17 octobre 2019
Cour d'appel de Versailles
RG n° 18/00673

16e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78H



16e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 OCTOBRE 2019



N° RG 18/00673 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SELD



AFFAIRE :



[T] [F]



C/



Société CRCAM D'AQUITAINE



Florent HUNSENGER de la SCP HUNSINGER

en sa qualité d'administrateur judiciaire de Monsieur [T] [F]



Monsieur [W] [Y]

En sa qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [T] [F]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Décembre 2017 par le Tribunal d'Instance de COURBEVOIE

N° RG : 11-17-0538



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 17/10/2019

à :



Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,



La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, après prorogation, dans l'affaire entre :





Monsieur [T] [F]

né le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 11] ([Localité 11])

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 8]



Représentant : Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 347 - N° du dossier S180057 - Représentant Me Fiona BOURDON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0169





APPELANT

****************



CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL D'AQUITAINE (CRCAM D'AQUITAINE)

N° Siret : 434 651 246

[Adresse 1]

[Localité 5]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentant : Me Véronique DURAND de l'AARPI DURAND & ROUX, ASSOCIÉS, A.A.R.P.I., Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 746 - Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20180089



INTIMÉE

****************



Maître Florent HUNSINGER

SCP HUNSINGER

En sa qualité d'administrateur judiciaire de Monsieur [T] [F]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]



Monsieur [W] [Y]

SCP MONTRAVERS [Y]

En sa qualité de mandataire judiciaire de Monsieur [T] [F]

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représentant : Me Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 347



PARTIES INTERVENANTES





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Janvier 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Patricia GRASSO, Président,

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,





Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,








FAITS ET PROCÉDURE



Par requête du 20 septembre 2016, présentée au tribunal d'instance de Courbevoie, la Caisse Régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine (CRCAMA) a demandé la convocation de M. [F] aux fins de voir procéder à une tentative de conciliation et à défaut, d'être autorisée à former une saisie des rémunérations perçues de l'employeur, la société KDI Export, pour sûreté et paiement de la somme de 277.036,65 € en principal et accessoires, sur le fondement d'un acte authentique de prêt.

Par jugement rendu le 20 décembre 2017, le tribunal d'instance de Courbevoie a :


autorisé la saisie des rémunérations de M. [F] auprès de son employeur au profit de la CRCAMA sur les montants suivants ;


+pour le prêt n 00072822445 : sur la somme de 58.822,55 € ( au 11 mai 2018, CRCAM indique somme totale de 57.685,39 € avec intérêts et ind., et au 20 /07/14 date DDT :57.011,43 €

+pour le prêt n 36443501002 : sur la somme de 240.906,42 € (capital restant dû au 27 juillet 2016 : 196.823,21 € , alors que TA remis après scission du prêt : au 20/07/2014 =194.775,56 € )


dit qu'en application de l'article L. 3252-13 du code du travail, les intérêts sont réduits à zéro à compter de l'autorisation de saisie ;

ordonné l'exécution provisoire ;

rejeté toute autre demande ;

mis les dépens de l'instance à la charge de M. [F].


 

Le 30 janvier 2018, M. [F] a interjeté appel de la décision.





Le 17 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. [T] [F] exerçant alors l'activité de loueur en meublé professionnel à la suite d'une inscription au RCS remontant au 5 juin 2017.


Dans ses dernières conclusions transmises le 29 novembre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [F], appelant, assisté de ses représentants légaux à la procédure de redressement judiciaire, Me Florent Hunsiger, administrateur judiciaire, et Me [W] [Y], mandataire judiciaire,  demande à la cour de :


infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a considéré que le Crédit Agricole justifiait d'un titre exécutoire au titre de prêt n 00072822445 ;

infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a considéré que le Crédit Agricole rapportait la preuve de mises en demeure préalables et de la déchéance du terme ;

infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a considéré que le taux de période et la durée de la période étaient mentionnés ;

infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a considéré que les frais d'acte notarié avaient été justement intégrés au TEG ;

infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a rejeté l'action en nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels et en déchéance du droit aux intérêts;

infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a considéré que la banque justifiait d'une créance exigible ;

infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a débouté Monsieur [F] de ses demandes tendant à la réduction de la créance réclamée par le Crédit Agricole ;

infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;

infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a condamné M. [F] aux entiers dépens.

Infirmer la décision du 20 décembre 2017 en ce qu'elle a débouté M. [F] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.


Et statuant à nouveau,


constater l'absence d'offre de prêt et d'avenant signé et donc de titre exécutoire au titre de prêt n 00072822445 et de preuve en tout état de cause de l'existence de ce prêt ;

constater l'absence de fixation d'un taux d'intérêt et d'un TEG au titre du prêt et de l'avenant n 00072822445 ;

constater en tout état de cause les irrégularités de TEG et de coût total du crédit au titre des deux prêts ;









constater que Monsieur [F] avait versé une somme supérieure à celle du montant du capital exigible au jour de la soit-disant déchéance du terme ;

constater que les déchéances du terme n'ont pas été valablement prononcées ;


En conséquence,

À titre principal,


prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels des prêts litigieux ;

prononcer, pour chacun des prêts, la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date du jugement à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû ;

enjoindre au Crédit Agricole sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement à intervenir, de produire un nouveau décompte se sa créance au titre de chacun des prêts, prenant en compte la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel et cette imputation sur le capital restant dû ;


À titre subsidiaire,


prononcer pour chacun des prêts, la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal et ordonner l'imputation des intérêts indûment perçus jusqu'à la date du jugement à intervenir, déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû ;

enjoindre, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement à intervenir, au Crédit Agricole de produire un nouveau décompte de sa créance, prenant en compte cette déchéance du droit aux intérêts et cette imputation sur le capital restant dû.


En tout état de cause,


débouter le Crédit agricole de l'intégralité de ses demandes relatives à la mesure de saisie ;

débouter en tout état de cause le Crédit agricole de l'intégralité de ses demandes au titre des intérêts contractuels au taux de 4%, des intérêts de retard et de l'indemnité de recouvrement au titre du prêt n 00072822445 dans le cadre de la fixation au passif ;

débouter en tout état de cause le Crédit Agricole de l'intégralité de ses demandes au titre des intérêts contractuels au taux de 4%, des intérêts de retard et de l'indemnité de recouvrement au titre du prêt n 036443501002 dans le cadre de la fixation au passif ;

débouter le Crédit agricole de l'intégralité de ses demandes au titre des frais de procédure ;

annuler tous les actes de procédure subséquents à la requête ;









condamner le Crédit agricole à verser à M.[F] la somme de 5.000 € ( à Monsieur [O]) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

condamner le Crédit Agricole, aux entiers dépens, en application de l'article 699 du code de procédure civile.


Au soutien de ses demandes, M. [F] fait valoir :


que la mesure de saisie est nulle du fait de l'absence d'un titre exécutoire pour le prêt de 70.350 € , de l'inexistence d' une mise en demeure préalable et d'une déchéance du terme, de sorte que la créance de la CRAMA n'est pas exigible, du fait des irrégularités affectant le taux effectif global et le calcul du coût total du crédit en raison de l'absence des mentions relatives au taux et à la durée de la période dans les contrat de prêts et de l'absence de prise en compte des frais de garantie de l'un des prêts ;

que par conséquent, la stipulation relative aux intérêts conventionnels est nulle de sorte que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels doit être prononcée et le montant de la dette de M. [F] être diminué du montant des intérêts trop perçus et augmenté des intérêts au taux légal.


Dans ses conclusions récapitulatives transmises le 11 janvier 2019, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SAC CRCAM d'Aquitaine, intimée, demande à la cour de :

À titre principal,


dire et juger que l'arrêt à intervenir sera commun et opposable à Me Florent Hunsinger, es- qualité d'administrateur judiciaire et Me [W] [Y] es qualité de mandataire judiciaire,

confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Courbevoie du 20 décembre 2017 en toutes ses dispositions, sauf à actualiser le montant des sommes objet de la saisie de la façon suivante :


Pour le prêt n 00072822445 : la somme de 61.591,98 € décomposée comme suit :


capital 49.621,00 €

intérêts contractuels aux taux de 4% : 11.568,06 €

intérêts de retard : 402,92 €

indemnités de recouvrement : mémoire










Pour le prêt n 36443501002 : la somme totale de 250.171, 94 € décomposée comme suit :


capital 195. 801,09 €

intérêts contractuels au taux de 4% : 52.419,35 €

intérêts de retard : 1.951,50 €

indemnités de recouvrement: mémoire


Soit un total de : 311.763,92 €


fixer en conséquence ces sommes au passif du redressement judiciaire de M. [F] ;

condamner M. [F] au paiement de 6.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

fixer cette somme au passif du redressement judiciaire de M. [F] ; 


À titre subsidiaire, 


débouter M. [F] de ses demandes d'astreintes ;

dire et juger que le taux d'intérêt applicable ne saurait être inférieur au taux d'intérêt légal ;

débouter M. [F] de sa demande de délais de paiement et de sa demande d'application du taux d'intérêt légal non majoré sur les sommes éventuellement reportées au titre du trop-perçu relatifs aux intérêts conventionnels ;


En tout état de cause,


débouter M. [F] de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

condamner M. [F] au paiement de la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile  ainsi qu'en tous dépens, dont distraction au profit de Me Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

fixer toute condamnation au profit de la CRCAM d'Aquitaine au passif du redressement judiciaire de M. [F].


 

Au soutien de ses demandes, la CRCAM d'Aquitaine fait valoir :


que la mesure de saisie est valable en ce qu'elle repose sur l'acte authentique de prêt du 18 octobre 2006 ; que ce prêt a été souscrit pour un montant initial de 340.643 € sur une durée de 240 mois et a ensuite été scindé en deux prêts distincts d'un montant de 270.113 € et de 70.350 € ; que la saisie est valable en ce qu'elle repose sur une créance exigible, la déchéance du terme ayant été signifiée à M. [F] le 3 septembre 2014 à la suite d'incidents de paiement répétés ; qu' il n'existe pas d'irrégularités affectant le taux effectif global et le calcul du coût total du crédit ;





que si le code de la consommation prévoit l'obligation de mentionner le taux et la durée de la période, il n'est prévu aucune sanction en cas d'absence de ces éléments ; que dès lors, seule pourrait être éventuellement encourue la déchéance des droits aux intérêts contractuels si une irrégularité entachant le taux effectif global était reconnue ;

que la demande d'octroi d'un délai de paiement formulée par l'appelant n'est pas justifiée, ce dernier n'ayant pas fait preuve de bonne foi dans l'exécution de ses obligations contractuelles et sa situation financière étant loin d'être négligeable.


 

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 janvier 2019.



L'audience de plaidoirie a été fixée au 17 janvier 2019.




MOTIFS DE LA DECISION

A titre préliminaire, il est précisé que le présent arrêt sera déclaré commun et opposable, à Me Florent Hunsinger, en sa qualité d'administrateur judiciaire, et à Me [W] [Y] en qualité de mandataire judiciaire de M. [F].



Sur l'existence d'un titre exécutoire au titre du prêt de 70.350 €

L'offre de prêt qui a fait l'objet de l'acte notarié du 18 octobre 2016 comprenait deux prêts : un prêt relais in fine de 77.056 € (n 4435011001) qui a été intégralement remboursé et qui est donc écarté des débats, et un prêt n 443501002 de 340.643 € . M. [F] critique l'admission par le premier juge d'une scission, postérieure à l'acte authentique, du prêt de 340.643 € en deux contrats distincts, au motif que la date de déblocage d'une partie des fonds correspondant au prêt de 2006 a été repoussée à concurrence de 70.350 € au 5 juillet 2010, les fonds n'ayant été libérés sur le prêt de 2006 qu'à hauteur de 270.113 €  le 22 septembre 2006, du fait d'un dépassement d'un délai de déblocage des fonds dus au retard pris par la construction la construction en VEFA de la maison de Pont de l'Arn .

Le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 29 juillet 2016 fait état au 27 juillet 2016 d'un capital restant dû de 196.823,21 € au titre du premier prêt, et 56.225,30 € au titre du second prêt. L'avenant au contrat de prêt authentique afférent à la tranche de prêt débloquée en 2010 , et les deux tableaux d'amortissement correspondant au prêt de 340.643 € et à la tranche de 70.350 € libérée en juillet 2010, ont bien été établis au nom de M. [F], lui ont été notifiés et ont été signés par lui : l'emprunteur ne conteste pas l'appel de mensualités réduites à proportion du premier déblocage de fonds pour le premier prêt; pour le second prêt, la SA CRCAM d'Aquitaine a communiqué en cours de procédure l'exemplaire en sa possession de l'avenant signé au prêt notarié correspondant à la somme de 70.350 € débloquée en juillet 2010. 



M. [F] ne saurait donc prétendre à l'inexistence du titre exécutoire, correspondant à la seconde tranche du prêt authentique à l'euro près.

 

Sur la déchéance du terme des deux prêts

La cour relève qu'à deux reprises, en septembre 2014, le Crédit Agricole a écrit à M. [F] par lettres recommandées avec avis de réception en des termes non équivoques :


un premier courrier du 2 septembre, reçu le 3 septembre par M. [F], constate qu'une proposition d'apurement en attente de la réalisation par le client d'une vente n'a pas été respectée, et met expressément en demeure M. [F] de régulariser l'intégralité des retards sous quinzaine. Rappelant qu'en cas de non-paiement à échéance des mensualités de remboursement d'emprunt, les dispositions contractuelles permettent au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme, qui interviendra de plein droit à défaut de régularisation dans le délai de quinzaine imparti, la SA CRCAM d'Aquitaine précise que la déchéance du terme sera prononcée 'sans autre avis de sa part' et attire l'attention de son client sur le caractère exigible de l'intégralité des sommes dues, lesquelles sont susceptibles de faire l'objet d'un recouvrement par voie judiciaire. Cette correspondance constitue une mise en demeure suffisante, et la déchéance du terme doit être considérée comme intervenue quinze jours après, soit le 17 septembre 2014 ;

par un second courrier reçu le 20 septembre 2014, la société CRCAM d'Aquitaine a indiqué à M. [F] qu'en l'absence de régularisation de sa situation, une procédure de saisie immobilière sur deux de ses immeubles était engagée, pour le paiement des trois prêts, n  00078384734, n 00072822445 et n 36443501002, les deux derniers étant les deux litigieux.


Le tribunal d'instance a justement constaté que la déchéance du terme avait été valablement provoquée pour des échéances impayées à compter du 5 mai 2014 sur les prêts en cause, étant relevé qu'une erreur matérielle sur la numérotation des trois prêts inclus dans la mise en demeure a conduit le premier juge à indiquer que le 'prêt initial scindé en deux'était composé du prêt 22445 et du prêt 84734, alors que ce prêt avait en réalité été divisé entre les deux prêts n 0072822445 et 364435001002.

Ces deux courriers sont dénués de toute ambiguïté quant à leur contenu et leurs conséquences.

M. [F] verra donc rejeter sa contestation de l'exigibilité des sommes dues.



Sur les irrégularités affectant le taux effectif global et le calcul du coût total du crédit



L'indication du caractère mensuel des échéances du prêt suffit à tenir lieu d'indication de la durée de la période, qui ne peut dans ce cas être que d'un mois.



S'agissant du taux de la période, dont la mention est exigée par l'article R.313-1 du code de la consommation sur le taux effectif global applicable à la date de leur conclusion au premier prêt authentique 18 octobre 2006 et à ses avenants le scindant en deux prêts immobiliers distincts, la cour retient, après examen des contrats, que le prêt initial de 2006 ne mentionnait pas ce taux de période, tandis que le second prêt litigieux apparaît porter ce taux, élément du taux effectif global calculé selon la méthode proportionnelle applicable aux prêts immobiliers, à 0,3333% , soit au douzième du taux conventionnel indiqué. Or le taux effectif global réel ne peut être assimilé au taux d'intérêts conventionnel, puisqu'il englobe, conformément à l'article L 314-1 du code de la consommation, tous les frais supportés par l'emprunteur au sens de ce texte ainsi rédigé :

'pour la détermination du taux effectif global du prêt,....., sont ajoutés aux intérêts les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature directs ou indirects, supportés par l'emprunteur et connus du prêteur à la date de l'émission de l'offre de crédit ou de l'avenant au contrat de crédit ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit...'

Quant au TEG lui-même, alors qu'il était stipulé dans le prêt initial de 340.643 € à 4,7808% comprenant outre le montant des intérêts du prêt (165.700,15 € ),le coût de l'assurance décès-invalidité obligatoire (28.612,80 € ), l'évaluation des frais d'actes notarié (5.447,14 € ) ce qui menait à un coût total du crédit de 199.760,09 € , il n'était pas rappelé dans la seconde offre de prêt datée et signée par M. [F] le 21 juillet 2010. Le TEG doit être réputé absent de ce contrat de prêt.

Il y a lieu d'ajouter que le montant du premier prêt n 36443501002, n'apparaît pas avoir fait l'objet d'une modification expresse de son montant, constatée seulement par le biais d'un nouveau tableau d'amortissement du premier prêt, ce qui invalide les mentions initiales du taux effectif global calculé sur un emprunt de 340.643 € , l'emprunteur n'étant pas informé du taux effectif global du premier prêt après réduction de son montant;

Les deux TEG des prêts litigieux apparaissent donc l'un erroné, l'autre absent. 

Sans qu'il y ait lieu de se pencher sur la prise en considération ou non dans le TEG des frais de garantie, la cour dispose en conséquence des éléments suffisants pour prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels aux deux offres de prêt concernées.

Il n'apparaît pas à l'examen des relevés de ses règlements depuis le début des prêts que M. [F] ait, ainsi qu'il l'affirme, réglé une somme plus importante que celle due au titre du capital des prêts : il est ainsi démontré que l'emprunteur a réglé depuis le début du prêt n  3644351002 une somme de 80.117,36 € en principal sur un montant du à ce jour en capital de 195.801,09 € au 11 octobre 2014, et a payé au titre du prêt n 00072822445 une somme de 19.759,94 € en principal, le montant restant du en capital étant de 50.590,06 €.









Sur les prétentions de la banque aux intérêts de retard supplémentaires et à une indemnité de recouvrement

Les frais de procédure ont été exposés par la banque d'abord au titre des capitaux restant dus sur les deux prêts : la condamnation prononcée par le jugement entrepris à hauteur d'une somme de 1.185,22 € est confirmée.

Compte tenu de la déchéance des intérêts prononcée, et de l'irrégularité des offres de prêt, les demandes relatives aux intérêts de retard contractuels et à l'indemnité de recouvrement ne peuvent qu'être rejetées.



Sur la demande de délais de paiement



M. [F] déclare avoir mis en vente depuis trois ans déjà l'immeuble de [Adresse 10], à un prix qui ne correspond pas à celui du marché, puisque celui-ci n'est toujours pas vendu.

Par ailleurs M. [F] dispose d'une situation professionnelle aisée, puisqu'il exerce actuellement à [Localité 9] une activité de directeur commercial dela société KDI Export, au salaire de 7.173,41 € nets par mois, auxquels s'ajoutent le règlement de frais de mission et d'une prime de résultat de 22.066 € , ce qui élève ses ressources mensuelles moyennes pour l'année 2017 à 13.342 € par mois. Il n'aurait pourtant réalisé depuis le jugement entrepris autorisant la saisie de ses rémunérations, que deux règlements complémentaires, soit 539,69 € le 27 novembre 2017, et 429,37 € le 23 février 2018.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. [F] qui serait en mesure de prendre toutes dispositions pour rembourser le prêteur de deniers, n'a pas présenté de propositions raisonnable de remboursement échelonné, même dans les plus larges délais de l'article 343-5 du code civil.



Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de délais de règlement.



Sur les demandes accessoires



Il n'apparaît pas inéquitable au vu des circonstances de la cause et des situations économiques respectives des parties, de laisser à chacune d'elles la charge de ses frais irrépétibles de procédure.

Demeurant débiteur à l'égard de la CRCAM d'Aquitaine, M. [F] supportera les dépens d'appel comme de première instance.









PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort 



CONFIRME la décision entreprise sauf en ce qu'elle a considéré que les règles relatives au taux effectif global ayant été respectées lors de la conclusion des deux prêts, il n'y avait pas lieu à déchéance des intérêts, et en ce qu'elle a fait droit aux demandes relatives aux intérêts contractuels, aux intérêts de retard et aux indemnités de recouvrement ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs, 

DIT que le capital restant dû au titre des deux prêts n 36443501002 et n 00072822445 est respectivement de 195.801,09 € et de 50.590,06 € , dont devront être déduits les deux acomptes récemment payés par M. [T] [F], et auxquels s'ajoutera le montant des frais de procédure tels que visés par le jugement ; 

PRONONCE pour chacun des prêts n n 00072822445 et n 36443501002, la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêteur et dit que seront substitués aux intérêts échus et à venir, les intérêts au taux légal ; 

ORDONNE la restitution par la SA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutel d'Aquitaine des intérêts indûment perçus après compensation avec les intérêts légaux échus sur le capital restant dû des deux prêts, à charge pour la SA Caisse de Crédit Agricole Mutuel d'Aquitaine de produire un nouveau décompte de sa créance prenant en considération la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et l'imputation de l'excédent de ces intérêts par rapport aux intérêts légaux sur le capital restant dû, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du présent arrêt ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

FIXE la condamnation prononcée à l'encontre de M. [T] [F] au passif du redressement judiciaire de ce dernier, intérêts au taux légal inclus ;

MET à la charge de M. [T] [F] les entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le greffier,Le président,

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