8 octobre 2019
Cour d'appel de Rennes
RG n° 17/08828

1ère Chambre

Texte de la décision

1ère Chambre





ARRÊT N°381/2019



N° RG 17/08828 - N° Portalis DBVL-V-B7B-OPFW













M. [F] [G]

Mme [O] [M] épouse [G]



C/



M. [E] [H]























Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2019







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,

Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère, entendue en son rapport





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 25 Juin 2019





ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Octobre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats







****





APPELANTS :



Monsieur [F] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Jean-Marie BERTHELOT, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/000165 du 06/04/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)





Madame [O] [M] épouse [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Jean-Marie BERTHELOT, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/000185 du 06/04/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)











INTIMÉ :



Monsieur [E] [H]

né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 4] ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Matthieu TOUCANE de la SCP LE HAN BOUREAU, TOUCANE, KERGALL, plaidant, avocat au barreau de SAINT NAZAIRE







M. [F] [G] et Mme [O] [M], épouse [G], (les époux [G]), prétendant que M. [E] [H] leur avait vendu une ruine située sur un terrain lui appartenant à [Localité 2], cadastré section XW [Cadastre 1] et [Cadastre 1], ont assigné ce dernier devant le tribunal de grande instance de Saint Nazaire par acte du 25 janvier 2011. Leur action tendait d'une part, à se voir reconnaître la qualité de propriétaires, et d'autre part, à se voir indemniser sur le fondement de l'enrichissement sans cause pour avoir restaurer les biens de M. [H].



Ils ont soutenu que cette vente s'était faite verbalement en avril 1993, suivant crédit vendeur de 100.000 francs payable mensuellement, et exposé qu'un géomètre avait procédé à la division des terrains entre ceux leur appartenant et ceux conservés par M. [H]. Ils ont reproché à M. [E] [H] de refuser de réitérer la vente par acte authentique, alors qu'ils avaient rénové la ruine pour en faire leur résidence principale.



Par jugement du 21 février 2013, le tribunal a débouté les époux [G] de leur demande tendant à se voir reconnaître la qualité de propriétaire et ordonné une expertise aux fins de disposer des éléments nécessaires à l'application des dispositions de l'article 555 du code civil.



L'expert a déposé son rapport le 21 septembre 2014.



Par jugement du 6 juillet 2017, le tribunal a:

-débouté les époux [G] de leurs demandes,

-condamné Les époux [G] à enlever les constructions réalisées sur le bien de M. [H] à leurs frais,

-condamné les époux [G] aux dépens en ce compris les frais de l'expertise judiciaire.



Les époux [G] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 décembre 2017.




Vu les conclusions du 22 novembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de M. et Mme [G] qui demandent à la cour de :

-déclarer recevable l'appel par eux interjeté,

-infirmer le jugement entrepris,

-condamner M. [H] à leur verser la somme de 85.000€ au titre des améliorations réalisées,

-débouter M. [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

-condamner M. [H] à verser 3.500€ au Conseil de Mme et M. [G] sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article 700 du code de procédure civile, moyennant la renonciation de l'avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle,

-condamner M. [H] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.



Vu les conclusions du 19 novembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et arguments de M. [H] qui demande à la cour de :

-dire que les consorts [G] ne peuvent se prétendre de bonne foi,

-décerner acte de l'option définitive retenue par M. [H], faute pour les demandeurs d'avoir accepté sa première offre,

-constater en conséquence la demande de suppression des 'améliorations' formulée par M. [H], aux frais exclusifs des consorts [G],

-condamner dès lors les consorts [G] à remettre l'immeuble dans son état initial, sous astreinte de 200€ par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

-débouter les époux [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

-condamner les époux [G] aux entiers dépens,

-condamner les époux [G] à verser à M. [H] la somme de 3.500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 juin 2019.




MOTIFS DE LA DÉCISION:



M. et Mme [G] soutiennent que :



*ils fondent leur action sur la théorie des impenses exposées par le possesseur évincé, sur les articles 550 du code civil et 1381 du même code dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;



*l'article 555 du code civil n'est pas applicable à l'espèce en l'absence de construction nouvelle ;



*l'autorité de la chose jugée du jugement mixte du 21 février 2013 ne s'attache qu'aux questions tranchées au fond qui n'a pas décidé que le régime applicable était celui de l'article 555 du code civil mais a au contraire sursis à statuer et ordonné une expertise ;



*compte tenu de l'état de ruine du bâtiment en 1993, les travaux qu'ils ont réalisés doivent être qualifiés pour partie d'impenses nécessaires et pour parties d'impenses utiles, qui doivent être indemnisées à hauteur de ce dont la valeur du bien se trouve augmentée ;



*à titre subsidiaire, si la cour décidait que les dispositions de l'article 555 du code civil doivent s'appliquer, ils doivent être regardés comme tiers évincés de bonne foi.



M. [H] répond que:



*le principe de l'application de l'article 555 du code civil a été figé par les dispositions du jugement du 21 février 2013 ;



*dans l'hypothèse où la cour retiendrait la théorie des impenses, les époux [G] ont, par leurs travaux, construit un bâtiment neuf, celui existant initialement n'étant composé que d'un cellier et d'un débarras; les consorts [G] n'apportent aucun élément sur le montant des dépenses qu'ils ont effectuées ;



*il résulte des dispositions de l'article 555 du code civil que le choix entre conserver les améliorations ou exiger leur destruction n'appartient qu'au propriétaire ;



*M. et Mme [G] ne peuvent utilement alléguer de leur bonne foi ;



*il ressort du rapport d'expertise que l'homme de l'art a émis les plus expresses réserves sur la qualité des travaux, en tout état de cause , il opte pour la remise en état des lieux au frais des occupants.



Ce ci étant exposé :



Le jugement du 21 février 2013 est aujourd'hui définitif. Dans les motifs de cette décision, le tribunal, statuant sur l'offre indemnitaire faite par M. [H] pour la plus value apportée au fonds, a fait expressément référence à l'article 555 du code civil. Ce texte était celui invoqué alors par M. [H] pour proposer une somme de 30 000 €, alors que les époux [G] invoquaient le fondement de l'enrichissement sans cause. Mais dans le dispositif du jugement, le tribunal a statué ainsi :

Avant dire droit sur la question de l'enrichissement sans cause; Ordonne une expertise.



Ce faisant, le tribunal n'a pas définitivement statué sur le régime applicable à l'indemnité demandée par les époux [G]. Le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée du jugement du 21 février 2013, invoqué par M. [H], est inopérant.



Sur le régime indemnitaire applicable à l'espèce :



Aux termes de l'article 550 du code civil : «Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.

Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus.»



Aux termes de l'article 555 du même code : «Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.

Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.

Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.

Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent»



Aux termes de l'article 1381 de ce code, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016 : «Celui auquel la chose est restituée doit tenir compte, même au possesseur de mauvaise foi, de toutes les dépenses nécessaires et utiles qui ont été faites pour la conservation de la chose.»



En premier lieu, il a été définitivement statué par le jugement du 21 février 2013 qu'aucune cession de l'immeuble n'avait été effectuée au bénéfice des époux [G]. Dès lors, les époux [G] ne peuvent se prévaloir de la qualité de possesseurs évincés et les dispositions de l'article 1381 précitées qui s'appliquent à la restitution d'un immeuble indûment cédé, ne s'appliquent pas à l'espèce.



En deuxième lieu, les époux [G] ne justifient pas d'avoir acquitté la somme de 100 000 francs qui correspondrait, selon eux, au montant du prix de vente. Ils ont compris en 1999, après une lettre du géomètre investi de procéder à la délimitation des propriétés qui les invitait à faire établir un acte authentique, qu'ils ne possédaient pas de titre de propriété. Dès lors, ils ne peuvent prétendre qu'à la date de l'introduction de leur action, le 25 janvier 2011, ils étaient possesseurs de bonne foi.



En troisième lieu, il ressort du rapport d'expertise et des photographies versées aux débats que les époux [G] ont pris possession d'une ruine : «Sol en terre battue, toiture effondrée, plancher du grenier effondré, pas d'électricité, pas d'eau potable, menuiserie hors d'usage». Le bien visité par l'expert, après rénovation par les époux [G] comporte:



«En rez-de-chaussée : une pièce de séjour avec une partie salon avec cheminée et poêle, une partie salle à manger une partie cuisine aménagée ouverte ;

Sol carrelages, murs en pierres apparentes, poutres apparentes peintes ;

salle d'eau avec espace douche, WC. Cette pièce est inachevée (électricité notamment) ;

à l'étage : deux chambres sous combles (moquette premier prix, poutres apparentes peintes ;

accolée à la maison : un débarras ;

jardin avec ancienne dépendance en ruine ;

la construction est en pierres, charpente ancienne, toiture ardoise. Ouverture de rénovation simple vitrage, chauffage par poêle et cheminée, et convecteurs électriques dans les chambres.

La rénovation est inachevée»



L'expert a ajouté que le bien expertisé n'était pas raccordé au réseau d'eau potable ; qu'il n'y a pas de puits, que l'habitation est alimentée par des citernes recevant les eaux pluviales ; qu'il ne dispose d'aucun système d'assainissement et que dans son état, le bien ne correspond pas aux normes d'un logement décent, et de ce fait ne pourrait pas être loué ou vendu à usage d'habitation. M. [T] a émis les plus grandes réserves sur la qualité des travaux effectués en terme de respect des normes du bâtiment, ceux-ci ayant été effectués sans recours à des entreprises qualifiées.



Compte tenu de l'importance de la rénovation effectuée, les travaux des époux [G] doivent être regardés comme l'édification d'une construction neuve à laquelle les dispositions de l'article 555 du code civil sont applicables. M. et Mme [G], n'étant pas possesseurs de bonne foi, ils ne peuvent s'opposer à la suppression des ouvrages et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [G] à enlever à leurs frais les constructions réalisées sur le bien de M. [H], sans qu'il y ait lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte.



Par voie de conséquence, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a débouté les époux [G] de leurs demandes.







PAR CES MOTIFS:



La cour, statuant par arrêt contradictoire;



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;



Y ajoutant;



Déboute M. [E] [H] de sa demande au titre des frais irrépétibles;



Condamne M. [F] [G] et Mme [O] [M] épouse [G] aux dépens en cause d'appel.



LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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