit pour M. [B] [A] de revendiquer un lien de filiation avec M. [L] [A] ne lui a jamais été dénié. Seules les conséquences de l'établissement de cette filiation sur la nationalité de l'appelant font l'objet de la présente procédure, sans que cela n'ait aucune incidence sur les droits et devoirs dont M. [B] [A] pourrait se prévaloir en sa qualité de fils de M. [L] [A].



C'est, en outre, à bon droit que le tribunal a rejeté, sur le fondement de l'article 20-1 du code civil, la demande d'expertise génétique présentée par l'appelant, l'établissement de la filiation par voie d'expertise, alors que le demandeur est majeur, ne pouvant avoir aucun effet sur sa nationalité. En toute hypothèse, l'article 16-11 du code civil, qui énumère de manière limitative les situations dans lesquelles le juge est autorisé à recourir, en matière civile, à l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques, ne prévoit nullement que celle-ci puisse être mise en oeuvre dans le cadre d'une action en matière de nationalité. Par conséquent, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande d'expertise génétique formée par M. [B] [A].



Enfin, le refus d'ordonner une expertise biologique ne remet, en l'espèce, nullement en cause le droit de M. [B] [A] de connaître sa filiation dès lors que le père qu'il revendique vient attester qu'il l'a toujours traité et considéré comme son fils, en dépit de l'absence de reconnaissance et de jugement faisant état de ce lien de filiation hors mariage. Il convient, du reste, de rappeler que la présente procédure n'a pas pour objet une recherche en paternité mais l'établissement de la nationalité française.





En l'état de ce qui précède, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions y compris celle par laquelle le tribunal a refusé d'ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil au motif que M. [A] n'était pas titulaire d'un certificat de nationalité de sorte qu'aucun acte de naissance n'avait été établi à son nom par le service central de l'état civil à ce jour, le tribunal n'ayant pas le pouvoir d'ordonner qu'une mention soit apposée sur un acte d'état-civil étranger.





M. [B] [A] sera débouté de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de la présente instance demeureront à sa charge.





Par ces motifs,



Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,





Constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies.



Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille le 23 novembre 2017.



Y ajoutant,



Déboute M. [B] [A] de sa demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



Laisse les dépens à sa charge.





LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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