22 octobre 2019
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 17/00861

2° chambre

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2° chambre



ARRET DU 22 OCTOBRE 2019





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00861 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NA4E



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 NOVEMBRE 2016

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2015j00348



APPELANTS :



Monsieur [T] [HR] opticien

né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

ESPAGNE

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me CERESIANI avocat au Barreau d'Agen, avocat plaidant



Madame [P] [C] épouse [HR] Opticienne

née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

ESPAGNE

ESPAGNE

Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me CERESIANI avocat au Barreau d'Agen, avocat plaidant



SARL A2M

[Adresse 3]

[Localité 15]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES, SENMARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me CERESIANI, avocat au Barreau d'Agen, avocat plaidant



INTIMES :



Monsieur [O] [M]

né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Adresse 10]

Représenté par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Nicolas MUNCK, avocat au barreau de Toulouse, avocat plaidant



SARL VISTA

[Adresse 7]

[Localité 15]

Représenté par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Nicolas MUNCK, avocat au barreau de Toulouse, avocat plaidant

au barreau de MONTPELLIER



SARL CLEO prise en la personne de son repésentant légal en exercice domicilié audit siège en cetre qualité

[Adresse 16]

[Adresse 16]

Représenté par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Nicolas MUNCK, avocat au barreau de Toulouse, avocat plaidant



SAS OCLE

[Adresse 7]

[Localité 15]

Représenté par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Nicolas MUNCK, avocat au barreau de Toulouse, avocat plaidant



EURL LM INVESTISSEMENT

[Adresse 9]

[Adresse 10]

Représenté par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE de la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assisté de Me Nicolas MUNCK, avocat au barreau de Toulouse, avocat plaidant



ORDONNANCE DE CLOTURE DU 29 Août 2019



COMPOSITION DE LA COUR :



En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 SEPTEMBRE 2019, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :



Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

qui en ont délibéré.



Greffier, lors des débats : Madame Sylvia TORRES





ARRET :



- Contradictoire



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;



- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Sylvia TORRES, Greffier.




FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES

PARTIES :



Une SARL Vista, société au capital de 7500 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 30 juillet 2010 et ayant pour objet la prise de participation dans toutes sociétés, entreprises civiles, commerciales, industrielles, la gestion des titres lui appartenant et la réalisation de toute prestation commerciale, d'assistance administrative, comptable, juridique ou informatique, pour le compte de sociétés filiales, a été constituée entre [T] [HR], [P] [C] épouse [HR] et la SARL LM Investissement, dont [O] [M] était l'associé unique ; la société LM investissement détenait

50 % du capital social de la société Vista, tandis que M. et Mme [HR] détenaient, chacun, 25 %.



La SARL Cleo, société au capital de 451 700 euros et ayant pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce d'optique et de lunetterie à l'enseigne

« [11] » situé centre commercial Carrefour à Claira (Pyrénées-Orientales) était détenue à 100 % par la société Vista ; celle-ci détenait également à 100 % la SAS Ocle, société au capital de 440 000 euros exploitant un fonds de commerce d'optique et de lunetterie dans deux établissements, également à l'enseigne « [11] », l'un, [Adresse 8] (Pyrénées-Orientales), l'autre dans le centre commercial Casino à [Localité 12] (Pyrénées-Orientales).



[T] [HR] était le dirigeant des sociétés Cleo et Ocle et salarié, comme son épouse, en tant que cadre administratif, de la société Vista ; cette dernière était liée avec chacune de ses filiales par une convention de management aux termes de laquelle elle était investie d'un rôle d'animation dans le cadre d'une politique cohérente et commune de développement du groupe et chargée à ce titre de fournir à sa filiale des prestations de management (direction générale, développement commercial, supervision de la stratégie financière), en contrepartie d'une rémunération fixée à 12 % du chiffre d'affaires hors-taxes par mois, dans la limite d'un maximum de 7500 euros hors-taxes par mois.



Une SARL A2M, dont M. et Mme [HR] étaient les associés à 50 % chacun, a été immatriculée, le 23 février 2012, au registre du commerce et des sociétés en vue de l'exploitation d'un fonds de commerce d'optique et lunetterie dans trois établissements situés à [Localité 15], respectivement, 1, place de la république, centre commercial « porte d'Espagne » et zone polygone Nord 193, avenue du Languedoc.



Le 15 mars 2013, le commissaire aux comptes, M. [H], a refusé de certifier les comptes de la société Ocle arrêtés au 31 décembre 2011 en raison de certaines incertitudes relevées lors de ses contrôles (provision pour créances douteuses susceptibles d'être remises en cause par l'administration fiscale, écart de 107 397 euros entre le compte fournisseur « [11] » dans la comptabilité de la société et le compte client de ce fournisseur, absence de rémunération de l'avance de trésorerie de 75 899 euros consentie par la société Ocle à la société Vista et de l'avance de trésorerie de 273 626 euros consentie par la société Ocle à la société Cleo)



Par deux jugements du 27 mars 2013, le tribunal de commerce de Perpignan, sur déclaration de cessation des paiements de M. [HR], a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard des sociétés Cleo et Ocle et par deux nouveaux jugements du 19 mars 2014, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de chacune des sociétés, M. [R] étant nommé en qualité de commissaire à l'exécution du plan et Mme [L] maintenue en qualité de mandataire judiciaire le temps nécessaire à la vérification et à l'établissement définitif de l'état des créances.



Par un jugement du 2 mai 2013, le tribunal de commerce de Perpignan a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Vista et par un nouveau jugement du 19 mars 2014, il a arrêté le plan de sauvegarde de cette société.



Entre-temps, le commissaire aux comptes de la société Ocle a, le 28 janvier 2014, refusé de certifier les comptes de la société arrêtés au 31 décembre 2012 en l'état de diverses anomalies (provision pour créances douteuses de 15 582 euros susceptible d'être remise en cause, écarts sur plusieurs comptes clients pour un total de 11 593 euros par rapport aux justificatifs collectés, absence de justification du solde de caisse de 12 037 euros, défaut de comptabilisation de la provision pour congés de l'établissement de [Localité 12] pour 15 573 euros, écart de 62 381 euros sur le compte fournisseur « [11] » par rapport aux justificatifs collectés, incertitude d'une créance de 296 627 euros sur la société Cleo en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, écart de 40 423 euros sur les redevances de management dues à la société Vista et existence d'un compte courant de M. [HR] débiteur à la clôture de l'exercice à hauteur de 18 186 euros).



Quant aux comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2013, le commissaire aux comptes a également refusé de les certifier dans un rapport établi le 15 décembre 2014 en raison de plusieurs anomalies, la plupart identiques à celles précédemment relevées (provision pour créances douteuses de 15 582 euros susceptible d'être remise en cause, défaut de justification du solde de caisse de 13 804 euros, incohérences multiples entre les soldes comptables des comptes bancaires et les informations obtenues par ailleurs, écarts entre la déclaration de créances définitives et les dettes comptabilisées pour un montant de 66 755 euros, écarts sur le compte fournisseur « [11] » par rapport aux justificatifs collectés à hauteur de 137 131 euros, incertitude d'une créance de 349 834 euros sur la société Cleo n'ayant fait l'objet d'aucune provision, écart de 28 705 euros sur les redevances de management dues à la société Vista, existence d'un compte courant de M. [HR] débiteur de 8772 euros à la clôture du compte).



Le 18 mars 2015, par deux délibérations de l'associé unique, M. [HR] a été révoqué de ses fonctions de gérant de la société Cleo et de président de la société Ocle ; parmi les motifs invoqués à l'appui de cette décision de révocation, figuraient notamment :



- l'exercice d'une activité concurrente réalisée au sein de la société A2M, qu'il contrôle en totalité avec son épouse et qui exploite deux magasins d'optique,

- l'existence de nombreuses opérations pouvant être qualifiées de conventions réglementées ou de conventions interdites réalisées à l'insu de l'associé unique,

- l'utilisation par la société A2M d'une meuleuse à verre de marque Weco, prise en crédit-bail par la société Ocle,

- l'affectation d'une salariée de la société Ocle (Mme [Z]) dans les locaux de la société A2M, ainsi que du salarié (M. [J]) travaillant sur la meuleuse à verre,

- la commande de chiffonnettes à destination des clients, comportant une publicité concernant l'ensemble des magasins détenus tant par les sociétés du groupe Vista que par la société A2M, créant ainsi une confusion notable à l'égard des clients des sociétés du groupe Vista.



La société Vista a, par ailleurs, notifié à M. et Mme [HR] leur licenciement pour faute grave par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 28 mai 2015.



Par exploit du 29 septembre 2015, la société Vista a fait assigner la société A2M, ainsi que M. et Mme [HR] devant le tribunal de commerce de Perpignan en vue d'obtenir leur condamnation solidaire, sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil, au paiement de la somme de 944 200 euros en réparation de ses divers préjudices (détournement de matériels, détournement de stocks, détournement d'espèces...) ; elle exposait en effet que ses deux associés, M. et Mme [HR], avaient littéralement « pillé » les sociétés Cleo et Ocle au profit de la société A2M qu'ils avaient constituée entre eux le 23 février 2012, que leurs agissements avaient eu pour conséquence de mettre en difficulté ces deux sociétés en provoquant leur état de cessation des paiements et qu'il en était résulté un préjudice financier pour l'associé unique; les défendeurs ont appelé en cause la société LM Investissement et son gérant, M. [M], tandis que les sociétés Cleo et Ocle sont intervenues volontairement à l'instance.



Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal de commerce :



- s'est déclaré compétent pour connaître du litige,

- a pris acte de l'intervention volontaire de la SAS Ocle et de la SARL Cleo,

- a dit que la société Ocle et la société Cleo ont bien intérêt à agir,

- a déclaré non prescrite l'action des sociétés Vista, Ocle et Cleo au visa des articles L. 222-23 et L. 225-24 du code de commerce et rejeté l'exception de prescription opposée par les défendeurs,

- a, avant dire-droit, ordonné une expertise, qui sera finalement confiée à M. [D], expert-comptable, à l'effet notamment d'analyser l'ensemble des documents comptables et bilans des sociétés A2M, LM Investissement, Vista, Ocle et Cleo, de dire si les stocks initiaux lors de l'achat se retrouvent en état en stock final, d'analyser et déterminer les variations et chiffrer les manque-à-gagner, d'examiner les conventions réglementées au profit de la société A2M, de déterminer les écarts de fonds de caisse des inventaires et en magasins, de déterminer les manque-à-gagner de ces écarts et de chiffrer le préjudice subi par la société Vista et les sociétés Ocle et Cleo,

- a ordonné le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure.



Par ordonnance de référé rendue le 8 février 2017, le délégataire du premier président a autorisé M. et Mme [HR] et la société A2M à interjeter appel du jugement rendu par le tribunal de commerce le 22 novembre 2016, ainsi que de l'ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises en date du 5 décembre 2016 procédant au remplacement de l'expert initialement désigné, mais a dit n'y avoir lieu à fixation de l'affaire conformément à l'article 948 du code de procédure civile.



M. et Mme [HR] et la société A2M ont donc, par déclaration reçue le 15 février 2017 au greffe de la cour, relevé appel du jugement du 22 novembre 2016 et de l'ordonnance du 5 décembre 2016 désignant M. [D] en remplacement de l'expert initialement désigné, intimant la société Vista, la société Cleo, la société Ocle, M. [M] et la société LM investissement.



Les intimés ont saisi le conseiller de la mise en état d'une requête tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel et, subsidiairement, l'irrecevabilité de l'appel ; par ordonnance rendue le 2 mai 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté ces fins de non-recevoir.



En l'état de leurs dernières conclusions déposées le 20 août 2019 via le RPVA, M. et Mme [HR], ainsi que la société A2M demandent à la cour de :



Sur la procédure :

A titre principal,

Vu les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable l'action des sociétés Ocle et Cleo à l'encontre de M. et Mme [HR] faute d'intérêt à agir distinct et personnel de la société Vista, leur employeur, et de démonstration de fautes détachables de leur contrat de travail ayant pour objet l'exécution subordonnée des conventions de management

« fees » au sein des sociétés filles Ocle et Cleo,

- déclarer irrecevable l'action de la société Vista à l'encontre de la société A2M faute d'intérêt à agir distinct et personnel des sociétés Ocle et Cleo, la société Vista ayant une activité totalement étrangère à celle de la société A2M,

Vu les dispositions de l'article L. 225-254 du code de commerce,

- déclarer irrecevable car prescrite l'action des sociétés Vista, Ocle et Cleo à leur encontre,

A titre subsidiaire,

Vu les dispositions des articles L. 141-1 et suivants du code du travail,

- s'agissant de l'action menée par les sociétés Vista, Ocle et Cleo à l'encontre des époux [HR], prononcer l'incompétence matérielle du tribunal de commerce de Perpignan et renvoyer l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Perpignan,

- s'agissant de l'action menée par les sociétés Vista, Ocle et Cleo à l'encontre de la société A2M, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du conseil de prud'hommes de Perpignan à propos de l'action menée par les sociétés Vista, Ocle et Cleo à l'encontre des époux [HR],



Sur le fond, si la cour estimait qu'il n'y avait pas de contrat de travail :

Vu les dispositions de l'article 1134 du code civil en vigueur à l'époque des faits,

- dire et juger que la société Vista n'est pas fondée à engager leur responsabilité contractuelle et ne peut donc invoquer à leur encontre aucune faute de gestion, ces derniers n'étant ni liés par une convention, ni par un mandat social à la société Vista,

Vu les dispositions de l'article 1384, alinéa 5, du code civil en vigueur à l'époque des faits,

- dire et juger que les sociétés Ocle et Cleo ne sont pas fondées à engager la responsabilité contractuelle des époux [HR] directement ou par l'intermédiaire de la société A2M, ces derniers ayant agi dans le cadre de leurs fonctions de préposés de M. [M] et de la société Vista,

Vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil en vigueur à l'époque des faits,

- débouter les sociétés Vista, Ocle et Cleo de l'ensemble de leurs demandes à leur encontre en tant :

' qu'elles n'en apportent pas la preuve en fait,

' qu'elles échouent à rapporter la preuve d'un préjudice personnel, direct et certain tant dans son principe que dans son quantum dont elles seraient les victimes,

' qu'elles échouent à faire la démonstration d'un lien de causalité entre les faits allégués et les préjudices revendiqués,



Reconventionnellement :

- condamner les sociétés Ocle et Cleo à déposer au greffe du tribunal de céans les comptes annuels des exercices 2015 et 2016, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de la décision à intervenir, dont la cour de céans se réservera la liquidation,

- ordonner une expertise de gestion portant sur l'activité des sociétés Ocle et Cleo depuis la nomination de M. [Y] comme gérant, en particulier s'agissant de l'évolution du chiffre d'affaires, de la marge, du résultat, de la trésorerie, de l'état des stocks, de la rémunération de celui-ci, du respect du plan de redressement et du détournement de clientèle et de chiffre d'affaires commis par M. [M] par l'intermédiaire de la SAS Sens,

- condamner solidairement M. [M] et la société LM Investissement à payer à M. [HR] la somme de 100 000 euros pour le préjudice d'image causé par la révocation de son poste de gérant des sociétés Ocle et Cleo,

- condamner solidairement M. [M] et la société LM Investissement à payer aux époux [HR] la somme de 50 000 euros pour le préjudice causé par la rupture brutale des pourparlers de cession de leurs parts sociales,

- condamner solidairement M. [M] et la société LM Investissement à leur payer, ensemble, la somme de 50 000 euros pour procédure abusive,



Et si la cour estimait constituées les fautes reprochées par la société Vista à leur encontre :

- accueillir l'action ut singuli des époux [HR] ès qualités d'associés de la société Vista à l'encontre de M. [M], gérant de cette dernière,



- dire et juger que M. [M] a commis des fautes dans l'exercice de son mandat de gérant de la société Vista consistant en des manquements graves à ses obligations de loyauté, de diligence, de vigilance et de contrôle des dirigeants et administrateurs des sociétés commerciales,

- condamner solidairement M. [M] et la société LM Investissement à payer à la société Vista la somme de 300 000 euros au titre des détournements commis postérieurement à la révocation de M. [HR] de son poste de gérant des sociétés Ocle et Cleo,

A titre principal,

Vu les dispositions de l'article 1384 du code civil en vigueur à l'époque des faits,

- dire et juger M. [M] seul responsable pécuniairement des fautes alléguées par les sociétés Vista, Ocle et Cleo à leur encontre, en tant que commettant,

- dire et juger qu'en cette qualité, M. [M] supportera seul l'ensemble des condamnations prononcées au profit des sociétés Vista, Ocle et Cleo sur le fondement de faits fautifs qui auraient été commis par ses préposés, les époux [HR],

A titre subsidiaire,

- dire et juger que M. [M] a commis une faute dans l'exercice de son mandat de gérant inamovible de la société Vista et de gérant de fait des sociétés Ocle et Cleo consistant en un manquement aux obligations de loyauté, de diligence, de vigilance et de contrôle des dirigeants et administrateurs des sociétés commerciales et à la convention de management « fees »,

- au stade de l'obligation à la dette, dire et juger que M. [M] sera tenu in solidum de toutes condamnation prononcées à leur encontre au profit des sociétés Vista, Ocle et Cleo,

- fixer à 80 % sa contribution à la dette eu égard à la répartition du capital de la société Vista et à la position dominante de M. [M], cette dernière étant de nature à accroître sa responsabilité,

En tout état de cause,

- condamner solidairement M. [M] et la société LM Investissement aux entiers dépens et à leur payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [M], la société LM Investissement, la société Vista, la société Ocle et la société Cleo de la mesure d'expertise ordonnée par le tribunal le 26 septembre 2016.



La société Vista, la société Cleo, la société Ocle, la société LM investissement et M. [M] sollicitent, pour leur part, aux termes de conclusions déposées le 27 août 2019 par le RPVA, de voir confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 22 novembre 2016, débouter M. et Mme [HR], ainsi que la société A2M de leurs demandes reconventionnelles, renvoyer les parties devant le tribunal de commerce afin qu'il soit statué sur les demandes après dépôt du rapport d'expertise et condamner in solidum les intimées à leur payer, ensemble, la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 août 2019.




MOTIFS de la DECISION :



1- la régularité de la procédure devant la cour d'appel :



En page 8 de leurs conclusions d'appel, les sociétés Vista, Ocle et Cleo demandent, si la procédure d'appel est jugée régulière, la confirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce de Perpignan ; dans le dispositif de leurs conclusions, ils ne sollicitent pas cependant que l'appel de M. et Mme [HR] soit déclaré caduc ou irrecevable, sachant que l'ordonnance rendue le 2 mai 2018 par le conseiller de la mise en état, qui n'a pas été déférée à la cour, a purgé définitivement l'irrégularité, qu'invoquaient alors les intimées, tirée de l'absence de dépôt, dans les huit jours de la déclaration d'appel, d'une requête auprès du premier président afin d'être autorisés à assigner à jour fixe, en dépit de la disposition de l'ordonnance du 8 février 2017, autorisant M. et Mme [HR] d'interjeter un appel immédiat du jugement, qui avait écarté l'application de l'article 948 du code de procédure civile.



2- les moyens de procédure invoqués par M. et Mme [HR] et la société

A2M :




l'incompétence du tribunal de commerce :




M. et Mme [HR] font valoir qu'il appartenait à la société Vista de saisir le conseil de prud'hommes dans la mesure où il n'est pas établi que les faits, qui leur sont reprochés, relèveraient de l'exercice du mandat social de M. [HR] et seraient détachables des contrats de travail les liant à la société Vista, qui avaient pour objet, sous la direction de M. [M], l'exécution des conventions de management conclus entre cette société et chacune de ses filiales ; ils ajoutent, s'agissant de Mme [HR], que celle-ci, simple salariée de la société Vista, n'était titulaire d'aucun mandat social au sein des sociétés Cleo et Ocle.



Il est constant que M. et Mme [HR] occupaient l'un et l'autre un emploi salarié de cadre administratif au sein de la société Vista et étaient plus particulièrement chargés de la mise en 'uvre des conventions de management liant cette société à ses filiales, qui incluaient en particulier la définition et le développement de la stratégie commerciale, la supervision de la stratégie financière et la recherche de financements ; si M. [HR] était parallèlement le gérant de la société Cleo et le président de la société Ocle, rien ne permet d'affirmer qu'il ne bénéficiait d'aucune indépendance dans l'exercice des mandat sociaux qui lui avaient été confiés et qu'il se trouvait en réalité placé, pour l'exercice de son activité de dirigeant social, dans un état de subordination à l'égard de la société Vista ; il ne peut dès lors, sauf à renverser la charge de la preuve, prétendre que seul le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des demandes dirigées à son encontre par la société Vista, peu important qu'il ait été concomitamment révoqué de ses mandats sociaux et licencié de son emploi de cadre administratif ; quant à Mme [HR], bien que n'étant titulaire d'aucun mandat social au sein des sociétés Cleo et Ocle, elle ne prétend pas que ces sociétés ne peuvent agir en responsabilité à son encontre à raison des fautes de gestion qu'elle aurait commises en tant que dirigeante de fait ; c'est donc à juste titre que le tribunal de commerce s'est déclaré compétent pour connaître du litige, dont il était saisi ; il n'y a pas davantage lieu de surseoir à statuer sur l'action dirigée contre la société A2M dans l'attente de la décision du conseil de prud'hommes de Perpignan, dont il n'est pas soutenu qu'il a été saisi par M. et Mme [HR] d'une action visant à contester le licenciement, dont ces derniers ont fait l'objet le 28 mai 2015.




l'intérêt à agir de la société Vista à l'encontre de la société A2M :




Il est soutenu par les appelants que la société Vista ne justifie d'aucun intérêt à agir à son encontre distinct de celui de ses filiales, qui sont les seules potentielles concurrentes de la société A2M ; pour autant, l'action engagée par la société Vista est une action en concurrence déloyale fondée sur l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code, et l'existence d'une situation de concurrence directe ou effective entre les parties ne constitue pas une condition d'exercice d'une telle action, qui suppose seulement que des faits fautifs ont été commis à l'origine d'un préjudice ; l'action de la société Vista est donc recevable.






la prescription de l'action :




La société Vista exerce à l'encontre de M. et Mme [HR] l'action sociale et l'action individuelle en réparation du préjudice personnel, dont dispose l'associé d'une société à responsabilité limitée sur le fondement de l'article L. 223-22 du code de commerce et l'associé d'une société par actions simplifiées sur le fondement de l'article L. 225-252 du même code applicable par renvoi de l'article L. 227-8 ; les sociétés Cleo et Ocle agissent sur le même fondement, permettant à la personne morale d'engager la responsabilité civile de son dirigeant en raison notamment de violations des statuts ou de fautes commises dans sa gestion ; conformément aux articles L. 223-23 et L. 225-254 du code de commerce, l'action en responsabilité contre les dirigeants se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation.



L'action de la société Vista a été introduite par exploit du 29 septembre 2015, peu important qu'aient été seulement visés les articles 1382 et suivants du code civil, dès lors que l'assignation introductive d'instance mentionne clairement comme fautes génératrices de la responsabilité de M. et Mme [HR], dirigeant de droit des sociétés Cleo et Ocle pour le premier, chargée du développement et de la gestion de ces sociétés pour la seconde, consistant en un détournement de la machine de marque Weco, un détournement de stocks de marchandises, l'affectation frauduleuse de salariés, la mise en 'uvre de conventions réglementées ou interdites et un détournement d'espèces, dont la société A2M aurait été bénéficiaire ; pour prétendre que l'action de la société Vista est prescrite depuis le 23 février 2015, les appelants font valoir que la société A2M a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 15] le 23 février 2012, que des lignes « A2M » ont été passées sur les comptes de la société Ocle les 1er août 2011, 2 août 2011, 18 août 2011, 1er août 2012 et 30 août 2012 et que les comptes des sociétés Cleo et Ocle au 31 décembre 2011 ont été validés par la société Vista en tant qu'associé unique par une assemblée générale antérieure au 29 septembre 2012.



Cependant, l'ouverture d'un compte au nom de « A2M atelier de montage » dans le grand livre auxiliaire de la société Ocle et l'existence d'écritures comptables enregistrées sur ce compte au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2011, n'est pas suffisant à établir que la société Vista a eu connaissance à une date antérieure à celle du 29 septembre 2012 des faits invoqués dans le cadre de son action en responsabilité, particulièrement en ce qui concerne le détournement, allégué, de matériel ou de stocks et l'affectation qualifiée de frauduleuse de salariés, réalisés au profit de la société A2M ; la mise à disposition de deux salariés de la société Ocle, qui faisait l'objet de factures de cette société à l'ordre de la société A2M, a d'ailleurs perduré, à tout le moins, jusqu'à fin 2014, postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et si le commissaire aux comptes de la société Ocle, M. [H], a refusé de certifier les comptes de cette société en raison de diverses anomalies, notamment l'existence d'un écart entre le compte fournisseur

« [11] » dans la comptabilité de la société et le compte client de ce fournisseur, il n'est pas établi que les rapports du commissaire aux comptes adressés au siège social, le premier en date du 15 mars 2013, aient été communiqués à la société Vista.



Il ne peut, non plus, être déduit des conventions de management liant la société Vista aux sociétés Cleo et Ocle qu'en raison des pouvoirs étendus conférés par ces conventions à la société Vista, qui disposait ainsi d'un accès élargi à l'information, celle-ci ne pouvait ignorer les faits aujourd'hui dénoncés et ce, bien avant le 19 octobre 2013, plus de trois ans avant la date à laquelle l'affaire a été plaidée devant le tribunal de commerce ; il sera simplement rappelé que ce sont M. et Mme [HR] qui, salariés de la société Vista en tant que cadres administratifs, étaient précisément chargés de la mise en 'uvre de ces conventions de management.



Les sociétés Cleo et Oclo sont intervenues volontairement devant le tribunal de commerce par voie de conclusions, développées oralement à l'audience du 18 octobre 2016 aux termes desquelles elles se sont associées à l'action en responsabilité de la société Vista à l'encontre de M. et Mme [HR], invoquant alors comme fondement juridique les articles L. 223-22 et L. 225-252 du code de commerce ; aucun élément pertinent n'est toutefois fourni permettant d'établir que les faits dénoncés par ces sociétés par voie de conclusions développées le 18 octobre 2016 devant le tribunal de commerce leur avaient été révélés à une date antérieure au 19 octobre 2013 et que leur action est donc prescrite ; le rapport du commissaire aux comptes en date du 15 mars 2013, refusant de certifier les comptes de la société Ocle clos au 31 décembre 2011, s'il fait état d'un écart de 107 397 euros entre le compte fournisseur

« [11] » dans la comptabilité de la société et le compte client de ce fournisseur, n'est pas en soi suffisant à renseigner le destinataire du rapport, qui n'est autre que le dirigeant lui-même, sur l'origine de l'écart ainsi constaté et le courrier, que le commissaire aux comptes a adressé le 3 décembre 2013 au procureur de la république près le tribunal de grande instance de Perpignan, n'apporte pas, non plus, une connaissance complète des faits prétendument dommageables, ledit courrier faisant seulement état de l'existence d'un compte courant débiteur de M. [HR].



Le tribunal a donc, à juste titre, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action dirigée contre M. et Mme [HR], sachant qu'il n'est pas soutenu que l'action en concurrence déloyale engagée par les sociétés Vista, Cleo et Ocle à l'encontre de la société A2M, soumise quant à elle à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, serait irrecevable.




la recevabilité de l'action des sociétés Vista, Cleo et Ocle à l'encontre de M. et Mme [HR] en tant que préposés :




Même si elle était le commettant de M. et Mme [HR] qu'elle employait comme cadres administratifs, la société Vista, dont ces derniers étaient associés chacun à 25%, n'en est pas moins l'associé unique des sociétés Cleo et Ocle, personnes morales juridiquement distinctes ; il a été indiqué plus haut qu'en dépit de l'existence de conventions de management liant la société Vista à ses filiales, rien ne permettait d'établir que M. [HR] ne bénéficiait d'aucune indépendance dans l'exercice des mandats sociaux qui lui avaient été confiés, au point de considérer que les fautes de gestion qui lui sont reprochées, ainsi qu'à son épouse, comme dirigeants des sociétés Cleo et Ocle, ont été commises dans le cadre de leur activité salariée au service de la société Vista et devraient alors être regardées comme des fautes, non détachables des fonctions exercées, relevant de la responsabilité de la société Vista en tant que commettant sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5, du code civil devenu l'article 1242 ; les fautes, qui leur sont imputées, consistent précisément en des détournements ou des abus de biens commis au préjudice des société Cleo et Ocle, dont ils n'étaient pas les salariés ; le moyen d'irrecevabilité ainsi soulevé ne peut dès lors qu'être rejeté.




l'irrecevabilité des éléments de preuve fournis par la société Vista :




Les appelants demandent à la cour de déclarer irrecevables, en vertu de la règle selon laquelle nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, les éléments de preuve produits aux débats par la société Vista, au motif que ceux-ci consistent exclusivement en des procès-verbaux de constat d'huissier consignant des propos ou décomptes effectués par les dirigeants de la société Vista et leurs préposés, des attestations de salariés pris dans leur fonction de préposés des sociétés du groupe et des documents comptables incomplets (sic) ; outre le fait que cette demande d'irrecevabilité n'est pas récapitulée dans le dispositif des conclusions, il appartient à la juridiction commerciale d'apprécier souverainement le bien-fondé des demandes dont elle est saisie, tenant le principe de la liberté de la preuve en matière commerciale, mais sans avoir au préalable à statuer sur la recevabilité des éléments de preuve produits au soutien de ces demandes.



3-le bien-fondé des demandes principales des sociétés Vista, Cleo et Ocle :



Aux termes de l'article 146 du code de procédure civile : « Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ».




les détournements de stocks :




Les sociétés Vista, Cleo et Ocle communiquent, en premier lieu, diverses factures de fournisseurs éditées entre le 22 octobre 2012 et le 31 octobre 2013 à l'ordre du magasin « [11] » [Adresse 8] exploité par la société Ocle ou du magasin à la même enseigne exploité dans la galerie marchande du centre commercial Carrefour de Claira par la société Cleo, mais avec pour adresse de livraison des marchandises le magasin « [11] » exploité par la société A2M au [Adresse 5], dans la zone commerciale Polygone Nord ; il résulte également des attestations de salariés des sociétés du groupe Vista ([I] [B], [V] [S], [HP] [X], [U] [BC], [W] [M]), qui ne sauraient être écartées des débats au simple prétexte de l'existence d'un lien de subordination avec ces sociétés, que des montures et des lunettes étaient fréquemment transférés dans le magasin du centre commercial Auchan; les intimées produisent enfin un inventaire des stocks des deux magasins ([Adresse 8] et centre commercial Carrefour à Claira) effectué les 24 mars et 25 mars 2015 par la SCP d'huissiers de justice [R], [E] et [F] (66 000 euros + 53 179 euros), qu'ils comparent avec l'état des stocks au 31 décembre 2014 communiqué par M. [HR] à l'expert-comptable des sociétés (293 763 euros + 187 809 euros).



Pour contester les détournements ou abus de biens, qui leur sont imputés, M. et Mme [HR] font notamment valoir que l'état des stocks initial est contesté dans le cadre d'un procès les opposant, avec M. [M], à M. [N] et à la société [N] Participation, cédants des parts et actions des sociétés Cleo et Ocle à effet du 1er juillet 2010, que les dépréciations de stock n'ont jamais été effectuées d'un point de vue comptable, que les inventaires réalisés les 24 mars et 25 mars 2015 par un huissier de justice l'ont été de façon non contradictoire après la révocation de M. [HR] et par simples sondages et que la preuve n'est donc pas rapportée de ce qu'ils auraient appréhendé des marchandises et les aurait utilisées.



Pour autant, le transfert de marchandises facturées aux sociétés Cleo et Ocle, mais livrées au magasin exploité par la société A2M dans la zone commerciale Polygone Nord à [Localité 15] ou dans celui exploité dans la galerie marchande du centre commercial Auchan à [Localité 15] se trouve établi par les factures produites et les déclarations concordantes des salariés des sociétés du groupe Vista ; ces éléments, qui sont de nature à faire présumer l'existence des détournements allégués, sont suffisants pour qu'une expertise soit ordonnée afin d'en rechercher l'origine et l'importance quand bien même l'état initial des stocks au 1er juillet 2010 serait contestable, aucun inventaire, validé par les parties aux actes de cession du 15 septembre 2010, n'ayant été réalisé, et indépendamment du caractère non contradictoire et prétendument sommaire des procès-verbaux d'huissier de justice des 24 mars et 25 mars 2015.




le détournement de matériel :




Il résulte d'un procès-verbal de constat dressé le 25 mars 2015 par Me [F], huissier de justice, qu'une meuleuse à verre de marque Weco, dont la société Ocle réglait les loyers de crédit-bail à hauteur de 987,12 euros TTC par mois, se trouvait dans les locaux de la société A2M situés à [Localité 15], 193, avenue du Languedoc, dans la zone commerciale Polygone Nord ; les intimés se bornent à indiquer que cette machine se trouvait initialement dans le magasin de [Localité 12], qui a été cédé dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société Ocle, que les locaux du [Adresse 8] étant trop exigus, il a alors été décidé, en accord avec M. [M], de transporter la machine dans le magasin de la société A2M situé à [Localité 15] dans la zone Polygone Nord et qu'en toute hypothèse, la société A2M, qui mettait en 'uvre une technologie nouvelle consistant, après en avoir pris les mesures en magasin, à commander des verres déjà taillés n'ayant pas besoin d'être corrigés, n'a utilisé qu'occasionnellement la machine litigieuse, au point qu'il n'en est résulté pour les sociétés du groupe Vista aucun préjudice particulier ; c'est précisément l'expertise, ordonnée par le tribunal, qui aura vocation à déterminer l'existence d'un préjudice en rapport avec l'installation de la meuleuse à verre dans les locaux de la société A2M, alors qu'un tel matériel ne lui appartenait pas.




l'affectation de salariés des sociétés Cleo et Ocle dans les magasins exploités par la société A2M:




Un salarié de la société Ocle (Johan [J]) atteste qu'une autre salariée ([A] [Z]), qui avait été embauchée comme responsable de magasin par la société Ocle le 10 septembre 2002, travaillait en réalité au magasin [11] depuis son ouverture et que lui-même avait effectué, d'avril 2013 à avril 2015, les montages de lunettes de tous les magasins de M. et Mme [HR], précision faite que ce salarié était celui qui travaillait sur la meuleuse à verre dans le magasin Claro de la société A2M situé dans la zone commerciale Polygone Nord à [Localité 15] ; il est également produit aux débats l'attestation d'un autre salarié ([W] [M]), qui affirme avoir travaillé environ un an dans le magasin exploité par la société A2M dans la galerie marchande du centre commercial Auchan à [Localité 15].



En réponse à ce grief, les appelants exposent en substance que les salariés concernés, même s'ils travaillaient dans les locaux de la société A2M, accomplissaient leurs tâches pour le compte des sociétés Cleo et Ocle à l'exception de Mme [Z], dont les prestations étaient refacturées par la société Ocle à la société A2M ; il est ainsi communiqué diverses factures établies par la société Ocle à la société A2M relativement à la mise à disposition de Mme [Z] au cours de la période de janvier 2014 à septembre 2014.



L'objet de l'expertise est bien de déterminer le préjudice des sociétés du groupe Vista du fait de l'affectation de certains salariés dans les magasins exploités par la société A2M et notamment de rechercher si les refacturations opérées ont permis de compenser l'utilisation des salariés concernés, alors que les prétentions des intimées reposent sur des éléments précis, à savoir les attestations d'un monteur-vendeur (M. [J]) et d'une vendeuse (Mme [M]) qui affirment l'un et l'autre avoir travaillé épisodiquement pour le compte de la société A2M, le premier ajoutant qu'une autre salariée (Mme [Z]) a toujours travaillé au magasin [11] depuis son ouverture (le 2 mai 2012 d'après l'extrait K bis de la société A2M).




la mise en 'uvre de conventions règlementées ou interdites :




Les sociétés du groupe Vista soutiennent que la société A2M a facturé à la société Ocle, entre juin 2013 et décembre 2013, un service intitulé « suivi de la procédure judiciaire par Mademoiselle [G] » à hauteur de 7177,13 euros hors-taxes, que les campagnes de communication en 2012 et 2013, dont les frais avaient été réglés par les sociétés du groupe, incluaient également les magasins de la société A2M, la campagne publicitaire pour l'ouverture du magasin [11] ayant ainsi été facturée à la société Ocle, et que la société A2M a également facturé à la société Ocle des prestations de transport ou d'électricité sans aucune autorisation préalable des associés ; elles ajoutent qu'à aucun moment, les conventions auxquelles M. et Mme [HR] se réfèrent pour expliquer les irrégularités en matière de stocks, l'affectation de salariés et l'utilisation de la machine de marque Weco, n'ont été déclarées et soumises à l'approbation de l'associé unique.



Force est de constater que l'existence des facturations litigieuses n'est pas contestée, seul restant à déterminer le préjudice découlant d'éventuelles conventions intervenues entre M. [HR], en tant que dirigeant des sociétés Cleo et Ocle, et la société A2M, dont il était par ailleurs le gérant, conventions qui n'auraient pas été approuvées par l'associé unique.




le détournement d'espèces :




A cet égard, les sociétés Cleo et Ocle se réfèrent aux attestations de trois salariés (Mme [S], Mme [M], M. [K]), qui indiquent que périodiquement, et la dernière fois en février 2015, le fonds de caisse se trouvait modifié d'un jour à l'autre pour des montants anormaux, que M. et Mme [HR] avait demandé de ne plus mettre l'ordre sur les chèques reçus en règlement d'achat des clients et que des dossiers clients apparaissaient comme encaissés en n x cash ; il convient d'ajouter que le commissaire aux comptes de la société Ocle a refusé de certifier les comptes de la société au 31 décembre 2012 et au 31 décembre 2013 en raison notamment de l'absence de justification du solde de caisse de 12 037 euros en 2012 et de 13 804 euros en 2013.



Les appelants prétendent que la caisse n'a pas été rectifiée comptablement, alors qu'ils avaient pu, comme M. [M] lui-même, constaté des écarts entre les comptes fournis par M. [N] et la société [N] participation lors de la cession des titres des sociétés Cleo et Ocle, écarts dont ils avaient demandé, conjointement, l'indemnisation dans le cadre de la procédure les ayant opposés aux cédants, soit 28 728 euros s'agissant de la société Cleo et 38 221 euros s'agissant de la société Ocle.



Pour autant, les éléments ci-dessus énoncés sont de nature à justifier la mesure d'expertise ordonnée en vue de déterminer les écarts de fonds de caisse, ainsi que les manque-à-gagner liés à ces écarts.



Il résulte de ce qui précède que l'expertise, qu'a prescrite le tribunal dans son jugement du 22 novembre 2016, ne l'a pas été en vue de suppléer la carence des sociétés du groupe Vista dans l'administration de la preuve, mais se trouve justifiée par des éléments de fait suffisants, rendant plausibles les détournements et abus de biens allégués et permettant ainsi qu'une mesure d'instruction visant à les vérifier et à déterminer les préjudices encourus soit ordonnée.



Par ces motifs, substitués à ceux du premier juge, il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris ; il convient simplement d'étendre la mission de l'expert à la recherche du préjudice éventuellement subi en conséquence de l'installation de la meuleuse à verre dans les locaux de la société A2M et de l'affectation de certains des salariés des société Cleo et Ocle dans les magasins exploités par cette société.



4-les demandes reconventionnelles de M. et Mme [HR] et de la société A2M :



Il résulte de l'article 562 du code de procédure civile que l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent et que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ; l'article 568 du même code énonce que lorsque la cour d'appel est saisie d'un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou d'un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction.



Dans le cas présent, le tribunal s'est borné à se déclarer compétent pour connaître du litige, à déclarer recevable l'action des sociétés Vista, Cleo et Ocle après avoir considéré que ces sociétés avaient intérêt à agir et que leur action n'était pas prescrite, et à ordonner une expertise finalement confiée à M. [D], expert-comptable ; il n'a pas statué sur les demandes reconventionnelles de M. et Mme [HR] et de la société A2M sur lesquelles il a nécessairement sursis à statuer ; la cour estime ne pas devoir évoquer ces demandes reconventionnelles, non jugées aux termes du jugement dont appel.



5- les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :



Succombant sur leur appel, M. et Mme [HR] ainsi que la société A2M doivent être condamnés aux dépens et à payer, in solidum entre eux, à M. [M] et aux sociétés Vista, Cleo, Ocle et LM Investissement la somme de 5000 euros au titre des frais non taxables que ces derniers ont dus exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS :



La cour,



Statuant publiquement et contradictoirement,



Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 22 novembre 2016 et l'ordonnance de remplacement d'expert rendue le 5 décembre 2016 par le juge chargé du contrôle de l'expertise,



Ajoutant au jugement du 22 novembre 2016,



Dit que l'expert aura également pour mission de fournir tous éléments de fait relativement au préjudice éventuellement subi par les sociétés Cleo et Ocle en conséquence de l'installation de la meuleuse à verre dans les locaux de la société A2M et de l'affectation de certains de leurs salariés dans les magasins exploités par cette société,



Dit n'y avoir lieu à évoquer les points non jugés, relativement aux demandes reconventionnelles de M. et Mme [HR] et de la société A2M,



Condamne M. et Mme [HR] ainsi que la société A2M aux dépens d'appel et à payer, in solidum entre eux, à M. [M] et aux sociétés Vista, Cleo, Ocle et LM Investissement la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,



Le greffier, Le président,



J.L.P.

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