17 octobre 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/28061

Pôle 4 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2019



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/28061 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B65EE



Décision déférée à la cour : jugement du 03 décembre 2018 -juge de l'exécution de Tgi de Paris - RG n° 18/81849





APPELANTE



Madame [S] [K] épouse [R]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Michel Guizard, Selarl Guizard et Associés, avocat au barreau de Paris, toque L 20 -

ayant pour avocat plaidant Me Sylvie Larger Lannelongue, toque D 1251





INTIMÉE



Etablissement Public Chancellerie des universités de Paris,

pris en la personne de Monsieur [F] [L], recteur de l'académie de PARIS, chancelier de l'université, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Cécile ATTAL, avocat au barreau de Paris, toque C0338

ayant pour avocat plaidant Me Hervé JOYET, avocat au barreau de Paris, toque C0338







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Gouarin, conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Emmanuelle Lebée, conseillère faisant fonction de présidente de chambre

M. Gilles Malfre, conseiller

M. Bertrand Gouarin, conseiller chambre 4-8





Greffière, lors des débats : Mme Juliette Jarry





ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Emmanuelle Lebée, conseillère faisant fonction de présidente de chambre et par Juliette Jarry, greffière présente lors du prononcé.






Par acte sous seing privé du 15 avril 2004, la Chancellerie des universités de Paris a donné à bail commercial à la société Auction House, qui a cédé son droit au bail à Mme [K]-[R] le 16 juillet 2012, un local comprenant une boutique et un sous-sol, situés à [Localité 4]. L'activité prévue au bail est: «'antiquités, décoration, tissus d'ameublement, cadeaux, salon de thé et traiteur, dégustation de plats réchauffés sur place sans odeur, à l'exclusion de toutes préparations de plats cuisinés sur place'».



Par ordonnance de référé du 11 septembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a, notamment, ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire du bail commercial jusqu'au 15 décembre 2014 afin de permettre au locataire de céder son fonds de commerce, a «'constaté l'arrêt à compter du 15 octobre 2014 de toute préparation culinaire odorante, à défaut, la clause résolutoire serait acquise, il sera procédé à l'expulsion immédiate'».



Cette décision a été signifiée le 15 octobre 2014 à Mme [K]-[R].



Le 16 décembre 2014, la Chancellerie des universités de Paris a fait délivrer à Mme [K]-[R] un commandement de quitter les lieux puis en a fait délivrer un second le 10 novembre 2015.



Le procès-verbal d'expulsion de Mme [K]-[R] a été établi le 3 mars 2016.



Par acte d'huissier du 22 février 2016, Mme [K]-[R] a fait assigner la Chancellerie des universités de Paris devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, qui, par ordonnance du 23 mai 2018, s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris.



Mme [K]-[R] a demandé, notamment, de voir annuler le commandement d'avoir à quitter les lieux, le procès-verbal d'expulsion, d'ordonner sa réintégration dans les lieux et de condamner la Chancellerie des universités de Paris à lui verser des dommages-intérêts.



Par jugement du 3 décembre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a débouté Mme [K]-[R] de l'ensemble de ses demandes, a dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [K]-[R] aux dépens, en ce compris les frais de constat du 9 décembre 2014.



Par déclaration du 14 décembre 2018, Mme [K]-[R] a interjeté appel de cette décision.




Par dernières conclusions du 3 septembre 2019, Mme [K]-[R] demande à la cour, outre des demandes de «'dire et juger'» ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, d'annuler les commandements de quitter les lieux des 16 décembre 2014 et 10 novembre 2015, d'annuler le procès-verbal d'expulsion du 3 mars 2016, d'ordonner sa réintégration dans les lieux aux conditions du projet de bail signé par elle le 13 mai 2015 et aux frais de la Chancellerie des universités de Paris, d'ordonner la restitution des lieux dans leur état initial avec leur mobilier meublant aux frais de l'intimée, subsidiairement, de condamner la Chancellerie des universités de Paris à lui payer la somme de 278 000 euros et, à titre subsidiaire, de 106 789 euros à titre de dommages-intérêts, en tout état de cause, de condamner l'intimée à lui payer les sommes de 40 000 euros au titre de son préjudice moral, de 6 000 euros au titre du remboursement des frais de rédaction du projet de bail du 13 mai 2015 avec intérêts au taux légal depuis le mois de mai 2015, de 35 769,73 euros au titre des frais liés à l'activité du fonds de commerce, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de condamner l'intimée à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Par dernières conclusions du 5 mars 2019, la Chancellerie des universités de Paris demande à la cour de déclarer Mme [K]-[R] «'irrecevable, sinon mal fondée, en son appel et en toutes ses demandes, de l'en débouter en tous cas'», de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.



Il est référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.



La clôture est intervenue le 5 septembre 2019.




SUR CE



Sur la recevabilité de l'appel et des demandes de Mme [K]-[R]



La Chancellerie des universités de Paris n'invoque aucun moyen à l'appui de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables l'appel et les demandes de Mme [K]-[R], de sorte que, rien dans le dossier ne conduisant la cour à soulever l'irrecevabilité de l'appel ou des demandes, ceux-ci seront déclarés recevables.



Sur le fond



Aux termes de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, sauf disposition contraire, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux.



Mme [K]-[R] soutient que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2014 subordonne l'acquisition de la clause résolutoire et son expulsion à la caractérisation de l'existence de nuisances liées à des préparations culinaires odorantes par une décision de justice ou, à tout le moins, par un constat contradictoire en présence du bailleur et de la locataire. Elle soutient que les odeurs de cuisine constatées par huissier de justice pouvaient provenir d'autres cuisines de l'immeuble. L'appelante prétend que l'expulsion serait abusive et disproportionnée, faisant valoir l'existence de pourparlers ayant donné lieu à un projet de bail le 13 mai 2015 que l'intimée a refusé de signer, exposant que la Chancellerie des universités de Paris a refusé l'extension de l'objet du bail à une activité de restauration à base de plats cuisinés sur place ainsi que l'installation d'un extracteur. Elle soutient que l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire permet d'indemniser son préjudice indépendamment du caractère régulier ou non de la mesure d'exécution. L'appelante fait valoir que, depuis 2018, les locaux sont donnés à bail à un restaurant proposant des plats nécessitant des préparations culinaires odorantes et que le nouveau preneur a été autorisé à installer un extracteur.







La Chancellerie des universités de Paris soutient qu'elle a laissé à Mme [K]-[R] des délais

avant de mettre en oeuvre l'exécution forcée de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2014 afin de lui laisser le temps de céder son fonds de commerce et qu'elle n'a pas donné suite au projet de bail du 13 mai 2015 en raison de nouveaux manquements de l'appelante dénoncés par les autres occupants de l'immeuble. L'intimée fait valoir le constat d'huissier du 9 décembre 2014 en soulignant que ce constat a été établi en présence de l'appelante, qui avait la faculté de formuler des observations.



Contrairement à ce que soutient l'appelante, c'est par une exacte interprétation du titre exécutoire que le premier juge a retenu que l'ordonnance de référé du 11 septembre 2014 ne subordonnait pas l'acquisition de la clause résolutoire et l'expulsion du preneur à la caractérisation de l'existence de nuisances liées à des préparations culinaires odorantes par une décision de justice, que les procès-verbaux de constat d'huissier des 1er et 9 décembre 2014, régulièrement dressés en présence de témoins et de Mme [K]-[R], établissaient l'existence d'odeurs de cuisine dans le hall de l'immeuble et les parties communes de la cave ne pouvant provenir d'autres lieux que du local en sous-sol occupé par l'appelante et transformé par elle en cuisine.



Ainsi que le soutient à juste titre l'intimée, le premier juge a, à bon droit, estimé que la procédure d'expulsion était poursuivie en vertu d'un titre exécutoire valable, était régulière et ne pouvait être considérée comme abusive ou disproportionnée, dès lors que de longs délais avaient été laissés de fait à la locataire afin de céder son fonds de commerce et qu'il importait peu qu'un nouveau bail ait été conclu à de nouvelles conditions avec un autre restaurateur après l'expulsion de Mme [K]-[R].



Contrairement à ce que soutient Mme [K]-[R], les dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, relatif à la compétence du juge de l'exécution, ne sauraient être interprétées comme autorisant le juge de l'exécution à indemniser un locataire régulièrement expulsé indépendamment de la démonstration d'une faute ou d'un abus imputable au créancier. La mesure d'expulsion concernant Mme [K]-[R] étant régulière et non abusive, la demande de dommages-intérêts de celle-ci sera rejetée.



Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.



Succombant, Mme [K]-[R] sera condamnée aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



L'équité justifie que Mme [K]-[R] soit condamnée à payer à la Chancellerie des universités de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



Déclare recevables l'appel et les demandes de Mme [K]-[R] ;



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;



Rejette toutes autres demandes ;



Y ajoutant,



Condamne Mme [K]-[R] aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile';



Condamne Mme [K]-[R] à verser à la Chancellerie des universités de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La greffière La présidente

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