11 octobre 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/04054

Pôle 6 - Chambre 13

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 11 Octobre 2019



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/04054 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5JWN



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Janvier 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16/03476





APPELANT

Monsieur [Q] [F]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Carole YTURBIDE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 131





INTIMÉES

CAF [Localité 3]

Contencieux général - lutte contre la fraude

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Mme [U] [M] en vertu d'un pouvoir général



Madame [N] [L] [O]

[Adresse 3]

[Localité 5]

non comparante - non représentée



CAF 93 - SEINE SAINT DENIS - SITE [Localité 6]

Service contentieux

[Adresse 4]

représentée par Mme [U] [M] en vertu d'un pouvoir spécial





PARTIE INTERVENANTE

DÉFENSEUR DES DROITS

[Adresse 5]

[Localité 7],

représenté par Mme [R] [D] en vertu d'un pouvoir spécial







Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 6]

[Localité 8],

avisé - non comparant









COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller



Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats





ARRÊT :

- réputé contradictoire

- délibéré du 27 septembre 2019 prorogé au 11 octobre 2019, prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [Q] [F] d'un jugement rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à Mme [N] [O], à la caisse d'allocations familiales [Localité 3], et à la caisse d'allocations familiales de la Seine Saint Denis, en présence du Défenseur des droits.



L'affaire est enregistrée sous le numéro RG 18/04054, les parties ont été convoquées pour l'audience du 20 mai 2019 et la décision est mise à disposition à la date prorogée du

11 octobre 2019.






FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES



Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.



Il suffit de rappeler que M. [Q] [F] et Mme [N] [O] ont contracté mariage le [Date mariage 1] 2001 et que de cette union est née le [Date naissance 2] 2009 [Y], enfant atteinte d'un handicap important, qui bénéficie de l'allocation d'éducation pour enfant handicapé (l'AEEH) et de ses compléments.



Le couple a divorcé, et par ordonnance de non conciliation du 14 novembre 2013, puis par jugement de divorce en date du 19 janvier 2016 du tribunal de grande instance de Paris, la résidence de l'enfant a été fixée en alternance au domicile de chacun des parents.



L'allocation d'éducation pour enfant handicapé a été versée à Mme [O], suite à sa demande du 12 avril 2013.



Par lettre du 23 août 2014, M. [F] a sollicité de la caisse d'allocations familiales de Paris qu'elle lui verse la moitié de cette allocation. Par lettre en date du 14 octobre 2015, la caisse a refusé au motif que l'AEEH, à la différence des allocations familiales, ne peut pas être partagée entre les parents.



Par lettre en date du 25 octobre 2015, M. [F] a saisi la commission de recours amiable afin d'obtenir le partage de l'AEEH à compter de février 2012. Son recours a été rejeté par décision de la commission du 8 octobre 2015. Il a donc saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris afin de contester cette décision.



Par jugement du 27 décembre 2016, ce tribunal a déclaré son recours recevable et a renvoyé l'affaire pour que Mme [O] soit attraite en la cause.



Par jugement en date du 9 janvier 2018, ce tribunal a rejeté la demande de partage de

M. [F], qui a relevé appel de cette décision par lettre en date du 20 mars 2018 et fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à infirmer le jugement déféré et à dire et juger qu'il a droit au bénéfice de l'allocation d'éducation pour enfant handicapé et de ses compléments servis pour son enfant [Y], à compter du 15 février 2012.



Il soutient que les allocations familiales, en application des articles L 521-2 et R 521-2 du code de la sécurité sociale, peuvent faire l'objet d'un partage équitable entre les parents, et que cet esprit d'égalité doit aussi s'appliquer à l'allocation d'éducation pour enfant handicapé ; que le refus de ce partage porte atteinte au principe d'égalité posé par l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'il est autant impliqué que la mère dans la prise en charge et le suivi de l'enfant ; qu'aucune raison objective ne s'oppose au partage par moitié de l'ensemble des prestations auxquelles ouvre droit l'enfant, et ce depuis la mise en place de la résidence alternée.



La caisse d'allocations familiales de Paris fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions invitant la cour à confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et à débouter M. [F] de ses demandes.



Elle soutient que le principe de l'unicité de l'allocataire posé par l'article R 513-1 du code de la sécurité sociale n'est pas contraire au principe d'égalité devant la loi, que l'article

L 521-2 du même code prévoit que seules les allocations familiales peuvent être partagées, que ce n'est pas prévu pour l'AEEH et que s'il était fait droit à la demande de M. [F], elle devrait demander à Mme [O] le remboursement d'un indu.



La caisse d'allocations familiales de la Seine Saint Denis, compétente en raison du domicile de la mère de l'enfant, conclut par la voix de sa représentante dans le même sens.



Mme [O] a été régulièrement convoquée mais n'a pas comparu, l'accusé de réception de la lettre recommandée étant revenu avec la mention ' pli avisé non réclamé'.



Le Défenseur des droits, saisi par M. [F], a fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des observations écrites par lesquelles il soutient que l'application du principe de l'unicité de l'allocataire posé par les articles L 513-1 et R 513-1 du code de la sécurité sociale a pour effet de priver de ses droits un parent qui a la charge effective de l'enfant, qu'il s'agit d'une discrimination à raison de la situation de famille, voire à raison du sexe car ce sont le plus souvent les pères qui sont exclus du dispositif, discrimination prohibée par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et que les textes précités du code de la sécurité sociale sont susceptibles de constituer une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que défini par la Convention internationale des droits de l'enfant.



Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.












SUR CE,



M. [F] a relevé appel du jugement dans les formes et délais légaux, son appel est donc recevable.



L'article L 521-2 du code de la sécurité sociale dispose : 'Les allocations sont versées à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant.

En cas de résidence alternée de l'enfant au domicile de chacun des parents telle que prévue à l'article 373-2-3 du code civil, mise en oeuvre de manière effective, les parents désignent l'allocataire. Cependant la charge de l'enfant pour le calcul des allocations familiales est partagée par moitié entre les deux parents soit sur demande conjointe des parents, soit si les parents sont en désaccord sur la désignation de l'allocataire. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent alinéa.

Lorsque la personne qui assume la charge effective et permanente de l'enfant ne remplit pas les conditions prévues au titre I du présent livre pour l'ouverture du droit aux allocations familiales, ce droit s'ouvre du chef du père ou, à défaut, du chef de la mère'.



L'article R 521-2 du même code dispose : 'Dans les situations visées au deuxième alinéa de l'article L 521-2, l'allocataire est celui des deux parents qu'ils désignent d'un commun accord. A défaut d'accord sur la désignation d'un allocataire unique, chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d'allocataire :

1° Lorsque les deux parents en ont fait la demande conjointe,

2° Lorsque les deux parents n'ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage.

Lorsque les parents ont désigné un allocataire unique ou fait une demande conjointe de partage, ils ne peuvent remettre en cause les modalités ainsi choisies qu'au bout d'un an, sauf modification des modalités de résidence du ou des enfants'.



L'article L 513-1 du même code dispose : 'Les prestations familiales sont, sous réserve des règles particulières à chaque prestation, dues à la personne physique qui assume la charge effective et permanente de l'enfant'.



L'article R 513-1 du même code dispose : 'La personne physique à qui est reconnu le droits aux prestations familiales a la qualité d'allocataire. Sous réserve des dispositions de l'article R 521-2, ce droit n'est reconnu qu'à une personne au titre d'un même enfant.

Lorsque les deux membres d'un couple assument à leur foyer la charge effective et permanente de l'enfant, l'allocataire est celui d'entre eux qu'ils désignent d'un commun accord. Ce droit d'option peut être exercé à tout moment. L'option ne peut être remise en cause qu'au bout d'un an, sauf changement de situation. Si ce droit d'option n'est pas exercé, l'allocataire est l'épouse ou la concubine.

En cas de divorce, de séparation de droit ou de fait ou de cessation de la vie commune des concubins, et si l'un et l'autre ont la charge effective et permanente de l'enfant, l'allocataire est celui des membres du couple au foyer duquel vit l'enfant'.



Les dispositions relatives à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) figurent aux articles L 541-1 à L 541-4, et R 541-1 à R 541- 10 du code de la sécurité sociale.



L'article L 541-3 dispose que : 'Les dispositions de l'article L 521-2 sont applicables à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé'. Or, en application de l'article L 521-2 précité, les allocations familiales peuvent être partagées.



Dés lors, l'article R 521-2, pris pour l'application de l'article L521-2, trouve à s'appliquer et dispose qu'à défaut d'accord sur la désignation d'un allocataire unique, chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d'allocataire s'ils en ont fait la demande conjointe, ou lorsque les deux parents n'ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage.



En l'espèce, Mme [O] a fait une demande d'octroi ; après quoi, M. [F] a demandé le partage de l'AEEH. Ainsi les deux parents n'ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage, manifestant ainsi leur désaccord. Chacun des deux parents peut donc se voir reconnaître la qualité d'allocataire.



La demande de M. [F] est fondée à compter du 24 août 2014, sa première demande étant en date du 23 août 2014.



La caisse d'allocations familiales de Paris qui succombe sera condamnée au paiement des dépens d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS,

La cour,



Déclare recevable l'appel interjeté par M. [Q] [F],



Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,



Statuant à nouveau,



Dit que la caisse d'allocations familiales de Paris et la caisse d'allocations familiales de Seine Saint Denis devront mettre en oeuvre le partage de l'allocation d'éducation pour enfant handicapé et de ses compléments entre M. [Q] [F] et Mme [N] [O] pour leur enfant [Y] à compter du 24 août 2014.



Condamne la caisse d'allocations familiales de Paris et la caisse d'allocations familiales de Seine Saint Denis aux dépens d'appel.





La Greffière,La Présidente,

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